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INFERNO! – ANNEE 1

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique dédiée à la première année du magazine Inferno!, bimensuel lancé par la Black Library au temps de ses débuts, en l’an de grâce 1997. Il s’agit donc, et il faut le préciser d’emblée, de publications distinctes des recueils Inferno! que la même BL a commencé à éditer, à intervalles irréguliers et de plus en plus distants, à l’automne 2018. On peut d’ailleurs plus facilement comparer ces premières publications infernales au défunt et regretté Hammer & Bolter (2010-2012), qui a repris une grande partie du cahier des charges d’Inferno! en se concentrant sur les nouvelles et avec un rythme de sortie plus soutenu (mensuel). Voilà pour la contextualisation1.

1: Si la genèse d’Inferno! vous intéresse, rendez-vous ici.

Sommaire Old Inferno!_Year 1 (MIS)

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Les six numéros, pour 24 nouvelles, présentés par le menu ci-dessous forment un pan historique important de la Black Library, et plus largement, de la GW-Fiction. C’est en effet dans ces pages que certains auteurs aujourd’hui incontournables de la maison d’édition de Nottingham ont commencé leur collaboration avec cette dernière. Gavin Thorpe et l’aptemment nommé ‘Birth of a Legend‘ (‘Inferno! #2’), Dan Abnett avec ‘Gilead’s Wake‘ (‘Inferno! #3‘) et ‘Ghostmaker’ (‘Inferno! #4), ou encore Jonathan Green – même s’il est moins connu du chaland moyen qu’au début des années 2000 -, qui signe le triplé des franchises avec ‘Salvation’ (‘Inferno!’ #1‘), ‘Bad Spirits’ (‘Inferno! #2′) et ‘Dark Heart’ (‘Inferno! #5′). Mais ce premier millésime est également marqué du sceau des disparus glorieux (à voir) de la BL, qui contribuèrent lors de son premier âge et partirent vers d’autres cieux peu de temps après. Citons ici Alex Hammond et Chris Pramas (3 soumissions chacun), mais également le cas d’Andy Jones et de ses Maraudeurs de Grunsson, qui occupa le rôle de rédacteur en chef d’Inferno! et d’éditeur des premiers recueils de nouvelles de la Black Library (‘Realm of Chaos pour Warhammer Fantasy Battle,Into the Maelstrom pour 40K et Status : Deadzone pour Necromunda), dont le sommaire empruntait en bonne partie à celui du bimensuel. Enfin, soulignons aussi le retour de celui qui était déjà un grand ancien de la GW-Fiction à l’époque, l’inoxydable William King, dont ‘The Mutant Master‘ occupe la place symbolique et méritée de première nouvelle publiée dans un numéro d’Inferno!

Bienvenue donc dans cette plongée historico-littéraire et littéralement historique (on peut sans exagérer dire que l’on parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) du court format made in GW, à l’époque où le Vieux Monde avait la vie devant lui, où Necromunda était le tout nouveau jeu du moment, et où les gens s’abonnaient à des magazines de fluff romancé en format papier. Incroyable je sais.

Couverture Année 1

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The Mutant Master – W. King [WFB] – #1 :

INTRIGUE :

Après Bogenhafen, Blutdorf1. Nous retrouvons notre paire fétiche dans une situation similaire à celle de l’initial ‘Geheimnisnacht’, c’est-à-dire à pinces dans une forêt impériale assez mal famée, avec un Gotrek d’une humeur aussi massacrante que sa profession de foi et un Felix tout aussi geignard et craintif que l’on est en droit de s’y attendre. Coup de chance pour l’acariâtre à crête, ses gesticulations et beuglements impudiques finissent par attirer l’attention d’une petite troupe de mutants, à la verticalité tout aussi contrariée que celle de notre héros. Un peu déçu de sa trouvaille, Gogo massacre tout de même la cohorte en quelques moulinets de sa hache runique, histoire de se dégourdir un peu la rancune, aidé par Felix à la hauteur de ses moyens.

Une fois arrivés dans le village en question, qui s’avère être tout aussi riant que la périphérie semi-rurale de Niort ravagée par une coulée de boue toxique et survolée par des essaims de criquets cannibales écoutant du Jul à fond un jeudi soir pluvieux de Février (ambiance), nos comparses fondent sur le bar tabac local, où ils ont tôt fait d’apprendre qu’un sorcier maléfique a placé la paisible communauté sous sa coupe, et kidnappé tous les enfants de cette dernière pour s’assurer de la docilité de leurs parents. Il n’en faut pas plus pour attirer l’intérêt morbide mais professionnel du Tueur, que la perspective de se confronter à un magicien chaotique et son monstre de compagnie enchante plus qu’autre chose. Las, le boui-boui était tenu par un lointain cousin de Bill Cosby, et nos héros ne tardent pas à sombrer dans l’inconscience après avoir éclusé quelques pintes de Jupiler éventée…

Se réveillant enchaînés aux parois d’un cachot souterrain, les vigilante du Vieux Monde ne tardent pas à faire la connaissance de leur hôte, un dénommé Albericht Kruger, que Felix a la surprise de reconnaître. Les deux hommes ont en effet fait leurs classes universitaires ensemble, avant que le militantisme alter-mondialiste pour l’un et le vol de manuscrits interdits pour l’autre ne les sépare. Poursuivant des rêves mégalomaniaques d’omnipotence arcanique, Kruger s’est depuis lancé à corps (de lâche) perdu dans la recherche fondamentale, troquant son âme et sa raison pour la maîtrise revendiquée de la transmutation magique. Soit. Sa prestance de bigorneau diphtérique est toutefois renforcée par la présence de son mutant de main, une montagne de muscles décérébrée répondant au nom d’Oleg. Pendant que Gotrek fait des pieds et des mains pour desceller les anneaux le retenant au mur, Felix arrive à attirer l’attention de son copain d’avant suffisamment longtemps pour permettre au nabot de se déchaîner, d’abord au sens propre, puis au sens figuré. La bataille qui s’en suit est évidemment à sens unique, l’avorton en rut ne daignant même pas ramasser son coupe-chou pour terrasser le gorille de Kruger, qui s’enfuit piteusement dans ses quartiers…

Début spoiler…Soucieux de soigner leur réputation auprès des Blutdorfers, qui ont sans doute du stuff pas dégueu en stock pour les aventuriers amis, Felix et Gotrek décident de finir le donjon proprement avant de repartir péter la gueule à ce fourbe d’aubergiste, en occissant l’infâme Albericht et libérant ses otages. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin à travers les groupes (hordes serait un peu trop généreux) de mutants que le mage dément met sur leur route, avec des résultats mitigés, comme vous pouvez vous en douter. Blessé à mort par une dague de jet décochée par Felix (encore un point commun avec Geheimnisnacht), Kruger peut toutefois savourer une revanche post mortem, puisqu’il apprend aux héros, juste avant de gagner un stage de solo base jump (donc sans équipement, comme par exemple un parachute), que les goons qu’ils viennent de massacrer – et avant eux, la petite bande exterminée sur le chemin du village – n’étaient autres que les enfants de Blutdorf, sur lequel le sombre individu avait mené d’indicibles expériences. Comprenant que l’accueil à la salle des fêtes de Blutforf ne sera pas aussi triomphant que prévu, notre paire fait une croix sur le rang d’Exalté auprès de la populace locale, et repart vers de nouvelles aventures après avoir mis le feu à la barraque pour maquiller ses crimes.Fin spoiler

1 : Le village sanglant en bon reikspiel, tout un programme…

AVIS :

Clairement un filler dans la longue et sanglante carrière de nos compères, ‘The Mutant Master’ présente Gotrek et Felix sous un jour plutôt ennuyeux. Enfermés dans leurs rôles respectifs, et lancés sur une quête des plus simplistes, tant en termes de motivation que de déroulement, les héros de King apparaissent vidés de toute substance et intérêt dans cette péripétie des plus mineures de leur interminable saga. Peut-être faut-il y voir un début de lassitude de la part de King, qui traînait déjà ses iconiques rejetons derrière lui depuis huit ans au moment de la première publication de cette nouvelle. Seule qualité rédemptrice à mes yeux, le petit twist grimdark final, contrastant assez fortemment (et même grossièrement) avec le ridicule consommé de l’antagoniste, permet d’ancrer ce récit dans l’atmosphère particulière de Warhammer. Mais, franchement, ‘Geheimnisnacht’ faisait cela (le grimdark et le comique) beaucoup mieux que ‘The Mutant Master’. Demandez l’original !

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Salvation – J. Green [40K] – #1 :

INTRIGUE :

Salvation suit la laborieuse épopée de frère Rius (André de son prénom), Terminator de son état au sein de la première compagnie des Ultramarines. Envoyés défendre le monde de Jaroth contre un car de tyranides s’étant perdu sur la route d’Ichar IV, Rius et ses petits camarades tombent dans une embuscade tendue par des Genestealers, au cours de laquelle notre héros prend un vilain coup sur le crâne, et se réveille en conséquence totalement amnésique. Recueilli par la population indigène, Rius fera-t-il triompher son village d’adoption aux Intervilles locales, ou renouera-t-il avec son passé de meilleur de l’Empereur ?

AVIS :

Comme dit en introduction, se frotter aux descendants de Guiliman s’apparente plus un à exercice de haute voltige qu’à une promenade de santé, l’abondante littérature leur ayant été consacrée au fil du temps obligeant l’auteur chargé de cette délicate mission à se livrer à un véritable travail de recherche afin de respecter le background établi par ses prédécesseurs. Certes, le fluff des Schtroumpfs énergétiques n’était pas aussi fouillé à l’époque de l’écriture de Salvation qu’il ne l’est aujourd’hui (où l’on connaît jusqu’au nom du cousin de la belle-sœur du professeur de piano d’Uriel Ventris), mais cela n’a pas empêché Green de pêcher, par nonchalance ou ignorance crasse, comme un bleu.

C’est en effet à un festival d’approximations, de contre-sens et absurdités en tous genres que Jonathan Green se livre dans Salvation, témoignage douloureux (pour les zygomatiques et les fluffistes acharnés) de ses lacunes en matière de 41ème millénaire. Cela commence très fort dès la deuxième ligne du récit, avec la mention de « vétérans de la Première Compagnie d’Ultramar », illustres guerriers n’existant que dans la représentation confuse que se fait l’auteur du Chapitre des Ultramarines. Quelques pages plus loin, Green fait mention de « cette vieille Terre » (Old Earth), ignorant sans doute que les gens respectables parlent plutôt de Terra. L’inclusion de la nouvelle dans la chronologie de Warhammer 40.000 ne m’a également pas semblé au-dessus de tous soupçons, Rius étant présenté comme un vétéran d’Ichar IV alors que les tyranides qu’il affronte semblent plutôt appartenir à la flotte ruche Béhémoth (corps rouges/violets), annihilée 200 ans avant l’arrivée de Léviathan dans l’espace impérial. On lui laissera cependant le bénéfice du doute, d’autres critiques plus franches, et celles-là indiscutables, pouvant lui être adressées.

Car la plus grande atteinte au fluff commise par Green très peu documenté ne vient pas tant du manque de connaissances de ce dernier sur les Ultramarines, mais bien de son manque de connaissances sur les Space Marines en général, décrits par l’auteur comme de vulgaires super-soldats disposant d’un équipement de pointe, tableau ultra (haha) réducteur et sensiblement erroné de la condition d’Ange de la Mort. Par exemple, Green affirme sans broncher que la présence des Ultramarines sur le monde de Jaroth s’explique par la présence du Gauntlet of Macragge (présenté comme rien de moins que le vaisseau amiral de la flotte Ultra – inutile de préciser que c’est la seule fois où il est fait mention de ce nom dans un texte de la BL1– ) à proximité de la planète suite à une « visite de routine dans l’Est de l’Ultima Segmentum ». Et les Space Marines, bien braves, de voler à la rescousse d’un monde tribal ne faisant même pas partie de l’Imperium, et d’envoyer la crème de leurs vétérans (qui n’avaient rien d’autre à faire que de participer à cette patrouille, sans doute) castagner la Grande Dévoreuse pour sauver trois poules et deux cochons, au lieu de lui balancer un petit Exterminatus sur le coin du museau depuis la sécurité de l’orbite haute. Bref, les Ultramarines de Jonathan Green tiennent plus des casques bleus galactiques (c’est la couleur qui l’a induit en erreur je pense) que des moines-soldats cherchant avant tout à sauvegarder leur empire personnel d’une galaxie hostile et méchante.

Beaucoup plus grave, Green fait reposer son intrigue sur une aberration, que dis-je, une hérésie pure et simple, qui ne manquera pas d’arracher un sanglot de rage à tous ceux n’ayant ne serait-ce que feuilletés distraitement un Codex Space Marines au cours de leur vie. Au moment de l’embuscade qui laisse Rius amnésique, son escouade était en effet engagée dans une opération de nettoyage des dernières poches de résistance tyranides de la planète (oui, de la planète, ils avaient visiblement un peu de temps devant eux), mission perturbée comme dit plus haut par une bande de Genestealers adeptes du « coucou qui c’est ? ». Résultats des courses : l’épave de Thunderhawk qui servait de décor à l’embuscade en question explose suite à une utilisation peu finaude du lance-flammes par frère Hastus, projetant notre héros contre un arbre à l’écorce visiblement plus dure que son crâne, vus les résultats désastreux sur ses facultés mnémoniques. Le paragraphe suivant nous apprend que Rius se réveille, seul, dans la maison du couple qui l’a recueilli2 suite à sa funeste rencontre avec un tronc (Georges de son prénom), ce qui signifie (accrochez-vous) que les Ultramarines sont repartis de Jaroth sans chercher à s’enquérir du destin d’une entière escouade de Terminators, faute de quoi ils auraient fatalement retrouvés Rius, qui n’a pas dû atterrir bien loin du lieu de l’explosion.

Je veux bien que les Ultra soient un Chapitre pétés de thunes, mais de là à « oublier » cinq armures Terminators sur une planète de huitième ordre (sans parler de la valeur intrinsèque des bonhommes occupant lesdites armures : ce n’est pas comme si la Première Compagnie des Ultramarines s’était faite massacrée jusqu’au dernier pignouf quelques années plus tôt, hein), il y a une sacrée marge tout de même. Dans la catégorie relique à la valeur incommensurable, une Crux Terminatus (avec un vrai morceau de l’armure de l’Empereur dedans !) ça se pose là tout de même, alors cinq… Malheureusement pour tout le monde, et surtout pour lui, Green ne voit cependant aucun problème à faire disparaître totalement le reste des Marines de Salvation passé ce moment, ce qui donne au lecteur la furieuse envie d’emboîter le pas de ces derniers, et de tourner la page (dans tous les sens du terme) de cette piètre nouvelle.

Avec tout ça, on en oublierait presque que Green n’est pas, même lorsqu’il maîtrise un tant soit peu son sujet, un écrivain des plus intéressants, son absence de style le rendant parfait pour pondre des encadrés d’ambiance génériques dans les Codices GW, mais beaucoup moins convaincant dès qu’il s’agit de garder le lecteur en haleine plus de trois paragraphes d’affilée. Seul personnage un tant soit peu développé de Salvation, Rius (du latin rius, ce qui veut dire rillettes) pâtit particulièrement du manque d’inspiration de son créateur, et justifie à lui seul l’image de fadeur bleuâtre ayant poursuivi les Ultramarines depuis la création de Warhammer 40.000. Pour être honnête, le personnage le plus charismatique de la nouvelle reste à mes yeux, et de loin, le brave Carnifex faisant office de boss de fin, talonné de près par le Prince tyranide nain3 dézingué hors champ quelques pages plus tôt par la bleusaille en colère.

Imparfait sur le fond comme sur la forme, Salvation est la preuve irréfutable que la BL publiait vraiment n’importe quoi à ses débuts, sale habitude dont elle n’est malheureusement toujours pas guérie à l’heure actuelle. On notera pour finir que Salvation a réussi à se faire rééditer dans l’anthologie Let the Galaxy Burn (2006), présentée au moment de sa sortie comme la somme des nouvelles les plus remarquables jamais écrites pour 40K. Remarquable, oui, c’est le mot.

: On notera tout de même le fétichisme des Ultramarines (ou de leurs auteurs) en matière de « gantelets » quand on en vient au baptême de leurs vaisseaux. À l’hypothétique Gauntlet of Macragge viennent ainsi s’ajouter le Gauntlet of Victory et le Gauntlet of Glory, ce qui nous fait trois moufles et ouvre des perspectives intéressantes quant à un hypothétique « troisième bras » de Roboute Guilliman. Moi je dis que si Fulgrim s’est enquiquiné à venir égorger son frangin bien après la fin de l’Hérésie d’Horus, c’est qu’il avait ses raisons.
2 : « Chérie, j’ai une surprise pour toi ! »
« Tu m’as ramené des fleurs ? C’est trop ge- »
« Euh, non, pas exactement des fleurs. »
3 : « The hive tyrant was a truly terrifying figure to behold. The monster stood over two metres tall […] »
Sachant qu’un Space Marine normal taille dans les deux mètres cinquante, et qu’engoncé dans une armure Terminator, il frôle les trois mètres, je ne vois pas pourquoi il souillerait son slip à la vue d’un gros criquet.

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The Demon Bottle – A. Hammond [NDA] – #1 :

INTRIGUE :

Dure journée pour Sarak le (demi) Ratskin. Réveillé de bon matin (07:00) par une tentative de meurtre raciste intentée par un prêcheur Cawdor au tempérament plus incandescent que son lance-flamme – et heureusement pour notre héros –, notre ivrogne désoeuvré échappe de justesse au lynchage et s’en va se remettre de ses émotions en assouvissant son penchant coupable pour la dive bouteille. Son statut d’homme à tout faire de la colonie du sous monde où il occupe la position exaltée de marginal alcoolique lui vaut cependant de risquer à nouveau sa vie dans la même matinée, sa mission de nettoyage du conduit d’aération de son lieu de villégiature habituel passant à un cheveu du drame. C’est que la faune locale de Necromunda est autrement plus agressive et mortelle que nos bêtes grenouilles et hérissons. Cela ne fait que renforcer sa motivation d’émigrer vers le haut de la ruche, qu’il s’imagine être une sorte de Disneyland peuplé de pole dancers parfumées. Son désir d’une vie meilleure est toutefois contrarié par une rencontre pas vraiment fortuite avec les sbires d’Otto Gunta, un gros bonnet du crime local, qui souhaite instamment lui parler et n’a pas pour coutume d’attendre le bon vouloir de ses débiteurs.

Une injection de tranquilisants et un réveil difficile plus tard, Sarak se retrouve dans une position qui l’est tout autant. Gunta demande à être remboursé séance tenante, mais la valeur des possessions physiques du (demi) Ratskin ne couvre pas la moitié de son encours, même en prenant en compte la vente de son cadavre à l’usine Findus la plus proche. Qu’à cela ne tienne, les talents d’exterminateur de nuisibles de Sarak donnent une idée au parrain, dont le territoire a été envahi par une bande de mutants cannibales difficile à déloger (saleté de trève hivernale). Le poivrot n’a qu’à s’arranger pour régler son compte au chef des squatteurs, par exemple en glissant un peu d’eau de javel dans son hydroxychloroquine, et son ardoise sera effacée. Plus facile qu’à dire qu’à faire, mais sous le regard vigilant et la menace implicite du gros bras de Gunta, un (demi) cyborg nommé Lugtekk, Sarak n’a d’autres choix qu’obtempérer. Il peut heureusement compter sur les largesses de son employeur, qui lui fournit un déguisement convaincant de Scavvy ainsi qu’un cadavre frais pour la soupe de ses futurs meilleurs copains, avant de partir en mission.

Cette journée déjà riche en événements va alors prendre un tour encore plus frénétique, puisqu’après avoir réussi à gagner la confiance de ses hôtes, Sarak parvient à glisser les pilules empoisonnées de Gunta dans la bouteille de WildSnake de sa cible (Hoegas), mais est témoin du meurtre de cette dernière par un rival mécontent (Blotta). Devenu calife à la place du calife, cet infâme communiste de Blotta insiste pour que tous les membres de la tribu prennent une rasade à sa boutanche – son coup d’état n’a été causé que par l’égoïsme de Hoegas, c’est dire s’il avait soif – à commencer par Sarak. Notre héros s’exécute, espérant survivre assez longtemps pour recevoir un éventuel antidote de la part de Gunta, mais doit avant cela suivre les Scavvies dans l’attaque d’une caravane de Guilders. Le cadavre apporté par le (demi) Ratskin avait en effet une carte sur lui, assez détaillée pour donner envie à une bande de goules basses du front de fomenter une embuscade. Il s’agissait évidemment d’un piège de Gunta, dont les hommes occupent les lieux et commencent à flinguer à tout va les mutants en goguette. Comme si la situation n’était pas assez critique, Sarak finit par se rendre compte que les pilules magiques qu’il a glissé dans le pinard sont du spook, une substance psychoactive provoquant au mieux des hallucinations, au pire des possessions démoniaques. Notre héros n’étant pas dans un bon jour, c’est le deuxième cas de figure qui se produit, et le (demi) Ratskin se retrouve contraint de partager son corps avec le démon le plus chill du Warp1, ce qui est tout de même pratique pour encaisser une fusillade à bout portant sans effets secondaires désagréables, comme la mort par exemple. Sarak n’a cependant pas dit son dernier mot, et abat sa dernière carte pour faire la nique à ses bullies avant de tirer sa révérence : atteindre le Nirvana sans crier gare, ce qui met fin à la possession, et faire un gros calin au mafieux alors qu’il a été transformé en torche humaine par son infection chaotique, pour entraîner Gunta dans la tombe. Je ne sais pas si on peut lier ce décès aux dangers de l’alcoolisme, mais il y a définitivement une morale à cette histoire, si on cherche bien.

1 : Vous en connaissez beaucoup des neverborn qui appellent leur hôte « boyo » ?

AVIS :

Difficile de dire si c’était l’effet recherché par Alex Hammond lorsqu’il a écrit ‘The Demon Bottle’, mais on ressort de cette courte (9 pages) nouvelle avec un début de mal de crâne similaire à celui que pourrait causer une gueule de bois. En cause, la deuxième moitié hystérique de cette histoire, qui fait s’enchaîner les péripéties avec une frénésie digne d’un Héraut Exalté de Khorne. Ce grand final foutraque vient très largement masquer les points positifs que l’on pouvait mettre au crédit de Hammond, comme sa réflexion sur les illusions que les habitants du sous monde se font de la réalité des étages mieux famés de la ruche Prime1, ou les petites touches humoristiques que l’auteur a intégré à sa narration. Un éditeur critique aurait demandé à ce que la fin de ‘The Demon Bottle’ soit plus cohérente, ou accordé cinq pages de plus pour laisser l’intrigue respirer un peu plus, mais à l’époque farouche à laquelle ce texte a été écrit et publié, je doute que la BL disposait des ressources et de l’envie nécessaires pour soigner la qualité de ses sorties. On peut d’ailleurs toujours se poser la question aujourd’hui d’ailleurs. Dommage donc pour ‘The Demon Bottle’, que l’on peut remiser sans regret sur la pile des nouvelles médiocres de la Black Library.

1 : Sujet en partie récupéré par l’auteur pour ‘Rat in the Walls’ ceci dit.

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Grunsonn’s Marauders – A. Jones [WFB] – #1 :

INTRIGUE :

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS :

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce ‘Grunsonn’s Marauders’, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil ‘Realm of Chaos’ dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que ‘Lord of the Ringards’, ‘Bilbo the Postit’ ou encore ‘La Der des Etoiles’. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, ‘Grunsonn’s Marauders’ est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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Birth of a Legend – G. Thorpe [WFB] – #2 :

INTRIGUE :

‘Birth of a Legend’ relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que…

Début spoilerLaurent Delahousse2.Fin spoiler

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.
2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS :

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour Aenarion, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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The Black Pearl – C. Pramas [40K] – #2 :

INTRIGUE :

Fraîchement nommé Chapelain Interrogateur, Uzziel des Dark Angels emmène ses frères sur le monde exodite de Lughnasa, afin de vérifier une information obtenue du premier Déchu qu’il a capturé. Selon la confession du traître, la mythique épée du Lion, maniée par le Primarque de la première Légion au cours de la Grande Croisade, et perdue au cours de la destruction de Caliban, reposerait en effet dans un temple de cette planète.

AVIS :

Une nouvelle rythmée et assez bien construite, dans la droite lignée d’Into the Maelstrom. Comme cette dernière histoire, The Black Pearl se termine par un petit twist1 qui, sans être transcendant, conclut le récit de manière opportune et démontre que Pramas a bien intégré les codes de 40K (Praaaaa-maaaaaaaaas…ton univers impitoyaaaa-aaa-bleuh).

Reste qu’utiliser les Dark Angels comme protagonistes est un exercice périlleux, les multiples couches de secrets et de rumeurs entourant les Impardonnés obligeant l’auteur à procéder avec prudence. Malgré sa maîtrise du background (mention est faite de Moloc(h)ia, Chapelain Interrogateur détenteur du highest score en matière de confessions de Déchus), Pramas se prend les pieds dans le tapis pelucheux du fluff des Anges de la Mort à quelques reprises. Rien de très grave, je vous rassure, mais il fallait tout de même que le signale. Paradoxalement cependant, ce sont les (petites) révélations sur le passé des Dark Angels glissées par Pramas dans The Black Pearl2 qui constituent l’intérêt principal de la nouvelle. Les vieux de la vieille apprécieront aussi la présence de chevaliers dragons Exodites en tant qu’antagonistes, même si l’auteur se contente de les balancer sur les Space Marines dans une reconstitution futuriste de la charge de la brigade légère (si tant est qu’un chevaucheur de megadon puisse être considéré comme un cavalier léger) à la bataille de la Balaklava, et ne s’attarde donc guère sur la culture de ces fiers guerriers tribaux.

Honnête mais finalement assez terne, en ce qu’elle n’explore pas assez à mon goût la psyché si particulière des Dark Angels (une joyeuse bande de zélotes psychorigides et intolérants au plus haut point, à la fois arrogants à l’extrême et terrifiés à l’idée que le reste de l’Imperium apprenne leur honteux petit secret), The Black Pearl constitue une lecture assez dispensable, sauf si vous êtes un amateur inconditionnel de Lionel et de ses fistons. 

1: L’épée du Lion se révèle au final être l’épée de Luther.
2: Référence à la perle noire que les Chapelains Interrogateurs des chapitres Impardonnés ajoutent à leur Rosarius pour chaque Déchu qu’ils « convainquent » de se confesser.

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Hatred – B. Chessell [WHB] – #2 :

INTRIGUE :

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS :

‘Hatred’ s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier ‘Hatred’, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Tenebrae – M. Brendan [40K] – #2 :

INTRIGUE :

‘Tenebrae’ relate les derniers moments du gouverneur planétaire Dane Cortez, alors qu’il contemple les forces du Chaos prendre d’assaut la capitale de son monde. Seul dans sa chambre de commandement, Cortez se remémore les évènements ayant conduits à la débâcle actuelle, et assiste à l’arrivée du général des hordes chaotiques, Lord Vog des Word Bearers, sur la place centrale de la capitale. Le réquisitoire sans concession qu’il dresse de ses errements et erreurs en tant que régent de Tenebrae (le nom de la planète qu’il dirige), et la colère qu’il éprouve envers l’Imperium pour avoir abandonné cette dernière dans son heure de besoin finissent par ouvrir un portail Warp dans son sanctuaire, duquel s’extirpent une poignée de Sanguinaires en goguette. Cortez aura alors un ultime choix à faire : au nom de qui, ou de quoi, donner sa vie ?

AVIS :

Mark Brendan (dont c’est la seule contribution connue à la Black Library) signe avec Tenebrae un texte assez étrange. L’approche adoptée à beau être originale, privilégiant l’examen de conscience de Cortez à une banale scène de guerre urbaine, on ne peut s’empêcher de se demander « et alors ? » à la fin de la lecture de cette courte nouvelle (15 pages). Il ne se passe en effet pas grand-chose dans Tenebrae, si l’on met de côté les atermoiements et imprécations de notre héros, entrecoupés de quelques flashbacks explicatifs (où l’on comprend comment Cortez est arrivé à la tête de la planète, en récompense de ses bons services dans la Garde Impériale) et rapports sur l’avancée des troupes adverses dans Wormwood (la capitale de Tenebrae, tu parles d’un nom). Malgré sa bonne volonté, Brendan n’a pas le talent de Brian Craig pour tenir son lecteur en haleine de manière non-violente, ni le souci du détail d’un Abnett ou d’un Dembski-Bowden, lacunes faisant de Tenebrae une curiosité assez fade au final. Rideau.

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Gilead’s Wake – D. Abnett [WFB] – #3 :

WFB_Gilead's WakeINTRIGUE :

Kidnappé tout bébé (27 ans : les Elfes portent encore des couches à cet âge) par une bande d’infâmes truands s’étant établie à proximité de la ville de Munzing, et par conséquent du domaine familial, Gilead fait l’objet d’une demande de rançon que ses proches font mine d’accepter, mais résultant en une opération commando menée par le frère jumeau du héros, Galeth, afin de libérer l’otage. Intimement lié à son frangin (quand l’un des deux mange un tacos, l’autre massacre les toilettes), Gilead vit très mal – on peut même dire qu’il meurt un petit peu – le décès tragique de son sauveur, qui se fait carreler comme une vulgaire salle de bains par un maraud revanchard sur le chemin du retour.

10 ans plus tard, le sombre héros de l’amer est sur le point de mener au terme la vengeance dont il poursuit l’insaisissable Gibbetath depuis une décennie. Ayant découvert que ce Skaven était derrière les opérations crapuleuses de la bande de malfrats l’ayant capturé et occis son bien-aimé frangin, Gilead a écumé le Vieux Monde avec quelques compagnons (dont il ne reste plus que l’increvable Fithvael) sur les traces de cette éminence grise, démantelant son empire et massacrant ses sbires au cours d’une inexorable vendetta. Finalement, Gilead et Fithvael mettent le siège à l’ultime cabane en rondins du malfaisant rongeur, dézinguent les quelques hommes et ogres de main engagés par ce dernier pour sa protection, et notre héros peut enfin faire face au responsable de son blues persistant…

Début spoiler…qui se révèle être un petit bonhomme famélique et bien malade, et non pas un Skaven. Gag. Gibbetath explique à son futur bourreau que ce n’était qu’un alias qui lui a permis d’opérer de façon discrète et de terrifier ses opposants, ce qui ne le décharge en rien de sa responsabilité dans le meurtre de Galeth et le règne de terreur qui a été le sien au cours des dernières décennies. Ayant claqué jusqu’à son dernier centime pour tenter de se débarrasser de sa Némésis, Gibbetath attend la mort avec fatalité, et se retrouve donc bien dépité lorsque Gilead s’en va sans lui porter l’estocade. Pas par excès de magnanimité, non, mais pour faire durer le malheur d’un adversaire ayant, de son propre aveu, absolument tout perdu, ce que Gilead considère être également son cas (ce qui n’est pas sympa pour Fithvael, ni pour sa petite sœur). C’est sur cette fin batmanesque que s’achève le premier volet de la saga de Gilead, héros totalement wokeFin spoiler

AVIS :

Gilead Lothain. Aux plus jeunes d’entre vous, ce nom ne dira rien. Les anciens lecteurs risquent au contraire de ressentir une bouffée de nostalgie à cette mention, qui les replongera un millénaire en arrière (eh si, techniquement c’est correct), à l’époque où 1) Warhammer Fantasy Battle était le jeu principal de Games Workshop, 2) Inferno! était un nouveau projet excitant de la toute jeune Black Library, et 3) Dan Abnett était un parfait inconnu. Ce qui ne nous rajeunit pas, c’est certain. À mes yeux, il n’y a pas de personnage plus iconique de cette période précise de la GW-Fiction, car Gilead, contrairement à d’autres figures de cette dernière, n’a pas connu un développement suivi au fil des années, et est resté cantonné à la période 1997 – 2001 (jusqu’au regrettable come-back de l’année 2012). Bref, ‘Gilead’s Wake’, comme les autres nouvelles consacrées par Abnett à son mince et morne héros ayant été publiées dans Inferno!, est un texte collector, et celui-ci l’est même doublement puisque c’est par lui que tout a commencé (pour Gilou comme pour Abnett).

À travers ce court récit de traque et de vengeance, l’auteur arrive à brosser de façon convaincante le spleen persistant du dernier héritier de Tor Anrok (même si ce dernier a une petite sœur), et justifie parfaitement la mélancolie incurable qui accompagne notre héros, et qui a pu donner lieu à d’innombrables blagues par la suite1. Je le sais car j’en ai fait moi-même. Le regrette-je ? Non. Comprends-je mieux pourquoi Gilead tire en permanence une tête de six pieds de long ? Oui. La symbiose jumellaire entre les fistons Lothain est soulignée avec tellement de soin par Abnett au cours de ces quelques pages que le traumatisme vécu par Gilead à la mort de son twin ne fait aucun doute. Comme ce cafard persistant ne quittera jamais notre héros, mais que les causes de ce dernier ne seront pas aussi clairement explicitées par la suite, la lecture de ‘Gilead’s Wake’ est donc, pas indispensable, mais plus qu’utile, de ce point de vue.

Autre caractéristique de la nouvelle, sa complète autonomie, voire finitude, qui ne présageait absolument pas d’une poursuite de la saga de Gilead (même si le titre envoyait un tout autre message). Abnett aurait pu arrêter les frais et le Prozac à la fin de ces huit pages, sans que cela cause du mécontentement de la part du lectorat d’Inferno!. Heureusement, ou pas (quand on voit la fin de carrière de notre héros, la question se pose), nous n’étions qu’au début de l’histoire de Gilead, auquel une carrière de vigilante du Vieux Monde était sur le point de tendre les bras. Notons tout de même que ces débuts troubles en matière de Skavens préfiguraient peut-être l’ahurissante et abrutissante apparition du Roi des Rats, quinze ans plus tard…

1 : Sérieusement, ceci est sa figurine officielle. Joie de vivre…  

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The Emperor’s Grace – A. Hammond [40K] – #3 :

INTRIGUE :

Hammond propose au lecteur de suivre la lutte pour la possession de la planète d’Olstar Prime entre Impériaux et Eldars par les yeux de deux personnages aux vues radicalement divergentes sur la question. Au zèle fanatique du Commissaire Streck s’oppose en effet le pragmatisme du Lieutenant Catachan Lownes, et alors que le premier se tient prêt à sacrifier jusqu’au dernier soldat pour repousser les Xenos, le second serait plutôt du genre à filer à l’anglaise avec les survivants de son unité avant que les zoneilles ne massacrent tout le monde. Pressé par le temps et surveillé de près par un Streck ayant mal digéré le retrait stratégique ordonné par Lownes, notre Lieutenant tire au flanc arrivera-t-il à mener son projet de désertion à bien ?

AVIS :

À y regarder de plus près, ‘The Emperor’s Grace’ n’est pas tant une nouvelle que le développement sur une vingtaine de pages par Hammond du dilemme classique du Garde Impérial : est-il vraiment condamnable de chercher à sauver sa peau plutôt que de voir sa vie sacrifiée par des officiers indifférents pour la défense d’une planète insignifiante ? Ce parti pris aurait pu être payant si l’auteur avait réussi à répondre à cette question, somme toute centrale dans l’univers violent et totalitaire de Warhammer 40.000, de manière convaincante et/ou originale. Au lieu de ça, Hammond termine son propos avec un piteux WIJH1, laissant un fort goût d’inachevé au lecteur à la fin de ‘The Emperor’s Grace’ (dans la même veine, mais pour Warhammer Battle, on retrouve ‘The Last Charge’ d’Andy Hoare). À oublier.

1: Well, It Just Happened que la personne qui devait permettre à Lownes et ses hommes de quitter la planète s’est pris un missile Eldar dans le buffet, ce qui condamne les Catachans à se battre aux côtés des défenseurs d’Olstar Prime.

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The Faithful Servant – G. Thorpe [WFB] – #3 :

INTRIGUE :

Au sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS :

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (‘Slaves to Darkness’). ‘The Faithful Servant’, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, ‘The Faithful Servant’ tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), ‘The Faithful Servant’ est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

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Bad Spirits – J. Green [NDA] – #3 :

INTRIGUE :

Dans l’univers impitoyable du Far West Down, il est un nom qui inspire la crainte même plus endurci des gangers et au plus sanguinaire des mutants : Nathan Creed. Chasseur de Primes de profession et de titre1, Nath’ est le résultat que l’on aurait obtenu si Clint Eastwood avait tourné dans un film post-apocalyptique italien dans la foulée des ses Western spaghetti. Promenant son charisme minéral, ses mégots de cigarillos et ses deux pétoires de gros calibre d’un bout à l’autre du sous monde, Nathan Creed règle les problèmes des uns et des autres contre crédits sonnants et trébuchants, et de manière définitive.

Chargé par un vieux chef Ratskin (Thunderslag) dont la moitié de la tribu a été massacrée par une bête mystérieuse, et l’autre moitié a décidé de lui faire faux bond pour aller se venger sur les habitants « civilisés » de l’avant poste le plus proche (because why not), de faire lumière sur ces événements tragiques, Creed débarque dans le riant bourg de Toxic Sump pour mener sa petite enquête. Son passage obligatoire dans le saloon local lui permet de prendre le pouls de l’opinion publique, tout aussi stupide, raciste et prompte au lynchage que l’on peut se l’imaginer. Il fait également la connaissance d’un certain Cyrus Beckerman, qui lui conseille vivement de quitter la ville au plus vite, afin de ne pas connaître le même sort que les colons sommairement scalpés par les Peaux Rouges en furie. Il en faut évidemment bien plus pour décourager un professionnel comme Creed, dont l’intérêt est piqué par le décès brutal et suspect de Quinn (l’Eskimo), un prospecteur local venu s’en jeter un petit pour se remonter le moral après avoir échappé de très peu à la hache de guerre des Ratskins renégats. Comme le malheureux s’est étouffé après avoir descendu d’un trait un verre de WildSnake que lui avait tendu l’affable Beckerman, c’est naturellement vers ce dernier que les soupçons de notre héros se portent.

Ayant décidé d’inspecter les fouilles du défunt, Creed se fait surprendre dans son étude des empreintes parsemant la grotte mise à jour par Quinn par l’inévitable Beckerman, qui se révèle être un ganger Van Saar en maraude. Plus stalker que killer, Beckie ne parvient pas à régler son compte au chasseur de primes, qui blesse son adversaire et profite de l’effondrement d’une partie de la galerie souterraine, causée par la chute de son adversaire sur un détonateur enclenché qui traînait négligemment au sol (comme quoi, ça n’arrive pas que dans les cartoons), pour fausser compagnie au faux jeton. Ne pouvant plus ressortir, Creed est contraint de se frayer un chemin dans les profondeurs du sous monde, négociant avec brio un attroupement de Zombies de la Peste peu farouches, dans ce qui ressemble au parcours de FPS le plus bullet timé de l’univers. Le hasard (et le manque de pages) faisant bien les choses, Nath’ finit par déboucher dans une caverne remplie d’archeotech où Ratskins et Van Saar sont à deux doigts de se mettre sur le nez. On comprend que les seconds achètent aux premiers les artefacts qu’ils remontent des couches inférieures de la ruche, et que l’embrouille a été causée par la prime de risque demandées par les locaux, inquiets des déprédations causées par le mystérieux monstre sur lequel Creed enquête.

Comme s’il avait deviné que la progression de l’intrigue passait par lui, le monstre en question finit par arriver sur les lieux, sauvant au passage les miches de Nathan Creed dont le manteau flottant avait malencontreusement fait tomber une bouteille au sol, lui attirant un feu nourri de la part des conspirateurs. Un prix acceptable à payer pour être fashion en toutes circonstances (et que l’on a une armure en scénarium enrichi). Laissant les goons se faire massacrer par l’élément perturbateur, rien de plus qu’un vieux cyborg de garde réveillé par les fouilles explosives des colons, Creed cherche à s’éclipser en catimini, mais croise à nouveau la route de Beckermann. Toujours aussi empoté, le Van Saar ne parvient ni à déclencher l’explosion qui aurait enfoui la caverne et ses occupants sous des tonnes de roche, ni à régler une bonne foi pour toutes son compte au gun slinger, avant que le monstre ne vienne l’empaler sur sa griffe et lui arracher la tête pour faire bonne mesure. Fort heureusement, Creed réussira là où son adversaire avait lamentablement échoué, réglant définitivement le problème du chef Thunderslag et apaisant l’esprit des morts par la même occasion. Ne pouvant pas partir vers le lointain sur son cheval et dans le soleil couchant pour des raisons évidentes, notre héros s’en va dignement à pinces sous la lueur vacillante de néons en fin de vie. Ce qui est presque aussi bien.

1 : Green passe un temps inconfortablement long à appeler son personnage « The Bounty Hunter » en début de nouvelle, avant de passer aux familiarités.

AVIS :

Première nouvelle de Nathan Creed, le second pistolero le plus connu de Necromunda (après Kal Jerico), ce qui est tout de même malheureux pour Green compte tenu de la compétition limitée sur ce créneau, ‘Bad Spirits’ est un pastiche de western tout à fait quelconque et à l’intrigue aussi friable que les cavernes dans lesquelles se déroule notre propos. Entre le monstre qui émerge sur un gros coup de déveine (alors que tout auteur digne de ce nom aurait pu imaginer une raison un minimum intéressante/inventive/connectée au reste de l’histoire à sa venue), les coups de chance successifs de Creed pour parvenir à ses fins, et le manque d’intérêt absolu du méchant de l’histoire, il n’y a pas grand-chose à sauver et à retenir des débuts de Creed dans le sous monde. Une entrée en matière finalement à l’image de la série en elle-même, à laquelle Green ne donna jamais les moyens de s’élever au-dessus de son pitch de base (Mon Curé chez les NudistesLee Van Cleef à Necromunda). Il faut vraiment être un archéoBListe acharné pour convoquer le souvenir de Nathan Creed aujourd’hui… et c’était déjà valable à l’époque.

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Ghostmaker – D. Abnett [40K] – #4 :

40K_GhostmakerINTRIGUE :

Le Commissaire Ibram Gaunt, officier capable et favori de feu le Seigneur de Guerre Slaydo, est envoyé par le Haut Commandement de la Croisade des mondes de Sabbat superviser la levée de nouveaux régiments sur le monde forestier de Tanith. Déprimé par la mort de son mentor, tué pendant la bataille de Balhaut, Gaunt n’est guère impressionné par les recrues de Tanith, dont le look de hippies (cheveux longs, tatouages, piercings et boucles d’oreille) et l’accent chantant (c’est canon), sans parler de la cornemuse incessante en bande-son, ne font pas un grand effet à notre inflexible héros. Résolu à expédier les formalités le plus rapidement possible, possiblement à cause d’un mal de cheveux (qu’il a pourtant courts) persistant, Gaunt insiste lourdement pour que ses futures troupes commencent à embarquer dans leurs transports dès la fin de la parade protocolaire. Croyez-le ou non, mais de la gueule de bois de ce vieil Ibram dépendra beaucoup de choses, car la malheureuse Tanith ne tarde pas à recevoir la visite non-désirée d’une flotte chaotique, ayant profité du laxisme de Macaroth après sa prise de fonction pour aller faire du terrotourisme dans l’espace impérial. Aussi vulnérable qu’un monde Squat face à la démotivation du studio GW une flotte ruche tyrannide, la planète ne peut être sauvée, et Gaunt donne l’ordre d’une cruelle mais logique évacuation des régiments tout juste assemblés, laissant le reste de Tanith partir en fumée comme une briquette d’allume barbecue. Donnant de sa personne en bon héros de série d’action, Ibram sauve le jeune piper qui lui vrillait les tympans depuis son arrivée sur le plancher des vaches (où l’équivalent local de ce placide ruminant), mais perd au passage son fidèle assistant, Sym (you cannot unsee it), et avec lui, tout espoir de retrouver un jour sa chemise grise. Malgré de lourdes pertes – 6 zeta tonnes, tout de même – l’équivalent d’un régiment parvient tout de même à quitter la planète condamnée, sans se douter un instant du glorieux destin qui l’attend dans les années à venir.

La suite de la nouvelle voit Gaunt et ses hommes commencer à s’apprivoiser mutuellement, et donne l’occasion à Abnett de présenter quelques unes des figures les plus connues du Premier et Unique de Tanith, telles que Corbec, Rawne (dont la promotion au rang de Colonel et Major est due à leur présence dans la délégation de soldats venue exprimer son mal-être auprès de leur officier quelques heures après leur départ précipité), Larkin et Bragg. Les Fantômes de Gaunt, nom trouvé par Larkin sur une inspiration géniale, font leurs premières armes sur Blackshard, leurs talents d’infiltrateurs sans pareil leur permettant de frapper au cœur du dispositif ennemi, et de faire sauter la box internet de leurs adversaires chaotiques, provoquant un suicide de masse de ces derniers, sans doute déspérés de ne plus pouvoir organiser des soirées Netflix & Kill pour tuer le temps (Blackshard, ce n’est pas une destination très sympa). Ce premier fait d’armes voit aussi la première tentative d’homicide de Rawne sur Gaunt, nonchalamment éventée par le colossal Commissaire1, qui, peu rancunier, repart vers les lignes impériales avec son BFF sur l’épaule après l’avoir mis hors d’état de nuire. La base quoi. La base.

: Abnett indique que son héros fait « bien plus que deux mètres ». Quand on apprend que Corbec est plus grand que Gaunt, et que lui-même est chétif par rapport à Bragg, on comprend mieux comment les Tanith réussissent à claquer le beignet d’Astartes félons en deux temps trois mouvements.

AVIS :

Comme beaucoup de lecteurs de la BL, j’ai découvert les Fantômes de Gaunt à travers le premier roman de la série, ‘Premier & Unique’, qui raconte les exploits guerriers des scouts les plus fumés de la Garde Impériale sur le théâtre de Menazoid Epsilon. Cependant, les véritables débuts de la saga la plus mythique de la GW-Fiction sont à dater du 4ème numéro d’Inferno! et du ‘Ghostmaker’ signé par un tout jeune Dan Abnett, qui avait fait ses débuts au sein de la Black Library deux mois plus tôt avec une autre figure mythique du panthéon Warhammerstique, l’inconsolable Gilead (‘Gilead’s Wake’). Cette nouvelle, incluse dans le 2ème roman de la saga des Fantômes, nommé également ‘Ghostmaker’, pose les fondations de la série avec une efficacité redoutable, le talent littéraire d’Abnett permettant au lecteur de se familiariser avec les principaux fantômes1, d’apprendre les conditions tragiques dans lesquelles le Premier et Unique a été formé, et de suivre ce dernier (et à travers lui, Dan Abnett) lors de son baptème du feu. Plus de vingt ans plus tard, l’alchimie fonctionne toujours, et il n’est guère difficile de comprendre pourquoi les petits gars de Tanith ont connu la carrière qu’on leur sait à la lecture de ces premiers exploits. La patte magique d’Abnett opère parfaitement, et entraîne le lecteur dans une aventure rythmée et violente, tout en prenant le temps de donner une appréciable profondeur à ses personnages. Un fething masterclass en somme, dont la lecture (et la relecture) reste rigoureusement conseillée à tous les amoureux de la BL.

1 : Et d’autres moins fameux, mais dont la connaissance vous permettra de briller à la prochaine convention 40K à laquelle vous participerez. Citons le Colonel Torth et le Major Garth, qui auraient dû seconder Gaunt à la place de Corbec et Rawne, s’ils n’avaient pas raté leur navette d’évacuation, et le soldat Forgal, qui a eu l’insigne (mais douloureux) honneur d’être le premier Fantôme à mourir en opération de la série.

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Paradise Lost – A. Jones [WFB] – #4 :

INTRIGUE :

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS :

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, ‘Paradise Lost’ est une soumission sensiblement supérieure à ‘Grunsonn’s Marauders’, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, ‘Paradise Lost’ n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Rites of Passage – G. Rennie [NDA] – #4 :

INTRIGUE :

Une nouvelle fournée de jeunes Orlocks se préparent à passer l’épreuve pratique du bac necromundesque, à savoir partir se fritter avec les affreux d’en face (ces c*nnards de Cawdor) dans une arène désolée située au beau milieu du sous monde. Il y a là le gros costaud Dorn, probablement baptisé ainsi car ses parents étaient fans du Trône de Fer, ses lieutenants putatifs Mikhal et Lan, et les frangins Mallin (qui l’est) et Jaal (qui ne l’est pas car ça ne veut rien dire : faîtes un effort tout de même). Ce dernier a été adopté par la famille de Mallin après que la sienne ait été assassinée par des gangers rivaux, et occupe le poste ingrat mais indispensable dans tout groupe de souffre-douleur attitré. Après avoir reçu un discours inspirant de leur instructeur, les djeun’s partent à l’aventure dans la pampa, certains de revenir d’ici deux jours avec les preuves de leur victoire contre la canaille estrangère et bigote.

Ce que le club des cinq ne peut pas savoir, c’est que rôde dans les parages un Spyrien solitaire, tellement accro au meurtre sauvage de prolo’ qu’il n’est jamais remonté à la surface depuis sa dernière virée. Engoncé dans son armure dernier cri (à plusieurs titres, comme nous le verrons plus tard), le Chasseur, car c’est ainsi qu’il se nomme1, ne dit pas non à un petit massacre d’adolescents attardés, après avoir fait des sashimis de leurs rivaux Cawdors quelques heures plus tôt. Le premier à y passer sera le malchanceux Mallin, qui se fait emporter dans les airs (moins une main) par le traqueur des ombres, malgré l’avertissement de dernière minute seconde que lui avait lancé son frère. Que l’on découvre être un Psyker latent, ce qui n’est pas un statut beaucoup plus enviable que punching ball à bully, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, ce balourd de Dorn, aussi épais et dense mentalement qu’une fortification érigée par son saint patron, manque de se passer les nerfs en flinguant son sous-fifre, dont la prescience lui semble être la preuve d’une connivence entre Jaal et le Spyrien. Cependant, l’appel à l’aide de Mallin qui s’élève d’un tas de décombres à quelque distance du lieu de l’embuscade suspend le procès en trahison que Dorn était en train de conduire sur le pouce (ou le poing ? avec un nom pareil), et les quatre survivants partent en direction des cris pour tenter de secourir leur comparse…

Début spoiler…Qui bien évidemment, était mort depuis longtemps à leur arrivée, comme son cadavre crucifié et décapité l’atteste formellement. C’était une ruse du Chasseur, qui avait enregistré les derniers instants de sa proie, pour attirer le reste du gang dans un nouveau piège. Cette fois-ci, c’est l’hécatombe, et Dorn, Mikhal et Lan décèdent violemment, ne laissant que Jaal debout, mais en fuite, pour la team Orlock. Le rapport de force est déséquilibré, mais le Spyrien s’amuse trop pour sonner rapidement l’hallali, et il ne se doute évidemment pas que le teenager maigrelet qu’il finit par coincer sur une passerelle a plus d’un tour dans son cortex. Le stress de sa mort prochaine provoque une poussée télékinésique chez Jaal, ce qui fait un gros trou dans la plateforme, forcément branlante et rouillée, où le tête à tête avait lieu. Normalement pas un problème pour le Chasseur, dont l’armure a une fonction bat grappin, mais figurez vous que Jaal est un prodige psychique, comptant parmi ses nouvelles compétences celle de « l’auto-tune balistique ». Un nom compliqué et sans doute inventé de toutes pièces, qui veut dire qu’en se concentrant très fort, il est capable de réaliser des tirs proprement improbables grâce un correcteur de trajectoire venu tout droit du Warp (comme Jul, ce qui fait un autre point commun avec l’auto-tune). Vous devinez la suite : un hotshot improbable sur le filin du Spyrien, précipité dans l’abysse avec son armure dernier cri. Et même pas le sien en plus. Il n’avait pas reset les réglages, ce chien.

La nouvelle se termine, non pas sur des retrouvailles joyeuses à Orlock city, mais sur le constat par le reste du gang de la disparition de leurs ados. Jaal assiste de loin à la fermeture des portes du campement, ayant compris qu’en tant que Psyker, il n’avait plus sa place auprès de sa famille adoptive. Le début d’une existence de paria solitaire dans le sous-monde, sans doute courte et violente mais certainement riche en émotions, qui ne sera cependant pas narrée ici. ENDS.Fin spoiler

1 : Et son pronom est ‘it’, si vous voulez tout savoir. Be an ally.

AVIS :

Nouvelle histoire sur le passage à l’âge adulte dans l’univers pas tendre de Necromunda (il y a aussi ‘Mark of a Warrior’, pour ceux qui demandent), ‘Rites of Passage’ démontre que Gordon Rennie sait mettre en scène une nouvelle d’action de manière potable, ce qui n’est guère étonnant au vu de son passif d’auteur de comics. Rien n’est particulièrement mémorable dans ces quelques pages, mais tout tient de debout et s’enchaîne sans heurt ni incohérence, ce qui est déjà un niveau appréciable pour de la GW-Fiction. Si c’est une de vos premières lectures necromundesques, vous auriez pu tomber sur bien pire. Si vous êtes déjà familier avec cette riante planète, à la fois trop et absolument pas urbaine, vous auriez pu tomber sur bien mieux. Tout est affaire d’équilibrage, j’imagine.

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Into the Maelstrom – C. Pramas [40K] – #4 :

INTRIGUE :

Capturé après l’abordage malheureux d’un croiseur White Scars par ses camarades Red Corsairs, l’archiviste Sartak doit prouver sa loyauté retrouvée envers l’Empereur (car la vue d’une dizaine de bolters braqués sur sa tête l’a aisément convaincu de retourner sa veste énergétique, étonnant non ?) en informant ses nouveaux copains de la destination du prochain raid de Huron Sombrecoeur hors du Maelstrom. Notre héros repentant arrivera-t-il à abuser le paranoïaque ex Tyran de Badab assez longtemps pour accomplir sa périlleuse mission ?

AVIS :

Si on met de côté les zones d’ombre1 de l’argument d’Into the Maelstrom, que l’on peut imputer à la plus grande permissivité qui régnait à cette époque (voir Hell in a Bottle de Simon Jowett pour s’en convaincre), cette nouvelle se révèle être très convenable. La force de l’écriture de Pramas est d’arriver à retranscrire la course contre la montre dans laquelle est engagée son héros, et l’étau qui se resserre de plus en plus autour de lui au fur et à mesure des pages. Into the Maelstrom peut également se targuer de bénéficier d’un final réussi, autant du point de vue de la construction narrative que du respect de l’ambiance nihiliste de Warhammer 40.000, et de la participation du Huron Sombrecœur convaincant en psychopathe retors et flamboyant.

1: « Seigneur Subotai Khan, le Red Corsair que nous avons fait prisonnier après l’attaque de notre barge de bataille (au lieu de lui coller un bolt dans le crâne, comme il aurait été normal) est réveillé et attend votre bon plaisir. »
« Faîtes le entrer. »
« Qui a été un vilain garnement, hum ? »
« Je dois reconnaître que j’ai commis quelques erreurs ces dernières années votre honneur, mais depuis que vous m’avez capturé et me tenez à votre merci, j’ai très envie que nous devenions copains. Vive l’Imperium donc. »
« Merveilleux. Maintenant que tu as miraculeusement retrouvé foi en l’Empereur, tu es libre de retourner chez les Red Corsairs. Essaie juste de nous dire où Huron dirigera sa prochaine attaque, de manière à nous permettre de le prendre en embuscade. »
«  Vous ne préférez pas plutôt que je vous mène directement jusqu’à la flotte des Red Corsairs, chose dont je suis capable selon l’auteur de la nouvelle ? »
« Nan. »
« Euh, d’accord, c’est comme vous voulez… Mais imaginons – je dis bien imaginons –  que mon repentir ne soit pas sincère, et qu’une fois de retour dans le Maelstrom, je vous fasse parvenir des informations erronées, permettant à Huron d’attaquer une planète sans défense, ou pire, de retourner l’embuscade des White Scars contre eux. Vous avez prévu quelque chose pour ce cas de figure ? »
« Bien sûr ! Le fidèle Arghun ici présent t’accompagnera dans ta mission, et s’assurera que tu mènes à bien cette dernière. »
« Vous êtes bien conscient que Huron risque de le faire tuer à la minute où il posera les yeux sur lui, hein ? Et que même dans le cas où il survivrait à son bizutage, il n’aurait aucun moyen de vous avertir de mon hypothétique trahison, étant donné que je serai celui qui vous transmettra les coordonnées du prochain objectif de Huron grâce à mes pouvoirs psychiques ? »
« Tu as raison Sartak, mon plan repose entièrement sur ta pleine et entière coopération. Mais j’ai tout à fait confiance en toi, car nos trente secondes d’entretien m’ont convaincu qu’en dépit des actes monstrueux que tu as commis en tant que Red Corsairs, tu es quelqu’un de bien. Pars avec ma bénédiction. »
« Merci Subotai Con, heu Khan. »

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The Dead Among Us – J. Wallis [WFB] – #5 :

WFB_The Dead Among UsINTRIGUE :

Prêtre de Morr s’étant découvert une passion pour l’au-delà sur le tard, après la disparition non élucidée de sa femme et de son fils, Dieter Brossmann, celui-qui-n’aime-pas-que-son-nom-soit-prononcé, officie dans la Cité du Loup Blanc en compagnie de coreligionnaires variant du balourd (Frère Gilbertus) à l’affairiste (Albrecht Zimmerman, le Sett Blater du dieu des morts). Ancien marchand un peu plus fin que le Middenheimer moyen – qui, comme chacun sait, a tendance à résoudre ses problèmes à coups de marteau – Brossman collabore régulièrement avec la Garde Urbaine sur des affaires complexes, et c’est à ce sujet qu’il est fait mander par le Capitaine Schtutt en pleine consécration funèbre. Laissant l’inutile Gilbertus prendre le relai, notre héros se hâte jusqu’à la scène du crime, où l’attend le cadavre d’une fille de joie Norse, dont le bras amputé se trouve être un tentacule. C’est en tout cas la conclusion sur laquelle Captain Obvious Schutt s’empresse de bondir, tel le glouton peu dégourdi qui est son animal totem. Il en faut toutefois plus pour convaincre Brossman, qui tient à réaliser une autopsie en bonne et due forme au temple, avant de faire parvenir son rapport circonstancié au Graf, comme le veut la procédure lorsqu’un cas de souillure chaotique est suspecté.

De retour à la Morr-gue, Brossman tente de faire parler la macchabée (c’est pratique tout de même, la foi), mais se heurte à une espèce de firewall post-mortem sur lequel ses meilleurs efforts ne peuvent prévaloir. Suspectant qu’il y a anguille sous roche, ou dans ce cas, asticot sous escarre, notre héros tente d’intéresser son supérieur à ce cas complexe, sans succès. Zimmerman a en effet mieux à faire que sauver l’âme d’une prostipoulpe, et le fait savoir en termes non incertains à son subalterne. Mal lui en prend au final, car la nuit même, la morte reprend ses esprits et se livre à un sanglant massacre sur le personnel de garde du temple, envoyant quelques bedauds et diacres de seconde classe, ainsi que le pauvre Zimmerman, dont la diction mal assurée ne lui permet pas d’achever son incantation purificatrice avant de l’être lui-même (achevé), rencontrer leur divinité tutélaire. Si Brossman arrive à mettre fin aux déprédations de la Zombie à l’aide du combo bien connu huile sacrée + allumette, le culte de Morr local s’en trouve très affaibli, ce qui provoque une intense réflexion chez notre enquêteur…

Début spoiler…Pris d’une intuition subite, il se rend dans une taverne mal famée de l’Altquartier (le Pigalle de Middenheim) pour rencontrer une ancienne connaissance, le trafficant et informateur Alfric Half-nose, auquel il a rendu service il y a quelques temps. Alfric étant un Nain, Brossman en appelle au sens de l’honneur de son hôte, et demande des informations sur la présence d’éventuels Nécromants à Middenheim, ce que son interlocuteur au demi-nez confirme à demi-mots. Il semblerait en effet que le Frère Gilbertus ne soit pas très orthodoxe dans la conduite de ses rites funéraires, résultant en des cadavres vulnérables à une possession par un esprit malin, ce qui est justement ce qu’un prêtre de Morr est censé empêcher. Convaincu de tenir son coupable, Brossmann se rend directement jusqu’à la Falaise des Soupirs, d’où sont précipités les morts sans le sou de la cité, voir son suspect opérer. Et force est de constater que Gigi rajoute des couplets très lourds au cantique officiel, ce qui confirme les soupçons de Brossman. Une fois la foule dispersée, notre héros confronte donc son collègue retors, qui avoue assez facilement être un Nécromancien, dont le plan machiavélique consistait à introduire un cadavre suspect (le tentacule n’était en fait qu’un montage grossier pour obliger les autorités à rapatrier le corps au temple) chez les Morrticiens, le réanimer en douce et l’envoyer trucider Zimmie, afin que Gilbertus puisse reprendre sa place. Quelle meilleure position pour un Nécromancien que Haut Prêtre de Morr, en effet ? Malheureusement pour Gilbertus, l’absence d’Insensible à la Douleur sur son profil le pénalise fortement lorsque Brossman parvient à le couper (doublement) dans l’énonciation de son sortilège meurtrier. Une pathétique empoignade plus tard, et l’apprenti Nagash bascule à son tour de la falaise, avec des conséquences tout ce qu’il y a de plus fatales. Middenheim est sauve, pour cette fois, mais Brossman va devoir faire un certain nombre d’heures sup’ dans les jours à venir…Fin spoiler

AVIS :

Nouvelle policière sympathique (plus que sa série ‘Marks of Chaos’ à mon avis) de la part de James Wallis, qui plonge le lecteur dans deux institutions temporelle et spirituelle du Vieux Monde : la Cité du Loup Blanc d’une part et le culte de Morr d’autre part. Plus que la conduite de l’enquête par Brossman, qui s’avère très correcte mais pêche logiquement par sa brieveté1, c’est l’immersion dans une atmosphère tout ce qu’il y a de plus WFB qui fait l’intérêt de cette nouvelle, où se croisent mutants, prêtres, nains et nécromanciens dans le charme pittoresque de Middenheim, que Wallis fait parcourir en long et en large à son lecteur. Bref, un court format très satisfaisant pour qui souhaite découvrir l’Empire dans toute sa trouble normalité (c’est-à-dire autrement que pendant une invasion massive mettant la survie de la civilisation dans la balance).

: Dans une nouvelle de 14 pages, on se doute bien que le coupable sera forcément l’un des 2 ou 3 personnages tiers que l’auteur met sur le chemin du héros, et un chouilla de bon sens permet de percer à jour l’identité du coupable bien à l’avance.

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Unthinking Justice – A. Millward [40K] – #5 :

INTRIGUE :

Une force de Black Consuls est envoyée sur la planète Suracto, en rébellion ouverte contre l’Imperium. Au fur et à mesure du déroulement de la mission, il apparaît toutefois que les traîtres ne sont pas forcément ceux auxquels on pense.

AVIS :

Une petite nouvelle sympatoche, qui commence comme une histoire de marounes classique, puis se corse salutairement grâce à la mise en scène d’un (léger1) doute quant à la nature de l’ennemi véritable des Black Consuls. On est très loin de l’Elucidium’ de Simon Spurrier et du ‘We Are One’ de John French, mais on ne peut que saluer l’intention d’Andras Millward de donner au lecteur davantage qu’une Cawkwell-erie lambda. La conclusion de l’histoire est toutefois assez nébuleuse, ce qui affaiblit un peu le twist final concocté par l’auteur.

1« Alors vermine, pourquoi t’es-tu rebellé contre l’Empereur ?»
« Monseigneur Marine, il y a malentendu. Les copains et moi nous sommes soulevés contre l’administration planétaire parce qu’elle cherche à faire tomber la planète aux mains du Chaos. Nous avons des preuves solides de son implication dans un compl- »
« BAM BAM BAM »
« Administrateur ! C’est le cinquième prisonnier que vous exécutez en plein interrogatoire, juste au moment où il allait vous mettre en cause dans cette triste histoire. Je commence à croire que vous nous cachez quelque chose… »
« Veuillez me pardonner, ça n’arrivera plus. J’ai tendance à sur réagir quand ma fidélité envers l’Imperium est mise en doute. Héhé. »
« Bon, d’accord. Mais que je ne vous y reprenne pas une sixième fois, hein ! »

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Dark Heart – J. Green [WFB] – #5 :

INTRIGUE :

Ayant décidé d’abandonner le Kislev pour tenter leur chance sous des cieux plus cléments, Badenov et sa bande de mercenaires se retrouvent entraînés dans une sombre histoire sur la route de Bechafen. Il semblerait en effet qu’un ancien mal soit en passe de se réveiller dans le petit village d’Ostenwald, forçant notre fine équipe à unir ses forces avec celles d’un jeune noble dont la fiancée vient de succomber à une crise d’anémie aigüe. Vampire, vous avez dit vampire ?

AVIS :

Dans la série des aventures de Torben Badenov et de sa fine équipe de bras cassés, ‘Dark Heart’ fait figure d’épisode central, car il permet à Green d’introduire le personnage de Pieter Valburg, qui rejoindra la bande à la fin de la nouvelle. J’ai une affection toute particulière pour Pieter, car il n’aura de cesse de miner l’autorité de Badenov auprès de ses comparses, en faisant éclater au grand jour la stupidité crasse et l’amateurisme décomplexé qui caractérisent le « héros » de la série ‘The Lost and the Damned’. S’il n’est encore qu’un personnage de second plan dans ‘Dark Heart’, Herr Valburg y fait néanmoins des débuts remarqués, et s’affirme d’ores et déjà comme le membre le plus important de la bande, après Badenov bien sûr.

‘Dark Heart’ donne également l’occasion à Jonathan Green de dérouler le grand jeu, en gratifiant ses lecteurs d’une narration à double point de vue (celui des mercenaires de Badenov, et celui du vampire comateux traqué par ces derniers), ainsi que d’un petit twist final, deux extras que l’on prendra soin d’apprécier à leur juste valeur (relative hein, parce que dans l’absolu, on est loin du chef d’œuvre).

Malheureusement, ces éléments positifs sont largement marginalisés par le monceau d’approximations, d’incongruités et de carabistouilles que nous sert un Green résolument hermétique à toute tentative de livrer un récit un tant soit peu cohérent à son public. Des villageois courant aussi vite que des chevaux lancés au galop à la décision d’aller affronter un vampire de nuit dans son antre, en passant par l’incroyable capacité de l’auteur à livrer deux versions totalement différentes du même évènement à quelques pages d’intervalle1, ou encore la brillante idée qu’à Badenov d’aller enquêter dans un village dont lui et ses potes viennent de massacrer tous les hommes valides sur un gros malentendu, c’est à un festival d’inepties auquel lecteur a droit. Et dire que ça aurait presque pu être correct…

1 : Le vampire d’Ostenwald a-t-il été originellement vaincu par 1) une troupe de paysans enragés, ou 2) une bande d’aventuriers menés par un prêtre de Sigmar ? Le mystère est encore entier. 

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Last Chance – G. Thorpe [40K] – #5 :

INTRIGUE :

La tranchée tenue par les Gardes de Fer (sur le point de se transformer en Gardes de Rouille du fait de conditions climatiques peu favorables) du Lieutenant Martinez reçoit la visite d’un hôte de marque, en la personne de cette tête brûlée de Kage, tout juste revenu de sa balade quotidienne dans le no man’s land entourant la cité rebelle de Coritanorum. Esquivant balles, lasers, grenades, obus et quolibets avec la grâce qu’on lui connaît, notre héros se crashe comme une bouse aux pieds de l’officier, et s’en fait immédiatement un ennemi en aspergeant ses bottes de boue dans la foulée. Plus doué pour survivre à une purge de Space Hulk armé seulement d’une fourchette en plastique et d’un caleçon troué que pour se faire passer pour un Mordian discipliné et méticuleux (et peu aidé par le fait qu’il n’a même pas pris le temps de mémoriser le nom du soldat mort auquel il a dérobé son uniforme), Kage se fait immédiatement gauler par le Commissaire régimentaire qui passait dans le coin, mais arrive à gagner un sursis en révélant qu’il est membre d’une force d’infiltration impériale en mission top secrète derrière les lignes ennemies. Ce qui est précisément ce que dirait un soldat rebelle cherchant à infiltrer les lignes impériales s’il était fait prisonnier. Peut-être convaincu par le charisme naturel exsudé par le Last Chancer (ou conscient que l’armure de scénarium de ce dernier est trop épaisse pour leurs armes), les officiers Mordian se contentent de faire garder à vue notre héros par une poignée de Boucliers Blancs, qui tombent immédiatement sous le charme viril du vétéran balafré.

N’ayant rien d’autre à faire pour le moment, Kage commence à leur raconter sa vie, et notamment la manière dont il a atterri dans la Légion Pénale, suite à une rivalité amoureuse s’étant réglée dans le sang et les tripes entre lui et son Sergent de l’époque. Le récit du Père Kagetor est toutefois écourté par le déclenchement d’un bombardement orbital de Coritanorum, accompagné par un assaut généralisé sur les positions ennemies, juste pour être sûr de la mortitude définitive des défenseurs I guess, ou parce que ça coûtait trop cher en prométheum de rapatrier en orbite tous les régiments participants au siège. Après tout, et comme le dit le proverbe, la Garde meurt. L’occasion rêvée pour Kage de fausser compagnie à sa couvée de pioupious et mettre en exécution son projet d’évasion… si les choses s’étaient passées comme prévues. Malheureusement pour notre pénaliste expert, son fan club s’avérera trop fourni et trop collant pour lui permettre de filer à la Tanith, la perte de toute la chaîne de commandement Mordian au cours des premières minutes de l’assaut conduisant les Cadets à se tourner vers le torse velu et les mâles accents de Kage pour les guider vers une hypothétique survie. À toute chose, malheur est bon car les enfants-soldats de Mordian sauveront notre héros d’une mort prématurée lorsqu’il retombera, comme à la fin de chaque épisode, sur cette vieille baderne de Schaeffer. Tout prêt à exécuter son sous-fifre pris en flagrant délit de fuite, l’imperturbable Colonel est finalement convaincu de faire preuve de clémence par la dizaine de fusils laser braqués dans sa direction par la Kage Army. Ce n’est toutefois qu’un pis-aller pour Last Chance (qui mérite encore une fois son surnom) car Schaeffer a réservé une table pour deux dans un petit resto sympathique de Coritanorum, et il ne serait pas correct de faire attendre leurs hôtes…

AVIS :

Figures emblématiques du Thorpiverse, les Légionnaires Pénaux du Colonel Schaeffer, aussi connus sous le nom de Last Chancers, ont bénéficié d’une trilogie (chroniquée ici) et de quelques nouvelles de la part de Gav Thorpe entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000. Ce ‘Last Chance’ est probablement le coup d’essai de notre homme avec ces anti-héros hauts en couleurs, et sert d’introduction au duo central de la 13ème Légion Pénale, l’increvable Schaeffer et sa (tout aussi increvable) âme damnée Kage. Nouvelle de guerre de tranchée typique du style BL dans sa deuxième partie, c’est le début de la soumission qui présente le plus d’intérêt à mes yeux, puisqu’y est détaillé le parcours de Kage jusqu’à sa rencontre fatidique avec celui qui deviendra son bien-aimé supérieur pour les années à venir, éléments intéressants pour les fans des Last Chancers ne se retrouvant pas dans les autres écrits consacrés par Thorpe à son équipe de bras cassés casseurs de bras. On appréciera également la narration gouailleuse de Kage lors des passages racontés depuis son point de vue, qui s’avère être vraiment réussie. Les puristes noteront que les événements couverts par la nouvelle ne sont pas cohérents avec la conclusion de 13th Legion, le premier roman de la trilogie Last Chancers, qui voit les derniers survivants de la première levée de Schaeffer infiltrer Coritanorum pour surcharger les réacteurs de la cité rebelle. Mais y a-t-il vraiment des puristes Last Chancers?

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A Blooding – D. Abnett [40K] – #6 :

40K_A BloodingINTRIGUE :

Après avoir fait leur connaissance dans ‘Ghostmaker’ (Inferno! #4), nous retrouvons les recrues de Tanith à l’occasion de leur première campagne d’envergure, deux mois après leurs débuts laborieux et la perte de leur planète natale. Ayant eu vent de leur action décisive dans la prise de Blackshard, le haut commandement du théâtre de Voltemand, incarné en la personne du Général Sturm du 50ème Volpone, réquisitionne les insaisissables Fantômes en support du siège de la capitale planétaire, Voltis City, mené par son régiment d’élite. Ce que Gaunt et ses hommes ne savent pas, c’est que l’infâme Sturm compte bien faire d’une pierre deux coups, ou d’un obus deux victimes, en veillant à ce que les hardis éclaireurs rencontrent un funeste destin au cours de l’opération, des mains de l’ennemi ou de celles de leurs alliés. Une occasion rêvée pour l’ambitieux Volpone de se faire bien voir de la part de Macaroth, qui ne porte pas les favoris de son prédécesseur dans son cœur.

Ignorants des manigances des Sangs Bleus (le surnom du 50ème), les Fantômes se dirigent vers la cité assiégée, secourant une colonne blindée que la venue d’une escouade de World Eaters beuglant avait laissée fort dépourvue (les servants de Basilisk font moins les malins lorsque l’ennemi est à 35.99 pas, c’est connu). Une fois rendus sur place, les Tanith se faufilent discrètement jusqu’au pied des murailles ennemies, avec pour objectif de faire sauter la buse par laquelle la rivière locale sort de la cité1, ou à défaut, de réaliser la même manœuvre à l’endroit où se déversent les égoûts de Voltis. Malheureusement pour nos infiltrateurs, l’effet de surprise ne dure pas assez longtemps pour leur permettre de s’emparer de leurs objectifs, les cultistes ayant le temps d’initier un largage sauvage venant éteindre l’enthousiasme des impériaux sous des mètres cubes d’eau saumâtre. Prêt à sonner la retraite pour minimiser les pertes, Gaunt est toutefois surpris par la détonation de la station d’épuration municipale, preuve que les sous-fifres qu’il avait envoyés au petit coin ont, eux, réussi leur coup. Ce succès inespéré permet au reste des forces impériales de se mettre en branle dans la joie et la bonne humeur, et d’écrabouiller la résistance chaotique avec l’efficacité pour laquelle le marteau de l’Empereur est célèbre.

Cette victoire, un peu chanceuse, il faut bien le reconnaître, n’est cependant pas la fin de l’histoire pour nos Fantômes – lessivés pour certains, emmer*és pour d’autres. Ayant reçu la nouvelle de la prise de Voltis, le méphistophélique Sturm ordonne à l’artillerie de campagne de bombarder la position des Tanith alors qu’ils se replient vers leurs lignes, provoquant un grand carnage chez ces derniers. Protégés par leur armure de scenarium, Gaunt et ses VIG (Very Important Ghosts) émergent cependant de l’enfer avec un fort sentiment d’incompréhension et une envie bien légitime de casser de l’artilleur, comme la pommette gauche du Colonel Ortiz du 17ème Kotzek – le même régiment secouru par le Premier et Unique en début de nouvelle – l’apprend à ses dépends. Il ne faut cependant pas longtemps au Commissaire-Colonel pour identifier le véritable coupable de cette malheureuse bévue, qu’il confronte dans son QG quelques heures plus tard. Tentant de justifier sa très saine colère, comme Ségolène Royal avant lui, Gaunt aurait été bon pour la cour martiale n’eut-été la correction opportune par Ortiz du compte-rendu de l’incident au haut-commandement (un bouchon de champagne à la trajectoire hasardeuse pendant le pot de victoire). C’était moins une pour notre héros, qui peut retourner auprès de ses hommes avec la satisfaction du devoir accompli et la connaissance de ses meilleurs ennemis, qu’il sera amené à croiser de nombreuses fois au cours des années à venir…

1 : Une manœuvre inspirée par la lecture de Jihair Ertolk’ Yen, fameux général de M2 ayant repoussé les Orks s’étant aventuré sur Terra en cette période lointaine. Le fait que les Aeldars aient pu assister les humains dans cette campagne, qui vit le Big Boss Evil Sunz Gortor battre en retraite après que le héros Ratling Fordo lui ait crevé l’œil à l’aide d’un digilaser, est encore sujet à controverse parmi les érudits impériaux.

AVIS :

Retour concluant pour les Fantômes de Gaunt, qui s’illustrent à nouveau dans une mission à haut risque venant asseoir leur statut de meilleurs infiltrateurs de la Garde Impériale. Cette nouvelle permet entre autres choses de faire la connaissance de trois seconds couteaux bien connus des amateurs de la série (Caffran, Varl et Meryn), ainsi que des rivaux jurés de nos héros tatoués, les imbittables Blueblood de Volpone, représentés ici par le sans-cœur Général Sturm et le sans-gène Major Gilbear. Abnett démontre à nouveau une belle aptitude à mettre en scène des affrontements nerveux et prenants, bien que c’est également de ce ‘A Blooding’ que l’on peut faire remonter sa tendance à idéaliser les performances d’un garde impérial moyen, comme le révèle l’accrochage introduisant son propos et la facilité déconcertante avec laquelle les jeunes et inexpérimentés Fantômes parviennent à massacrer une escouade de Berzerkers World Eaters en moins de temps qu’il en faut au Major Gilbear pour décliner son état civil complet1. On peut d’ailleurs noter que le Major en question, qu’Abnett voulait sans doute plus imposant que Gaunt pour lui faire adopter la posture de sombre brute, émarge à la taille confortable de 2m50, ce qui le met au niveau de l’Astartes classique. Essentiel à la construction de l’historique des Fantômes, ce court format n’est cependant pas exempt de tout reproche, en particulier le recours par l’auteur à un petit Deus ex Machina – indigne de son standing habituel – lors de l’assaut sur les murs et les caniveaux de Voltis City2. Rien de rédhibitoire cependant.

1 : Soit Gizhaum Danver De Banzi Haight Gilbear de Solenhofen, ou Gigi pour les intimes.
2 : On passe en effet de ça à ça, sans explications. À part une intervention miraculeuse de Canard WC ou des Tortues Ninja, le retournement de situation opéré par les Fantômes reste mystérieux.

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A World Above – A. Hammond [NDA] – #6 :

NDA_A World AboveINTRIGUE :

Aldus Harkon occupe la noble profession d’organisateur de voyages pour CSP+, et nous le suivons jusqu’au lieu de prise en charge de ses derniers clients en date, une petite bande de gosses de riches surexcités à l’idée de s’encanailler dans les favelas d’un pays du tiers monde. Comme notre histoire se passe sur la ruche Primus de Necromunda, il faut toutefois apporter quelques nuances à ce tableau jusqu’ici fort banal. Le service que propose Harkon tient en effet plus du safari que de l’escapade touristique boboïsante, avec les résidents du sous-monde dans le rôle de la faune sauvage et des Spyriens sur-équipés dans celui des dentistes américains1. Ayant manqué de se faire écraser par le vaisseau des fils et filles de Guilders lors de son atterrissage sur le tarmac, alors qu’il tuait le temps en glaviotant d’un air pénétré sur le rebord de la ruche, notre flegmatique et phlegmatique G.O. rassure ses Ran’Lo de clients sur la qualité de la prestation qu’il leur a vendue : il y aura de l’action et du fun à gogo pour les gogos, ce n’est pas la première excursion en terre inconnue qu’il organise, que diable !

Un peu plus tard et beaucoup plus bas, nous faisons la connaissance de Knife-Edge Liz, chef d’un gang d’Eschers dont la grande majorité des membres vient de connaître une fin brutale. Elle-même un peu esquintée par un combat d’une violence telle qu’elle a du mal à s’en souvenir, elle ne peut que constater que ses filles se sont faites féminicider de manière contondante, tranchante et pénétrante, ce qui en dit long sur les standards de gender equality à Necromunda. Quelques flashbacks épars et pas vraiment linéaires permettent au lecteur de recoller les morceaux de cet après-midi décidément très agité : mises sur un mauvais coup par Harkon, Liz et son gang ont vu leur projet d’embuscade d’une cargaison de matos Orlock échouer de façon spectaculairement sanglante, les chasseuses tombant dans le piège tendu par les Ran’Lo présentés plus haut. Dans l’affrontement qui s’en suivit, Liz vit périr ses BFF Bekka (Corinne Masiero avec un bolter lourd) et Kat (la Princesse Peach, mais en plus empotée) sous les coups des assaillants, ce qui la mit suffisamment en rogne pour lui permettre d’exterminer à elle seule la totalité de l’équipe adverse. Performance aussi impressionnante que statistiquement improbable, pour qui est familier du système de jeu, mais toujours est-il que Liz termine la partie comme Last Woman Limping, ce qui est toujours ça de pris.

Attirée par les gémissements de l’une de ses victimes/bourreaux, rendue aveugle par un coup pris à la tête, Liz fait preuve d’un peu de compassion en accompagnant la future macchabée dans ses derniers instants. Cela lui permet de réaliser qu’en dépit des différences de culture, statut et richesse qui les séparent, la Spyrienne et elle sont très similaire… ce qui est une raison de plus de la laisser crever comme un rat sur un tas d’ordures. Personne n’est gentil ni altruiste dans le sous monde, et chaque mort douloureuse est amplement méritée.

La nouvelle se termine avec une nouvelle rencontre entre Harkon et ses clients, réduits à leur portion congrue du fait de la disparition tragique de tous les Spyriens dans l’échauffourée précédemment exposée. Et de fait, c’est Liz qui a pris la place de sa dernière victime en date dans l’exo-squelette de celle-ci pour donner le change à l’onctueux intermédiaire. Comme elle l’annonce à un Harkon qui risque de passer un sale quart d’heure, la traque ne fait que commencer…

1 : Un jour cette référence sera complètement obscure pour le lecteur, mais j’ai bon espoir qu’en 2021, elle soit encore compréhensible.

AVIS :

On ne va pas se le cacher, les Spyriens font partie des factions de Necromunda au fluff le plus intéressant, et toute nouvelle les intégrant à son casting jouit donc d’un a priori favorable de la part de votre serviteur. Le capital sympathie de ‘A World Above’ est toutefois grandement dilapidé par Alex Hammond dans la série de flashbacks assez obscurs qui constitue le cœur de son propos, et à travers laquelle le lecteur finit par comprendre pourquoi et comment Liz et une Spyrienne aveugle sympathisent (presque) après que la poudre ait fini de parler. Cette intrigue a beau être intéressante dans l’absolu, et se terminer de façon convenablement grimdark en sus, l’exécution n’est pas aussi propre qu’il aurait été souhaitable pour un plaisir de lecture optimal. On n’est pas passé loin de la pépite Necromundienne, et la suite des aventures vengeresses de Knife Edge Liz (‘Rat in the Walls’) pourrait être franchement sympathique si Hammond règle un peu sa mire, mais ‘A World Above’ a laissé un goût marqué et rédhibitoire d’inachevé à votre serviteur.

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Mormacar’s Lament – C. Pramas [WFB] – #6 :

INTRIGUE :

Fait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS :

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, ‘Mormacar’s Lament’ est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Day of Thirst – T. R. Summers [NDA] – #6 :

INTRIGUE :

Vous, fringant et amène lecteur, incarnez une recrue Goliath sur le point d’intégrer le gang de la Main Noire, et parti s’en jeter un petit au bar du coin pour marquer l’occasion. Votre interlocuteur est le taulier du rade en question, un individu ouvert aux ragots et aux confidences, qui va se faire un malin plaisir de vous expliquer pourquoi ce recrutement par Krug Face-Mauler, le chef de la Main Noire, n’est peut-être pas une aussi bonne nouvelle que ça…

Quelques jours plus tôt, l’auguste établissement de Furet (le surnom du barman) et QG officieux de la Main Noire avait reçu la visite de courtoise de l’imposante Mother Dark et de ses Eschers, venus rappeler à Krug qu’il leur devait un sacrifice dans le cadre de leur pacte de non agression, et que la livraison était attendue dans quatre heures précises au lieu dit des Pierre Soiffardes (Drinking Stones), sans quoi ça allait chauffer. N’ayant pas jugé bon d’informer ses hommes du petit arrangement passé avec les Eschers, et blessé dans son honneur de mâle alpha qu’une bonne femme vienne lui foutre la honte devant sa bande, Krug se souvint que la meilleure attaque était l’offensive, et monta sur le tas une opération punitive en mobilisant les quelques gangers qu’il avait sous la main (qu’il a noire), ainsi que Furet pour faire le nombre. Manque de pot, le remontage du bolter lourd manié par le balèze de l’équipe (Dramuck) prit tellement de temps que le petit groupe ne rattrapa pas Mother Dark et ses soubrettes en territoire Goliath, comme cela était initialement prévu.

Le règlement de comptes se passa donc à proximité des Pierres Soiffardes, et finit par tourner en faveur de la team XX, dont la prise à revers de la bande de Krug sonna le glas des velléités machistes des crétins à crête. Laissant Dramuck empalé sur le mobilier urbain après que son bolter lourd eut explosé (maudite surchauffe) et Furet enfoui sous un tas de gravats pour sa peine, Krug décida que la meilleure défense était la fuite et détala sans demander son reste. De son côté Furet parvint à faire son trou et à filer à son tour quelques heures plus tard, non sans avoir été témoin contre sa volonté de la fin douloureuse et sanglante de Dramuck, épilé à la cire chaude, liposucé sans anesthésie et surtout écorché à vif par ses tortionnaires pour nourrir le corgi de Mother Dark, enfermé sous les Pierres Soiffardes et impatient d’aller marquer son territoire dans le sous monde quand sa mémère décidera de l’emmener en balade.

Fin du flashback et retour au bar, où Furet s’interroge tout haut sur la vraie motivation de Krug de remplacer le défunt Dramuck par votre honorable personne. Est-ce vraiment pour renforcer son gang, ou simplement pour pouvoir fournir à Mother Dark une nouvelle victime sacrifiable lorsqu’elle en fera la demande ? Mal en a pris à notre pipelette car vous décidez de filer sans demander votre reste, et surtout sans payer votre verre de WildSnake. Petit chenapan que vous êtes.

AVIS :

Résultats mitigés pour Tully R. Summers avec ce ‘The Day of Thirst’, très correct sur la forme mais moins intéressant sur le fond. L’aisance narrative dont l’auteur fait preuve pour brosser en quelques pages le compte rendu d’un accrochage classique entre Goliaths et Eschers se retrouve en effet battue en brèche par l’inclusion d’éléments trop sommairement couverts pour ne pas paraître étranges. Un chef de gang Goliath qui manigance en secret avec des Eschers pour éviter la confrontation ? Une sororité chaotique qui invoque des démons sous les fontaines ? Tout cela n’est pas incompatible avec le background de Necromunda dans l’absolu1, mais balancer ces idées sans les contextualiser ni les étayer de quelque façon que ce soit dans une nouvelle de cinq pages donne logiquement l’impression d’une mécompréhension de l’historique et de l’ambiance du sous monde, tels que décrits dans les sources officielles du jeu. Il faut savoir se contenter de peu et apporter modestement son gravillon à l’édifice, plutôt que de chercher à mettre des coups de pied dans la fourmilière (rarement une bonne idée quand on parle de cités ruches…).

1 : D’ailleurs une des règles fondamentales du fluff est que tout peut se justifier si l’on s’en donne les moyens.

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Il est difficile de conclure cette revue de façon profonde et subtile (comme à mon habitude), tant cette dernière porte sur un corpus indiscriminé. Si on peut leur reprocher beaucoup de choses, les recueils de nouvelles de la Black Library ont au moins l’avantage de ne porter généralement que sur une franchise, et ont (parfois) une ligne éditoriale dont on peut commenter la netteté du suivi. Rien de tout ça ici, seulement un beau pêle-mêle de nouvelles surannées et collector, et donc collectées ici pour your reading pleasure. J’espère donc seulement que cela vous a plu, car il nous reste six ans de publications infernales à couvrir. Ce ne se fera sans doute pas tout de suite, mais j’ai bon espoir d’en venir à bout. Je vous laisse juger si ce futur haut fait fera de moi l’équivalent de Lucifer, et vous dit à bientôt pour de nouvelles critiques sanglantes.

DEATH ON THE PITCH : EXTRA TIME [BB]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de ‘Death on the Pitch : Extra Time’, entreprise littéraire extra ordinaire pour l’auteur de ces lignes. C’est en effet la première fois que je traite d’un ouvrage de la Black Library entièrement consacré au noble sport du Blood Bowl. Pour ma défense, ce type d’opuscule n’a jamais constitué le cœur des publications de la maison d’édition de Nottingham, tout comme ce jeu de ballon (à pointes) n’a jamais été celui de Games Workshop. Toutefois, s’il est une qualité que Blood Bowl peut revendiquer, c’est le peu commun engouement qu’il a réussi à créer et à soutenir parmi sa communauté de joueurs et d’enthousiastes, ce qui a permis à ce jeu de négocier avec succès plusieurs traversées du désert, notamment entre ses troisième et quatrième éditions, séparées par un véritable gouffre de 26 ans. Aujourd’hui, la franchise semble mieux se porter que jamais, avec un suivi régulier de la part de la maison mère, plusieurs jeux vidéos à son actif, et une nouvelle version publiée en novembre 2020, et qui a donné lieu à la (re)sortie du présent ouvrage1.

Sommaire Death on the Pitch_Extra Time (BB)

« Qu’est-ce que Blood Bowl? » me demanderez-vous peut-être pour commencer. Eh bien, pour schématiser grossièrement, c’est une adaptation du football américain dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle. On doit cette pastiche, devenue culte, au vénérable Jarvis Johnson, qui coucha les premières règles de ce jeu de plateau d’un style particulier sur l’astrogranit en 1987. Il convient ici de souligner que si Blood Bowl reprend les références, les races, les lieux et l’histoire de WFB, il ne s’intègre pas vraiment dans ce que l’on peut appeler la réalité canonique du Monde Qui Fut. En effet, les relations entre les différentes factions représentées à Blood Bowl ne furent jamais si cordiales qu’elles purent conclure de faire une trêve le temps d’organiser une ligue ou un tournoi (sans compter les difficultés logistiques inhérentes à un match entre des Hommes Lézards et des Nains du Chaos, par exemple). Ce qui a permis à la dimension parallèle de Blood Bowl de continuer à vivre alors que le Vieux Monde mit le pied en touche en 2015, comme chacun sait. Pour vivre heureux longtemps, vivons cachés? 

Nous retrouvons sur la feuille de match de cette copieuse anthologie (14 nouvelles, plus de 250 pages) beaucoup de têtes et plumes connues de l’amateur éclairé de la prose BLesque (Josh Reynolds, Gav Thorpe, Guy Haley, David Guymer, David Annandale2), ainsi que quelques spécialistes de la littérature sportive de la GW Fiction : Matt Forbeck (auteur de la quadrilogie ‘Blood Bowl‘), Andy Hall, dont toute la carrière pour la BL se résume aux deux nouvelles incluses dans cette anthologie, et Graeme Lyon, également double contributeur d’icelle. Enfin un trio de nouveaux auteurs (McNiven, Rath et Worley) viennent compléter ce rooster hétéroclite, mais que l’on espère tout de même qualitatif. Sera-ce le cas? Eh bien, il n’y a qu’une seule manière de s’en assurer…

1 : Comme le titre le laisse un peu deviner, ‘Death on the Pitch : Extra Time’ est une réédition de ‘Death on the Pitch‘, agrémenté de deux nouvelles supplémentaires : ‘The Freelancer’ et ‘Dismember the Titans’. La seconde ayant été initialement publiée dans ‘Inferno #3’ en 2019, la soumission de Robert Rath est techniquement la seule pure nouveauté que cette prolongation apporte à l’aficionado. La BL n’ayant pas retiré de la vente le premier recueil, qui est vendu le même prix que son successeur, il faut faire preuve de vigilance pour éviter de faire une mauvaise affaire en ligne…
2 : Pour ce qui est, sauf erreur de ma part, sa seule nouvelle liée à Warhammer Fantasy Battle. 

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Manglers Never Lose – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Tyros Bundt, coach des Presque célèbres Middenplatz Manglers, et confronté à un problème de taille à quelques heures du début du match décisif de son équipe contre les Haakenstadt Screechers, dans les phases finales du Doom Bowl de Drachenstadt. Son joueur star, le Blitzer Marius Hertz, a en effet été retrouvé nu, violacé, en compagnie de deux pom-pom girls Elfes, et surtout, totalement et irrémédiablement mort, comme l’habile diagnostic du Doc Morgrim ne tarde pas à le confirmer. Après avoir passé quelques minutes à se bercer d’illusions sur une résurrection miraculeuse de son poulain, et constaté que beaucoup de personnes devaient lui en vouloir (4 types de poisons différents utilisés, tout de même1), Bundt passe en mode manager et charge Morgrim d’aller lui dégotter un Nécromancien raisonnablement capable et aux tarifs abordables, pendant que lui se chargera d’apporter le cadavre du Blitzer jusqu’au stade. En effet, l’effectif des Manglers a été sévèrement diminué au cours des premiers matchs du tournoi, et sans la présence de Marius au coup d’envoi, l’équipe devra déclarer forfait, ce qui est contre l’éthique sportive de Bundt et les traditions de l’institution. Après tout, Manglers never lose2 !

Après quelques péripéties (et un illustre caméo), le coach parvient à amener le cadavre flasque et plus vraiment étanche de Marius jusque dans les vestiaires gagnés de haute lutte par les Manglers contre l’adversité et les équipes rivales au début du Doom Bowl. Le temps que Morgrim arrive avec son spécialiste, Bundt a le temps de découvrir que son joueur a été soudoyé par le coach de l’équipe adverse, qui a de plus envoyé deux fans Orques rappeler au Blitzer qu’il compte sur lui pour ne pas opposer de résistance aux Screechers lors du prochain match. Résultat des courses : Marius écope d’une nouvelle blessure mortelle dans l’algarade, mais vu son état, cela ne s’avère guère dommageable. À toute chose, corruption est bonne ceci dit, car le pécule mal gagné du parjure permet à Bundt de s’attacher les services du Nécromancien de Morgrim3, qui ne paie pas de mine (les plumes de pigeon teintes en noir pour imiter le corbeau, ça fait cheap), mais parvient à transformer Marius en Zombie baveux mais docile à temps pour le début du match. Comme l’exige la tradition sportive, Bundt livre un discours enflammé à ses joueurs (vivants) avant qu’ils entrent sur l’astrogranit, ce qui permet de découvrir que Marius Hertz a été victime d’une véritable cabale de la part de ses coéquipiers, qui avaient (presque) tous une bonne raison de vouloir sa mort, pour des causes sportives (« il était trop perso »), morales (« il a déshonoré ma sœur, mes frères, mes cousins, leur chèvre… »), financières (« il m’a laissé son ardoise au bar ») ou personnelles (« il me fouettait avec sa serviette sous la douche »). Au moins, l’abcès est crevé. Dommage qu’il ait fallu que Marius le devienne également.

Il sera cependant temps plus tard de régler ses comptes et d’inculquer un peu d’éthique aux survivants (et de trouver un nouveau sponsor, le chevaleresque ‘Errance Magazine’ appréciant moyennement être représenté par un athlète mort vivant), car c’est désormais l’HEURE DU MAAAAAATCH ! Eh bien que la nouvelle se termine avant la fin du temps réglementaire, les choses semblent bien se passer pour les Manglers, qui peuvent compter sur la résistance écœurante de Marius pour scorer (touchdown sans bras et à cloche-pied, la grande classe), et sur les bons offices de Franco Fiducci pour relever les pertes à la mi-temps. Avec de tels atouts, ce serait malheureux que les Manglers ne fassent pas honneur à leur réputation de gagneurs !

1 : Sans compter le couteau retrouvé dans son estomac, que Morgrim n’a pas relevé dans son autopsie car, après tout, ce que font les humains avec la coutellerie et leur système digestif ne regarde qu’eux.
2 : Except when they do. Ce qui arrive finalement assez fréquemment.
3 : Un certain Franco Fiducci, déjà croisé par Erkhart Dubnitz dans la série de nouvelles consacrées par Reynolds au très saint et très violent Ordre de Manann.

AVIS :

Josh Reynolds nous sert une nouvelle comme il sait si bien les écrire et nous si bien les aimer : drolatique, érudite (les clins d’œil et easter eggs de vieux fluff parsèment le récit), bien construite et diablement rythmée. En plus de tout cela, on retrouve dans ce ‘Manglers Never Lose’ la figure familière et livide de Franco Fiducci, perdue de vue pour ma part au détour d’un ‘Hammer & Bolter’ il y a quelques années, ce qui fait de chouettes retrouvailles. Dans la droite ligne de l’impayable ‘Dead Man’s Party’, cette nouvelle est un carton plein qui vient rappeler à point nommé, et malheureusement à titre « posthume » (maintenant que Reynolds est parti voir ailleurs si l’encre était plus verte), que la BL a eu beaucoup de chance de compter Josh Reynolds parmi ses contributeurs.

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Fixed – R. McNiven :

FixedINTRIGUE :

Bien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

Début spoiler…Qui consiste à jouer pour la gloire et la gagne plutôt que pour la vie et l’argent. C’est noble de sa part. Malgré la douleur insidieuse de son greffon, parasité par la magie néfaste de Mister Squimper qui regarde le match depuis les gradins, le Blitzer se fraie un chemin parmi les lignes adverses, évite le plaquage de Krapnugg, lui crève un œil pour faire bonne mesure, et envoie la passe victorieuse à un receveur de son équipe. Alors que le stade explose dans tous les sens du terme (les adversaires précédents des East End Boys ont eu la défaite mauvaise), Garr a la satisfaction finale de voir du coin de l’œil son fidèle Nor mettre la main sur Squimper, qui était en fait deux Prophètes Gris sous une toge. Le Rat Cornu, jamais réputé pour être très sports, ne sauve pas ses élus de la poigne de fer de l’Ogre domestique, qui fracasse le crâne des rongeurs truqueurs. Tout est bien qui finit bien donc (Garr pourra payer ses dettes grâce à la prime de victoire), si la foule ne piétine pas les joueurs à mort, s’entend…Fin spoiler

AVIS :

Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

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Da Bank Job – A. Hall :

Da Bank JobINTRIGUE :

Les Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

AVIS :

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

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The Hack Attack – M. Forbeck :

The Hack AttackINTRIGUE :

Les Pascal et Fontaine de Warhammer Fantasy Battle, Jim Johnson et Bob Bifford, animent une émission live de ‘Que sont ils devenus ?’, consacré à la légende des Bad Bay Hackers, Dirk Heldmann. Ayant déchaussé les crampons pour devenir coach en binôme de son ancienne équipe, Dirk se plie de plus ou moins bonne grâce au petit jeu de la nostalgie (son frère Dunk, sa belle-sœur Spinne Schönheit, M’Grash K’Thragsh, Edgar l’Homme Arbre…) et de la commémoration de sa période active. Bien évidemment, il est question du match contre les Chaos All-Stars de Serby Triomphe, où le sort de l’Empire s’est joué. L’interview se termine de façon assez brutale par…

Début spoiler…Le meurtre de Bob Bifford par Dirk Heldmann, après que sa petite amie Lästiges Weibchen, journaliste de terrain virée par le duo infernal pour incompétence caractérisée, lui ait envoyé une balle de Blood Bowl contenant un pieux, qu’il plante dans le torse de l’ogre retraité. Apparemment pour lui piquer sa place de présentateur. La nouvelle s’arrête et la pub se déclenche alors que Jim Johnson semble sur le point de subir le même sort que son comparse. La fin d’une époque. FinFin spoiler

AVIS :

Il n’y a que deux choses à retenir de cette très courte nouvelle (9 pages) de Matt Forbeck. Primo, il s’agit de la conclusion de sa quadrilogie de romans Blood Bowl consacrés aux Bad Bay Hackers et aux frères Heldmann. Si certains auteurs plus doués que la moyenne parviennent sans mal à tourner leurs propos de telle manière que même un novice complet puisse comprendre et apprécier de quoi il en retourne lorsqu’il traite d’une série bien établie, avec de nombreux personnages ayant vécu des aventures variées et entretenant des rapports complexes les uns par rapport aux autres (Dan Abnett fait ça très bien dans ‘Les Fantômes de Gaunt’ par exemple), Forbeck ne s’est pas donné cette peine ici. Pour être honnête, n’ayant pas lu les romans en question, j’ai compris que quelque chose clochait à la moitié de l’histoire et à l’évocation du dixième personnage nommé en cinq pages, ce qui est un ratio peu commun. Et effectivement, une lecture du résumé de l’anthologie ‘Blood Bowl’ permet de comprendre que Matt Forbeck a un historique conséquent avec les frangins Dirk et Dunk. Dommage qu’il se montre si « exclusif » dans son approche de ‘The Hack Attack’ car reconnaissons-le : les souvenirs émus et les histoires de couple/fesse de Dirk Heldmann n’intéressent pas grand-monde  mis à part la poignée de fans transis de ce dernier.

Secundo, la fin de cette nouvelle, si elle a le mérite de surprendre le lecteur, m’a semblé relever du crime de lèse-majesté concernant deux personnalités aussi centrales et vénérables de Blood Bowl que le duo Bifford & Johnson. À moins que Forbeck ait créé ce dernier (ce qui est possible, mais me semble incertain au vu de l’ancienneté des illustrations du regretté Wayne England), quel droit avait-il de siffler la fin de leur match, et de manière si cavalière qui plus est ? Les personnages nommés de Warhammer Fantasy Battle eurent droit à un requiem digne de ce nom avec The End Times en 2015, ceux de Blood Bowl devront se contenter de ‘The Hack Attack’ deux ans plus tard. Assez indigne, tant sur le fond que sur la forme.

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Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution – G. Lyon :

Mazlocke's Cantrip of Superior SubstitutionINTRIGUE :

Le Light’s Hope Stadium de Talabheim accueille un match de ligue mineure entre les presque redoutables Talabheim Titans et les positivement nuls Black Water Boyz. Tellement nuls d’ailleurs que leur coach, Borgut, a résolu de tenter le tout pour le tout pour arracher la victoire, et a placé ses dernières économies entre les mains d’un sorcier non homologué, Mazlocke. Ce dernier maîtrise en effet un sort au nom aussi compliqué (Cantrip of Superior Substitution) que ses effets sont spectaculaires : remplacer les plots verts de l’équipe visiteuse par des légendes de Blood Bowl, le temps d’un match. Sur le papier, le plan est brillant, mais comme vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer de manière optimale.

Il est temps pour nous de faire la connaissance des rivaux des Black Water Boyz, et en particulier du receveur Johann Walsh et du blitzer Kurt Grafstein. Ils partagent tous deux le statut de joueur vedette de leur équipe, mais là où Johann est gentil et serviable (il est même copain avec l’Ogre de l’équipe, Ghurg, c’est dire s’il est cool), Kurt se la pète méchamment et drague lourdement/harcèle sexuellement la pom pom girl Juliana, qui est également un personnage important. Pour le moment, contentons-nous de dire qu’elle préférerait pratiquer sa passion sur l’astrogranit plutôt que de se déhancher devant des hordes de fans mal dégrossis, mais la nature patriarcale de l’Empire l’a contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Enfin, dans les gradins du stade, le fan #1 de Kurt Grafstein, Gerhardt Mannheim, est venu assister à la rencontre comme à chacune de celles des Talabheim Titans. Gerhardt est l’incarnation du fan de sport aussi incollable en historique et statistiques qu’incapable de courir 50 mètres sans cracher ses poumons ni de monter un escalier sans passer au rouge vif. La passion qu’il voue à Grafstein, qui a son âge et vient du même village que lui, est une sorte d’amour jaloux flirtant avec le malsain, et totalement à sens unique, son idole n’ayant jugé bon de répondre aux douzaines de lettres enthousiastes qu’il lui a envoyées.

Si cette exposition détaillée de la galerie de personnages a été nécessaire, c’est que le sort de Mazlocke va se solder par un demi-échec, et permuter les personnalités et les corps de certains des individus présents au Light’s Hope Stadium. Ainsi, Johann se retrouve à devoir jouer du pom-pom le long du virage nord, tandis que Juliana réalise son rêve de jouer un match de Blood Bowl en étant propulsée receveur des Titans. Bien entendu, Kurt et Gerhardt forment un autre couple d’inversion, ce qui leur permet de découvrir que la vie d’un fan/blitzer n’est pas de tout repos. Enfin, le receveur Gobelin (c’est son vrai nom) des Black Water Boyz a la chance d’être catapulté aux manettes de l’imposant châssis de l’Ogre Ghurg (et vice-versa), ce qui va lui permettre de se venger dans le sang et la violence des brimades et mauvais traitements que lui ont fait subir le reste de l’équipe depuis des années. Un comportement presque normal de la part de Ghurg, si on réfléchit, et qui n’attire donc pas l’œil de Jim Bifford et Bob Johnson en tribunes (qui ont leur propres problèmes, comme le lecteur avisé l’aura reconnu).

Comme on peut s’en douter, les effets du cantrip de Mazlocke, qui a essayé de partir avec la caisse mais s’est téléporté dans les gradins du stade au lieu de partir en Bretonnie comme il l’escomptait (c’est ça aussi de s’auto-former), mettent un beau boxon sur le terrain. Lorsqu’un mage assermenté parvient enfin à remettre chaque chose et conscience à sa place, tous nos personnages en auront été quitte pour une expérience marquante, aussi bien au sens intellectuel que physique du terme. Ainsi, Juliana, qui a réussi à marquer un beau touchdown en solo, se fait signer par la coach d’une équipe Amazone, tandis que Johann devient un ally de la lutte contre le sexisme ordinaire. Kurt et Gerhardt finissent voisins de lit à l’hôpital, en grande partie à cause de Gobelin et Ghurg, le second ayant négligemment balancé le premier dans la foule, avec une retombée funeste sur le fan ventripotent (Kurt ayant pour sa part été projeté dans les gradins par un Orque taquin). La leçon du jour est la suivante : tant qu’à tricher, autant se faire épauler par des professionnels capables de garantir des résultats de qualité plutôt que de s’appuyer sur des amateurs incompétents. Non mais.

AVIS :

Graeme Lyon signe avec ‘Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution’ une nouvelle marquante, et pas seulement grâce à son titre extravagant (même s’il faut reconnaître que cela joue, et que le catalogue de la BL compte quelques challengers). L’intrigue mise en place par l’auteur nécessitait une construction rigoureuse, pour ne pas perdre le lecteur entre les péripéties vécues par les 3 « couples » (4 si on inclue le transfert entre Jim Johnson et Bob Bifford dans la loge des commentateurs), qui s’entremêlent les unes aux autres jusqu’au dénouement final, et Lyon s’en sort très bien je trouve. J’ai également apprécié l’intégration d’éléments additionnels à une nouvelle de Blood Bowl classique, comme les réflexions féministes de l’arc Johana, et la figure du fan transi/névrosé via Gerhardt Mannheim. Bref, le résultat est se montre à la hauteur des ambitions poursuivies par l’auteur de cette opérette sportive, et mérite certainement la lecture par les amateurs de littérature Blood Bowl.

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Pride and Penitence – A. Worley :

Pride and PenitenceINTRIGUE :

Les Bright Crusaders, l’équipe la plus fair play qui soit (un cruel désavantage à Blood Bowl, il faut le reconnaître), disputent la finale de la Purity Cup contre les Doomtown Rats, et la mi-temps vient de sonner. De retour au vestiaire avec un avantage au tableau d’affichage, mais trois joueurs passés ad patres du fait du Rat Ogre de l’équipe adverse, les Crusaders doivent mettre au point une stratégie robuste pour espérer conserver leur avance jusqu’à la fin du match. Bien que techniquement plus doués que leurs adversaires du jour, la férocité de Skrut Manpeeler, la vitesse des coureurs d’égouts et la supériorité numérique des ratons sont autant de désavantages que le coach Dolph ‘Le Saint’ Gutmann essaie de gommer dans sa causerie de mi-match. Comme si cela ne suffisait pas, le joueur star de l’équipe, Gerhardt le Pénitent, est pris d’une nouvelle crise expiatoire, comme cela lui est arrivé à de nombreuses reprises au cours de la saison. Ex-flagellant puritain et masochiste, Gerhardt est un blitzer d’un talent et d’une endurance rares, quelque peu diminués par sa tendance à se punir de manière extrême dès que son sens aigu de la justice lui indique que son adversaire a souffert d’un handicap injuste. Cela l’a ainsi amené à s’immoler, s’enterrer, tenter de se casser les membres, ou encore vouloir jouer sans protection, comme il insiste pour le faire après avoir entendu Gutmann avancer que la supériorité technique des huit Crusaders survivants leur donnait un avantage sur les Skavens d’en face.

Fort heureusement pour ses coéquipiers, ils peuvent faire appel au sens moral hypertrophié de Gerhardt pour lui faire entendre raison, en lui rappelant qu’ils doivent à tout prix remporter la Purity Cup pour pouvoir éponger les dettes de Sœur Bertilda et de ses orphelins, qui ont écrit de nombreuses lettres touchantes et pathétiques au Pénitent au cours de la saison. Ce dernier accepte donc avec regret de se rhabiller pour cette fois, mais fait promettre aux Crusaders de l’accompagner dans une séance de pénitence de son choix une fois le match gagné, ce qu’ils acceptent sans rechigner.

Une fois les choses remises en ordre et la coquille de Gerhardt en place, la deuxième mi-temps peut commencer, et le lecteur voir le blitzer prodigue en action. Et il faut bien reconnaître qu’il fait honneur à sa réputation altruiste (en prenant un rocher envoyé par un fan taquin à la place d’un coéquipier) et sportive (en corrigeant bellement Skrut Manpeeler en un contre un), ce qui n’empêche pas les Crusaders d’encaisser le touchdown qui ramène les deux équipes à égalité. Dès lors, la tactique du coach Gutmann consiste à tenir la balle en espérant un miracle, schéma tactique dans lequel Gerhardt doit se contenter d’occuper le plus de joueurs adverses possibles, ce qu’il fait parfaitement en se colletinant trois trois quarts Skavens. C’est alors que deux Crusaders parviennent à passer la ligne d’avantage et à foncer vers l’en but adverse, où les attend toutefois un Skrut revanchard et très énervé. Dur dilemme moral pour Gerhardt, piétiné dans la boue par ses adversaires : s’en tenir au plan de jeu ou voler aux secours de ses partenaires ?

C’est finalement pour la deuxième option que se décide notre héros, qui échappe à ses tortionnaires en se glissant hors de son armure et finit donc par jouer à poil, comme il le souhaitait. Ce manque d’équipement ne réduit en rien son talent, puisqu’il parvient à décocher un coup de boule tellement parfait à Skrut que ce dernier finit dans les tribunes, sort peu enviable pour un joueur de Blood Bowl, comme chacun le sait. La partie se termine sur le score de 3 à 2, faisant des Bright Crusaders les récipiendaires de la Purity Cup, et permettant à l’orphelinat de Sœur Bertilda d’être sauvé de la destruction. D’ailleurs, la grâcieuse créature a fait le déplacement avec ses protégés, et c’est vers eux que Gerhardt se précipite lorsque le coup de sifflet final retentit dans le stade…

Début spoiler…Seulement pour découvrir que Bertilda était en fait l’assistant du coach déguisé en religieuse (paire de navets à l’appui), et les orphelins une troupe d’intermittents du spectacle Gobelins, qui profitent de l’occasion pour aller tabasser le pauvre Skrut à coups de béquille, obéissant à la nature profonde des enfants humains et des peaux vertes. Cette ruse, indigne des Crusaders, était le seul moyen trouvé par Dolph Gutmann pour canaliser son joueur, qui tombe des nues devant ce stratagème honteusement filou. Beau jeu jusqu’au bout, Gutmann et les Crusaders se tiennent prêts à abandonner la victoire au profit de leurs adversaires en contrition de leur péché de mensonge, mais Gerhardt ne l’entend pas de cette oreille : la Purity Cup a été remportée sans tricher et revient donc de droit aux Bright Crusaders. Il sera bien temps plus tard d’expier cette faute collective lors de la séance de pénitence à laquelle ses camarades ont accepté un peu vite de se plier…

Et en effet, la nouvelle se termine par l’interview de Gutmann par une journaliste Halfling, alors que le coach et son équipe (y compris Gerhardt) sont enterrés jusqu’au cou dans la pelouse du stade, pour une durée d’un mois. Un temps nécessaire pour songer à leur faute morale, et qui ne leur sera peut-être pas fatal à tous, car le Pénitent a permis à l’assistant du coach de venir nourrir et faire boire les joueurs pendant leur retraite spirituelle. Il faudra cependant se méfier du jardinier aveugle et alcoolique lorsqu’il passera la tondeuse…Fin spoiler

AVIS :

Alec Worley capte parfaitement l’ambiance délurée propre à Blood Bowl dans cette nouvelle posant une des questions les plus intéressantes de cette franchise en prémisse de son intrigue : « et si une équipe tenait absolument à jouer sans tricher ? ». Les Bright Crusaders et leur parangon de vertu mortificatrice Gerhardt le Pénitent, répondent à cette interrogation, sans doute purement rhétorique avant ‘Pride and Penitence’ de façon aussi convaincante que distrayante, faisant de cette nouvelle une vraie réussite et un must read pour les aficionados de Blood Bowl.

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The Skeleton Key – D. Annandale :

The Skeleton KeyINTRIGUE :

Quittons un instant l’astrogranit pour nous intéresser à une variante populaire du Blood Bowl, le Dungeon Bowl. Si les règles sont à peu près les mêmes, et la violence tout aussi répandue que dans le jeu de base, le Dungeon Bowl a la particularité de se jouer, le croirez-vous, dans un donjon. Deux équipes de six joueurs doivent explorer ce terrain peu banal à la recherche de la balle, cachée dans un des coffres répartis dans les salles du labyrinthe, puis l’apporter dans l’en-but adverse, qui doit également être découvert. Variante oblige, la victoire appartient à la première équipe à marquer un touchdown, c’est donc un système à mort subite qui est utilisé ici. Voilà pour les présentations.

Le match que nous allons suivre oppose les honorables Bright Crusaders aux vénérables Champions of Death, menés par l’authentiquement réac Ramtut the Third (à ne pas confondre avec son avorton de frangin, Ramthit the Turd). C’est bien simple, rien de ce qui est moderne – c’est-à-dire à moins de deux mille ans – ne trouve grâce aux yeux desséchés du Fat des Tombes, et c’est d’ailleurs à se demander ce qui l’a convaincu de participer à cet événement, où lui et ses squelettes occupent le rôle des monstres opposés aux héroïques et vertueux Crusaders. Il ne s’en doute pas, mais il n’est pas le seul à désirer la défaite de ces derniers : une bande de Gobelins fans de Da Deff Skwad, la dernière équipe battue par nos paloufs, est bien décidée à venger ses idoles et à se faire un paquet de blé au passage, en forçant les Bright Crusaders à tricher contre leur gré, ce qui serait du jamais vu dans l’histoire de la franchise (et offre donc une côte intéressante chez les bookmakers). Comme toujours avec les Gobelins, le plan est aussi retors que vicieux, et consiste donc à installer des faux coffres explosifs à proximité de la zone de départ des Crusaders… pour les ralentir j’imagine ? Ayant graissé la patte d’un arbitre Halfling corruptible, les conspirateurs ont accès au donjon quelques minutes avant le coup d’envoi début des hostilités, et se mettent à pied d’œuvre sans traîner.

La partie en elle-même se déroule de façon assez confuse, principalement à travers les bandelettes de Ramtut. Ce dernier perd tous ses squelettes dans les premières minutes du match, victimes de collisions frontales avec les Crusaders ou de pièges explosifs, mais parvient tout de même à se saisir de la balle… plusieurs fois de suite. Car la fâcheuse tendance de cette dernière de tomber dans la lave hache un peu le jeu, même si les organisateurs ont la bonne idée de remettre un ballon sur le terrain dès que le besoin s’en fait sentir. De leur côté, les humains perdent également des joueurs à un rythme soutenu, et parfois de façon complètement ridicule1, jusqu’à ce que le match vire à la catastrophe à la suite d’un trop grand afflux de Squelettes dans les téléporteurs (la règle stipule que les équipes commencent avec six joueurs, pas qu’elles ne peuvent pas en recevoir davantage en cours de jeu). Pris dans un geyser de magie brute, Ramtut et Sternright, le capitaine des Crusaders, sont aspirés dans un autre monde, et surtout, dans une autre époque. Une époque futuriste et puissamment grimdark, if you see what I mean. Tellement grimdark d’ailleurs qu’ils emportent avec eux un Hormagaunt sur le chemin du retour, qui leur subtilise la balle et remonte tout le donjon pour aller marquer un touchdown. Pour qui ? Mystère…

Le cataclysme magique ayant fragilisé la structure du stade, le terrain commence à disparaître dans la lave, ce qui pose problème à tout le monde… sauf à Ramtut, qui saute dans le magma la balle en main pour aller marquer l’essai de la victoire au nez et à la barbe des deux derniers Bright Crusaders. Car dans la dimension parallèle de Blood Bowl, les momies ne sont pas inflammables, qu’on se le dise. Cette issue défavorable n’atteint toutefois pas à l’honneur des Crusaders, toutes les manigances gobelines pour les pousser à la faute et à la triche ayant échoué les unes après les autres. Victoire sportive pour les uns, victoire morale pour les autres : tout le monde est content !

1 : Mention spéciale à Guy Gallant, qui se fait berner par un Gobelin sur échasse déguisée en demoiselle en détresse (véridique), et qui tombe dans le magma de manière très Looney Tunesque.

AVIS :

David Annandale voulait indubitablement bien faire en mettant en scène une partie de Dungeon Bowl mettant aux prises deux équipes bien connues des fans, mais la mise en scène pêche malheureusement trop pour que l’on puisse qualifier ‘The Skeleton Key’ (titre qui m’échappe je dois le reconnaître, car il n’y a aucun passe-partout dans la nouvelle, et le jeu de mots avec « squelette » me semble tiré par les cheveux) de réussite. Dès lors que les choses sérieuses commencent, l’avalanche de règles spéciales propres à ce format, et davantage complexifiées par les manigances des Gobelins mauvais perdants, viennent brouiller l’intrigue jusqu’à ce qu’on ne distingue plus que des joueurs courant de salle en salle, parfois avec la balle, parfois non, en évitant les flaques de lave (et parfois non), sans aucune logique ni stratégie. Annandale convoque également une belle galerie de personnages, sans que la plupart ne joue vraiment un rôle important dans l’histoire, seul Ramtut faisant office de véritable protagoniste. Tout cela ajoute encore à l’impression de foire d’empoigne échevelée et par moment incohérente qui se dégage de ce récit, ce qui n’est pas un compliment, même pour une nouvelle de Blood Bowl. On peut noter au passage que David Annandale réussit à caser du 40K même dans sa seule (à ma connaissance) contribution à la BL se déroulant dans l’univers de WFB, ce que l’on peut considérer comme un clin d’œil appuyé ou une dépendance incurable, selon la perspective. En tout état de cause, ‘The Skeleton Key’ ne joue pas dans la première division du corpus de Blood Bowl. Triste, mais pas vraiment surprenant, si ?

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Scrape to Glory – G. Thorpe :

Scrape to VictoryINTRIGUE :

Joueur du dimanche de Blood Bowl au sein des parfaitement nommés Crookback Cretins, le Skaven Kikkit a toutefois attiré l’œil des recruteurs des célèbres Skavenblight Scramblers, qui l’ont convié à une session d’essai de présaison à la condition qu’il batte le record du nombre d’adversaires blessés alors qu’ils étaient au sol de la ligue SCABB. Avec 42 unités au compteur et un match à jouer contre les redoutables Morglum’s Marauders, Kikkit n’a qu’un coup bas à assener pour rat-ffler la mise et s’ouvrir les portes d’une carrière professionnelle, loin de sa vie misérable et industrieuse de Rats des Clans passant ses journées à limer des engrenages pour les ateliers du clan Skryre. Un nouveau départ lui permettrait également de laisser derrière lui les dettes accumulées auprès de maîtres des bêtes peu commodes du clan Moulder, qui lui réclament la coquette somme de 50.000 couronnes d’or pour passer l’éponge. Bref, la motivation est à bloc pour cette ultime rencontre, et pas seulement parce qu’une défaite condamnerait les Cretins de l’Alpe à être sacrifiés au Rat Cornu, comme le trio de Prophètes Gris qui sponsorisent l’équipe le soulignent clairement dans leur causerie d’avant match.

La chance sourit aux ratons cependant, car ce ne sont pas les terribles Marauders Orques qui se présentent dans le stade de Crookback Mountain, mais leurs adversaires malheureux des demi-finales, les nettement moins impressionnants Tinklebrook Trotters, qui se trouvent être des Halflings. Tout à fait confiant dans l’issue de ce match, Kikkit s’explique avant les hymnes pour aller parier toutes ses économies chez un bookmaker Gobelin de sa connaissance, qui lui fait une cote pas encore mise à jour et donc diablement lucrative. Après tout, quand on ne peut pas investir dans le Bitcoin, on fait du profit comme on peut. Ceci fait, notre héros à moustaches retourne dare-dare au stade pour prendre sa place sur le pré. Il alors la mauvaise surprise de constater que les Halflings se sont fait accompagner par deux Hommes Arbres, qui fermaient la colonne des visiteurs du fait de leur train de sénateurs, et qu’il n’a donc pas vu avant de partir placer son magot. Voilà qui rat-joute un peu de suspense.

Le match s’engage et s’avère assez disputé, les grandes baffes épineuses distribuées les frères Tronc (Georges et Mega) et la consommation de substances énergisantes des petits gloutons empêchant les Cretins de prendre le large, et à Kikkit de faire une dernière victime. Au terme du temps réglementaire, le score est de trois partout, ce qui mène logiquement aux traditionnelles prolongations en mort subite. Par un curieux hasard dont Nuffle est sans aucun doute responsable, Kikkit se retrouve dans une position délicate, où il doit choisir de faire un bloc qui permettra sans aucun doute à son équipe de marquer le touchdown de la victoire, ou d’aller maraver la goule d’un Halfling sonné à proximité de la zone d’en but des Trotters. N’écoutant que son intérêt propre, en bon Skaven qu’il est, notre héros choisit évidemment la seconde option, et pique son meilleur sprint à travers la défense adverse pour aller jeanclaudevandamiser la mâchoire de l’avorton vulnérable. Un choix doublement récompensé, car en plus de porter son total de victimes à 43, Kikkit marque également le point décisif de la partie, s’étant débrouillé pour emporter avec lui la balle crevée sur une des piques de son épaulière, après qu’il « par mégarde » tacler son lanceur pour éviter que le match ne s’arrête trop tôt. Et c’est sur cette victoire sur tous les tableaux que se termine notre histoire, qui finit scandaleusement bien pour une nouvelle de Skavens, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Gav Thorpe se frotte aux Hommes Rats de Warhammer Fantasy Battle (pas une de ses factions de cœur pour cette franchise) et signe une petite nouvelle qui se place dans la moyennement très légèrement haute du genre. C’est raisonnablement drôle, le fluff Skavens (et Halflings !) est respecté, et on retrouve l’ambiance propre au Blood Bowl, sans que l’intrigue soit particulièrement fouillée, la mise en scène impeccable ou le background significativement enrichi. Le seul petit reproche que je pourrais faire à ‘Scrape to Victory’ est, comme dit ci-dessus, son absence de ratage final, tant il est vrai que les séides du Rat Cornu sont célèbres pour arracher la catastrophe des griffes du triomphe avec une constance remarquable. Outre ce manquement de ca-rat-ctérisation, je n’ai rien à dire de cette histoire, qui se laisse tout à fait lire.

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Doc Morgrim’s Vow – J. Reynolds :

Doc Morgrim's VowINTRIGUE :

Les Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

AVIS :

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

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A Last Sniff of Glory – D. Guymer :

A Last Sniff at GloryINTRIGUE :

Red Claw” Rurrk est une légende du Blood Bowl Skaven. Blitzer vedette des célèbres Skavenblight Scramblers, il a été de tous les succès notables de l’équipe, comme ce match de légende contre le Princedom of Pain, à Erengrad. La première défaite en trois siècles pour le Prince Amaranth l’Inviolé, un qualificatif pas vraiment mérité au vu du score final… Enfin, ça, c’était il y a sept ans, bien longtemps pour un Skaven. Rurrk se fait bien vieux aujourd’hui, et n’a plus la forme d’antan, comme son match catastrophique contre les Mootland Raiders en début de saison l’a démontré. Lent, ankylosé, courbaturé et à moitié aveugle, il ne lui reste plus guère que son vice naturel, son expérience prodigieuse et sa consommation effrénée de malepierre pour faire illusion. L’heure de la retraite, ou l’équivalent pour les Skavens, a sonné depuis longtemps pour le vénérable champion, mais ce dernier s’est fixé un dernier objectif avant de raccrocher (ou plutôt, d’enterrer) son iconique griffe rouge : participer à l’Eight Point Star Cup à Drakenhof, afin de pouvoir affronter une nouvelle fois Amaranth.

Il lui faut pour cela convaincre le nouveau coach des Scramblers, le Prophète Gris Razzel, de lui laisser une place sur la feuille de match, ce qui est loin d’être évident. Rurrk est cependant prêt à tous les sacrifices (y compris ceux des membres de son équipe) pour revenir dans les bonnes grâces du sélectionneur, et parvient à ses fins après avoir massacré deux coéquipiers au cours d’un match d’entraînement, et menacé de faire subir le même sort au Rat Ogre de l’équipe. Il n’y a guère que le Coureur d’Egout Silkpaw qui se trouve à l’abri de la rivalité « amicale » du vétéran, leurs styles de jeu étant diamétralement opposés, ce qui préserve le jeunot des tacles appuyés de Rurrk. Soucieux d’éviter une hécatombe pré-tournoi, Razzel finit donc par accepter la requête du Blitzer, ce qui promet des retrouvailles touchantes avec le Princedom of Pain…

Début spoiler…Et en effet, les fans en délire assistent à un match dans le match entre les deux rivaux, qui se tabassent avec entrain au milieu du terrain pendant que leurs équipes respectives tentent tant bien que mal de jouer la balle. Si Rurrk s’est dopé jusqu’au moustaches pour pouvoir tenir son rang, il ne fait cependant pas le poids face à Amaranth, dont la puissance a augmenté (merci la possession démoniaque) au cours des insignifiantes sept années qui se sont écoulées depuis leur première rencontre. Le duel de mandales finit donc par tourner en faveur du Prince possédé, qui empale son adversaire sur le bout de sa pince, bien aidé en cela par la discrète poussette que ce fourbe de Silkpaw inflige à son équipier au pire moment. Pour la défense du Coureur d’Egout, les deux capitaines monopolisaient la balle sans rien en faire, et son intervention décisive permet aux Scramblers de marquer un précieux touchdown. C’est avec le hurlement des fans en délire dans les oreilles, scandant son nom comme à la belle époque, que le vieux champion tire donc sa révérence, après avoir grignoté une dernière croûte de gloire comme il le souhaitait. J’en verserais presque une larme tiens.Fin spoiler

AVIS :

David Guymer prend le lecteur à contre pied comme un receveur feinte un trois-quart avec ‘A Last Sniff of Glory’, qui joue la carte de la nostalgie plutôt que de l’humour sadique et nihiliste, qu’on était doublement en droit d’attendre de la part d’une nouvelle de Skavens jouant au Blood Bowl. On ne lui en tiendra toutefois pas rigueur, car en plus d’être originale, cette histoire est bigrement réussie. Ce n’était pas un mince défi de rendre la figure de Rurrk sympathique, voire même pathétique, tant l’anti héros de cette soumission exemplifie tous les traits les plus vils et veules de son ignoble race, mais Guymer y parvient de manière probante. On termine ‘A Last Sniff of Glory’ dans le même état émotionnel que ‘The Wrestler’, Mickey Rourke ayant seulement été remplacé par une Vermine de Choc en armure lourde, et le ring de catch par un terrain de Blood Bowl. Cette nouvelle mérite la lecture par sa singularité autant que par sa qualité d’exécution (même le niveau d’anglais est plus recherché qu’à l’accoutumée, pour autant que je puisse en juger), ce qui font deux bonnes raisons d’assister au jubilé du Petit Tâcheron Rouge…

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Foul Play – A. Hall :

Foul PlayINTRIGUE :

Rangé des voitures et des crampons après une sale blessure alors qu’il jouait trois quart pour les Marauders, Gulden von Sulkenhof, alias Sulk, s’est reconverti dans le crime organisé. Il sert désormais les frères Kobassi, gangsters Ogres bien établis dans le milieu d’Altdorf, et a été chargé par ces derniers de cambrioler le domicile de Gerald Frost-Thumbs, le présentateur météo vedette de CabalVision, à la recherche d’éléments compromettants pour le faire chanter. Quelle n’est pas sa surprise de voir ses employeurs débarquer sur les lieux de son forfait alors qu’il farfouille dans les caleçons du Louis Bodin du Vieux Monde, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont compris qu’il était une balance et s’apprêtent à le châtier à leur manière, pas vrai ? Eh bien… non. Les Kobassi se sont déplacés pour faire à Sulk une proposition qu’il ne peut vraiment pas refuser, comme le dit l’expression consacrée. Les truands ont parié gros sur la prochaine victoire des Gouged Eyes sur les Dwarf Giants, malgré le statut de favoris de ces derniers. Ils comptent donc sur leur agent pour s’assurer de ce résultat, en sa qualité d’arbitre du match, reconversion tout à fait logique pour un ancien joueur il faut bien le reconnaître.

Le hic, c’est que l’autre patron de Sulk, le Lord Chamberlain d’Altdorf, souhaite au contraire que les Giants gagnent afin de fragiliser la position des Kobassi. Et comme notre héros a été recruté par le réseau d’espion du notable, ses Yeux, il n’est pas vraiment en position de refuser. Le Lord Chamberlain sait en effet qu’il a recueilli la chèvre mascotte (Janet) de son ancienne équipe, la pauvre bête étant sur le point d’être abattue après que des fans particulièrement obtus aient prétendu qu’il s’agissait d’un Gor marchant à quatre pattes. Un moyen de chantage comme un autre, Sulk étant un défenseur de la cause animale devant l’éternel. On devine donc le dilemme devant lequel l’ex-joueur, futur arbitre et agent double se trouve : quel que soit le résultat du match, l’un de ses employeurs sera très mécontent de lui, avec des résultats potentiellement mortels…

Ces considérations morbides ne reculent cependant pas le jour de la rencontre, qui finit par avoir lieu dans un Oldbowl rempli à bloc. Surveillé de près par les frères Kobassi en tribunes, et par un autre agent de Chamberlain, Hinter (qui s’est fait nommer arbitre assistant), sur le terrain, Sulk essaie de ménager la chèvre et le chou pour sauver la première sans se prendre le second. Enfin je me comprends. Craignant davantage la vengeance brutale et immédiate des Ogres, l’arbitre torturé commence par sanctionner sévèrement les Nains, notamment en refusant toute intrusion de matériel de guerre (dont les roulemorts) sur le terrain, mais se fait contrecarrer par Hinter, qui use des règles les plus triviales du Blood Bowl pour équilibrer les débats. À la mi-temps, les Giants mène 1-0, et Hinter vient menacer Sulk de remettre les preuves de sa duplicité, qu’il conserve dans le livret qu’il garde dans la poche, aux Kobassi s’il continue à faire sa tête de mule. Cette intimidation donne toutefois une idée à l’homme au sifflet, qui finit par autoriser les Nains à faire entrer leur roulemort à quelques minutes de la fin du match, et pousse négligemment son adjoint sous le rouleau de la machine lors de la remise en jeu, faisant disparaître le gêneur et les éléments à charge contre lui, avant de redonner la possession aux Gouged Eyes pour aggression caractérisée du corps arbitral par les Giants. CQFD. Ce retournement de situation permet aux peaux vertes de marquer le touchdown de la victoire au bout du suspense, ce qui fait les affaires des Kobassi. Bien sûr, le Lord Chamberlain n’est pas content, mais Sulk parvient à le convaincre de l’intérêt de pouvoir compter sur ses services maintenant qu’il est plus populaire que jamais auprès des gangsters pour l’empêcher de méchouiller la pauvre Janet. Au final, il s’avère même que les Kobassi étaient également au courant que Sulk travaillait dans leur dos, ce qu’ils ont toléré car cela leur permet de donner de fausses informations à leur rival. Notre héros en est quitte pour se fendre un beau statut « Situation professionnelle : it’s complicated » sur sa page FaceTome, avant d’aller secourir Rolf le terrier, mascotte des Dwarf Giants menacée de mort par les fans de Gouged Eyes. No rest for the wicked !

AVIS :

La Black Library a son lot de nouvelles et de romans mettant en scène des intrigues damned if I do and damned if I don’t1 et Andy Hall adapte ce classique à l’univers de Blood Bowl avec ‘Foul Play’. Tout l’enjeu de ce type de soumission, si on demande mon avis, est d’arriver à trouver une issue élégante à un dilemme a priori insoluble, et Hall ne casse pas la baraque ici. Sa soumission reste malgré tout convenable, et permet d’approcher des « fameux » frères Kobassi, qui ont eu l’honneur de figurer dans la campagne du jeu vidéo Blood Bowl II (et peut-être aussi le premier, I don’t know). C’est à peu près tout ce que je retiens de notable de cette nouvelle, qui n’est guère plus qu’un honnête filler, comme les équipes de Blood Bowl ont leurs ternes trois quarts. Tout le monde ne peut pas être une star.

1 : ‘The Assassin’s Dilemma’ (David Earle), mais aussi ‘Tainted Blood’, le 3ème tome de la série ‘Black Hearts’ (Nathan Long), par exemple.

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Hoppo’s Pies – G. Haley :

Hoppo's PiesINTRIGUE :

Coach des positivement médiocres Grotty Stealers depuis que sa carrière de receveur s’est trouvée engloutie en même temps que son bras gauche par un Squig-ball affamé, Diglit doit gérer de multiples problèmes. Et, croyez-le ou non, la nullité crasse de ses joueurs, un ramassis de Gobelins amateurs complété par un Orque rigolard mais bas du front et un lanceur Troll ayant la sale manie de boulotter les Snotlings qui lui sont confiés, n’est que le cadet de ses soucis. Car son sponsor a perdu patience devant la série de défaites des Stealers et décidé de vendre leur stade à un promoteur immobilier (Nain, qui plus es), et que notre héros doit de l’argent à Boris le Pervers (un…Elfe noir), qui insiste lors d’un tête à tête rugueux pour être remboursé à l’issue du match de demain. Joué contre une équipe de Minotaures. Bref, la situation est très compliquée pour Diglit, qui erre dans les rues à trois heures du matin après avoir été jeté de la carriole de son créditeur par ses malabars Orques. Un mardi classique pour un Gobelin.

Son errance l’amène jusqu’à une ruelle d’où se dégage une irrésistible odeur de tourte, et comme rien ne vaut un petit gueuleton nocturne pour se remonter le moral, et qu’en plus il a presque de quoi payer, le coach éprouvé décide de faire un crochet sur le chemin du stade pour casser la croûte. Il est acceuilli par une roulotte colorée, un poney obèse et un Halfling jovial, qui se présente comme Hoppo Longfoot, tourtier itinérant et fournisseur régulier de snacks de premier choix aux fans de Blood Bowl. En préparation de la rencontre de la journée, il termine une fournée un peu spéciale, dont il accepte de céder une tourte à Diglit devant l’air déconfit et tuméfié du peau verte. Les Halfling ont bon cœur, c’est connu. Sans révéler l’ingrédient secret de sa préparation, qu’il prend tout de même soin de sortir du four avec des gantelets de plomb, il sert son client nocturne qui n’en croit pas ses papilles. La pâtisserie produit sur lui un effet prodigieux, et assez similaire à un rail de coke aromatisé à la morphine quand on y réfléchit. Ce boost soudain donne une idée à Diglit pour remporter le prochain match, et il kidnappe donc caravane, poney et Halfling, direction le stade.

La suite ne fait pas un pli, comme vous vous en doutez, sagaces lecteurs : les Grotty Stealers se gavent de tourtes et entrent sur le terrain pumpés comme jamais, ce qui leur permet de faire tourner en bourrique leurs imposants adversaires et de prendre le large au tableau d’affichage. Cependant, rien n’est gratuit dans le cruel monde de Warhammer, et la consommation irraisonnée de malepierre (car c’était évidemment ça l’ingrédient secret des tourtes de Hoppo, qui compte des Skavens parmi sa clientèle) de l’équipe locale finit par avoir des conséquences aussi visibles qu’handicapantes. Flairant une tricherie, les fans des Bovine Brawlers envahissent le terrain, et le match par à vau l’eau au grand désespoir de Diglit. Sa seule consolation consiste en la repousse miraculeuse de son bras (certes rose pétant désormais), ce qui entre autres mutations, lui permettra de reprendre une licence de joueur et peut-être d’intégrer une équipe du Chaos lors de la prochaine saison. S’il arrive à convaincre ce vieux Boris d’étaler une nouvelle fois ses traites, s’entend…

AVIS :

Guy Haley adapte le concept de la potion magique à l’univers tout aussi humoristique mais bien moins bon enfant de Blood Bowl avec ce ‘Hoppo’s Pies’. On l’a connu plus efficace et inspiré dans la réalisation (on pourrait enlever la première moitié de la nouvelle sans problème, ça fait un peu remplissage pour atteindre la vingtaine de pages), mais comme d’habitude avec cet auteur vétéran de la BL, une qualité minimale est assurée, ce qui fait de cette histoire une lecture pas essentielle mais tout à fait correcte.

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The Freelancer – R. Rath :

INTRIGUE :

Arbitre de Blood Bowl disgracié après que sa corruption ait été mise à jour, et reconverti dans les tâches les moins glamour de l’industrie de ce noble sport, Mort d’Arthur a été chargé par le patron des Nuln Gunners de veiller à l’intégrité physique et physiologique du joueur star de l’équipe, le turbulent Kaspar Hoozier. Ce dernier dispose par contrat d’une nuit de bamboche hors du stade avant chaque match, et l’avisé Cherbourg (le propriétaire de la franchise) se doute bien que laissé sans surveillance, le lanceur vedette sombrera dans ses vieilles addictions, ce qui le disqualifiera d’office lors du test médical de pré-rencontre. Pour parer à ce fâcheux désagrément, qui risquerait de faire perdre aux Gunners leur demi-finale sur tapis vert et poudre blanche, mais mènerait également à l’exclusion à vie de Hoozier de la ligue (ce qui n’est pas top pour vendre des maillots à son effigie), Mort a été engagé pour baby sitter le colosse jusqu’au début du match, une mission qui frôle dangereusement l’impossible à cause du manque de coopération de sa charge.

Ainsi, alors qu’il croit avoir gagné quelques précieuses minutes en envoyant une serveuse du bar où le duo s’est réfugié monter quelques bières à Hoozier dans le salon VIP, Mort est accosté par sa Némésis murine, Skellig Queem. Reporter à Spike !, le Skaven a révélé au grand jour les petites combines de Mort lorsque ce dernier était encore appelé l’Incorruptible, ce qui a précipité sa déchéance. Queem cherche à présent un scoop impliquant Hoozier et une quantité non négligeable de bonnet de fou, ce que Mort cherche bien entendu à éviter… mais qu’il a provoqué par inadvertance en envoyant une barmaid dealeuse servir son protégé. Résultat des courses : Hoozier est désormais convaincu qu’il est un Prêtre Mage Slaan, et lorsque son garde du corps cherche à faire quitter les lieux à Queem avant qu’il ait eu le temps de prendre une photo compromettante, le colosse passe en mode berzerk devant l’outrage causé par l’intrusion d’un Skaven dans son temple. Un coup de sifflet enchanté et un assomage à coup de plastron d’acier plus tard, Mort a réussi à reprendre le dessus, en bon professionnel qu’il est. Il arrive même à convaincre le rat-porter de ne pas faire son papier en l’échange de la révélation d’une combine utilisée par le staff de joueurs dissipés pour nettoyer leur système avant le début d’un match important. Intrigué par cette offre, qui se double d’une interview de Cherbourg en personne, Skellig Queem accepte et le trio part dans les bas fonds de Nuln avant que la garde de nuit ne rapplique.

C’est chez le Docteur Piotr Klenblüd, alias Cleanblood (mais il deteste le sobriquet) que Mort amène ses acolytes. Piotr est un vampire, assez disgracieux et chétif certes, mais un vampire tout de même, et est donc en mesure de réaliser une dialyse expresse de Hoozier pendant que ce dernier est toujours dans les vapes. L’importante concentration de bonnet de fou dans l’hémoglobine du joueur a toutefois raison de la résistance naturelle et de la flegme professionnelle du bon docteur, qui sombre dans une frénésie sanguinaire digne de Konrad von Carstein. Il faudra l’intervention décisive de Queem, qui ne sort jamais sans une dague de secours, pour calmer la soif de sang hallucinée du praticien vampirique. Ceci dit, l’opération a été un succès, et Hoozier peut prendre le chemin du stade dans une forme étincelante pour sa visite médicale d’avant match, échappant juste à une embuscade tendue par les fans adverses en route. Ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences malheureuses, tout de même…

Début spoiler…Et en effet, lorsque Mort va récupérer sa paie auprès de Cherbourg, il expose à ce dernier ses suspicions (renforcées par la présence de la barmaid de la veille parmi les pom pom girls des Nuln Gunners) : quelqu’un voulait véritablement empêcher Hoozier de disputer ce match, par tous les moyens possibles. Quelqu’un qui toucherait l’assurance placée sur ce joueur capital, par exemple, ce qui lui permettrait de se refaire une santé financière, et tant pis si un freelancer comme Mort se trouvait impliqué dans la magouille, pas vrai ? Se croyant à l’abri des regards et des oreilles indiscrets, Cherbourg confesse sans tarder son forfait, avant de dégainer un pistolet pour faire taire le fouineur. Mal lui en a pris car Mort, en bon professionnel, était entré dans le bureau du manager avec micro et camra discrète pour donner à Queem l’interview de Cherbourg qu’il avait promise, et qui a été retransmise en direct sur les écrans du stade. Pour skoop, c’est un skoop.Fin spoiler

AVIS :

Robert Rath vient braconner sur les terres rigolardes de Josh Reynolds avec ce ‘The Freelancer’, dont l’intrigue n’est pas si différente du ‘Dead Man’s Party’ de son confrère. Et il a très bien fait, aussi bien dans l’idée que dans la réalisation, ce qui est tout au bénéfice du lecteur. On a donc le droit à des scènes d’une absurdité rafraichissante (comme l’intreview que donne Hoozier, persuadé être un Slaan qui doit se faire passer pour lui-même, à Skellig Queem), de l’action nerveuse, des références en pagaille (et on voit la spécialisation de Rath – c’est un historien – ressortir dans le nom de son héros), et même, touchdown sur l’astrogranit, une petite enquête policière pour conclure cette nouvelle menée tambour battant. Il n’y a rien à jeter dans cette première, et pour le moment seule, contribution de Rath au corpus bloodballique, et j’espère que cet héritier putatif et stylistique du regretté Reynolds aura d’autres occasions de prouver ce qu’il sait faire dans un futur pas trop lointain1.

1 : Points de bonification accordés s’il trouve le moyen d’inviter Trazyn à la fête. Après tout, ce serait techniquement possible.

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Dismember the Titans – G. Lyon :

INTRIGUE :

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

AVIS :

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de ‘Dismember the Titans’. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet1.

Lors de ma première chronique de cette nouvelle, à l’occasion de sa publication dans ‘Inferno!’ #3, j’avais poursuivi en regrettant l’humour un peu too much de ‘Dismember the Titans’. Mais je n’avais pas bien compris à l’époque que Blood Bowl était un univers parallèle et déconnecté de Warhammer Fantasy Battle, et que ce côté déluré et outrancier faisait partie de son ADN. Je retire donc cette critique, M. Lyon.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘Death on the Pitch : Extra Time’. À quelques jours près, j’aurais pu faire un parallèle facile avec les résultats du Super Bowl LV, mais je n’ai pas été assez prompt à la finition pour cela (comme les Kansas City Chiefs, d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, ce recueil reste une réussite notable de la part de la Black Library, qui a produit suffisamment d’ouvrages collectifs moyens (plus ou mois) pour que l’on prenne le temps de souligner les tomes qui sortent du lot. On retrouve bien dans ces quatorze histoires toute l’atmosphère rigolarde, vicieuse et irrévérencieuse-envers-le-fluff-de-Warhammer-Fantasy-Battle-tout-en-respectant-ce-dernier propre au Blood Bowl, sans se retrouver, comme cela a été le cas pour d’autres anthologies de niche, confrontés à la même variation sur un thème commun, ce qui a tendance à décourager même les meilleures volontés. Ici, les auteurs se complémentent plutôt qu’ils ne rivalisent : Josh Reynolds et Robert Rath jouent la carte du comique et du second degré, tandis que Graeme Lyon préfère étoffer ses intrigues, David Guymer verser dans la nostalgie, Matt Forbeck conclure sa saga en faisant intervenir des célébrités, et Andy Hall utiliser le Blood Bowl comme prétexte pour raconter une toute autre histoire (entre autres exemples).

Cette variété contentera tant le nouvel arrivant (comme l’auteur de ces lignes) que l’aficionado acharné, et donnera je gage l’envie à plus d’un lecteur de se mettre au jeu (de figurines et/ou vidéo). Il est heureux que ce recueil, qui restera sans doute pendant un certain temps le seul proposé par la BL sur ce créneau, se soit avéré aussi qualitatif, car on aurait pu penser que cette franchise mineure de Games Workshop serait traitée de façon cavalière par la division littéraire de l’entreprise. Que celui ou celle qui n’a jamais lu une nouvelle ou un roman médiocre pour Warhammer 40,000, Age of Sigmar ou l’Hérésie d’Horus me jette la première pierre. Le tout puissant Nuffle devait cependant veiller sur la genèse de cet ouvrage, qui pourrait même convaincre certains nostalgiques du « véritable » Vieux Monde de lui donner une chance, en attendant que GW nous révèle enfin ses plans pour la franchise qui fut. C’est donc un touchdown propre, net et sans besoin de référer à la VAR que nous avons ici, et cela fait plaisir, tout simplement.

AGE OF LEGEND [WFB]

Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez à cette époque, il y a cinq ans? Peut-être vous rappelez-vous avoir poussé un soupir de soulagement en apprenant la démission tardive de Sepp Blatter de la présidence de la Fifa, ou un grognement surpris en découvrant que ce bon à rien de Donald Trump se présentait une nouvelle fois à l’élection présidentielle américaine (aucune chance qu’il n’aille ne serait-ce que jusqu’aux primaires républicaines, ceci dit…). Vous avez peut-être eu la chance de participer à un mariage princier en Suède, ou la malchance d’être inondé dans votre appartement de Tbilissi. Mais, pour un grand nombre des lecteurs de ce billet, le mois de Juin 2015 a surtout été marqué par la disparition pure et simple du Vieux Monde, tel que relaté dans le cinquième et dernier tome de la série End Times, ‘The Lord of the End Times’. Voilà une nouvelle peu anodine et une « progression » du background conséquente, surtout de la part de Games « surtout ne touchons à rien » Workshop. Nous ne savions pas à l’époque qu’il s’agissait pour Nottingham de faire rase d’un glorieux mais encombrant passé, et que le petit frère de Warhammer Fantasy Battle ne tarderait pas à pointer le bout de son nez masque (Stormcast Eternals oblige). Bref, Juin 2015 peut être marqué d’une pierre – dont je laisserai à chacun le soin de déterminer la couleur – dans l’histoire du Hobby, et c’est précisément ce qui nous amène à notre sujet d’aujourd’hui.

Bienvenue donc dans cette chronique du recueil ‘Age of Legend‘, sélectionné par votre serviteur pour accomplir son devoir de mémoire en ce WFB Commemorative Month, ou quelque chose comme ça. Même si, j’en gage, beaucoup des amateurs du Vieux Monde ont l’impression que ce grand bouleversement est encore tout récent, de l’eau a coulé sous les ponts et de nombreux hobbyistes ont rejoint la communauté sans avoir personnellement connu ce monument des wargames medfan. Et cela ne va pas aller en s’améliorant, croyez-moi, même si la sortie attendue de The Old World pourra peut-être donner un coup de jeune à la franchise historique de Games Workshop. De mon côté, je me suis donc dit que l’occasion était bonne de consacrer une chronique à un recueil WFB, dont je dispose encore d’une bonne réserve. Et quel meilleur choix que cet ‘Age of Legend’, qui est à la fois la dernière anthologie généraliste publiée par la BL pour cet univers (2012), et met en avant le Vieux Monde dans toute sa gloire la plus grandiose, brutale et/ou kitsch? Deux bonnes raisons de passer cet ouvrage à la moulinette critique, afin de nous remémorer la bonne vieille époque des socles carrés, des bonus de rangs et des tests de stupidité. On savait vivre en ce temps là.

Sommaire Age of Legend (WFB)

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Au programme, batailles, magie, trahison, héroïsme, fatalité, artefacts légendaires et hauts faits glorieux, grâce aux récits que l’on espère inspirés des dix auteurs convoqués au sommaire. Et là aussi, c’est à une page de l’histoire de la BL et du Vieux Monde que nous avons affaire, avec des noms qui vous seront sans doute familiers si vous pratiquiez déjà à l’époque: Thorpe, Counter, Werner, Kyme, Reynolds ou encore Cawkwell, renforcés pour l’occasion par Hoare, Kemp et Athans. Nous ne devrions donc pas être trop dépaysés. Partons sans plus attendre dans le Monde qui Fut, pour une virée commémorative ou éducative sur ce qui faisait de cette planète dysfonctionnelle à souhait un théâtre mémorable pour nos petits bonshommes…

Age of Legend

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A Small Victory – P. S. Kemp :

INTRIGUE:

A Small VictoryNehekhara, dans les alentours de Bhagar, par une nuit torride quelques millénaires avant Sigmar. Notre héros du jour, Masud, court entre les dunes en essayant tant bien que mal d’éviter les nombreux pièges qui parsèment sa route : les pentes pentues, les cailloux caillouteux, les planches de bois d’arbre, et les zombies frigorifiés1. Summum de l’horreur et de la désolation, il vient de rencontrer le cadavre animé de sa chère et tendre Naemah, embusquée, boulottée et recrutée par les hordes de morts sans repos au service de celui qui n’est pour le moment connu que sous le titre d’Usurpateur, Nagash la Ganache. Elle était la raison pour laquelle Masud s’était risqué à tenter la traversée du désert (pendant laquelle il a rencontré Cher et Steve Seagal), ne pouvant supporter d’être séparé de sa dulcinée, même par une marée de morts vivants affamés. Ayant pris un coup au moral à la suite de cette découverte, Masud erre donc comme une âme en peine entre les zombies, les goules et les fennecs de l’erg nehekharan, jusqu’à qu’un faux pas le fasse s’étaler de tout son long, avec des conséquences tragiques, mais floues. C’est le moment pour nous de faire un petit flashback…

Nous voilà donc sur les murs de Bhagar, quelques heures plus tôt, où Masud avait donné rendez-vous à son frère Fadil, officier de cavalerie dans l’armée du prêtre-roi local. Notre tourtereau, qui avait appris récemment que Naemah lui avait fait bond et était partie sur les routes avec sa famille en direction de Quatar, avait en effet besoin de son frangin pour quitter Bhagar et partir à sa poursuite, maintenant que les autorités ont interdit à quiconque de sortir de la ville. Non dissuadé par les conseils de prudence prodigués par son aîné, Masud était parvenu à convaincre ce dernier de lui filer un coup de main, et avait réussi à partir de la cité, prochaine cible sur la to kill liste de Nagash, en se faisant passer pour un prêtre d’Usirian. Ces malheureux ecclésiastiques avaient en effet suscité l’ire, assez compréhensible, du prêtre-roi et des habitants de Bhagar, par leur incapacité à empêcher les morts de revenir à la vie, ce qui était pourtant leur boulot. Chassés sans ménagement de la cité, ils étaient donc les seuls à pouvoir en franchir les murs, ce qui fit les affaires de Masud. Gagnant au passage quatre followers aussi silencieux qu’inutiles, le Dom Juan des pyramides s’était donc enfoncé dans le désert à la poursuite de son aimée, évitant autant que faire se peut l’avant-garde putréfiée et belliqueuse2 du Nécromancien. La suite et conclusion de cette course d’endurance nous est connue.

Retour à la nuit difficile de Masud, qui se réveille de sa mauvaise chute avec un bon mal de crâne et un gros mal de gorge. Pas de quoi l’empêcher de retourner vers Bhagar cependant, mué par le sentiment impérieux qu’il doit prévenir ses concitoyens du danger qu’ils courent, l’armée de Nagash étant plus proche qu’ils ne peuvent l’imaginer. Plus près de la cité, Fadil mène ses troupes montées à l’assaut de la première vague putride, espérant améliorer les chances de défenseurs en re-tuant le plus de zombies possible avant que le siège ne débute. Il lui faudra cependant mettre du cœur à l’ouvrage, car c’est une véritable légion de cadavres ambulants qui trace sa route en direction de la ville…

Début spoiler…Légion dont Masud est désormais l’une des recrues, car notre héros est apparemment mort d’une torsion fatale de la cheville, à moins qu’une gerbille zombie lui ait mordillé le lobe de l’oreille pendant son KO technique. Quoi qu’il en soit, Roméo a rejoint Juliette de l’autre côté du Styx, et c’est le cœur et le bras lourd que le brave Fadil accorde le repos éternel à son frère d’un revers de son tulwar. Quand t’es dans le désert… Depuis trop longtemps…Fin spoiler

1 : J’en veux pour preuve qu’ils passent la nouvelle à claquer des dents, au grand déplaisir du héros, qui trouve ça terrifiant. Sans doute un cryophobe décomplexé.
2 : On peut en effet affirmer qu’elle cherche la Bhagar.

AVIS:

Petite nouvelle à petit twist final, cet ‘A Small Victory’ de Paul Kemp est donc petit sur tous les plans. Si une (petite) plongée dans une époque et une culture peu mises en avant par la Black Library peut piquer l’intérêt du lecteur, ce bref aperçu de Nehekhara au moment de sa crise démographique la plus aiguë ne se compare pas au travail de Mike Lee dans sa trilogie ‘Nagash’, que je conseille donc en premier chef aux amateurs de sable et de palmiers. Pour le reste, c’est une (mes)aventure basique et convenue que Kemp met ici en scène, qui pourra peut-être surprendre le lecteur pendant un demi-paragraphe quand au sort du commandant Masud.

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Bloodraven – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

BloodravenCe n’est pas la grosse ambiance chez les Nains de Karak Ghulg, forteresse prospère mais isolée dans le grand Nord des Montagnes du Bord du Monde. Nos braves Dawi doivent en effet composer depuis quelques semaines avec les assauts répétés et insistants d’une horde de maraudeurs de Khorne, bien décidés à passer les sujets du Roi Skaldi Ironjaw au fil de l’épée, pour le fun. La nouvelle commence d’ailleurs avec l’arrivée devant le noble souverain d’une estafette bien mal en point, annonçant dans un dernier râle à son suzerain que le dernier avant poste de Karak Ghulg a été pris par l’ennemi. Les choses sérieuses vont donc pouvoir commencer.

En attendant que les affreux cultistes aient fini de s’habiller et de se maquiller en coulisse (ce n’est pas si facile que ça d’enfiler une peau de bête du bon sens du premier coup, c’est vrai), nous soutirons quelques informations utiles pour la suite de notre histoire d’un échange, lugubre, entre Skaldi et son fils aîné Eldgrim. On apprend principalement que le premier préfère son benjamin, Felbjorn, au pauvre Eldgrim, qui ne lui en tient pas plus rigueur que ça. Felbjorn est parti accompagner une colonne de civils en direction de la forteresse alliée la plus proche, et son vieux pôpa se fait bien du souci à ce sujet, maintenant que la route du retour est coupée par une bande de malotrus homicidaires. Il faut toutefois à notre Roi faire contre mauvaise fortune bon cœur, et continuer à exercer ses fonctions régaliennes, comme par exemple, recevoir les émissaires envoyés par le chef adverse, une sombre (mais blonde) brute du nom de Bothvar, faire une proposition au Thane. Ce qui n’est pas gagné, d’une car les ambassadeurs ont le champ lexical d’une palourde analphabète, et de deux car leur chef, un petit comique du nom de Von, refuse catégoriquement de laisser son épée au vestiaire, comme les règles de la bienséance le demandent pourtant. Le fameux bon sens nain, et l’humeur conciliante de Skaldi, permettent cependant à l’entrevue d’avoir lieu, après que le garde de faction ait ingénieusement recouvert la garde du braquemart du barbare avec du chatterton (une invention naine peu connue mais fort pratique), empêchant Von de dégainer… ou en tout cas, de dégainer rapidement.

Comme on pouvait s’y attendre, la discussion ne donne rien de bien intéressant, jusqu’à ce que la délégation chaotique se souvienne qu’elle a apporté un petit cadeau à son hôte : la tête tranchée de Felbjorn, qu’elle balance aux pieds de Skaldi. Ce dernier, qui venait sans doute de faire passer la serpillière, prend très mal la chose, et les trois ruffians sont exécutés sans autre forme de procès1. On se doute bien que le moral des Nains, déjà aussi près du sol que ces derniers, a encore perdu quelques centimètres après ce coup du sort. Il est donc temps d’aller prendre des nouvelles de l’autre faction de l’histoire, occupée à ripailler joyeusement dans son camp dépenaillé en attendant la prochaine bataille. Bothvar, qui vient juste de corriger un prétendant un peu trop ambitieux d’une bonne paire de claques, est enchanté de la venue soudaine de son crush absolu, Valkia la sanglante, qui apprend à son champion comment réaliser un corbeau de sang grâce à l’aide précieuse de la dernière victime expiatoire du golgot de Khorne. C’est assez simple mais de très bon goût : il suffit de sortir les poumons de la victime à l’extérieur de sa cage thoracique après lui avoir fracassé les côtes. Et Valkia tient absolument à ce que tous les Nains de Karak Ghulg adoptent cet uniforme, morts ou vifs, lors de l’assaut sur la forteresse. C’est la mode à Nouille-Orque, paraît-il.

Vient ensuite l’assaut tant attendu sur le bastion des fils de Grugni, qui se passe très mal pour eux. J’en veux pour preuve que l’un de leurs canons explose tout seul au premier tir (alors qu’une petite Rune de Forge n’a jamais tué personne, précisément), et que leur porte2 cède sous les coups du bélier ennemi en un temps record. Pendant que son père rumine de sombres pensées bien au chaud dans son hall, c’est Eldgrim qui se tape le sale boulot de tenter de repousser la vague khorneuse, sans grand succès3. Pendant que ses séides, rendus positivement fous par la présence de Valkia, se ruent sur les défenseurs comme des chiens enragés, Bothvar suit les instructions de sa boss – trop occupée à faire des selfies duckface avec Locephax (le Prince Démon de Slaanesh dont elle a monté la tête sur son bouclier, après la tentative de manspreading de trop de ce dernier) pour participer à la bataille – et « corbeaute » tous les nabots lui tombant sous les paluches, au grand effroi d’Eldgrim, qu’un rien dérange4. La situation dégénère totalement pour les Nains lorsque le couple infernal dégaine son special move, un flutter jump avec Bothvar dans le rôle de Mario et Valkia dans celui de Yoshi. Déposé sur les remparts par les bons offices de sa n+1, le chef de guerre commence à tailler dans la masse, tandis que de son côté, Valoche engage Eldgrim en combat singulier, après avoir poussé quelques défenseurs au suicide5. Confronté à un personnage nommé spécialiste du corps à corps, le brave Capitaine ne fait pas de vieux os, faisant du vieux Skaldi un (na)inphelor (un orphelin, mais à l’envers). Les derniers barbus massacrés puis époumonés (et pas nécessairement dans cet ordre), malgré leur résistance acharnée – big up au Nain qui jette son dentier sur les chaoteux en signe de défiance – les crâneurs de Khorne peuvent enfin s’en rouler une sur le pallier des nabots. C’est mérité.

Ne souhaitant pas s’arrêter en si bon chemin, Bothvar entraîne ensuite ses troupes plus en avant dans le Karak, après avoir défoncé la porte intérieure de ce dernier presque à mains nues (comprendre qu’il s’est jeté dessus pendant une bonne minute avant que ses hommes n’aient apporté le bélier, ce qui a dû lui faire mal au crâne). Confrontés à quelques canons à flammes stratégiquement positionnés, une poignée de Tueurs complètement enrunés – dont l’un parvient à abîmer l’armure de Valkia –, puis à la botte ultime de Skaldi, une chorale a capella, M. et Mme Brutal massacrent cependant tout sur leur passage, finissant par le Roi en personne, dont la mâchoire de fer se montrera impuissante contre les mains baladeuses de la démone, qui arrachera le cœur de sa victime avant de le donner à son champion en gage de reconnaissance. C’en est donc fini de Karak Ghulg, même si Skaldi a envoyé le Livre des Rancunes local en sécurité avant son dernier carré héroïque et musical. Il n’aurait pas dû se donner cette peine, notez, car je doute que les envahisseurs sachent lire. Mais, après tout, les bons comptes font les bons ennemis.

1 : Comme je sais que cela vous tracasse, oui, Von réussira à dégainer son épée avant de se prendre un coup de marteau de guerre dans le buffet. Un petit miracle qui illustre bien la puissance des Dieux Sombres.
2 : En bois… Ils cherchaient les problèmes aussi j’ai envie de dire.
3 : Il faut dire qu’il manie la combinaison, fort peu naine, de deux épées au combat. Et les traditions alors, jeune homme ?
4 : Eldgrim manque d’ailleurs de s’écraser comme une bouse aux pieds de ses propres remparts en tirant à l’arquebuse sur le profanateur de cadavres, sans tenir compte du recul de sa pétoire. Quel maître d’armes.
5 : En fait, je soupçonne que les Nains qui se sont jetés du haut des murs à son arrivée l’ont fait après que Locephax leur ait sorti une blague particulièrement salace sur leur maman. On ne plaisante pas avec ça chez les Dawi.

AVIS:

Les familiers de l’époque Hammer & Bolter se souviennent sans doute que je n’avais pas été tendre avec les Space Marinades de Sarah Cawkwell publiées dans ce magazine (et mon opinion n’a pas changé depuis : c’était vraiment pas top). Mon jugement sur ce ‘Bloodraven’ ne sera pas aussi sévère, ce qui renforce la théorie émise en conclusion de la critique de ‘Born of Blood’ que Cawkwell a plus d’affinité avec le med-fan que le grimdark futuriste. Nous sommes en effet en présence d’une nouvelle tout ce qu’il y a de plus correcte, au vu des standards habituels de la Black Library, et exempte des nombreux problèmes de fond et de forme qui étaient la triste caractéristique des aventures des Silver Skulls chéris de Sarah Cawkwell. Sans particulièrement impressionner, ‘Bloodraven’ se révèle lisible d’un bout à l’autre de ses soixante pages, sans qu’il ne prenne au lecteur une envie folle de balancer le livre/la tablette par la fenêtre, ce qui est un progrès certain (si si).

Ce premier constat posé, on peut rentrer davantage dans les détails des points forts et points faibles/bizarres de cette longue nouvelle. Je dois ainsi reconnaître que le début de ‘Bloodraven’ m’a vraiment intéressé, l’auteur parvenant à distiller une atmosphère tendue et sinistre de bon aloi, jusqu’au moment où Valkia vient donner des cours de loisirs créatifs à Bothvar et sa bande. À partir de ce moment, et donc du début du siège à proprement parler, j’ai eu plus de mal à m’intéresser au sort des personnages, tant il semblait acquis que les Nains allaient se faire mettre minable par leurs assaillants. Toute cette partie m’a d’ailleurs semblé très longue, les scènes de combat se multipliant à l’envie sans apporter grand-chose à l’intrigue, Bothvar et Valkia étant proprement invulnérables. Dommage que Cawkwell n’ait pas mis un peu d’eau dans son vin de sang en permettant aux défenseurs de faire rendre gorge à Bothvar (le candidat idéal pour une mort héroïque et violente, du fait de son statut d’antagoniste n’étant pas un personnage nommé du fluff), ou de casser un ongle à sa Dominatrix1. Au chapitre des choix que je trouve discutables, j’ajouterai également la mentalité totalement défaitiste des Nains2, l’influence plutôt slaaneshi que khorneuse de Valkia sur ses groupies, et le peu d’intérêt du rite du corbeau de sang pour la conclusion de l’histoire (ça fait joli, mais c’est tout), alors que je m’attendais à ce que l’époumonage des Dawi serve à transformer Bothvar en démon, ou à faire basculer Karak Ghulg dans les Royaumes du Chaos. Rien de bien méchant, surtout comparé au reste du corpus de Sarah Cawkwell, mais juste de quoi mesurer la distance qui sépare cette dernière du peloton de tête des contributeurs de la BL.

1 : Dont l’armure ébréchée par un valeureux Tueur ne servira donc à rien dans la nouvelle.
2 : À rapprocher du gros coup de blues de la Chanoinesse Brigitta de l’Ordre de la Rose de Fer (‘Bitter End’), confrontée aux avances très beauf de ce fripon de Huron Sombrecoeur. On dirait donc que les personnages de Cawkwell ont lu le script de leur nouvelle avant d’y prendre place, ce qui déprime un peu les futurs perdants.

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City of Dead Jewels – N. Kyme :

INTRIGUE:

City of Dead JewelsLe Prince Darin est mort. Ça nous fait une belle jambe, me direz-vous. Mais ce qui est un détail pour vous veut dire beaucoup pour les compagnons du défunt Royal, qu’il nous faut présenter sans tarder. Premier à prendre la parole, Hegendour, garde du corps du petit prince, a fait tomber la chemise (de mailles) et la coupe corporate, et prêté le Serment du Tueur pour évacuer la honte d’un travail mal fait. Se sentant également un peu coupable de la mort de son chef, le Gardien des Portes (manager Martelier, pour les rustres parmi vous) Magnin se passe les nerfs en cherchant des poux au Ranger Raglan, qu’il a pris en grippe de longue date en raison de l’elfophilie supposée de son clan. Ajoutons à ce riant, ou presque, tableau le Prospecteur Vorgil et le Maître des Runes en contrat de professionnalisation Skalf, et le tour de table (ou ici, de bière) est terminé.

Passons maintenant au théâtre de notre nouvelle, qui, comme vous l’aurez sans doute deviné, sagaces lecteurs, a beaucoup à voir avec une cité de joyaux morts1. Et en effet, c’est bien dans le patelin bucolique en diable de Karak Azgal, f.k.a. Karak Izril a.k.a. la cité des joyaux, que se déroule notre histoire. Plus précisément dans les niveaux inférieurs de la forteresse, où peaux vertes et Skavens se battent comme des chiffonniers pour les places de parking disponibles, depuis que les légitimes propriétaires de l’immeuble ont été refoulés sur le balcon par ces nuisibles. Et qu’allaient donc faire Darin et ses copains Nains dans cette galère, vous entends-je demander ? Eh bien, le Prince avait juré à son vieux père et Roi, Durik, d’abattre un Troll particulièrement trollesque, aperçu en train de troller dans les tunnels du Karak. Cette mission un peu particulière nécessitant l’appui de spécialistes, c’est donc naturellement que nos survivants se sont retrouvés désignés volontaires pour accompagner l’héritier de la véranda de Karak Azgal dans son excursion verminicide. Qui s’est donc très mal terminée pour lui.

Poussés par un honneur inversement proportionnel à leur taille, les aventuriers ont tenu à poursuivre leur mission même après le trépas de leur chef, traînant le cadavre de ce dernier derrière eux pour faire bonne mesure. La dissension a toutefois gagné le petit groupe, certains (Raglan) souhaitant remonter à la surface pour aller chercher des renforts, tandis que d’autres tiennent absolument à se farcir la bête dont Darin avait promis la tête à son paternel. Ce passionnant et passionné débat est toutefois interrompu par l’arrivée d’un monstre aussi massif que flou, qui pousse Haagen Daz à charger bille en tête pour expier sa faute. Mal, ou bien, ça dépend des points de vue, en prend à notre Tueur, qui finit prestement sectionné en deux par une paire de mâchoires invisibles, et recraché sans cérémonie aux pieds de ses petits camarades. Ce n’est toutefois que le début, ou plutôt la continuation, des ennuis pour ces derniers, qui se font ensevelir par un éboulis déclenché par leur mystérieux visiteur, sans doute un peu plus qu’un simple Troll, à y réfléchir…

Pendant que nous laissons nos Nains se creuser 1) la cervelle et 2) un tunnel vers l’air libre, je vous propose une série de flashbacks expliquant un peu le contexte de cette quête. Premièrement, nous suivons la formation du petit groupe de traqueurs, missionnés par un Durik absolument certain que la bête chassée n’est pas le dragon Graug le Terrible (la preuve, il porte une cape faite avec sa peau), depuis son départ de la salle du trône de la machine à café (c’est la dèche) jusqu’au trépas de Darin, lors d’une participation involontaire de la fine équipe à une bataille rangée entre Gobelins et Skavens. Le Prince a été victime de la lame suintante d’un rassassin, qui a pu se glisser jusqu’à sa victime après que ce kéké de Magnin ait chargé dans le tas en gueulant « YOLO LA FAMILLE », brisant la formation défensive des Nains. Il y a des baffes avec rune majeure de discipline qui se perdent. Et en parlant de rune, la deuxième série de flashbacks est centrée sur Skalf, qui doit passer son grand oral de BTS Chaudronnerie, sous l’œil sévère du Philippe Etchebest de la forge. Sa mission est simple : fracasser un moellon de karadurak, le minerai de gromril, d’un seul coup de marteau. Pour cela, plus que de gros biscotos, il faut prononcer les mots magiques d’un air pénétré, ce qui n’est pas facile du tout. Résultat des courses, le vieux maître part à la bataille en laissant son novice détruire méthodiquement tous les outils de l’atelier dans ses vaines tentatives. Et comme tous les vieux maîtres, il s’arrange pour mourir tragiquement avant que son apprenti ait terminé sa formation, laissant Skalf reprendre ses fonctions de fraiseur-rémouleur en chef de Karak Azgal, et donc à participer à la descente fatale de Darin…sans avoir réussi à faire du gravier de karadurak. C’est la honte.

Revenons au présent, et à notre groupe de survivants, réduit à un simple trio, Vorgil ayant pris un gros rocher sur le coin du nez. Skalf, Magnin et Raglan n’ont pas le temps de tergiverser longtemps avant qu’une bande de peaux vertes, sans doute attirée par le bruit, ne leur tombe dessus. Pendant que ses deux compagnons, qui ont fini par s’apprécier, vendent chèrement leur vie pour ralentir la biodiversité locale, Skalf se glisse dans une crevasse ouverte par l’éboulement, qui le mène jusque dans la salle du trésor de, je vous le donne en mille, Graug le Terrible. Il faut croire que Durik a tué le petit neveu du célèbre dragon, Greg le Pas Terrible. Après avoir résisté à la tentation de piquer une tête, Picsou-like, dans le magot du saurien, Skalf cherche désespérément une arme pour se défendre contre les assauts du gros lézard, réveillé par l’arrivée du Nain. Coup de chance, il repère dans le bric à brac le cadavre du célèbre Daled Brise Tempête, dont la non moins célèbre hache runique pourrait faire l’affaire. Il lui faut pour cela libérer la relique des gantelets en gromril du héros décédé, ce qu’il parvient à faire grâce aux enseignements de son maître (après tout, le gromril n’est que de la karadurak qui a fait des études). Ceci fait, le destin de Graug est scellé, quelques vigoureux coups de hache permettant à Skalf d’occire la pénible bestiole, comme raconté dans les légendes. Un bonheur n’arrivant jamais seul, notre héros, de retour au bercail avec la tête de sa victime en remorque, apprend de la bouche des Marteliers du Roi que ce dernier a fait une rupture d’anévrisme peu de temps après le départ de l’expédition de son fils, ce qui a éteint de fait sa lignée. Partant, les Nains de Karak Azgal ne voient aucun problème à faire de Skalf Marteau Noir (car c’était lui) leur nouveau souverain. Après tout, il a tué un vrai dragon, lui.

1 : Expression poétique admirable mais un peu absconse tout de même car j’ai du mal à voir ce qu’un joyau vivant pourrait être. Je ne veux même pas le savoir en fait.

AVIS:

Nick Kyme applique la recette gagnante du développement du lore avec ‘City of Dead Jewels’, qui détaille un événement de l’histoire naine familier aux connaisseurs de cette race : la victoire de Skalf sur Graug le Terrible dans les sous-sols de Karak Azgal. C’est déjà suffisant pour me rendre cette nouvelle sympathique, du fait de mes tendances de fluffiste obsessionnel1, mais je dois dire que Kyme parvient à livrer une histoire non seulement intéressante par son sujet, mais prenante dans sa construction et son déroulé (ce qui est dans son cas loin d’être acquis). Entre les flashbacks insérés dans la narration, le choix de représenter la quasi-totalité des « classes » de guerriers nains parmi la petite bande de dédrakkiseurs de Darin, et la bonne représentation de la mentalité Dawi (importance de la parole donnée, résilience extrême doublée d’un fatalisme exacerbé, conscience amère que l’âge d’or est passé à jamais), les raisons d’apprécier cette quête souterraine ne manquent pas. Sans doute une des nouvelles les plus abouties ayant les Nains comme protagonistes (en mettant de côté le cas particulier de M. Gurnisson), ‘City of Dead Jewels’ mérite donc la lecture si vous vous intéressez à ces vaillants petits gars.

: Je note au passage que Kyme ne s’est pas contenté de donner un peu de profondeur (haha) à Skalf, mais il a aussi révélé que le tueur de dragon et le Maître des Runes ayant donné son nom à une rune majeure sont le même Nain (ce qui n’était pas indiqué dans le fluff précédemment si je ne m’abuse). C’est bien trouvé de sa part, je trouve.

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The Last Charge – A. Hoare :

INTRIGUE:

The Last ChargeLe lecteur se retrouve dans la cité bretonnienne de Brionne, à l’aube de la page la plus sanglante de son histoire, c’est à dire le siège mené par le Maître des Bêtes Rakarth en 19741.

Histoire de montrer à quel point sa nouvelle est chiadée, Hoare la fait précéder d’un petit paragraphe chargé d’introduire son propos avec toute la classe et le mystère que quelques lignes écrites à la manière d’un chroniqueur du XIIIème siècle2 (et en italiques, parce que plus c’est penché, plus c’est classe et mystérieux, c’est bien connu) peuvent apporter à une nouvelle d’heroic-fantasy. Et voici donc l’histoire de la cité de Brionne, bien-aimée du Duc Corentin… (traduction littérale de la dernière phrase de ce mini-prologue si tu ne frétilles pas d’anticipation sur ton siège ami lecteur, tu es un nécron avec la gueule de bois).

Bref, comme vous l’avez compris, c’est Corentin le citéphile qui endosse la défroque du héros dans ce compte-rendu bancal de la chute de Brionne. Visiblement inspiré par le personnage de Reinhardt Metzger, chevalier grabataire et cardiaque se découvrant une vocation de chasseur de vampires à la veille de la retraite (Curse Of The Necrarch), Corentin est une relique ambulante ayant tout vu, tout combattu et tout exterminu au cours de sa longue carrière martiale. Arrivé au point de quasi péremption pour ce qui concerne les choses de la guerre (et pour les bretonniens, ça passe systématiquement par des rhumatismes aux genoux3), notre paladin grisonnant se rend dans la chapelle du Graal de son château pour demander à la Dame du Lac de lui accorder une dernière bataille digne de ce nom avant qu’il ne commence à sucrer les fraises.

Magnanime, cette dernière consent, par demoiselle interposée, à sa requête. Mais un peu troll dans l’âme, elle ne se contente pas d’envoyer à son champion une petite manticore constipée ou quelques centaines d’orques en maraude, préférant plutôt le confronter à l’armada de Rakarth (que j’ai plutôt du mal à considérer comme un instrument de la Dame du Lac, mais les voies divines sont impénétrables). Sympa pour les pécores de Brionne, qui auraient sans doute préférés être laissés en dehors de ce dernier tour de piste. Mais bon, il s’agissait (d’après la manière dont Hoare présente son histoire) pour la déesse de donner une petite leçon d’humilité à Corentin, un noble dessein qui vaut bien qu’on lui sacrifie quelques milliers de manants.

La suite et le gros de la nouvelle sont consacrés à la préparation narrative de la bataille entre hommes et elfes, climax guerrier qui demande pas mal d’espace et passe par plusieurs étapes. Le débarquement des druchiis d’abord, qui donne à Hoare l’occasion de détailler la puissance de l’ost de Rakarth, puis la mobilisation des défenseurs de Brionne, afin d’équilibrer les descriptions. Vient ensuite l’entrevue entre les deux généraux, le Maître des Bêtes exposant ses conditions à son adversaire, qui s’empresse évidemment de les refuser avec toute la morgue chevaleresque dont il est capable, condamnant de fait les défenseurs à l’annihilation en cas de défaite (ce qui n’empêchera pas Brionne de se relever après le départ des pillards comme quoi les elfes noirs ont une grande gueule et peu de patience – ). Après une nuit passée en prières sur les remparts, malgré son grand âge, ses articulations douloureuses et les suppliques de ses conseillers, Corentin se réveille juste à temps pour le début de l’assaut druchii, qui a vite fait de déborder les défenseurs.

On note au passage que le héros de Hoare est un curieux mélange d’impétuosité suicidaire et de résignation désespérée: empêché par ses propres chevaliers de mener la glorieuse sortie qui apparemment constituait sa seule stratégie, sous prétexte de préserver la vie du général dont Brionne a besoin pour espérer triompher, Corentin sombre dans une apathie évidemment peu productive, et contemple d’un air détaché son élite se faire décapsuler par les hydres de Rakarth, puis ses miliciens déserter les murs au premier monstre venu. Conclusion: ne mettez jamais un cyclothymique à la tête de votre garnison les enfants, c’est contre-productif.

Arrivé à ce stade de déroute avancé, notre malheureux duc enfourche sa monture et part seul à la rencontre des assaillants. Enfin. Il se dirige lentement vers les portes défoncées de sa cité, sourd au tumulte de la bataille et aux cris d’agonie de ses sujets, tandis que défilent devant ses yeux les souvenirs d’une vie de batailles au service de la Dame et du Royaume. Ça va chier sévère. On tourne la page pour lire la suite, et… Fin de l’histoire. Oh. Retour en arrière pour voir si on n’a pas sauté la conclusion dans notre impatience… Ce sont des choses qui arrivent. Mais non, il faut bien se rendre à l’évidence, The Last Charge se termine bien sur ce plan du vieux héros chevauchant vers son destin. Au lecteur d’imaginer la suite. Andy, t’est vraiment gonflé.

1 : Siège qui se terminera par une victoire nette des visiteurs après que les hydres druchii aient fracassé les portes de la ville (LA Elfes Noirs V7).
2 : Les lecteurs ayant joué à Medieval II Total War sont appelés à se référer au baratin grandiloquent débité par le moine chauve pendant la cinématique d’introduction.
3 : Je suis sûr que ça a quelque chose à voir avec cette manie de tomber à genoux pour prier au début de chaque bataille. À force, ça doit bousiller les rotules.

AVIS:

Avec le recul, ce parti-pris de favoriser la dimension philosophique (grosso modo: le héros a compris qu’il aurait mieux fait de demander une retraite paisible qu’une dernière bataille glorieuse, et son sort passé cette réalisation n’est pas important) sur la dimension narrative (et voici quelle fut la fin du duc Corentin, finalement occis par l’ennemi après avoir décapité 28 corsaires, éventré 12 furies, empalé 3 hydres de guerre, tabassé à mains nues une sorcière suprême et craché dans l’œil de Rakarth), traditionnellement privilégiée par les auteurs de la BL, se défend.

Il aurait pu faire mouche si Hoare avait mieux mené sa barque, et laissé des indices aux lecteurs quant à son intention de conclure sa nouvelle de manière plus « détachée » que la moyenne. Malheureusement, tout indiquait au contraire un dénouement classique, avec un héros se frayant un chemin dans l’armée ennemie à la pointe de l’épée et un narrateur retranscrivant les moindres moulinets de cette dernière comme s’il était installé sur la croupe du destrier du noble paladin. Du coup, lors de ma première lecture de The Last Charge, j’ai vraiment eu l’impression que Hoare, manquant de place, avait dû terminer sa nouvelle en catastrophe, juste avant l’épique final promis depuis les premières lignes de l’histoire.

Bref, des ambitions louables sabotées par une mise en place trop classique et convenue, pour un résultat final tristement bancal. Dommage Andy.

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The Ninth Book – G. Thorpe :

INTRIGUE:

The Ninth BookParti avec 200 volontaires servir dans la légion étrangère d’un Empire divisé comme jamais par la querelle des π Empereurs1, le capitaine mercenaire Kurya Slavonich se retrouve pris dans un blizzard tenace dont Kislev a le secret. Plutôt que de mourir gelé dans la steppe ou de couper par les mines de la Moria, deux options respectables à tout point de vue, il décide d’emmener ses hommes dans une forêt toute proche, où ses éclaireurs ne tardent pas à découvrir un manoir de chasse abandonné. Bien que le naturaliste2 de la bande, un certain Lushka, fasse à plusieurs reprises part de ses soupçons quant à la salubrité de cet Air BnB providentiel, absence de lierre aux fenêtres et de toiles d’araignée sous les plafonds à l’appui, il faut plus que les soupçons d’un militant écolo pour convaincre les mercenaires frigorifiés de rebrousser chemin.

Nous suivons donc Kurya et sa bande visiter leur nouveau pied à terre, très semblable à une maison de vacances dont le propriétaire aurait rejoint la ville à la fin de la belle saison. Certes, la présence de quelques cadavres écorchés au dernier étage de la bâtisse vient quelque peu refroidir l’ambiance, mais après tout, chacun à le droit à ses hobbies, fut-ce l’anatomie appliquée. Épuisé par cette rude journée de marche, Kurya finit par piquer un petit roupillon dans la suite princière de son squat, qu’il a remporté à chifoumi contre son second Piotr quelques minutes plus tôt. Si si. Il ignore cependant qu’une mystérieuse et méprisante présence a suivi la progression de sa troupe depuis les profondeurs de la forêt, balançant son lot de remarques dédaigneuses sur la brave bande de boyards en maraude, tout en salivant sur leur potentiel sanguin. Il est donc acté qu’un vampire philosophe et misanthrope baguenaude dans les sous-bois, ce qui n’est pas une super nouvelle pour Slavonich et ses bonniches.

Le sommeil du juste de notre héros est brutalement interrompu sur ces entrefaites par un cri perçant provenant de la salle principale du manoir, où le gros de la troupe s’est installé. Un mouvement malheureux a en effet ouvert un passage secret près de la cheminée de la pièce, ce qui est suffisamment terrifiant pour pousser Lushka et ses cons de disciples à prendre leurs cliques et leurs claques et aller faire du camping dans la forêt, là où ils seront à l’abri de ces terribles portes dérobées. Pas de chances pour eux, ils feront bientôt la connaissance d’une bande de Maraudeurs du Chaos, menés par un Élu ceint de son écharpe tricolore3, et qui lâchera ses molosses affamés sur les hipsters alors que leur contre-soirée ne venait qu’à peine de commencer. Cette arrivée impromptue met notre vampire persifleur sur les dents (haha), car il comprend que les servants des Dieux Sombres en ont après la même chose que lui : un bouquin très spécial, gardé dans la crypte du manoir, où Piotr a entraîné quelques hommes pour une petite session de pillage.

Car en effet, c’est là que menait le fameux passage secret qui a conduit à la mort (indirectement, certes) Lushka et ses gars. Il ne faut pas longtemps à nos pilleurs de tomb- archéologues free lance pour soutirer à la dynastie locale, qui répond au nom obscur de von Carstein, tous ses bijoux, reliques et autres objets de valeur… dont un grimoire relié de peau humaine, gardé sous le coude par un cadavre resté à 1% de batterie depuis sa mise en bière, et qui accueille donc très défavorablement la tentative de vol à l’arraché dont il fait les frais de la part des Kislévites. Cela n’empêche absolument pas ces derniers de décapiter le pauvre petit vieux pour sa peine, et de repartir à la surface avec leur butin bien mal acquis.

Au rez-de-chaussée, les choses se sont toutefois précipitées. Un sombre inconnu au charisme diabolique s’est en effet présenté devant la porte, et a envoyé une telle œillade à Kurya que ce dernier l’a invité à entrer dans sa piaule, ce que le nouveau venu tenait à ce qu’il fasse (les vampires sont polis, après tout). Usant de son charme irrésistible, le mystérieux voyageur convainc sans mal le capitaine mercenaire de conclure un marché un peu particulier : son aide contre l’attaque des maraudeurs du Chaos, dont on voit déjà poindre les torches multicolores à l’horizon, en échange du bouquin que Piotr a ramené de sa virée dans les catacombes. TOUT CELA EST BIEN MYSTÉRIEUX ALORS. Kurya, qui est littéralement tombé amoureux de son hôte à ce stade, accepte également sans broncher d’aller défendre le terminal Sud du manoir, laissant la lumière et le statut d’« homme » providentiel à son invité. Et celui-ci ne va guère prendre de gants pour honorer sa part du marché, puisqu’il réanime OKLM toute la smala von Carstein pour venir lui prêter main forte lorsque les mercenaires commencent à donner des signes de fatigue, ce qui permet aux défenseurs de souffler un peu. Il faudra toutefois à notre vampire mettre la main à la pâte pour venir à bout des importuns, et en particulier de l’Élu de l’opposition, un peu trop costaud pour les sacs d’os convoqués par notre vampire. Rien toutefois que ce beau gosse de Vlad l’Emballeur (car c’était lui) ne puisse gérer en l’espace d’un demi-paragraphe. La routine quoi. Ceci fait, et les hordes du Chaos en fuite, il ne reste plus à Mr Good Deal qu’à empocher sa récompense, que Kurya lui remet traînant un peu des pieds, mais un marché est un marché. Le mercenaire ne peut pas imaginer les conséquences tragiques que cette transaction aura dans les années à venir, après que ce cancre de Vlad ait réussi à percer les secrets du 9ème Livre de Nagash, et matché sur Tinder avec une certaine Isabella de Sylvanie…

1 : Comprendre qu’il y en avait en au moins 3, mais souvent plus.
2 : Le naturiste de la bande étant, lui, mort de froid moins de dix kilomètres après le départ de la troupe du Kislev profond.
3 : Les légendes racontent qu’il s’agissait de Joachim Son-Forget, décidément dans la dèche après un tweet malheureux de plus.

AVIS:

Gav Thorpe joue sur ses points forts avec ‘The Ninth Book’, en livrant une histoire plus intéressante pour son sujet (les origines de Vlad von Carstein) et les éclaircissements fluffiques apportés par l’auteur que pour ses qualités narratives. On sent bien à la lecture que Thorpe maîtrise son sujet, et sait exactement ce qu’il cherche à accomplir avec cette nouvelle, c’est à dire révéler les motivations qui ont poussé l’un des antagonistes les plus célèbres du Vieux Monde à lancer sa carrière politique, avec le succès que l’on sait. Thorpe sait également que ce point de vue et ces informations intéresseront une grande partie de son public, ce qui n’est pas donné à tous les auteurs de la BL, et particulièrement les nouveaux-venus au sein de cette dernière. On peut également souligner qu’en plus de maîtriser l’aspect « géopolitique », Thorpe démontre qu’il connaît son personnage, en insistant bien sur l’aura de séduction et de charisme dont Papa von Carstein bénéficie, et qu’il utilise à son avantage pour parvenir à ses fins, ce qui est tout de même plus intéressant qu’un vampire1 se contentant d’être plus fort, plus rapide et plus endurant que le reste du casting de la nouvelle (même si on a également droit à une démonstration de ce type en fin de récit, histoire de répondre au cahier des charges). À mes yeux, cette bonne performance de fond compense largement la banalité de la forme, ‘The Ninth Book’ n’étant pas particulièrement inventif, prenant ou mémorable dans son exposition.

1 : Notons également que l’auteur maîtrise ses classiques vampiriques, en appliquant la règle « d’hospitalité sollicitée » à Vlad von Carstein (il ne peut pas entrer dans un bâtiment sans avoir été invité). Ce qui peut expliquer pourquoi notre anti-héros a dû attendre des siècles avant de pouvoir mettre la main sur le précieux grimoire.

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The Gods Demands – J. Reynolds :

INTRIGUE:

The Gods DemandPlace à de l’épique avec un grand E, en l’occurrence, le récit des dernières heures du siège de Hergig par les hordes du Seigneur des Bêtes Gorthor. Les protagonistes demeurent donc inchangés par rapport à la première publication de l’autre Reynolds (ne pas oublier Anthony, spécialiste Bretonnie et World Eaters de la BL), Hommes-Bêtes et Impériaux se mettant joyeusement sur le coin du museau pour la possession des ruines fumantes de la capitale provinciale du Hochland.

AVIS:

J‘ai déjà eu l’occasion de dire ici mon intérêt pour les nouvelles développant et donnant corps au fluff officiel (dans le cas de Hammer & Bolter, on pensera à Charandis et Feast Of Horrors), et je ne pouvais donc considérer The Gods Demand qu’avec un a priori favorable (doublement favorable même, mon passif de joueur de l’Empire et des Hommes-Bêtes concourant en outre à fausser mon jugement d’habitude si impartial -humour-). J’attendais beaucoup de cette histoire, et dois reconnaître que je n’ai pas été déçu par cette dernière, Josh Reynolds étant parvenu à insuffler dans son propos la dimension héroïque nécessaire à tout récit estampillé Time Of Legends. Ce succès repose en grande partie sur les mises en scène et description soignées des deux figures centrales de la nouvelle, Gorthor et Mikael. Le premier exsude une aura de grandeur funeste tout à fait appropriée, contrastant vivement avec le pragmatisme borné et animal de ses sous-fifres, dépeints par Reynolds comme une arme à double tranchant dont le Seigneur des Bêtes doit se servir avec précaution. En effet, le statut d’Elu des Dieux de Gorthor apparaît comme une source plutôt limitée de légitimité sur les chefs de sa horde, à moins de décapiter les plus remuants parmi ces derniers à une fréquence soutenue. Et quand les chamanes se mettent à leur tour à ruer dans les brancards, la situation devient incroyablement délicate pour le Seigneur des Bêtes, dont le génie stratégique doit céder devant les pulsions névrotiques de ses suivants (greuh, on fonce).

Sa Némésis est, quant à elle, décrite comme un leader à la résolution fanatique, refusant obstinément de reculer face à l’envahisseur bestial. On retrouve donc le Mikael cruel et impitoyable sommairement dépeint dans les Livres d’Armée de l’Empire, proche à bien des égards de la folie affligeant Marius Leitdorf. Reynolds va même jusqu’à suggérer à mots couverts que cette impétuosité sanguinaire pourrait être causée par les enchantements imprégnant les crocs runiques, hypothèse séduisante qui ne demande qu’à être développée plus avant dans le futur.

Logiquement conclu par l’affrontement final entre les deux généraux au moment où le siège est rompu par l’intervention des chevaliers du Soleil, The Gods Demand satisfera autant le fluffiste à la recherche d’informations sur l’organisation d’une horde d’Hommes-Bêtes et/ou la cour du Hochland que le lecteur en quête d’une nouvelle nerveuse et maîtrisée. Les clins d’œil adressés par Josh Reynolds à ses modèles littéraires (en particulier les références à l’œuvre de Lovecraft) et aux joueurs de Warhammer (pumbagors en furie, long fusil presque efficace) achèvent de faire de cette deuxième contribution à Hammer & Bolter une réussite indéniable.

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Plague Doktor – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Plague DoktorAlors qu’ils cheminaient gaiement dans la cambrousse impériale, le duo mal assorti constitué du médecin disgracié et alcoolique Manfred Grau et de son garde du corps disgracié aussi et ancien chevalier de la Reiksguard Ernst Kahlenberg, tombe sur une scène macabre. Un cadavre atrocement griffé se trouve en effet sur la route, entouré par les affaires abandonnées de la carriole qui l’emmenait vers la ville la plus proche. C’est un coup de chance pour nos héros, que les temps difficiles (nous sommes à l’époque de la Grande Peste) ont forcé à devenir des Angelika Fleischer avant l’heure, et donc à récupérer les objets de valeur des charniers et communautés abandonnées pour les revendre au plus offrant. Bien que le noble et droit Kahlenberg, dont le tort aura été de se ranger du côté des manifestants demandant du pain à l’infâme Empereur Boris l’Avide, et donc de se faire à moitié piétiner par ses frères d’armes lorsque les forces de l’ordre sont intervenues, ne goûte pas à ces activités honteuses, il a cependant contracté une dette d’honneur envers le beaucoup plus moralement flexible Grau, et se plie donc aux ordres de ce dernier. C’est ainsi que nos marcheurs font l’acquisition d’une panoplie complète de docteur de la peste, déshonorable profession que le macchabée du bas-côté exerçait avant de rencontrer un destin tragique. Songeant probablement à revendre l’attirail à un cosplayer gothique sur le chemin de Japan Expo, Grau range l’ensemble dans le coffre de sa Kangoo, et les deux compères repartent de plus belle.

Rapidement rendus dans la petite ville d’Amorbach, dont les traditionnelles huttes de boue ont été classées au patrimoine imputrescible de l’humanité, ils cheminent entre les cahutes vides, sans s’apercevoir qu’ils sont épiés par quelque chose ressemblant fort à un Skaven, jusqu’à parvenir sur la grand place/terrain vague de la cité, où une foule en colère agonit d’injures un pauvre prêtre de Sigmar. Le prosélytisme de l’homme d’église passe en effet très mal auprès des péquenots, qui accusent Ziggie de leur avoir porté la poisse et être responsable de l’épidémie de peste bubonique à l’œuvre à Amorbach. Ce spectacle piteux ne laisse pas Kahlenberg de glace, et le palouf déshonoré s’empresse de voler au secours du prêtre isolé avant que les marauds ne commettent l’irréparable. Plus doué pour fendre des crânes que pour calmer les esprits, Kahlenberg est à son tour pris à parti par la foule, et aurait fini martyre sans l’intervention salutaire de Grau, que les Amorbacher ont pris pour le docteur de la peste qu’ils attendent depuis des lustres, après qu’une main baladeuse ait fait tomber la panoplie collectée quelques pages plus tôt de la charrette du duo. Sentant une ouverture et une opportunité, Grau marche à fond dans la méprise, et profite de son nouveau statut pour s’octroyer le meilleur lit de la ville ainsi qu’un minibar bien rempli, avant de commencer sa tournée le lendemain. À nouveau, la probité de Kahlenberg s’accommode mal du mensonge éhonté de son employeur, mais comme ce dernier lui a de nouveau sauvé les miches, il ne peut pas dire grand-chose.

Le jour suivant, comme convenu, Grau – en grande tenue d’apparat, canne cormoran comprise – accompagné de son garde du corps ronchon, part remplir son office, commençant par la maison de l’homme le plus important de la ville par disparition de tous les autres avant lui : le bedeau. C’est sa fille qui vient ouvrir, son père étant à l’article de la mort, et pas très loin de passer à la caisse, d’après la mine cadavérique qu’il arbore. Cela n’empêche pas l’ingénieux Grau de vendre un peu de rêve à la jouvencelle éplorée (et également contaminée, ce qui fait refuser à notre intègre praticien un paiement en nature), en lui indiquant d’attacher un crapaud sous les aisselles du malade pour aspirer les humeurs bilieuses qui l’affligent. Moi je dis, ça se tente (le crapaud n’est pas d’accord ceci dit). Cette bonne œuvre accomplie, les deux larrons quittent leurs patients, après leur avoir conseillé de régler le problème de rats dont leur domicile semble affligé, comme en témoigne la cavalcade persistante à l’étage de la maison…

Début spoiler…Et ce problème est plus sérieux qu’il n’y parait, car Grau et Kahlenberg se font attaquer sans prévenir par une petite bande de Skavens, tellement rapides qu’ils parviennent à blesser à mort le chevalier avant que ce dernier n’ait eu le temps de tirer son épée. Se sachant condamné, Kahlenberg enjoint à son employeur, également poignardé, de prendre la fuite pendant qu’il retiendra leurs assaillants… Ce qui ne fonctionnera pas. Rat-trappé par ses poursuivants au bout de quelques mètres, le médecin malgré lui paiera de sa vie son imitation un peu trop convaincante de docteur de la peste, les hommes rats ne souhaitant pas, et on les comprend, que leur belle épidémie se fasse enrayer par un obscur samaritain. Décidément, faire semblant d’aider son prochain n’est pas une sinécure dans le monde impitoyable de Warhammer.Fin spoiler

AVIS:

Soumission surprenante de la part d’un auteur chevronné comme C. L. Werner, ‘Plague Doktor’ donne l’impression d’un récit tronqué et inachevé, la faute en revenant à la brutalité avec laquelle l’histoire se conclut, sans que rien ne laisse présager un tomber de rideau aussi rapide pour notre paire de magouilleurs. Si l’on peut arguer que cela renforce le côté nihiliste et cruel du Vieux Monde, où les protagonistes ne sont à l’abri d’une fin prématurée que s’ils ont un profil dans un Livre d’Armée quelconque (et encore), le compte n’y est pas en matière de construction et d’équilibre de la nouvelle. Il aurait en effet été préférable que Werner introduise davantage la menace Skavens au début de son propos, où fasse interagir ses héros avec leurs Némésis avant l’embuscade fatale dont ils sont les victimes, plutôt que de les faire sortir de scène sans sommation ni préparation. C’est d’autant plus dommage que l’homme au chapeau a prouvé à maintes reprises qu’il était maître dans l’agencement et le cadencement de ce genre de nouvelles d’action (voir la série des ‘Brunner, Bounty Hunter’), et avait posé les bases d’un délicieux quiproquo quelques pages auparavant, dont je m’attendais à ce qu’il soit au cœur du dénouement de l’intrigue1 (les villageois se rendent compte que Grau est un charlatan, provoquant sa fuite, ou quelque chose comme ça). La seule réhabilitation possible que je vois pour ce ‘Plague Doktor’ serait d’apprendre que Grau et Kahlenberg sont des personnages utilisés par Werner dans sa trilogie sur la Grande Peste, et desquels il aurait souhaité se débarrasser une fois pour toutes. Là, oui (et encore, je demande à voir lire). Pour l’heure, et ne considérant cette nouvelle que pour ses propres mérites, je dois reconnaître qu’elle ne fait pas partie des meilleures réalisations de son auteur.

1 : D’une certaine manière, c’est bien le cas (Grau et Kahlenberg se font tuer parce qu’ils ont été pris au sérieux par tout le monde, même les Skavens), mais c’est vraiment trop « brutal » à mon goût.

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The City Is Theirs – P. Athans :

INTRIGUE:

The City Is TheirsNuln, un matin d’automne de 1707. Comme vous l’avez déjà compris si vous êtes incollables sur l’histoire de l’Empire, ça sent le sapin pour notre héros, le Comte Electeur d’Averland Brutus Leitdorf (ancêtre probable de qui vous savez), que l’on voit dire adieu à sa fille, Gisele, avant de commencer une dure journée de travail. Et si vous n’avez pas révisé vos Livres d’Armée, fieffés garnements que vous êtes, apprenez qu’un certain Gorbad Griff eud’Fer est en train de taper à la porte de la cité avec quelques centaines de milliers de copains. Beaucoup trop pour les défenseurs impériaux, dont la tâche sera de ralentir au maximum l’avancée des peaux vertes pour laisser le temps aux civils de traverser le Reik et de mettre le plus de distance entre la métropole assiégée et eux. Pour l’heure, Brutus a pris place au sommet de la tour de l’astronome local, et tient absolument à tirer le meilleur parti des deux euros qu’il a déboursé pour que le maître des lieux l’autorise à utiliser son télescope. Il reçoit donc les rapports, allant du défaitiste au désastreux, de ses lieutenants avec un œil détaché, et surtout attaché à l’objectif de la lunette, où il cherche sans doute l’inspiration nécessaire pour se sortir de ce beau pétrin.

Fort heureusement, la fortune finit par sourire à Brutus lorsqu’un collègue de l’astronome, un alchimiste asthmatique et insolent du nom d’Isaak Meitler, arrive à se traîner jusqu’en haut du perchoir du Comte, avec une drôle de malette sous le bras. Cette dernière contient deux fioles de verre contenant un « ex-plo-sif1 » extrêmement puissant aux dires de son heureux possesseur, et donc capable de faire partir le problème d’infestation de Nuln en fumée, de façon très littérale. Petit problème, la substance est tellement puissante qu’il faut trouver un moyen de la projeter sur l’ennemi à plus de quatre cents mètres, faute de quoi les torts (et les dégâts) seront partagés. Après mûre réflexion, la fine équipe de Brutus (lui-même, l’astronome, l’alchimiste, le Baron Leberecht, qui-passe-son-temps-à-râler-mais-est-sympa-dans-le-fond, le maître artilleur de Nuln, et un chevalier estafette qui passe une tête toutes les quinze pages et donne son avis de temps en temps) décide d’opter pour un envoi par Colissimo et par trébuchet, après avoir soigneusement emballé la première fiole dans du papier bulle pour éviter qu’elle ne se brise au décollage. Et ça marche. Ou presque. Car par un fâcheux coup de déveine, le projectile percute un plongeur de la mort en plein ciel, avec des effets spectaculaires, incluant la destruction d’une bonne partie de l’enceinte orientale de la ville. Que voilà un effet secondaire fâcheux.

Profitant du tumulte et du nuage de poussière (agrémenté d’une pluie de morceaux d’Orques) s’étant abattu sur la ville pour battre en retraite au niveau du pont sur le Reik, Brutus (qui a tellement aimé sa séance d’astronomie qu’il est reparti avec le télescope de son hôte sous le bras) et ses grouillots doivent se résoudre à organiser la destruction de l’ouvrage d’art pour stopper la marée verte. C’est là qu’ils font la rencontre d’une réfugiée Halfling du nom de Kätzchen, légèrement traumatisée par la dévastation de son Moot natal et la vision persistante de la participation involontaire de sa famille à Top Ork Chef, en tant que ramens plutôt que candidats. Dotée du solide bon sens et de l’érudition toute relative de la paysanne qu’elle est, au fond, Kätzchen convainc Brutus de lui remettre la deuxième fiole pour… faire un truc avec. J’imagine. En tout cas, elle reste derrière le gros des troupes, jusque là plus occupées à évacuer les bibliothèques de l’université qu’à combattre les envahisseurs, pendant que Leitdorf repart vers la citadelle à petites foulées, son fidèle télescope à la main, et que Leberecht prend la tête de la colonne des réfugiés. Malheureusement pour notre brave hobbit, son escapade furtive sur les toits de Nuln finira mal, puisque Kätzchen croisera la route d’une Archnaroc baveuse et affamée2 avant d’avoir pu mener à bien sa mystérieuse mission. Tenant à réussir sa sortie, l’altruiste Halfling enverra un gros clin d’œil à Brutus (oui c’est peu crédible, mais c’est bien ce qui est dit) avant de laisser tomber son flacon, réduisant la partie orientale de la ville, l’université, le pont et un quart de l’armée de Gorbad – qui demandait sans doute un trop gros cachet pour apparaître dans la nouvelle – en confetti. Et Brutus de conclure, avec une petite larme au coin de l’œil, que la cité, ou ce qu’il en reste, est désormais aux mains de l’ennemi. D’où le titre. Voilà voilà.

1 : J’en déduis à l’air étonné que prennent les personnages de la nouvelle au moment où Meitler lâche sa bombe (façon de parle) que les Nains n’avaient pas encore laissé passer le brevet de la poudre noire dans le domaine public.
2 : Ce qui manquera de faire défaillir de trouille ce voyeur de Leitdorf (il faut bien que ce téléscope serve à quelque chose, pas vrai), très probablement arachnophobe, dans une habile transposition de ‘Tintin et l’Etoile Mystérieuse’ dans le Vieux Monde.

AVIS:

Bien souvent, les nouveaux auteurs de la BL font preuve d’un style et d’une vision de leur sujet différents du standard de la maison, avec des résultats variant du rafraîchissant au déroutant. Je pencherai davantage vers la deuxième option pour ‘The City Is Theirs’, handicapé selon moi par plusieurs choix d’Athans dans lesquels je ne me retrouve pas (sans que ces derniers soient condamnables en eux-mêmes, comme une violation pure et simple du background établi peut l’être). Pour commencer, j’ai trouvé bizarre que l’auteur décide de ne pas utiliser le personnage nommé le plus célèbre de son époque (Gorbad Griff eud’ Fer1) dans une nouvelle écrite pour un recueil Time of Legends, et où il avait donc toute latitude pour apparaître. C’est son armée, après tout. Athans va même jusqu’à avancer l’idée que Gorbad n’existe pas, ce qui est un point de vue intéressant, mais pas adapté à la ligne éditoriale du bouquin auquel il contribue. À la place du plus grand chef de guerre Orque de tous les temps, nous nous retrouvons donc avec une petite bande d’Impériaux plus ou moins risibles, et beaucoup moins passionnants à voir évoluer que le géant vert sur son cochon vénère.

Un autre reproche que je ferai à cette nouvelle a d’ailleurs trait à Brutus et Kätzchen, les deux héros de notre histoire. Le premier est monté sur courant alternatif en termes de caractère, apparaissant parfois comme un seigneur hautain et froid, capable de lever la main sur un subalterne ayant légèrement mis en doute son honneur, parfois comme un boy scout prêt à rendre service à tout le monde et acceptant sans problème que ses sujets lui manquent de respect. Son amour déraisonnable pour les télescopes, pendant que sa cité est en train de se faire incendier par des milliers de peaux vertes, ne m’a pas non plus aidé à sympathiser avec ce personnage, qui semble tenir un petit grain qu’il a peut-être refilé à son lointain descendant Marius. Kätzchen, de son côté, ne semble être jamais être sortie de son trou, et fait plus Pygmée des Terres du Sud que Halfling du Moot, si on me demande mon avis. Enfin, l’inclusion d’armes nucléaires (parce qu’en toute franchise, ce que Meitler apporte avec lui, c’est de l’uranium enrichi) dans le background de Warhammer, même si cela n’a finalement pas d’impact significatif, m’a semblé un peu étrange. Comme le résultat du siège était connu d’avance, Athans aurait pu explorer d’autres pistes pour justifier son intérêt pour cet événement qu’une utilisation presque réussie de la bombe atomique par les défenseurs.

Bref, je suis resté sur ma faim avec ‘The City Is Theirs’, qui est plus une curiosité littéraire pour les archéo-fluffistes impériaux d’humeur magnanime (public de niche s’il en est) qu’une lecture recommandée pour les amateurs de lore.

1 : Parce que soyons honnêtes, des célébrités du Monde qui Fut du début du 18ème siècle, il n’y en a pas des masses.

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The Second Sun – B. Counter :

INTRIGUE:

The Second SunDans un coin perdu du Nord de la Norsca (Nornorsca?), l’explorateur impérial Sigtaal Whitehand fait ses adieux à son cheval, victime des éléments et de l’environnement hostiles de cette contrée peu hospitalière. Après avoir taillé une bavette dans la dépouille de l’animal, il reprend sa route et finit par arriver sur un glacier, où il surprend la cérémonie funéraire d’une bande de locaux patibulaires et mutiques, consistant à balancer les cadavres, et presque cadavres, car les Norses sont des gens pratiques qui n’aiment pas remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui, de leurs proches dans une fissure du sol, ressemblant fortement à une bouche hérissée de dents/stalactites pointues. L’office terminée, la tribu repart, laissant Sigtaal seul face à la crevasse béante.

Notre héros, qui a sillonné le Vieux Monde, et même au-delà, à la poursuite de connaissances occultes, est persuadé d’être arrivé au bout du voyage de sa vie, car il sait que sous la glace sommeille un être capable de répondre aux questions qu’il se pose depuis des années. Mais pour pouvoir accéder au Deep Thought du monde de Warhammer, quelques travaux d’excavation sont nécessaires. Fort heureusement, Sigtaal ne s’est pas contenté de venir avec une pelle, mais est surtout un sorcier proto-flamboyant1 de grand pouvoir, dont la botte secrète est la convocation du Second Soleil, qui est très exactement ce que son nom indique qu’il est. Ayant endossé pour l’occasion son identité secrète de Malofex, son alter ego arcanique2, Sigtaal commence à incanter, et parvient après des efforts considérables à faire fondre le glacier, ce qui aura des conséquences calamiteuses sur le niveau des océans, j’imagine. Résultat plus important et plus immédiat, ce soudain coup de chaud révèle la forme titanesque et rocheuse d’un dragon-ogre oublié là par un cryothérapeute tête en l’air. Et ce dragon-ogre n’est autre que le célèbre Kholek Suneater, à qui Sigtaal/Malofex a quelques questions à poser.

Malheureusement pour notre interviewer de l’extrême, Kholek est colère ce jour là. Loin de remercier le sorcier pour l’avoir libéré des glaces, où il disposait semble-t-il d’une bonne connexion internet et d’un abonnement au câble, car il n’a pas raté une miette de la conquête du monde par les jeunes races, il refuse tout net de répondre à ses questions, éteint le Second Soleil à mains nues3, et gobe Sigtaal (Malofex, sentant le vent tourner, est sagement reparti dans la huitième dimension, laissant son hôte physique se dém*rder tout seul) sans sourciller. Ne reste du passage de notre héros dans le grand Nord que son masque de cosplayer de l’extrême et son journal de bord, qui seront récupérés bien des siècles plus tard par une expédition financée par le Collège Flamboyant d’Altdorf, et ramenés dans la capitale.

C’est là que nous faisons la rencontre de notre second protagoniste, le jeune sorcier de feu Henning Mohr, chargé par le Grand Maître Ulzheimer d’enquêter sur l’affaire Sigtaal Whitehand. Après quelques heures à craquer le code utilisé par son prédécesseur pour écrire ses notes, Mohr acquiert la conviction que Whitehand a réussi à conjurer un sort d’une puissance extraordinaire (le fameux Second Soleil), dépassant ce que les Maîtres de l’Ordre sont capables d’invoquer malgré leur entraînement et leur expérience. Après avoir porté ses conclusions à son maître de thèse, qui passe ses journées juché sur une plateforme en haut d’une tour à contempler les flammes de son barbecue personnel à la recherche de visions de l’avenir, Mohr reçoit une recommandation de la part de ce dernier pour aller poursuivre ses recherches dans le sous-sol du Collège, là où est conservé le légendaire, et très dangereux, ‘Apocrypha Incandescent’. Accueilli froidement mais chaudement (you know what I mean) par l’esprit désincarné d’un vieux Maître défunt faisant office de bibliothécaire, Mohr se plonge dans la lecture du tome, qui vient corroborer son hypothèse, et lui révéler que Whitehand et Malofex, le créateur du Second Soleil d’après l’Apocrypha Incandescent’ sont la même personne. Rejoint par Ulzheimer, qui s’inquiétait de ne pas voir reparaître son élève, dans les archives interdites, Mohr briefe son mentor sur ses dernières trouvailles, et lui annonce qu’il est proche de découvrir qui Whitehand cherchait à contacter lors de son dernier voyage en Norsca. Cela pourra toutefois attendre demain, Ulzheimer tenant à ce que son disciple prenne un peu de repos, et insistant pour le raccompagner jusqu’à la surface…

Début spoiler…Et lui planter une dague en plein cœur au passage, avant de se débarrasser du cadavre. Car Alzheimer faisait partie d’une société secrète chaotique au sein du Collège Flamboyant, dont le but est de favoriser l’invasion de l’Empire par les forces du Chaos4, ce que le réveil de Kholek pourrait évidemment favoriser. Mohr a été utilisé comme enquêteur et, ironiquement, pare-feu par le Grand Maître renégat, qui ne souhaitait pas prendre de risques en consultant lui-même des sources potentiellement dangereuses, beaucoup d’ouvrages de magie ayant été piégés par leur auteur pour empêcher que leurs secrets soient percés à jour. Bref, la conspiration du phénix a désormais toutes les informations nécessaires pour ramener à la vie le Gobe Soleil, ne lui reste plus qu’à localiser l’EHPAD où papy Kholek somnole en ce moment…Fin spoiler    

1 : L’histoire se déroule en 1730, quelques siècles avant que Teclis ne vienne fonder son institut à Altdorf.
2 : Qui ne craint qu’une seule chose, la xiatique.
3 : Ce qui est scandaleux quand on y réfléchit. Le type s’appelle tout de même Suneater, je m’attendais à mieux de sa part.
4 : À la question « qu’ont-ils à gagner dans cette histoire ? », la réponse doit être ceci.

AVIS:

Petite nouvelle plus intéressante par ce qu’elle apprend du Collège Flamboyant que par l’histoire qu’elle raconte (qui, malgré l’inclusion de quelques personnages nommés et la révélation finale qu’elle contient, ne fait pas vraiment avancer le schmilblick), ‘The Second Sun’ aurait pu jeter les bases d’un arc narratif intéressant, si Counter lui avait donné une suite1. Comme cela n’a pas été le cas avant la Fin des Temps, nous en sommes quitte pour quelques éléments de fluff bien sentis (malgré quelques problèmes au niveau des dates), un tête à tête assez peu transcendant avec Kholek Suneater, et un rappel sans frais que tout est pourri au sein de l’Empire. Sympathique mais pas enthousiasmant.

1 : On constate que l’auteur s’est montré particulièrement intéressé par le thème du sorcier impérial qui passe au Chaos, puisque son unique roman pour Warhammer Fantasy Battle a été consacré à Von Horstmann, le Hiérophante qui murmurait à l’oreille des dragons du Chaos.

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Aenarion – G. Thorpe :

INTRIGUE:

AenarionTout commence par quelques paragraphes qui n’auraient pas dépareillés dans la section background du dernier Livre d’Armée Hauts-Elfes, Thorpe retraçant rapidement de sa prose emphatique l’origine de la guerre entre les démons et les Zoneilles. Cette introduction se termine sur un avertissement sans frais : ce qui suit n’est rien moins que le moment le plus important de cette guerre, et donc de l’histoire de Warhammer, et donc de l’histoire de Games Workshop, et donc de l’histoire de l’Angleterre, et donc de l’histoire du monde. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour, lecteur impudent.

Nous voilà donc à la gorge de Caethrin, pas loin de la forge de Vaul. Une armée elfique est réunie pour faire ce qu’elle fait depuis une bonne centaine d’années : poutrer du démon. Particularité de l’ost d’Ulthuan, il ne semble n’être composé que de nobles et de princes, chacun stuffé comme un Sud-Coréen sur World of Warcraft. La horde démoniaque compense par un écrasant avantage numérique, qui, on s’en doute, ne va pas peser lourd face à l’awesomeness généralisée de ses adversaires. Et en effet, la bataille qui s’ensuit tient plus du massacre de bébés phoques sur la banquise arctique que de l’affrontement équilibré. Caledor invoque des Soleils Violets apocalyptiques sur 2+ relançables, Eoloran brandit une version upgradée de la Bannière du Dragon Monde (tous les démons dans un rayon de 50 pas se prennent 15D6 touches de force 19), Idraugnir carbonise des centaines d’adversaires à chaque attaque de souffle, la moindre flèche elfique se révèle être une grenade vortex et tout le monde a le coup fatal héroïque. Et Aenarion, me demandez-vous ? Eh bien, mes amis, Aenarion se fait chier, car il ne trouve pas le plus petit démon majeur à se mettre sous la dent.

D’ailleurs, cette absence lui semble assez suspecte, et il en fait part à ses conseillers lors du traditionnel pot d’après bataille (laquelle se termine sur le score sans appel de 865.942 à 0 pour les locaux1). Caledor en profite pour remettre sur le tapis une discussion qui traîne depuis un petit siècle, la création d’un vortex qui permettrait de se débarrasser une fois pour toutes des démons. Ce à quoi Aenarion répond que, minute papillon, t’es pas un peu fada de vouloir bannir la magie d’Ulthuan, étant donné que sans ça, on se serait fait exploser dans les grandes largeurs depuis belle lurette ? Et Caledor de contrer en disant que c’est le seul moyen de régler le problème définitivement, puisque les démons re-spawnent avec une régularité de mob dans une zone de didacticiel. Non franchement, sauf ton respect mon roi, tu me donnes le feu vert et je te concocte un enchantement aux petits oignons en deux temps, trois mouvements2. Ces agréables mondanités sont brutalement interrompues par l’arrivée d’un messager, qui vient confirmer le pressentiment d’Aenarion : l’armée écrasée par les Elfes dans la journée n’était qu’une diversion, le véritable objectif des démons était Averlorn, qui a été ravagé par les rejetons du Warp. Plus grave, toute la smala du Roi Phénix est supposée avoir péri dans la catastrophe, ce qui plonge l’auguste souverain dans le désespoir et le lecteur dans l’incompréhension.

De deux choses l’une : puisqu’Ulthuan est saturée de magie et que les démons sont libres de se matérialiser où bon leur semble (et sous-entendu que les Elfes soient au courant de ce point de détail, ce qui devrait être le cas étant donné que Caledor n’est rien de moins que le plus grand mage Elfe de tous les temps), soit Aenarion a commis une erreur stratégique impardonnable en prenant toute son armée avec lui et en laissant le reste du territoire à la merci des démons (auquel cas, bien fait pour sa tronche), soit il existait jusqu’à récemment une règle de fair play implicite entre les belligérants, stipulant qu’on avait pas le droit de s’en prendre aux villes non défendues (ce qui serait chevaleresque de la part des démons). Quoi qu’il en soit, Aenarion pète une durite, fracasse son trône, déchire sa bannière3, se met une coquille duf de dragon sur la tête et s’en va en hurlant que vraiment, c’est trop injuuuuuste et puisque c’est comme ça, il va aller chercher l’Epée de Khaine sur l’Île Blafarde et devenir Smaug (« I will become Death »). Ses conseillers tentent de lui faire comprendre que c’est peut-être pas la meilleure idée qu’il ait eu, Caledor se fendant même d’un petit poème prophétique en vers de huit pieds pour l’occasion. Las, Aenarion enfourche Idraugnir et part pour le Nord, à la rencontre de son funeste destin !

C’est à partir de ce moment que la nouvelle bascule dans une autre dimension, Thorpe reprenant les codes de l’épopée mythique pour terminer son récit. Exemple gratuit : pendant son voyage, Aenarion est abordé à quatre reprises par des démons lui conseillant de faire demi-tour (c’est sûr que quand les responsables de la mort de toute ta famille viennent te voir pour te supplier de ne pas faire quelque chose, tu te dépêches de leur obéir), ce qui donne lieu au même dialogue répété et légèrement adapté quatre fois de suite. Après avoir essuyé une tempête, frôlé la noyade et rembarré le fantôme de sa femme, Aenarion atteint enfin son objectif et extrait la Faiseuse de Veuves de sa gangue de pierre. Et Gav Thorpe d’achever son uvre par le genre de petite phrase satisfaite dont il a souvent l’usage : « Le sort des Elfes venait d’être scellé. »

Fin.

1 : Oui, vous avez bien lu, les démons n’ont tué aucun Elfe. Qui a dit que leur Livre d’Armée était fumé ?

2 : Je vulgarise le propos, le dialogue original étant autrement plus chiadé que ma misérable prose. N’est pas Gav Thorpe qui veut.

3 : Oui, celle qui dissout les démons à cinq cent mètres à la ronde. Heureusement qu’Aenarion n’était qu’un sale gosse incapable de gérer la contrariété, sinon Warhammer aurait été encore plus déséquilibré qu’il ne l’est aujourd’hui.

AVIS:

Une overdose de grandiloquence qui ne réconciliera certainement pas les Elfes avec ceux qui les trouvaient déjà pompeux et vains, et risque au contraire de faire sensiblement progresser la proportion des elfophobes parmi les lecteurs de la BL. À réserver à un public averti, ou avide de voir jusqu’à quel niveau Mr Thorpe peut élever son emphase. Ceux-là ne seront certes pas déçus.

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Et voilà qui conclut cette critique de ‘Age of Legend’, dernier recueil de nouvelles publié pour Warhammer Fantasy Battle. Si, comme c’est généralement le cas pour ce type d’ouvrage collectif, la qualité des histoires rassemblées ici varie assez largement, on doit reconnaître à Christian Dunn que la ligne éditoriale de cette anthologie n’est pas mensongère, et que les événements couverts dans ce bouquin sont bien légendaires pour une bonne partie d’entre eux. Appréciant à titre personnel que la GW-Fiction vienne compléter et enrichir le background présenté sommairement dans les suppléments de jeu, je ne pouvais qu’accueillir favorablement ce recueil, qui contient un certain nombre de nouvelles (‘The Last Charge’, ‘The City of Dead Jewels’, ‘The Ninth Book’, ‘The God Demands’, ‘Aenarion’) positionnée sur ce créneau.

Saluons également le cosmopolitisme de ‘Age of Legend’ qui parvient à aborder la plupart des races et des factions majeures de Warhammer Fantasy Battle (dommage pour les Hommes Lézards, les Elfes Sylvains et les Royaumes Ogres) à travers ses récits. Le seul regret qui me reste après avoir lu ce livre est sa publication tardive dans l’histoire de la franchise, dont le riche background aurait pu donner lieu au lancement d’une série de recueils de nouvelles Time of Legends, en plus de la gamme de romans que nous connaissons. Bref, si vous êtes nostalgiques du Monde qui Fut et souhaitez vous replonger dans sa glorieuse histoire, ce bouquin est sans doute ce qu’il vous faut.

RED THIRST [WFB]

Bonjour et bienvenue dans cette critique de Red Thirst, troisième et ultime recueil de nouvelles Warhammer Fantasy Battle sorti par GW Books, l’ancêtre lointain, disgracieux, mais coloré (sans blagues, jaugez-moi ces couvertures !) de notre Black Library. Si vous avez lu, parcouru ou survolé les deux épisodes précédents (ici et ), vous ne serez pas dépaysés par cette nouvelle descente dans le monde merveilleux, mais souvent daté, voire kitsch, des courts formats du tournant des années 901. Encore une fois – et c’est la dernière, alors profitez-en –, nous partirons à la découverte des pépites et pétoncles de cette époque fondatrice, ou en tout cas exploratoire, de la GW-Fiction, et tâcherons d’en apprendre un peu plus sur le (vraiment) Vieux Monde, tel qu’il apparaissait en ces temps antédiluviens.

Sommaire Red Thirst (WFB)

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Troisième round aidant, la majorité du casting de ce Red Thirst nous est déjà plus (Yeovil, King, Craig) ou moins (Baxter, Griffith) familière, seul l’énigmatique Neil Jones faisant ses débuts dans la carrière par l’intermédiaire de cette publication. Cette récurrence des auteurs se solde par le retour de personnages familiers : Gotrek et Felix, Genevieve et Vukotich, ou encore Sam Warble. On notera également que l’ouvrage regroupe des travaux plus conséquents que ses prédécesseurs, avec trois nouvelles (sur six, au lieu des huit « habituelles ») de plus de quarante pages au sommaire, ce qui se ressentira peut-être dans le rythme global du livre. Nous verrons bien. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est l’usage délectable d’illustrateurs patentés qui ont égayé les pages de leurs esquisses2. Voilà qui me semble suffire en guide de propos liminaire : à table donc, pour s’en jeter un petit. C’est ma tournée.

1 : 1990, pour les petits malins. J’étais là (Gandalf…), déjà, à l’époque. Pas vieux, mais présent.
2 : Pour être honnête, j’ai même racheté un exemplaire du bouquin en version GW Books (mon premier achat était un Boxtree), pour pouvoir bénéficier de ces illustrations. La GW Fiction, cette passion ruineuse…

Red Thirt

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Red Thirst – J. Yeovil:

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INTRIGUE:

Réveil brutal pour Vukotich le mercenaire (dont nous avons croisé l’incarnation vénérable dans The Ignorant Armies), qui émerge d’un coma moins éthylique que concussé, conséquence regrettable mais prévisible de sa grande idée de vouloir s’encanailler dans une taverne clandestine de Zhufbar, alors que Claes Glinka et ses séides y avaient pris leurs quartiers d’hiver. Qui est Claes Glinka, me demanderez-vous ? Eh bien, pauvres incultes que vous êtes, Herr Glinka n’est rien de moins que le Frigide Barjot du Vieux Monde, soit un zélote obscurantiste horrifié par la décadence des mœurs contemporaines, mais possédant un talent marketing et événementiel certain, ce qui lui a permis de recruter assez de followers et d’influence auprès des autorités compétentes – ici l’Empereur Luitpold – pour organiser des manifs pour (et contre) tous d’un bout à l’autre du pays. Entre deux autodafés, fermeture de bordels et abattage de vignobles, Glinka trouve également le temps d’ouvrir des Starbucks à la place des estaminets dans les villes que sa caravane visite. Bref, un fléau.

Vuko, lui, est un jeune mercenaire en quête d’un nouvel employeur, à la suite du décès prématuré du précédent, et qui se disait que passer une tête – moustachue – dans la cité où se tenait le Festival d’Ulric (l’équivalent de l’Eurosatory de l’Empire) serait une riche idée pour se trouver une nouvelle affectation. Peu concerné, ou sensible, aux arguments du Gardien de la Moralité, notre héros s’est donc fait surprendre en plein stupre (la fornication était en projet) par quelques croisés à gourdins, et revient à lui à l’arrière d’une carriole l’emmenant, ainsi que quelques dizaines de malheureux, dans des camps de travail gobelins. C’est comme ça que la Glinka se finance. Seule consolation, il réalise que le compagnon de travée auquel il est enchaîné est une fort accorte escort, embarquée comme lui par la patrouille. En tête de wagon, nous faisons la connaissance de Dien Ch’ing, Cathayen d’origine, comme son nom l’indique, et fidèle suivant de Glinka… en apparence. En fait, Ch’ing est un disciple de Tsien-Tsin, où Tzeentch comme certains l’appellent également, expulsé de sa pagode par les moines guerriers du Roi Singe, l’ennemi mortel des Dieux du Chaos dans le grand Orient. Guidé par ses visions, Ch’ing a infiltré la croisade de Glinka afin de porter quelques plans retors du Grand Architecte à maturité, et n’attend que le bon moment pour retourner son kimono. En attendant, il s’amuse à convoyer les mauvais sujets de l’Empire au goulag, ce qui est une activité comme une autre.

Un arbre tombé en travers de la route donne toutefois l’occasion à Vukotich d’échapper à ce funeste destin, notre intrépide Kislévite saisissant sa chance ainsi que son infortunée voisine, et plongeant dans la forêt en contrebas de la route après l’immobilisation du wagon. Outré par ce manque de savoir-vivre, Ch’ing envoie un trio de grouillots régler leur compte aux déserteurs, qui n’ont cependant aucun mal à en venir à bout. Craignant initialement que sa camarade de chaîne ne se révèle être un boulet (ce qui aurait été logique, finalement), Vukotich est favorablement surpris, et même impressionné, par l’agilité et la dextérité de sa compagne, dont l’aide se révèle précieuse pour dézinguer les goons de Ch’ing. C’est donc avec regret qu’il se résout à lui trancher la main avec l’épée qu’il a récupérée sur un cadavre de PNG malchanceux, afin de regagner sa liberté… sans grand succès. Et pour cause, sa comparse n’est autre que la vampire Genevieve, dont les super pouvoirs incluent donc une peau en kevlar (pratique). Mi (plutôt que morte) vivante avec des principes, elle pardonne à Vukotich son coup de sang, et, ne pouvant pas non plus briser les menottes qui les lient – surtout que la sienne est plaquée argent –, le convainc de faire équipe jusqu’à la première forge qui se présentera à eux. Proposition acceptée par son (désormais) side-kick, qui réalise de toute façon qu’il a intérêt à filer droit s’il ne souhaite pas terminer en casse-dalle pour amphisbaenae1.

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Après quelques heures de marche, notre couple involontaire arrive dans un petit bled paumé, et réussit à squatter une cabane abandonnée pour permettre à Vukotich de reprendre des forces2. Par un hasard qui ne sera pas heureux pour tout le monde, comme nous allons le voir, cette même cabane a été choisie par deux individus de rang pour se rencontrer discrètement. Le premier est le Seigneur Maréchal de Zhufbar, Wladislaw Blasko, qui a laissé Glinka mettre la cité en coupe réglée sans faire trop de vagues… parce qu’il est lui aussi un agent du Chaos infiltré. Ça commence à faire beaucoup. Son interlocuteur est le Haut Prêtre de Tzeentch Yefimovich, ayant tiré le don « je suis une ampoule de feu rouge » dans la table des mutations, et habituellement stationné dans le Kislev, mais en goguette dans le Sud pour les vacances. Nos deux conspirateurs s’entretiennent de leur plan machiavélique, qui consiste en l’assassinat de Glinka lors d’une prochaine cérémonie, ce qui permettra à Blasko de prendre sa place à la tête de la croisade, et de laisser opportunément ouverts aux hordes orientales les cols des Montagnes Noires. Bien évidemment, Vukotich et Genevieve, camouflé sous un drap de scenarium, voient et entendent tout, et décident, à contre-cœur mais il le faut bien, d’aller sauver le Gardien de la Moralité pour éviter son remplacement.

Un peu plus loin, nous retrouvons Dien Ch’ing, perturbé par de sombres pressentiments et l’insatisfaction du devoir non-accompli. Ayant été chargé par Yefimovich d’occire Glinka, il ne veut rien laisser au hasard, et se lance dans une séance de divination à l’aide d’un bol tournant, ce qui lui permet d’assister par visio à la rencontre de son boss avec Blasko, mais également de s’apercevoir que ces derniers n’étaient pas seuls dans la piaule. Contrarié par ce coup du sort, il invoque le fantôme de l’un de ses vénérables ancêtres, l’honorable Xhou, aller négocier (ils sont urbains ces Cathayens) avec les contrevenants, afin qu’ils laissent les événements suivre leur cours. Malgré les trésors de courtoisie et de diplomatie dont fait preuve Xhou, qui se matérialise devant Vukotich et Genevieve alors qu’ils avaient repris la route de Zhufbar en charrette, il ne parvient pas à conclure un deal avec nos héros, qui finissent par le bannir comme l’ennuyeux pop-up spectral qu’il est. Au moins, Ch’ing aura essayé de résoudre le différent à l’amiable. Il passe à nouveau à l’action quelques heures plus tard en envoyant cinq élémentaux régler leur compte aux fâcheux à leur sortie de la ville de Chloesti, où les séides de Glinka avaient organisé un autodafé de la délation3 (c’est comme un pot de l’amitié, sauf que c’est différent), qui a fini dans une très chaude ambiance4. Dépassés par les événements, les aventuriers s’en sortent grâce à la culture G de Mme G, qui réussit à monter les démons les uns contre les autres en demandant innocemment qui avait la plus grosse… énergie mystique parmi le quintet, provoquant un affrontement fratricide aux résultats peu concluants.

Tout est prêt pour le grand final de cette longue nouvelle. Genevieve et ce gros dalleux de Vukotich arrivent sur les rivages de la Blackwater, trouvent un bateau de pêche et partent à la rame vers Zhufbar. Dans la cité, Ch’ing se prépare à commettre l’irréparable au cours d’une adresse publique de Glinka, organisée sur la plage municipale (pourquoi se priver ?). Le plan machiavélique et savamment planifié de nos affreux est toutefois contrarié par l’arrivée soudaine de Genny et Vuko, qui parviennent à créer une belle pagaille parmi l’auguste assemblée, peut-être en exhibant les parties charnues de leur anatomie à la cantonade. Hé, il faut ce qu’il faut. La dague magique de Ch’ing n’ayant pas eu le temps de charger totalement, le cultiste voit s’enfuir sa cible sans avoir pu tenter sa chance. Il a toutefois l’occasion de se venger des éléments perturbateurs et de leurs gros nez d’Occidentaux en leur faisant bénéficier d’un masterclass de MMA5.

Le combat qui s’engage voit le bonze démoniaque tenter de mettre des grands chassés dans la face de ses Némésis, avec des résultats peu concluants, la vampiritude de Genevieve lui permettant d’esquiver ou d’encaisser facilement les coups de pied retournés et manchettes cathayennes de Ch’ing. On suppose que Vukotich, toujours enchaîné à sa dulcinée, a dû avoir un bras disloqué à la fin de la journée. Frustré dans ses tentatives de muay-thaï, l’expat’ se rabat sur ses pouvoirs arcaniques pour finir le taf, mais se trouve là encore contrecarré, cette fois-ci par l’alliance, que dis-je, l’alliage, de circonstance entre le fer et l’argent des chaînes liant Genevieve et Vukotich, qui se révèle être l’anathème du choke-tilège jeté par Ch’ing sur le malheureux Glinka. L’homme sage connaissant ses limites, le moine Ch’(aol)ing décide enfin d’aller voir ailleurs si Tsien-Tsin y est, et prend son congé de Zhufbar, non sans promettre à Genevieve qu’il reprendra contact sous quinzaine (de jours, d’années ou de siècles, mystère). On se rend alors compte que Blasko, qui avait tenté d’aider son pote chaotique dans la mêlée en surinant Vukotich, est tombé dans la Blackwater en armure complète, et peut donc être rayé des cadres. Plus intéressant, l’inflexible puritain Glinka se révèle être un mutant, comme l’atteste la paire de bras surnuméraires qu’il dissimulait sous sa chasuble. C’en est fini de sa croisade, et probablement de son existence, si l’Empire se révèle fidèle à sa politique en matière de diversité.

Fatigué par les événements, Vukotich pique un gros roupillon de deux jours sitôt ses menottes ôtées par le forgeron de fonction, et apprend à son réveil que sa partner in crime-solving n’a pas fait de vieux os à Zhufbar, et est repartie vivre sa non-vie dans l’anonymat qui lui convient mieux. C’est l’affable Maximilian von Konigswald, père d’Oswald (le vainqueur de Drachenfels et compagnon d’armes de Genevieve), qui met le mercenaire au courant des dernières actualités, entre deux rasades d’eau de vie. Plaqué par son crush, Vukotich se sent tout d’un coup bien chose, mais, rassurez-vous, il s’en remettra.

1 : Vous ne savez pas ce que c’est ? Moins non plus. Seul Jack Yeovil est au courant, à mon avis.
2 : Et de rêver, prémonitoirement, d’une bataille au sommet du monde mettant aux prises une faune bigarrée. Il l’ignore encore, mais il s’agit de la conclusion d’Ignorant Armies.
3 : Et où Genevieve rencontre un tout jeune Dietlef Sierck (‘Drachenfels’) déjà sensible aux choses artistiques, et son acariâtre môman.
4 : Pour Vukotich aussi, notez, car une péripétie annexe mais distrayante voit nos héros passer la nuit dans un hôtel de passe reconverti en établissement honorable à la suite des puritains de Glinka, et profiter l’un de l’autre pour réaliser un échange de fluides. Surpris au réveil par une bande de clercs de notaires patibulaires, nos tourtereaux étaient sur le point de se marier sous la contrainte au moment où arriva le cinquième élément (et ses potes avec lui).
: Ce qui dans ce contexte veut dire Mystic Martial Arts.

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AVIS:

Red Thirst (baptisé ainsi en référence au penchant de Genevieve pour le gros rouge) est une des nouvelles qui justifient que l’on s’intéresse de plus près aux origines de la GW-Fiction. Jack Yeovil fait en effet très fort avec cet épisode de ce que l’on doit bien appeler son cycle Genevieve, en parvenant à cocher toutes les cases du cahier des charges de ce type de publication. On pourrait bien sûr parler de son choix de mettre en avant un pan mystérieux du fluff de Warhammer Fantasy, et ce faisant, de le développer, par l’inclusion du personnage de Ch’ing (à ma connaissance le seul Cathayen dépeint dans une œuvre de fiction). Il faudrait alors souligner qu’en quelques lignes, Yeovil parvient à donner une véritable impression d’exotisme et de profondeur à un concept sur lequel GW s’est assis pendant plus de trente ans. Les apports de background ne se cantonnent cependant pas à l’Extrême Orient : l’Empire en bénéficie également, tant au niveau culturel que géopolitique. Et que dire de la figure de Yefimovich, qui illumine (dans tous les sens du terme) de sa présence les quelques pages dans lesquelles il apparaît.

Une autre réussite à mettre au crédit de Jack Yeovil réside dans la construction et le déroulement de son propos, qui enchaîne les péripéties avec un rythme et une facilité déconcertants. La taille du résumé (qui porte bien son nom, car il en reste de là où ça vient) ci-dessus devrait vous donner une bonne idée de la richesse narrative de Red Thirst. C’est la marque des grands conteurs que d’arriver à agencer leur récit sans temps mort ni à coups, et Yeovil fait définitivement partie de cette catégorie. Soulignons en outre la belle variété d’ambiance dont bénéficie cette nouvelle, du grimdark as usual au vaudeville (la scène dans l’hôtel de passe est savoureuse) en passant par la fugace romance entre Vukotich et Genevieve et la légende orientale (l’attaque des élémentaux). Peu nombreux sont les textes de GW-Fiction disposant d’une telle amplitude, bien que l’on puisse également citer William King (un autre grand ancien) ici.

Terminons par la remarque que Jack Yeovil a sans doute été le premier auteur de GW à raisonner en termes d’univers narratif, bien des années avant qu’Abnett ne créé son Daniverse, imité par Graham McNeill et d’autres contributeurs de la Black Library au fil des années. Les liens d’intrigues tissés par Yeovil dans ce Red Thirst sont une autre très bonne raison de lire cette nouvelle… si vous êtes familiers avec la galerie de personnages créés par l’auteur. Genevieve, bien sûr, mais également Vukotich (Ignorant Armies, qui gagne ici son surnom d’Homme de Fer), la lignée des von Konigswald (Drachenfels), un Dietlef Sierck en culottes courtes (ibid)… et sans doute d’autres figures que Yeovil a repris dans d’autres nouvelles et romans lors de sa pige pour Games Workshop. Mine de rien, savoir que l’investissement dans le corpus d’un auteur sera récompensé par des caméos, clins d’œil et autres easter eggs constitue une motivation forte pour le lecteur, et je suis plus déterminé que jamais à combler mes lacunes en Yeovilerie1. Bref, une authentique pépite de la littérature GWesque, injustement condamnée à l’oubli par la politique éditoriale de Nottingham. Si cette critique ne vous donne ne serait-ce que l’envie de vous pencher sur le cas Jack Yeovil (toujours non-traduit à l’heure actuelle, et c’est tragique), elle aura atteint son objectif.

1 : Je suis sûr que cela fera de moi un nouvel homme. 😉

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The Dark Beneath the World – W. King:

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INTRIGUE:

Après avoir recouvré leur indépendance, à la suite de la tentative avortée de la dynastie des Von Diehl de bâtir leur petite baronnie dans la prairie des Principautés Frontalières (Wolf Riders), Gotrek et Felix prennent la route de Karak aux Huit Pics, toujours bien décidés (surtout pour le Tueur) à mettre la main sur le magot dont leur a parlé le tavernier Faragrim lors de leur dernier passage à Altdorf. Sur le chemin de la forteresse, le duo vole à la rescousse d’un petit groupe de voyageurs embusqués par une tribu de peaux vertes alors qu’ils traversaient une rivière. Alors que Gotrek parvient à rendre une copie propre, en débitant quelques Orques avec le professionnalisme qu’on lui connaît, cette mauviette de Felix trouve le moyen de tomber dans l’eau (normal pour une poule mouillée, me direz-vous) lors de son duel, et manque de basculer dans l’inévitable cascade qui s’écoule à proximité du gué. Il n’en rate décidément pas une. Les ruffians mis en fuite et/ou en morceaux, il est l’heure de procéder aux présentations, pendant que blondin se change1 : seuls survivants du groupe d’aventuriers partis faire la boucle de huit pics, le templier Aldred Keppler de l’ordre du Cœur Enflammé, le mage Johann Zauberlich et le pisteur bretonnien Jules Gascoigne sont fort aise de pouvoir compter sur la compagnie de Gotrek et de son commémorateur. Le désormais trio voyage en effet lui aussi en direction du chantier de réhabilitation du Roi Belegar, guidé par la vision que Keppler pense que Sigmar lui a envoyée, qui lui intime d’aller récupérer l’épée magique Karaghul, une relique de son ordre, perdue en même temps que son porteur – le propre frère de Keppler – lors de la tentative de reconquête de la forteresse. Bien que la proximité du trésor convoité par Gotrek rende ce dernier aussi méfiant qu’antisocial, il accepte toutefois de tracer la route avec ces compagnons d’infortune, sans rien révéler de ses propres motivations.

L’arrivée de la petite troupe dans la tête de pont sécurisée à grand peine par les survivants de l’expédition de Belegar, dépeint par King comme un mélange des pires aspects de Theoden et de Denethor (un vieillard cacochyme mais empli de morgue et de malice), se passe sans difficulté notable, tout comme l’obtention par l’un et l’autre groupe de l’autorisation de pénétrer dans les niveaux inférieurs du Karak, toujours aux mains des Gobelins et/ou des Skavens. Gotrek impressionne même la prêtresse de Vallaya locale – Magda Freyadotter – à tel point qu’elle lui remet une carte (en braille – ou son équivalent nain – ) des souterrains, en lui recommandant toutefois la prudence car des fantômes ont été aperçus par les colons. Et là, surprise, on découvre que le farouche Gotrek a une peur bleue des ectoplasmes. Attendons de voir comment il se débrouillera face aux Nighthaunts des Royaumes Mortels… Il en faut toutefois plus pour faire rebrousser chemin à un Tueur auquel on a promis un Troll et un trésor aussi gros l’un que l’autre. Prenant son courage comme sa hache, c’est-à-dire à deux mains, le petit rouquin teigneux quitte la zone des PNJ et part explorer la map, ses sidekicks sur les talons.

La descente dans les entrailles de la forteresse déchue réserve à nos aventuriers son lot de découvertes, recueillement et, inévitablement, emmerdes. En témoigne ce premier accrochage contre une bande de gobelinoïdes, menés par un Ogre ayant lui aussi fait le choix du mohawk (bicolore dans son cas), à moins que ça ne soit un gladiateur Goliath de Necromunda s’étant trompé de porte en allant bosser ce matin là; et qui permet à nos héros de faire montre de leur habileté dans le maniement des armes et des boules de feu2. Sauf Felix, qui rate son test de terrain dangereux en voulant corriger un Gobelin lui ayant tiré la langue, et s’étale de tout son long dans l’escalier qu’il était censé gardé en tant qu’avant dernier défenseur (heureusement que Jules Gascoigne veillait au grain) de la troupe. Ayant mis leurs ennemis en fuite, les aventuriers croisent un fantôme de Nain timide, ce qui n’est pas loin de provoquer une crise d’apoplexie chez Gotrek. Un peu plus tard, cette andouille de Felix, après avoir manqué de se suicider en buvant de l’eau contaminée avec de la malepierre, trouve le moyen de s’illustrer à nouveau, en accusant à demi-mot Zauberlich de fricoter avec le Chaos… avant de s’écraser comme une grosse bouse lorsque Keppler, et sa grande épée, viennent à la rescousse du mage. Décidément, il n’en rate pas une.

Après avoir négocié une infestation de mites géantes – true story, lisez la nouvelle – et s’être faits remettre une quête annexe – passer le balai dans la crypte locale – par une Fantômette courte sur patte, Gotrek et Cie finissent par toucher au but. La crypte en question est en fait celle décrite par Faragrim pendant la nuit de beuverie qui a déclenché le road trip du Tueur, et comme Keppler n’a pas de meilleure idée d’où peut se trouver l’épée qu’il recherche, il décide également de passer une tête… avant de la perdre de façon sanglante et définitive. Le mausolée est en effet le QG  d’un Troll du Chaos effectivement monstrueux, dont la consommation d’eau lourde n’a pas amélioré la photogénie. On comprend alors que Faragrim, dans son avidité, a cherché à faire main basse sur le trésor des rois défunts de Karak aux Huit Pics, en fracturant la porte scellée menant à leurs tombes. L’arrivée du Troll en question, peu de temps après, a mis un énorme, vorace et odoriférant bâton dans les roues du charognard, qui s’est enfui sans avoir pu récupérer son bien mal acquis. C’est la persistance de la présence de ce squatteur disgracieux qui a contraint nos braves Nains retraités à aller demander un coup de main à leurs descendants, sans succès jusqu’à l’arrivée salutaire de Gotrek (OSEF de Felix, vraiment).

Le combat qui s’engage voit rapidement périr les deux autres accompagnants du binôme héroïque, Gascoigne se prenant une torgnole fatale et Zauberlich finissant pincé à mort avant d’avoir pu balancer son Inferno. Pendant que Gotrek se tape tout le sale boulot, Felix réussit à grand mal à se défaire de la tête tranchée de nourrisson que le Troll arborait comme fleur à la boutonnière, et sombre dans son désespoir habituel de fin de nouvelle – comme à chaque fois que la Nemesis du Tueur pointe le bout de son anatomie – avant de se ressaisir et d’enfin servir à quelque chose. Bricolant un cocktail molotov avec le contenu de sa besace, il parvient en effet à enflammer le Troll, l’affaiblissant assez pour permettre à Gotrek de lui porter le coup de grâce. La situation de nos héros ne s’améliore cependant que marginalement après la mort du monstre, une armée de peaux vertes, attirée par le son et lumière organisé de façon impromptue par les aventuriers, décidant de venir se joindre aux mondanités. Résignés à mourir dignement, ces derniers sont toutefois sauvés par l’arrivée de l’armée des morts de petite taille, les esprits ancestraux de Karak aux Huit Pics venant finir le boulot commencé par leur factotum, jugeant sans doute le problème matériel (à défaut de l’être, eux). Ceci fait, il ne reste plus à notre vieux couple qu’à reprendre le chemin de la surface, Felix ayant gagné au passage l’épée Karaghul (qui se trouvait bien dans le trésor du Troll), tandis que Gotrek décide noblement de repartir sans le moindre petit loot, mais avec la promesse, faite par la Mimi (Mathy) Geignarde locale que sa fin serait grandiose. C’est déjà ça.

1 : On apprend ainsi que Felix voyage avec des capes de rechange. Ce qui explique pourquoi sa fameuse houppelande de laine rouge du Suddenland, que King nous ressort à toutes les sauces – c’est le troisième personnage principal de la saga, devant Ulrika et Snorri – résiste si bien aux aventures de son porteur.
2 : J’ai découvert en lisant la nouvelle que cette scène avait servi d’inspiration à une illustration vintage mais assez connue – puisqu’elle a été reprise en couverture de la première édition du JDR Warhammer – de WFB. Eh oui, le Tueur à barbe blanche, c’est bien Gotrek (qui a également regagné un œil au passage). On notera que le seul personnage absent du tableau est… Felix. Quelle surprise.

AVIS:

Avec The Dark Beneath the World, William King signe le dernier volet du corpus “fondateur” de la série Gotrek & Felix. Après avoir présenté les personnages dans Geheimnisnacht, puis avoir mis en scène une aventure où Felix, et le Vieux Monde, tenaient la vedette (Wolf Riders), l’auteur choisit cette fois de se concentrer sur la quête de mort de Gotrek, et à travers lui, la déchéance de l’empire nain, avec des résultats une nouvelle fois probants. Aventure empruntant fortement aux codes du RPG (ce qui semble n’avoir échappé à personne, même pas à GW – voir remarque ci-dessus –), The Dark… mise beaucoup sur ses scènes de combat, et sur l’ambiance particulière apportée par l’exploration des ruines mal fréquentées d’une ancienne forteresse naine. Très riche en fluff, même si ce dernier est parfois daté (notamment les fantômes nains, qui auraient pu gagner la guerre souterraine à eux tout seuls s’ils l’avaient voulu), cette nouvelle constitue également un tournant dans la saga de King, qui aurait pu choisir de tuer son héros de manière « satisfaisante » en conclusion de son propos. Après tout, quelle plus belle fin pour un Tueur nain que de mourir au combat contre un Troll, entouré des tombes et de l’or de ses ancêtres? Peut-être que King s’est réellement posé la question du devenir de son personnage en cette année 1990, ou bien peut-être qu’il avait toujours eu pour projet de faire vivre à ce dernier des aventures interminables (et interminées à ce jour). Qui peut dire ? En tout cas, The Dark… demeure pour moi un jalon essentiel dans le parcours, singulier et iconique, de Gotrek (que l’on découvre de plus capable d’émotion telles que la mélancolie, le désespoir et la peur, ce qui contribue à l’humaniser quelque peu), et à ce titre, sans doute l’un des textes les plus essentiels de la série.

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The Spells Below – N. Jones:

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INTRIGUE:

Katarina Kraeber, apprentie sorcière à l’IUT (Institut Universitaire de Thaumaturgie) de Waldenhof1 retournait tranquillement chez son tuteur, père adoptif et amant (ce qui fait beaucoup, même pour la Sylvannie), en s’amusant à faire tourner les girouettes contre le sens du vent malgré les froncements de narine des braves bourgeois du cru, lorsqu’elle se retrouve mêlée à une opération de gens d’armerie de grande ampleur. La maison où elle réside avec son cher et tendre Anton Freiwald, sorcier de grand renom, est en effet entourée par une véritable armée de gardes, envoyés par le Graf Jurgen von Stolzing mettre un terme aux recherches non sanctionnées du praticien des arts occultes. Un peu trop occultes donc. Révoltée autant qu’inquiète par ce revirement de situation, Katarina tente d’en apprendre plus sur le guêpier dans lequel Anton s’est fourré, non pas en lisant dans l’esprit des gardes aux alentours (trop simple), mais en leur lançant un sort de loquacité, qui les fait déblatérer de tout et de rien. Entre deux remarques sur la météo et le résultat du match de Blood Bowl de la veille, notre héroïne apprend que le Graf a donné pour ordre à ses nervis de capturer le sorcier vivant afin de lui soutirer ses secrets. Son petit tour de passe passe (ou plutôt de bla bla) a toutefois été remarqué par un autre mage, et non des moindres, puisque c’est le rival de Freiwald et maître de la guilde des mages locale, Gerhard Lehner, qui lui met la main au collet, et l’amène jusque devant la litière du Graf, pour un interrogatoire express. La séance de questions-réponses est rapidement interrompue par le début des opérations à proprement parler, et, plutôt que d’envoyer quelques hommes ouvrir la porte avec un bélier, les autorités compétentes décident de bombarder le domicile du sorcier avec une catapulte, OKLM. Fort heureusement pour les tuiles d’Anton Freiwald, un bouclier mystique arrête le projectile en pleine trajectoire, prodige magique estomaquant l’assistance assez longtemps pour que Katarina se libère et se rue vers la porte de son domicile.

Elle aussi sauvée par le champ de force magique qui ralentit les flèches que ne manque pas de lui décocher la maréchaussée, elle arrive à bon port et est accueillie par la figure sévère-mais-juste-et-tellement-beau-gosse de Freiwald, secondé par sa garde personnelle de mercenaires Kislevites et son homonculus contrefait. Jugeant la situation grave mais pas désespérée, le sorcier recherché annonce qu’il a besoin de renforcer ses capacités arcaniques dans son laboratoire souterrain, et qu’il a besoin d’y aller seul, malgré les protestations de Katarina. Ayant sécurisé la loyauté de ses gros bras en leur lançant un petit sort de loyauté sous le manteau – c’est contre le RGPD, mais on n’est pas à ça près –, il part donc en sous sol avec son familier, laissant Katarina à la porte. Bien évidemment, cette dernière décide finalement de rejoindre son sugar daddy, motivée en cela par l’arrivée impromptue dans les locaux d’un adepte de Khaine, dûment mandaté par le Graf pour mettre fin au bazar et lui économiser de devoir payer les heures supplémentaires de tous les fonctionnaires mobilisés en cas de siège interminable. Protégé par une amulette enchantée, le tueur assermenté n’a aucun mal à déjouer les différentes protections magiques que Freiwald a placé dans l’escalier menant à son étude… ce qui n’est pas le cas de la pauvre Katarina, que son amour pousse à poursuivre l’assassin.

Une alarme sonore et un serpent en 3D plus tard, la voilà en bas de l’escalier, où elle se fait mordiller la cheville par l’homonculus domestique du sorcier, décidément moins bien élevé que le regretté Dobby. Encore une porte à poignée brûlante-mais-pas-vraiment à ouvrir, et la voilà à l’intérieur… malheureusement un chouilla trop tard. Si l’assassin est décédé, victime d’une attaque imparable de filet à provision constrictor (Anton est décidémment le spécialiste des pièges à c*ns et autres farces et attrapes), il a eu le temps de planter une dague en plein cœur de sa cible, elle aussi tout à fait morte.  Désespoir de Katarina, qui ne peut qu’empêcher l’homonculus de son défunt protecteur de boulotter le cadavre de son créateur, en lui balançant une flasque à la tronche. C’est ça aussi que de ne pas nourrir ses animaux de compagnie…

Début spoiler…Kat’ ne met cependant pas longtemps à se rendre compte qu’elle éprouve beaucoup moins de chagrin qu’elle pensait en ressentir à la mort de son cher Anton, et pour cause… Les Kislevites laissé en arrière garde pour ralentir les troupes du Graf ne sont pas les seuls à avoir été victimes de l’emprise mentale du mage défunt : Katarina réalise brutalement qu’elle était sous la coupe de Freiwald, et que l’amour qu’elle éprouvait pour lui était aussi réel que celui des candidats de Love Island. Trahison (et du coup, détournement de mineur) ! Dégoûtée par cet abus de confiance2, elle décide de se faire la malle par le souterrain prolongeant le laboratoire du sorcier, après avoir mis la main sur son grimoire, afin de pouvoir continuer ses études en toute indépendance. Localiser le fameux bouquin n’est cependant pas chose facile, même si elle finit par déduire que le précieux livre est caché derrière l’imposant portrait qu’Anton avait fait faire de lui-même – en toute modestie – et gardé par un prototype de Tisse-Mort en fin de batterie, ce qui sauve Katarina du même destin que le cultiste de Khaine. Un tableau fracassé et un coffre-fort à moitié Mimic ouvert à coups de latte (véridique) plus tard, le manuel de sorcellerie est enfin récupéré.

Ces péripéties ont toutefois assez retardé Katarina pour qu’elle assiste à la réincarnation de son tourmenteur, qui prend possession de son homonculus, laissé à dessein en back-up par le mage. Ce n’est pas la première fois que Freiwald change de corps, comme son ancienne élève le découvre en voyant le crâne du cadavre du sorcier rejoindre les cinq autres artefacts similaires qui tournoient au milieu de la pièce, et dont le mage tirait une grande partie de ses pouvoirs. Un peu groggy par cette restauration de session après un arrêt non programmé, Freiwald a la surprise de constater que son esclave sexuelle ne le regarde plus avec les yeux de Chimène, et lui renvoie même le premier sort d’entrave qu’il tente de lui lancer dans les dents. Comprenant que rien ne sera plus comme avant, la chose qui était Anton Freiwald se résout au meurtre de son ancienne complice avant de prendre la fuite pour une nouvelle ville et nouvelle vie, avec ses crânes et son grimoire… sauf que Katarina ne l’entend pas de cette oreille, et parvient à se saisir de la dague toujours plantée dans le torse de l’ancien cadavre de Freiwald, avant de trucider le disque dur externe fait homme (unculus) qui lui fait des misères. Pris au dépourvu par ce revirement de ce situation, c’en est cette fois définitivement fini de notre grand méchant, qui n’avait pas penser à faire une sauvegarde de sa sauvegarde, comme le gros noob qu’il est. Sad! Enfin débarrassée de cette masculinité toxique, Katarina est libre de prendre la poudre d’escampette, et d’aller s’installer en praticienne libérale dans la banlieue de Bogenhafen, comme son vieux père l’aurait voulu.Fin spoiler

1 : La capitale de Sylvannie (tout comme Canberra est la capitale de l’Australie… c’est tout à fait vrai mais ce n’est pas à cette ville qu’on pense immédiatement), qui bénéficie donc d’une académie de magie d’après Neil Jones. Je prendrais cette info avec des pincettes.
2 : En même temps, Anton était un disciple de l’école de magie arc-en-ciel, et organisait la marche des fiertés de Waldenhof (l’une de ces affirmations est fausse, mais laquelle). Elle aurait dû le voir venir.

AVIS:

Si on met de côté les éléments ayant très mal vieilli de The Spells Below, qui sont suffisamment nombreux pour parasiter un chouilla la lecture pour ne rien vous cacher, on se retrouve avec une histoire de rape and revenge matinée de sword and sorcery, mélange à ma connaissance inédit dans la GW-Fiction. L’intrigue que déroule Neil Jones tient assez bien la route, et réserve quelques surprises bienvenues au lecteur ; quant au personnage de Katarina, il est loin d’être celui d’une simple potiche énamourée, comme le début – et l’illustration de Kev Walker – pouvaient le laisser craindre. On se trouve même en présence d’une nouvelle que l’on pourrait qualifier de féministe, ce qui se doit d’être souligné pour un texte aussi ancien (la lutte contre le patriarcat n’était pas un sujet aussi fort qu’il l’est devenu aujourd’hui). Bref, une nouvelle comme on en écrit plus depuis longtemps, signée par un auteur dont on est sans nouvelles depuis des lustres. Dépaysement, à défaut de satisfaction (c’est quand vraiment WTF sur les bords…), garanti.

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The Light of Transfiguration – B. Craig:

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INTRIGUE:

Fidèle à son approche résolument bretonnisante du background de Warhammer Fantasy, Brian Craig nous revient avec une nouvelle histoire se déroulant sur les terres du Roy, racontée par nul autre que le ménestrel itinérant Orfeo, protagoniste de la trilogie Zaragoz, Plague Daemon et Storm Warriors. Notre propos débute avec la croisade purificatrice ordonnée par un aïeul du bon souverain Charles contre les déprédations commises par le sorcier Khemis Kezula depuis la cité fortifiée de Selindre, à proximité des Voûtes. Chargeant son plus preux paladin Super Dupont Lanval de Valancourt d’aller apprendre les bonnes manières, le port du béret et la dégustation de cuisses de skinks à cet intégriste de Kezula, le noble Roy sort de notre conte, avec la satisfaction du devoir accompli. De son côté, LdV se met à la tâche sans tarder, et parvient à enlever la citadelle ennemie, mettant un point final au règne de terreur du mage noir, qui se révéla être un cultiste chaotique. Le bon sens franchouillard de Lanval lui fit également raser le donjon de Kezula, dont il soupçonnait – à raison – le caractère profondément néfaste, et pas seulement à cause de l’infestation de punaises de lit qu’il y constata une fois la victoire obtenue. Le temps suivit son cours, et les terres de Selindre passèrent aux descendants de Lanval après le décès de ce dernier, jusqu’à ce que son arrière-petit fils, Lanfranc, arrive aux affaires. Traumatisé par une méchante chute de cheval terminée tête la première sur un pavé mal placé alors qu’il faisait le kéké sur les lieux des exploits de son aïeul, le père de Lanfranc, Jehan, avait en effet couché sur son testament sa volonté que Selindre soit léguée au culte de Shallya, afin que les bonnes sœurs viennent purifier l’endroit de leurs saines prières.

Guère enthousiasmées par cette – pourtant généreuse – donation (il n’y a qu’à voir la tête qu’elles tirent sur l’illustration), les sistas acceptèrent toutefois de tenir un couvent sur le gazon maudit de Khemis Kezula, à condition que le nouveau comte mette à leur disposition quelques maçons pour construire le lieu de culte. Un peu chafouin d’avoir perdu un bout de fief des suites de la démence paternelle, Lanfranc se montra tout de même gentilhomme, et accéda à la requête des bonnes sœurs, avant de quitter à son tour l’intrigue pour de bon. Nous faisons alors la rencontre de la véritable héroïne de notre histoire, la jeune Adalia, envoyée avec quelques collègues s’occuper de la joint venture si habilement négociée par le culte. Fille d’un artisan vitrier réputé de Quenelles, Adalia avait démontré quelques aptitudes pour la magie durant son adolescence, provoquant son intégration dans les ordres (autre temps, autres mœurs…). Malheureusement pour elle, ces signes prometteurs ne débouchèrent sur rien de concret, condamnant la novice à végéter en bas de l’échelle régulière. Affectée aux tâches ménagères par sa supérieure, la Mère Thelinda, en support des manœuvres et artisans obligeamment prêtés par Lanfranc, Adalia occupe ses journées à faire du mortier et ses soirées à consacrer1 les murs de la cellule minable qu’elle a reçu en dotation, quotidien assez morne il faut bien le reconnaître.

Tout change lorsqu’elle reçoit une nouvelle mission de la part de Thelinda : inspecter les ruines de la forteresse de Kezula à la recherche d’objets récupérables. Lorsqu’elle trouve des éclats de verre colorés jonchant le sol, elle ne met pas longtemps à comprendre qu’il s’agit des restes d’un vitrail ayant orné l’ancienne bâtisse, et décide naturellement de… le reconstituer (sans que Thelinda s’émeuve beaucoup du projet un chouilla hérétique de sa charge). La suite de la nouvelle relate les longs mois de labeur qu’Adalia consacre à sa nouvelle marotte, entre la recherche de fragments dans les décombres et la mise en place de ces derniers dans sa chambre, deux processus longs et ingrats, mais pour lesquels elle se passionne néanmoins. Alors qu’elle est sur le point de toucher au but, et que les parties reconstituées de la rosace se mettent à briller d’eux-mêmes à la nuit tombée (ce qui n’est aaaabsolument pas inquiétant), permettant à Adalia de bosser sans éveiller les soupçons qu’une consommation disproportionnée de chandelles pourrait causer; notre héroïne réalise qu’il lui manque les pièces centrales du puzzle, ce qui la plonge dans l’embarras. Fort heureusement, un Nain, probablement du Chaos3, se présente à elle peu de temps après pour lui remettre le DLC dont elle a besoin pour terminer son ouvrage, contre la modique somme de son âme (probablement).

Dès lors, plus d’échappatoire possible pour la malheureuse Adalia, dont la ferveur et la considération pour Shallya avaient de toute façon baissées de façon drastique au cours des derniers mois. Par une nuit fatidique, elle termine la reconstitution du vitrail, au centre duquel se révèle être un homme oiseau à l’aspect peu amène. Cette complétion permet de débloquer complètement le mode photophore hallucinogène de la pièce, d’où Adalia voit apparaître Birdman en chair et en plumes. Extase mirifique pour notre nonne nerd, mais malheureusement de courte durée. Son cadavre est en effet retrouvé le lendemain par le reste de sa congrégation, carbonisé et incrusté des mêmes éclats qu’elle avait passé tant de soin à récupérer. L’autopsie conclura à une mal-fonction critique d’une cabine à UV dans laquelle se serait trouvée une boule à facettes, mais nous savons tous que la vérité est ailleurs…

1 : Ce qui n’est pas facile car ce diable de Kezula a visiblement traité les pierres (noires) de son donjon, récupérées pour servir de base au couvent des Sœurs, au PFAS, rendant leur blanchiment très compliqué. Et en plus, ça donne le cancer.
2 : La Mère Thelinda tient en effet plus de Thénardier que de Teresa. Le seul moment de la nouvelle où elle fait mine d’intervenir dans le hobby peu recommandable de sa subalterne est quand cette dernière explose son forfait bougie à force de travailler sur son 10.000 pièces toute la nuit.
3 : Une légende locale raconte en effet qu’un clan de Nains des Voûtes choisit d’abandonner Grugni pour se tourner vers une divinité capable de leur apprendre les mystères et merveilles de la confection du cristal. Les érudits supputent qu’il s’agit du dieu du Chaos mineur Bhakkara.

AVIS:

Une Craig-erie très classique et sérieuse que ce The Light of Transfiguration, qui est à ranger aux côtés de A Gardener in Parravon, dans la catégorie « Tentations Chaotiques » du corpus de cet auteur. Si les talent de conteur et le style particulier de ce dernier permettent au lecteur de suivre sans peine la tragique destinée d’Adalia, cette nouvelle ne s’avère toutefois pas aussi prenante, ni divertissante, que d’autres travaux de Craig, qui n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il s’attaque aux « bons côtés » du lore de WFB (Who Mourns a Necromancer ?, The Phantom of Yremi). La GW-Fiction regorgeant de récits dépeignant la déchéance vers le Chaos, et les conséquences, au mieux simplement fatales, de ce choix de carrière pour les malheureux qui se lancent/glissent sur cette voie, les contributions de Brian Craig à ce topos des plus classiques ne sont pas celles que je mettrais le plus en avant, même si la qualité reste présente. Vous voilà prévenus.

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The Song – S. Baxter:

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INTRIGUE:

Abordé à sa table fétiche du Tablier d’Esmeralda, son QG bistronomique du quartier halfling de Marienburg, par une poignée de congénères aussi bavards que dissipés, le détective privé Sam Warble tente tant bien que mal d’envoyer paître les nouveaux venus pour finir son repas en paix, sans grand succès. Refusant catégoriquement, et à la grande surprise de ses interlocuteurs, de participer à une partie de cartes pour célébrer ces retrouvailles moyennement appréciées, Warble se justifie en commençant le récit d’une mésaventure lui étant arrivé récemment, et qui lui a passé le goût du jeu.

Quelques jours plus tôt, en effet, notre limier de poche se trouvait engagé dans une partie de three cards pegasus, toujours au Tablier, contre un marchand Haut Elfe aussi insupportablement hautain que diablement chanceux. Voire un peu plus que chanceux. En fort mauvaise posture, mais refusant obstinément de s’avouer vaincu, Warble avait commis l’erreur de faire un tapis sur la foi d’une main quasiment imbattable… mais au final battue, ce qui avait eu pour conséquence de lui faire perdre littéralement l’esprit, confisqué par son adversaire (Eladriel) en guise de dette de jeu. Voilà pourquoi il ne faut jamais jouer avec des mages. S’étant réveillé une semaine plus tard avec la sensation désagréable d’avoir perdu la moitié de ses sens, Warble reçut une convocation pour se présenter dans une maison isolée du quartier elfique, où l’attendait son vainqueur, sa garde du corps contrefaite mais très costaude (à défaut d’avoir de la conversation), ainsi qu’une petite bouteille où Eladriel avait scellé une bonne partie de la sensibilité de notre héros, et qu’il n’accepterait de lui restituer que si ce dernier lui rendait un petit service. Le marchand kleptomane était en effet féru d’art, et, en plus d’être une sommité mondiale en matière de boucles de ceinture tiléennes, s’était piqué de chant lyrique et désirait ardemment entendre un récital – ou à défaut, une seule chanson – de la jeune Lora, chanteuse exceptionnelle dont l’un de ses congénères, le nabab Periel avait fait l’acquisition sur le marché au noir municipal. The Voice Marienburg, ça ne rigole vraiment pas. Charge à Warble de trouver un moyen de ramener à Eladriel l’objet de ses désirs, s’il voulait retrouver la pleine mesure de ses capacités.

Seulement équipé d’une fiole de verre enchantée semblable à celle dans laquelle Eladriel gardait son précieux, Warble prit le chemin de l’île privée où le puissant Periel avait fait bâtir sa demeure, persuadant un pêcheur cocu et complexé par sa calvitie (ce sont de vrais détails de la nouvelle) de le faire traverser contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Une fois sur place, le halfling diminué avait eu la mauvaise surprise de croiser le chemin de l’Ogre domestique de Periel, qui semblait de prime abord bien décidé à le renvoyer sur l’autre rive à grands coups de massue. Pour diminué qu’il fut, sensitivement parlant, Warble demeurait toutefois assez vif d’esprit pour embrouiller le vigile, et le dépouiller de toutes ses possessions terrestres (y compris son inestimable – et inestimée – collection de fientes de chauve-souris géante) en quelques rounds de three cards pegasus. Profitant du désespoir de sa pauvre victime, l’impitoyable halfling l’avait alors assommé à l’aide de sa propre massue, confisquée en même temps que son pagne en recouvrement de dettes. Les ravages du jeu.

Cet obstacle écarté, Warble n’avait pas eu de mal à trouver le chemin des quartiers de Lora, dont le mécène s’occupait de façon attentive et loin d’être abusive. Profondément touché par la pureté du chant de la captive, Sam commença par échafauder des plans de libération audacieux, visant à ramener la belle auprès de ses parents, avant que cette dernière ne lui fasse comprendre qu’elle ne tenait pas spécialement à retourner dans la porcherie familiale, merci beaucoup. Comprenant que la partie était mal engagée, Warble eut toutefois la présence d’esprit de faire enregistrer à la cantatrice snob un single sur Snapchat, à l’aide de la bouteille remise (et heureusement d’ailleurs #CaTombeBien #FacilitéNarrative), dont l’enchantement protecteur lui permit de survivre aux vocalises ultrasoniques de Lora.

De retour chez Eladriel, Warble n’eut qu’à convaincre ce dernier de prêter une oreille attentive aux castafioreries de Lora, pour récupérer pleine possession de ses moyens lorsque la roucoulade de la prima donna vint fracasser la flasque dans laquelle le roué Elfe avait enfermé la mise perdue par son adversaire (c’était bien la peine de préciser un peu plus tôt que le carafon était indestructible…). Beau joueur, Eladriel accepta de laisser partir son prestataire sans le faire étriper par sa domestique, ayant eu comme convenu l’occasion d’écouter Lora se produire, ne fut-ce que pour une chanson (son tube en plus : Snowflake). Et voilà qui explique à la foi l’approche distanciée que Warble a développé envers les jeux de cartes, et le nouvel anneau d’or rehaussé d’éclats de cristal qu’il porte au doigt. À notre détective, et à Erik Satie, reviennent le mot de la fin : et tout cela m’est advenu par la faute de la musique.

AVIS:

Steve Baxter reprend impeccablement le flambeau de Sandy Mitchell, créateur du personnage de Sam Warble (The Tilean Rat), avec ce court récit d’enquête dans le dédale pittoresque de Marienburg, mettant en avant avec un second degré assumé la vie « normale » des habitants de la plus grande, riche et corrompue cité du Vieux Monde. Plus originale en termes d’intrigue que la soumission, totalement parodique, de Mitchell, The Song comporte cependant son lot de situations drôlatiques, à tel point que l’on se prend à rêver d’une adaptation du personnage de Warble sur le petit écran en format sitcom (il paraît que Games Workshop veut se positionner sur ce média, alors…). Sans prétention particulière au niveau de sa construction ou de ses apports de fluff, cette nouvelle constitue un petit entracte burlesque bienvenu entre deux œuvres plus caractéristiques, et donc plus sérieuses, de la GW-Fiction. Dommage que Baxter n’ait pas persévéré sur cette voie, il avait un talent certain pour l’exercice. Petit détail amusant (encore un), l’illustration réalisée par Martin McKenna pour cette nouvelle intègre une représentation de McKenna lui-même, en bas à droite du cadre.

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The Voyage South – N. Griffith:

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INTRIGUE:

Ariel et Isabel sont deux sœurs issues de la haute bourgeoisie de Quenelles, et profitant comme chaque année du domaine familial sur les hauteurs de la cité pour passer l’été en compagnie d’autres jeunes gens bien nés. Jusqu’ici, rien de bien méchant, jusqu’à ce que la partie fine slaaneshi à laquelle les frangines se sont rendues pour passer la soirée tourne au drame. Initiée par un autre convive au plaisir psychotrope du lait d’Olla, substance hallucinogène ramenée à grands frais d’Arabie par des marchands peu fréquentables (la meth du Vieux Monde, en quelque sorte), Isabel fait une overdose subite, et décède quelques jours plus tard après une agonie totalement biscor-« Nuh ». Saleté d’intolérance au lactose. Pour Ariel, qui culpabilise un petit peu de n’avoir pas su protéger sa sœur des ravages de la drooooooooogue, débute alors une quête de longue haleine afin de comprendre comment ce drame a pu avoir lieu1. Ayant fait analyser le reste du lait dont Isabel s’était enduit le visage, elle commence par découvrir que la substance a été coupée avec de la caronna, plante estalienne agissant comme un poison à haute dose. En cherchant à identifier le fournisseur du produit laitier avarié dont sa frangine à fait les frais, elle finit par s’engager sur la Rosamund, un navire marchand remontant la Brienne de Quenelles à Brionne, et profitant des étapes sur la route pour faire un peu de transport de fret, dont le fameux pâté de Cixous (ne rigolez pas, Griffith y revient souvent au cours de l’histoire). Cette décision, qui s’apparente plus à une crise d’adolescence un peu tardive qu’à un véritable choix réfléchi, lui permet de côtoyer quelques matelots forts en gueule, hauts en couleurs et avec un cœur gros comme ça, comme l’alcoolique mais secourable Marya (au physique de Capitaine Marlot, ou plutôt Merlot, du fait de son penchant prononcé pour la dîve bouteille), le bourru mais généreux Capitaine Holseher, ou encore son second Jean-Luc, qui ne sert pas à grand-chose dans l’histoire mais qui méritait qu’on le cite rien que pour son nom2.

La croisière fluviale n’est pas de tout repos, à la rudesse de la vie de matelot venant s’ajouter les signes inquiétants d’une traque dont Ariel est la cible de la part d’individus louches, dont un type très grand et très mince, qui trouve le moyen de s’introduire dans la cale où notre héroïne se retrouve confinée pour se dérober aux regards, et lui conseille fortement de stopper son enquête avant qu’il soit trop tard. Guère convaincue par l’argumentaire du slender man, Ariel lui saute dessus le couteau à la main… et se fait bolosser en deux secondes par son interlocuteur, qui se révèle porter d’étranges rembourrages sous ses vêtements. Spoiler, c’est un Elfe dont il s’agit, et qui cherche ainsi à estomper son manque de carrure par rapport à un être humain normalement constitué. Hit the gym, bro ! Résolument non violent, le visiteur se retire sans abuser de sa position de force, laissant Ariel nager en plein marasme sur les forces en présence dans ce trafic de yaourt. Un peu plus tard, la Rosamund tombe dans une embuscade alors que le navire venait de sortir d’une zone de rapides, forçant son équipage à se défendre bellement contre les ruffians qui montent à l’abordage, bien aidé il faut dire par le mystérieux skipper du pédalo qui suivait la barge de près depuis son départ de Cixous, et canarde les affreux avec un arc indubitablement elfique. Tiens tiens. En tout cas, sans son intervention salutaire, cela aurait senti le pâté pour Ariel et ses comparses, et pas seulement à cause de la cargaison embarquée.

Finalement arrivée à Brionne, où elle se rend compte que le dealer qu’elle poursuivait depuis Quenelles, et dont elle a appris qu’il travaillait pour l’amiral Escribano de Magritta, venait de quitter la ville pour l’Estalie, Ariel décide de lui emboîter le pas, et quitte la Rosamund pour s’engager sur un navire faisant la traversée jusqu’à Bilbali. Débarquant seule au terme de cette transat, elle est fort mal accueillie par la populace locale, qui prend ombrage de son teint pâle et de ses cheveux blonds et se met donc à la poursuivre dans les rues en la bombardant de salades. Les monstres. Tout cela aurait pu mal finir sans l’intervention opportune de Mr Corps de Lâche, qui entraîne la malheureuse dans sa maison en plein quartier elfique… Parce que oui, c’est un Elfe. En même temps, je vous avais prévenu. Par un mystérieux hasard, il s’avère que le sauveur d’Ariel, qui s’appelle Senduiuiel Cortengren, mais que ses amis tout le monde appelle Send (alors que Oui Oui aurait tout aussi bien fait l’affaire), a également une dent contre Escribano, qui rackette allègrement tous les navires croisant au large de Magritta, y compris les pacifiques voiliers elfiques. Après un entretien d’embauche rapidement expédié, Send accepte qu’Ariel lui file un coup de main dans son grand projet géo-politique. Cette confiance est rapidement récompensée lorsque la Bretonnienne en vadrouille sauve le Phil de fer de la capture des mains de la milice locale, alors qu’il faisait des signaux de lanterne au Uber naval qu’il avait commandé pour quitter Magritta incognito, après un repérage discret pendant lequel Ariel s’était surtout intéressée à la confection des pasteis de nata du Vieux Monde, et du dosage précis de farine de caronna que ces pâtisseries réputées nécessitent.

S’étant jetés à l’eau pour la bonne cause, nos deux espions sont repêchés par un sultan arabien qui chillait tranquillement sur son yacht de plaisance, en compagnie de sa famille et ses domestiques. Il s’avère rapidement que leur sauveur providentiel est de mèche avec Send pour calmer les velléités impérialistes d’Escribano, et que l’Elfe a conclu un accord avec le divin Hamqa – c’est son nom – pour que leurs flottes combinées aillent couler l’armada magrittane. Après un peu de stratégie et beaucoup de croquettes de poisson, nous passons enfin à la bataille finale, qui voit s’affronter la puissante alliance des Azur et des Arabiens et… la flotte mal réveillée d’Escribano, complètement prise au dépourvue, et qui n’a donc pas le temps de se mettre en position que déjà les assaillants ont envoyé leurs navires brûlots foutre le souk dans leur marina. Et bien que l’amiral estalien soit réputé avoir conclu un pacte avec le Dieu du Sang, ce partenariat impie ne donne rien de bien concluant pour les défenseurs, car Send, qui est un mage en plus d’un archer, invoque un Gardien des Secrets aquatique pour aller souffler dans les branchies du colérique Rhug’guari’ihlulan, démon majeur de Khorne de son état. Ce dernier ne trouve rien de plus malin à faire que de fracasser les navires de son propre camp, avant de chercher à faire boire la tasse – après tout, c’est un buveur –  à son rival parfumé, sans doute jaloux de son maillot deux pièces fuschia. Quoi qu’il en soit, la victoire est totale et sans appel pour nos héros, qui se séparent peu de temps après en léger froid (c’est souvent le cas lorsque votre collègue se révèle être un mage chaotique). Peu emballée par l’idée de revenir à Quenelles, Ariel résout de tenter sa chance dans le shipping longue distance, en partenariat avec l’une des filles du sultan Hamqa, elle aussi en quête d’indépendance. Le women empowerment, il n’y a que ça de vrai.

1 : On notera au passage que sa mère (et donc celle d’Isabel) se montre plus intéressée par la sauvegarde de la réputation familiale que par l’identification d’un éventuel coupable du décès de sa fille, qu’elle considère – à raison tout de même – comme une hédoniste délurée n’ayant pas volé ce qui lui est arrivé. Il faut croire qu’au début des années 90, on pouvait flirter avec le Chaos sans passer dans le camp des méchants.
2 : Avouez que c’est le premier Jean-Luc que vous croisez à Warhammer Battle. Le dernier aussi, sans doute.

AVIS:

Nicola Griffith s’offre un dernier tour de piste (à ce jour en tout cas) d’anthologie avec The Voyage South, OVNI de la GW-Fiction à bien des égards, et donc d’une lecture conseillée à tous les amateurs d’exotisme littéraire. Exit le grimdark pluvieux et désespéré caractéristique d’un Empire assailli/gangréné par des hordes d’ennemis, et bonjour au boat trip entre Quenelles et l’Arabie, en passant par les contrées ensoleillées d’Estalie. S’il est vrai que la région compte de nombreux périls, il flotte malgré tout un goût de soleil et de farniente sur cette longue nouvelle, dont l’héroïne bien née réalise un voyage initiatique dans des conditions un peu rudes mais loin d’être horribles, et qui pourraient être qualifiées de croisière touristique si on se réfère aux standards habituels de Warhammer Fantasy. Ajoutez à cela le manque de crédibilité induit (en tout cas pour un lectorat francophone) par l’intégration d’un personnage nommé Jean-Luc et la fixette que fait Griffith sur le pâté, et la prise au premier degré des tribulations d’Ariel se complique encore davantage. L’auteur a beau mettre en scène une intrigue finalement assez intéressante de trafic de drogue frelatée comme instrument de déstabilisation politique, mis en œuvre par des Estaliens qu’on ne savait pas si entreprenants, la petite histoire ne cesse de prendre le pas sur la grande, bien aidée en cela par le finalement tout petit rôle joué par le grand méchant Escribano et son âme damnée Jorge, qui n’apparaîtront jamais directement dans la nouvelle, même pas lors de la bataille finale, dont le déroulement à sens unique vient conclure ces cinquante pages de façon un peu terne. À titre personnel, j’aurais apprécié que Griffith développe un peu plus le personnage de Send, dont le positionnement ambigu (pour le dire poliment) renforce considérablement l’intérêt. Pour l’anecdote, on notera que Nicola Griffith avait indiqué dans il y a quelques temps considérer la possibilité de donner une suite aux aventures d’Ariel et Cie, en rebaptisant les personnages et enlevant toutes les références à l’univers de WFB de son propos afin de ne pas avoir de problème avec Games Workshop. Ce vœu pieux n’a pas encore réalisé à ce jour, mais tout vient à point à qui sait attendre…

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Et voilà qui termine (pour un temps en tout cas) cette plongée dans les profondeurs doublement vintage de la GW-Fiction à la sauce médiévale-fantastique. Si Red Thirst s’avère à bien des égards être la continuation de la ligne éditoriale déjà affirmée dans Ignorant Armies et Wolf Riders, le parti pris de David Pringle de se concentrer sur des nouvelles plus longues qu’à l’accoutumée se révèle avoir un vrai impact sur l’expérience de lecture. On a en effet l’impression d’une immersion plus poussée et profonde dans le Vieux Monde, sensation renforcée par le choix des auteurs d’intégrer des éléments assez exotiques dans leur récit : Cathay, Kislev, l’Estalie, l’Arabie, Karak aux Huits Pics, Marienburg… Il n’y a finalement que Neil Jones pour s’être cantonné à l’Empire. Si vous avez envie d’un peu plus de variété qu’à l’accoutumée dans vos lectures d’ouvrages GW, Red Thirst pourrait donc vous convenir, davantage en tout cas que les deux volumes précédents.

D’un point vue qualitatif, cet ouvrage s’avère également être assez solide, ne serait-ce que parce qu’il renferme une pépite de Jack Yeovil et probablement LA meilleure nouvelle de Gotrek et Felix jamais écrite par Bill King. The Voyage South, bien qu’un peu particulier dans son approche, mérite également le détour, tandis que les trois (plus) courts formats qui complètent le sommaire s’avèrent tout ce qu’il y a de plus lisibles, même si aucun d’entre eux ne peut prétendre à une distinction spéciale dans le corpus de la GW-Fiction. Finalement, on peut aussi remarquer que, bien des années avant que le sujet d’une meilleure représentation des genres ne soit vraiment considéré en haut lieu, Red Thirst était un recueil finalement assez féministe, puisque quatre de ses six nouvelles ont mises en avant une héroïne plutôt qu’un héros (même si cela ne s’est pas toujours bien fini pour cette dernière, comme Adalia peut en témoigner). Finalement, 1990 était une année très moderne…

 

WOLF RIDERS [WFB]

 

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique (longuement attendue1) de l’anthologie Wolf Riders, initialement publiée par GW Books, vénérable ancêtre de la Black Library, en l’an de grâce 1989. Pour quiconque est familier de l’époque et du premier recueil de GW-Fiction sorti quelques semaines plus tôt (Ignorant Armies), ce second volume de nouvelles prenant place dans le monde de Warhammer Fantasy Battle s’inscrit dans la droite ligne des travaux initiés par David Pringle sous la houlette du démiurge littéraire Bryan Ansell. Nous y retrouvons donc les textes d’une poignée d’auteurs recrutés par Pringle dans le vivier de la revue dont il était le co-fondateur et éditeur (Interzone), ayant pour trois d’entre eux (William – Bill – King, Brian Craig et Jack Yeovil) déjà participé à Ignorant Armies.

1 : Non pas que mes armées de fans me l’ait réclamée à corps et à cris, sacrifiant leurs premiers nés et toutes leurs économies dans l’espoir illusoire d’attirer mon attention sur le sujet, mais il faut bien reconnaître que 30 ans séparent la publication de ce recueil avec sa première (à ma connaissance) critique française.

Sommaire Wolf Riders

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Wolf Riders voit le retour de personnages déjà rencontrés par le lecteur, comme la pas encore tout à fait iconique paire Gotrek & Felix (Geheimnisnacht) et le reste de la famille Von Diehl (The Laughter of Dark Gods), et voit les débuts d’une autre « célébrité » de Warhammer Fantasy Battle: le détective Halfling Sam Warble, qui fera une distinguée carrière de PNG dans les ouvrages de WFB Roleplay. Pour le reste, et également comme ce fut le cas pour Ignorant Armies, une partie non-négligeable du corpus ici étudié est constituée des seules et uniques contributions d’auteurs n’ayant pas lié leur destin littéraire à la GW-Fiction. Fans de Ralph T. Castle, Pete Garratt et Simon Ounsley, voici le seul ouvrage contenant des contributions Warhammeresques de vos idoles. Raison de plus pour en profiter.

Publié sous l’exotique format B et disposant d’illustrations intérieures en noir et blanc (une bonne initiative qui sera abandonnée dès la réédition du livre par Boxtree), dont certaines du légendaire Paul Bonner (Loup SolitaireConfrontationDonjons & DragonsMagic the Gathering…), Wolf Riders occupe la place jamais facile du cadet, destiné à être comparé – en bien et en mal – à son aîné ad vitam aeternam. Et, devinez quoi, c’est exactement ce que nous allons faire ici, après avoir soigneusement décortiqué toutes les huit nouvelles que comporte cet antique ouvrage, bien sûr. En selle (Bryan?), donc.

Wolf Riders

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Wolf Riders – W. King:

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INTRIGUE:

Wolf Riders - 1

Art: Paul Bonner

Alors que nous avions laissé nos héros à crapahuter nuitamment aux alentours de Bogenhafen pendant la tristement célèbre Nuit des Secrets (Geheimnisnacht) dans la nouvelle initiale autant qu’initiatique du même nom, nous les retrouvons bien plus au Sud, dans les Principautés Frontalières, alors que Felix a trouvé le moyen de se mettre dans de beaux draps. Témoin de la drague lourdingue dont une frêle demoiselle faisait les frais dans le relais trappeur où notre héros venait d’entrer s’en jeter un petit, pendant que l’autre (petit) était parti couler un bronze dans la forêt, notre romantique héros a en effet trouvé malin d’intervenir, provoquant l’ire des trois (ruffians recouverts d’une bonne couche de graisse d’) ours faisant du pied – normal pour des plantigrades – à Boucles d’Or. Bien mal lui en a pris, les harceleurs n’appréciant guère être interrompus en plein malespreading, et le faisant savoir en termes non incertains1. D’excuses non acceptées en menaces explicites, la situation finit par tout à fait dégénérer, et le poète d’Altdorf (qui semble à ce moment avoir oublié qu’il disposait d’une épée) aurait bien mal fini sans l’arrivée à point nommé de son compagnon, dont la simple apparence et le sourire ravagé (plutôt que ravageur) convainquent les trois gros cochons de prendre congé séance tenante.

Ayant sauvé la face – et pas que… – Felix recueille les premiers dividendes de son intervention zéroïque, en raccompagnant la belle Kirsten jusqu’à la charrette de Frau Winter, la sorcière dont elle est l’apprentie. Et si l’humble hameau où le récit prend place a la chance de compter une mage parmi ses résidents, c’est que cette dernière fait partie des sujets du Baron exilé Gottfried Von Diehl, chassé de l’Empire quelques mois plus tôt, et parti dans les Principautés Frontalières avec ses gens se tailler un nouveau fief. Ayant déjà développé un honnête béguin pour la fraîche donzelle, qui lui dépose un chaste mais reconnaissant bécot sur la joue avant de prendre congé de son sauveur (même si « leurre » serait plus adapté, Gotrek ayant fait tout le boulot), Féfé persuade son comparse de proposer leurs services comme mercenaires au Baron, donnant ainsi à notre Don Juan en culottes rayées l’occasion de conclure, et à Gotrek celle de reposer ses pieds douloureux2. Nous apprenons par la même occasion pourquoi nos compères sont partis prendre le bon air du Sud : rencardé par un tavernier Nain du nom de Faragrim (Capitaine du Grondor), Gotrek s’est mis en quête de la horde3 perdue de Karaz aux Huits Pics, trésor mythique gardé par un Troll l’étant tout autant, soient deux excellentes raisons pour un Tueur de membres du forum 15-18 de JVC de partir en balade. Ne souhaitant pas partager ce très hypothétique butin avec quiconque, le Dawi fait jurer à son commémorateur de garder le silence sur ce point, ce que ce dernier accepte sans problème. Une visite rapidement expédiée dans le camping car des cousins Von Diehl (Mannfred, neveu et héritier de Gottfried, et Dieter, fils bâtard du Baron et de Frau Winter), et l’affaire est entendue, même si Felix découvre avec effroi que les trois trappeurs seront également du voyage, et serviront de guide à la caravane de migrants…

Fast forward à travers les riantes forêts des Principautés, et les tout autant riants Gobelins qui hantent ces dernières, et prennent un malin plaisir à harceler les vaillants pionniers, et nous voilà devant les murs du village fortifié d’Akendorf. Pas de chance pour les gueux du voyage, la forte escorte mobilisée par les Von Diehl n’inspire pas du tout confiance chez les locaux, qui refusent catégoriquement de laisser les rescapés passer la nuit à l’abri de leurs murailles. Beaux joueurs, ils préviennent tout de même les marcheurs de ne pas aller plus au Sud, où s’étendent les sinistres Collines de Geistenmund, notoirement hantés par des morts sans repos. Bien évidemment, ce sera dans cette direction que les Von Diehl, dont la réputation de lignée maudite tient peut-être à ce genre de décisions malheureuses, décideront d’aller, ce qui aura de funestes conséquences. À toute chose, malheur est bon cependant, puisque c’est dans ce cadre bucolique que Felix aura, mais oui, l’occasion de conclure avec Kirsten (sans doute le passage le plus osé publié par la BL à ce jour). Bravo champion. S’en suit une attaque confuse et brumeuse de squelettes assez patauds, narrée de manière fragmentaire par un Bill King assez peu inspiré sur le coup. Deuxième satisfaction de la nuit pour Felix : il se tape Lars le trappeur, celui-là même qui lui avait fait des avances déplacées quelques jours plus tôt, dans le tumulte de la mêlée générale. Le jour se lève sur la victoire sans appel des vivants, qui peuvent reprendre la route malgré de nombreuses pertes, et l’inquiétante certitude que l’un des leurs est probablement responsable de l’attaque des sacs d’os, dont la sépulture a été ouverte à dessein…

Wolf Riders - 2

Fast forward bis, à travers les plaines méridionales cette fois-ci, où la présence de Gobelins (encore) ne dissuade pas nos trekkeurs de l’extrême de prendre possession d’un fort abandonné pour installer leur colonie. Felix, résolument amoureux de Kirsten à présent, se retrouve face à un dilemme cornélien : s’il souhaite refaire sa vie avec sa go, il doit trouver le moyen de plaquer son Go (et survivre à leur rupture, ce qui est loin d’être certain). Pour gagner du temps, il parvient à convaincre le Tueur d’aider les colons à fortifier leur domaine, ce qu’il accepte de faire sans trop rechigner. Ces précautions se révèlent assez rapidement fondées, une tribu de Chevaucheurs de Loups Gobelins (avec un titre pareil, ça ne faisait pas un pli) se présentant rapidement devant les portes du fort de rondins pour en poutrer les occupants (ce qui est assez approprié, reconnaissons-le). Malgré la présence de l’Impératrice Palpatine (Frau Winter, qui balance des éclairs bleus à tour de doigts) parmi les défenseurs, la situation n’est pas brillante pour ces derniers, car les Peaux Vertes peuvent elles aussi compter sur un chamane compétent. Alors que l’assaut final sur les portes de Fort la Latte (de bois) se prépare, Gotrek envoie Felix chercher la sorcière, mandée quelques minutes plus tôt par son suzerain…

Début spoiler…Notre poète ne fait pas le voyage pour rien, puisqu’il trouve la quasi-totalité des Von Diehl, ainsi que Frau Winter et surtout Kirsten, qui meurt dans ses bras, assassinés par Manfred. L’héritier souhaitait ainsi réaliser pour de bon la malédiction familiale, qui lui est montée à la tête depuis qu’il a été témoin de la déchéance de son père, jeté au cachot par Gottfried lorsque des mutations ont commencé à le frapper. Persuadé qu’un destin similaire l’attendait, Manfred a activement cherché à éteindre sa lignée, et est notamment responsable du lâcher de squelettes précédemment narré. Bizarrement, il se montre moins emballé par la proposition de Felix de l’aider à terminer ce qu’il a commencé, et lorsque les deux hommes commencent à se fritter, l’aristocrate a initialement le dessus, avant que sa vulnérabilité métatarsienne ne vienne sceller son sort4. Ceci fait, Felix s’en va à la rescousse des défenseurs, et retrouve un Gotrek bien esquinté – c’est à cette occasion qu’il perd son œil – par son combat victorieux contre le chamane Gobelin et ses gardes du corps Orques. Il ne faut toutefois pas longtemps à notre coriace psychopathe pour reprendre du poil de la bête, et entraîner son aède cafardeux vers la bouche de métro l’entrée de l’Ungdrin Ankor la plus proche, et au delà, le fameux trés-horde de Karak aux Huits Pics…Fin spoiler

1 : Et assez osés pour le public et l’époque, puisque l’un des trappeurs annonce même qu’il est prêt à se taper Felix plutôt que la fille. C’est ce qui s’appelle avoir la dalle.
2 : Sa seule faiblesse apparente. On connaissait le talon d’Achille, Warhammer a les durillons de Gotrek.
3 : Détail amusant, King fait deux fois de suite la même faute d’orthographe et utilise « horde » à la place de « hoard » (magot en anglais).
4 : On pourra dire qu’une nouvelle fois, Felix a pris son pied. Quel tombeur.

AVIS:

Wolf Riders - 3

Art: Paul Bonner

Si Geheimnisnacht marque la première apparition de Gotrek et Felix, Wolf Riders occupe une place tout aussi importante dans la genèse du couple le plus iconique de la Black Library. Soumission plus conséquente que sa prédécesseur, cette nouvelle permet à King de développer à la fois ses personnages et sa vision du monde de Warhammer, qu’il parvient à rendre à la fois incroyablement sombre, dangereux et sinistre, mais également crédible et authentique. La trouvaille de l’auteur, qui s’incarne littéralement dans ses deux héros, consiste à incorporer des éléments de « normalité heureuse », telle que la romance (consommée, et c’est assez rare pour le souligner, la BL étant bizarrement assez prude sur ce sujet) entre Felix et Kirsten pour faire contrepoint à l’avalanche de grimdark que les protagonistes doivent endurer par ailleurs, et dont Gotrek est la personnification parfaite.

Un autre point positif de cet épisode de l’infinie (dans tous les sens du terme) saga de l’Omnitueur est la vulnérabilité dont King le dote, et qu’il perdra bientôt pour se transformer en invulnérable machine à occire, ce qui résultera en un désengagement émotionnel de la part du lecteur. Au moment où Bill King écrit cette nouvelle, Felix et Gotrek ne sont en effet pas des légendes de la GW-Fiction, mais deux nouveaux personnages récemment créés, et dont la disparition ne chagrinerait pas grand-monde. Du fait de sa profession, on sait que Gotrek est susceptible de rencontrer une fin violente et rapide, et lorsqu’il se jette dans la mêlée à la fin de l’histoire, le lecteur de 1989 pouvait tout à fait penser qu’il ne s’en sortirait pas cette fois-ci. S’il avait voulu jouer la carte du grimdark nihiliste jusqu’au bout, King aurait très bien pu opter pour donner à son héros une mort indigne (se faire tuer par un mage Gobelin n’étant pas très glorieux pour un Tueur Nain), soulignant ainsi la cruauté du monde de Warhammer. S’il ne l’a pas fait, on ressent tout de même un suspense plus important que lors de la majorité des aventures du duo, ce qui est très appréciable.

Seul léger bémol à cette partition autrement très satisfaisante, la mise en scène décousue des affrontements majeurs (la skelly night et le siège du fort) de la nouvelle, dont King ne livre que quelques fragments « felixiens », qui ne permettent pas vraiment au spectateur de se plonger dans ce qui auraient dû être des apex épiques de l’intrigue. Personne n’est parfait. En tout cas, Wolf Riders tient bien sa place de nouvelle centrale du recueil éponyme dans lequel elle figure, et se place parmi les tous meilleurs épisodes de la série. Un vrai classique.

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The Tilean Rat – S. Mitchell:

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INTRIGUE:

Par une nuit humide et froide, dans le dédale sans foi ni loi de Marienburg, un héros tourmenté se retrouve confronté à un dilemme cornélien. Le choix qui s’offre à lui a beau paraître simple, les conséquences en seront irréversibles, et le poursuivront sans relâche pendant… au moins quatre heures. Bon, il a fait son choix le petit Monsieur ? Ce sera un soufflé aux noisettes ou des cerises à la Bretonienne pour le dessert ? Alors que Sam (Buttermere pour sa vieille môman) Warble était en train de soupeser cette grave question avec tout l’attention qu’elle mérite, il est interrompu par l’arrivée à sa table réservée du Tablier d’Esmeralda, son QG officieux, d’une Elfe rousse. Ce qui n’est certes pas banal. L’arrivante, qui se prénomme Astra et dit venir de la lointaine cité de Feiss Mabdon, a eu vent des talents particuliers du Sieur Warble, et cherche à le recruter pour retrouver un précieux artefact lui ayant été volé dans sa chambre à l’auberge du Cygne Volant. Prête à tout pour remettre la main sur la statuette du Rat Tiléen1, héritage familial à la valeur sentimentale aussi forte que son aspect est kitchissime, Astra règle sans sourciller une coquette avance à notre détective privé aux pieds poilus, qui promet de se mettre en chasse dès le lendemain (le dîner, c’est sacré).

Fort de sa connaissance intime de la cité marchande, Warble passe en revue tous les lieux de recel potentiel où le voleur aurait pu chercher à écouler son rat mal acquis, faisant chou blanc mais glanant tout de même quelques informations de premier choix de la bouche du Vieil Harald, antiquaire vénal mais bavard une fois sa patte graissée. Il semblerait en effet que Sam ne soit pas le seul à chercher la pièce, Harald ayant été interrogé à ce sujet le même jour par un gros lard bien habillé accompagné d’un acolyte petit et fluet. La partie se compliquant, notre héros résout de jouer la sécurité en rapportant l’affaire à un de ses contacts dans la Milice Urbaine, l’affable Capitaine Gil Rolan, en profitant pour se rencarder sur la découverte possible de cadavres frais dans les canaux de la ville, destin probable de quiconque se hasarderait à cambrioler un établissement aussi huppé et « bien en guilde » que le Cygne Volant. Là encore, rien à signaler, ce qui plonge le Halfling dans un doute de plus en plus profond quant à la mission qu’on lui a confié. Lorsque la meurtrière Lisette, autre contact de ce dernier, lui confirme que la Guilde des Voleurs n’a pas autorisé ses membres à chasser au Cygne, il doit se rendre à l’évidence : il y a quelque chose de très louche sous cette affaire.

En route vers la taverne convenable la plus proche pour casser la croûte, Warble est soudainement abordé par… un gros lard bien habillé, qui se présente comme Erasmus Ferrara, et confesse volontiers être à la recherche du Rat Tiléen. Accompagné d’un complice nommé Leppo, dissimulé sous un grand manteau et un large chapeau, il cherche, entre deux éclats de rire tonitruant, à débaucher Warble, Astra étant une de ses concurrentes, et non pas la légitime propriétaire de la statuette, comme elle l’avait annoncé. Fidèle à son éthique professionnelle, Sam refuse de retourner sa veste, ce qui fait bien rire Ferrara (qu’un rien amuse). Laissant le détective réfléchir à son offre, l’antiquaire portugais repart en se gondolant comme une baleine, tandis que Warble va se remettre de ses émotions au Tablier. Là, il fait la rencontre d’un marin Norse bien renseigné, qui lui détenir le Rat, et être prêt à discuter d’un prix pour ce dernier avec sa cliente dans un endroit discret des docks, le soir même. Pas vraiment ravi de s’être fait manipuler de la sorte par l’Elfe rouquine, Warble, en vrai professionnel, va tout de même lui faire son rapport, et lui transmettre la proposition du loup de mer, qu’elle accepte de grand cœur.

The Tilean Rat

Art: Martin McKenna

Notre héros aurait pu en rester là, sa mission accomplie et ses gages payés, si l’arrivée d’un Harald outré au Tablier n’avait, de façon ironique, remis une pièce dans la machine. Car cette fourbe pingre d’Astra a cru malin de rémunérer Warble avec des pièces de plomb doré, ce dont Harald, qui en a hérité d’une un peu plus tôt, n’a pas tardé à se rendre compte. Déterminé à avoir le fin mot de l’histoire, Sam suit discrètement Astra à sa sortie du Cygne Volant, jusqu’au point de rendez-vous fixé par le Norse. Ce dernier, plus doué pour faire des frayeurs aux Halflings qu’à négocier pied à pied avec les Elfes, se fait prestement éviscérer et exproprier (pas nécessairement dans cet ordre), plaçant la précieuse statuette en possession d’Astra… mais pas pour très longtemps. L’Elfe croise en effet la route de Ferrara et de Leppo alors qu’elle se rendait au temple de Khaine (le roux était probablement du henné) clandestin de Marienburg avec sa prise. Double surprise pour un Warble très nauséeux (les penchants des Khainites en termes de décoration d’intérieure sont… particuliers), mais toujours en filature : le gros lard était un mage, probablement de Slaanesh, et Leppo, son Snotling domestique. Quelle décadence. La conversation entre les deux rivaux prend rapidement un tour venimeux, avant de franchement dégénérer. Astra fracasse le crâne de Leppo d’un coup de statue bien placé, et se prend un carreau d’arbalète de la part de Ferrara en représailles, avant que les acolytes des uns et des autres ne se mêlent au débat et que les sortilèges ne commencent à voler. Réalisant qu’il est temps pour lui de s’éclipser, Sam a le soulagement de croiser au cours de sa retraite stratégique une patrouille menée par Gil Rolan, toute prête à ramasser les survivants de l’affrontement entre cultistes. Quant à la statuette, elle n’avait finalement aucune valeur particulière, seule son socle, constitué d’une rare pierre de sang, suscitant la convoitise des praticiens des arts occultes. QUAND ON VOUS DISAIT QUE LE SOCLAGE, C’EST IMPORTANT, NOMDIDIOU !

1 : Qui pourrait très bien être une figure de Verminarque lourdement convertie et peinte par Darren Latham, si on en croit la description qui en est faite. Ce serait effectivement une précieuse relique.

AVIS:

Deux réactions possibles à la lecture de The Tilean Rat. Soit vous avez lu/vu le roman/film noir (Le Faucon Maltais ou The Maltese Falcon en VO) que Mitchell pastiche ici sans vergogne, et vous êtes donc en capacité d’apprécier toutes les références glissées par l’auteur dans son texte à sa source d’inspiration. Soit vous ne faîtes pas partie des happy few familiers de l’oeuvre de Dashiell Hammett et/ou John Huston (ce que l’auteur de ces lignes avoue sans honte avoir été, jusqu’à que quelques recherches complémentaires lui permettent de découvrir le pot aux roses, ou au rat), et vous vous demandez sûrement ce que Mitchell avait fumé au moment d’écrire cette nouvelle. Avec un peu de recul, et bien que je reste convaincu que la connaissance du « matériel original » soit la condition sine qua non pour tirer le plein potentiel de The Tilean Rat, on peut toutefois reconnaître à Sandy Mitchell une histoire assez rondement menée (même si pas aussi sombre que Le Faucon Maltais, qui est considéré par beaucoup comme l’un des archétypes du roman noir), mettant en scène un héros assez attachant (à l’inverse d’Astra et Ferrara, qui sont beaucoup trop ouvertement parodiques à mon goût) dans un décor pittoresque. On peut déjà sentir l’esprit impertinent, mais respectueux malgré tout, de Ciaphas Cain percer sous Sam Warble, personnage qui fit une honnête carrière au sein de la GW-Fiction, et bénéficie encore aujourd’hui d’une certaine considération de la part des plus érudits des nouveaux contributeurs de la BL (dont l’incollable Josh Reynolds). Bref, The Tilean Rat n’est peut-être pas la nouvelle la plus marquante du corpus de Games Workshop, mais elle demeure l’une des plus intéressantes, et un moyen assez sûr de briller en société, si le cœur vous en dit.

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The Phantom of Yremy – B. Craig:

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INTRIGUE:

The Phantom of Yremy

Art: Martin Perrott

La paisible bourgade d’Yremy, située dans la grande banlieue de Moussillon, en Bretonnie, frissonne et se passionne dans le même temps pour les exploits crapuleux d’un mystérieux cambrioleur visitant les hôtels et les manoirs de ses honnêtes bourgeois. L’événement est d’autant plus notable que la ville était jusqu’alors connue pour son application sévère mais juste des lois du Royaume, maintenant par l’exemple le taux de criminalité à des niveaux très raisonnables, au grand déplaisir du petit peuple1. Magistrat à la cour de justice locale, l’honorable Mr Voltigeur (en français dans le texte2) suit les déprédations de celui que l’on nomme bientôt le Fantôme d’Yremy avec un intérêt tout professionnel, jusqu’à ce qu’il devienne clair que le faquin cible précisément l’entourage du juge par ses larcins, faisant de ce dernier le récipiendaire probable d’une cabale aux motifs encore incertains. Lorsque le Fantôme s’introduit chez l’une des filles de Voltigeur pour lui dérober un cœur de bois qui lui avait été remis par sa défunte mère, qui, à défaut d’avoir une quelconque valeur marchande (la sotte fille ayant préféré se marier par amour plutôt que par raison, au grand désespoir de son père), avait une grande valeur sentimentale pour la victime, le Grand Juge – comme on le surnomme dans la ville, en reconnaissance de son inventivité dans les sentences décrétées – fait de ce cas une affaire personnelle, et défie le forban de venir lui rendre visite à son domicile, où il se fera fort de lui rendre la monnaie de sa pièce.

Résolu mais pas téméraire, Voltigeur prend aussitôt des mesures pour ne pas se retrouver bêtement embroché par l’épée de sa Nemesis, qu’une précédente rencontre avec un garde motivé mais pas tellement dégourdi, a permis d’identifier comme une fine lame. Secondé par son fidèle ami et subalterne Jean Malchance, avec lequel il a fait ses classes et qui est devenu son greffier attitré après ces dernières, le juge prend soin d’armer ses domestiques, et engage même un sorcier du nom d’Odo (juste Odo… pas très impressionnant comme nom de scène) pour protéger par des sceaux magiques les portes et coffres de sa demeure. La nuit tombe une fois ces préparatifs accomplis, et, bien que rassuré par les mesures prises pour sa protection, et la certitude que Malchance se tient prêt à intervenir depuis la pièce adjacente où il a choisi de se positionner, Voltigeur sombre difficilement dans un sommeil troublé…qui est interrompu par l’arrivée du fameux Fantôme au pied de son lit. Craignant, à juste titre, pour sa vie, Voltigeur a toutefois la surprise d’entendre l’intrus lui annoncer que cette première visite n’a que pour but prononcer la sentence que le Fantôme réserve au juge. Le mystérieux bandit, dont l’identité est dissimulée derrière un masque noir et un long manteau à capuche, promet toutefois de revenir le lendemain pour recueillir la confession du condamné, et le jour d’après pour exécuter la sentence. En attendant, il se contente de repartir avec le peigne en argent de Mme Voltigeur, malgré le fait que l’objet se trouvait dans un coffre enchanté.

Ayant, un peu tard, songé à appeler à l’aide, Voltigeur ne peut que constater la disparition inexplicable du Fantôme, dont le bruit des exploits retenti dès le lendemain dans Yremy. Inquiet mais pas découragé pour autant, notre héros passe la journée à renforcer encore ses protections, aussi bien ésotériques (grâce à ce bon vieil Odo et ses alarmes magiques pratiquement toujours efficaces, mais également au renfort d’un prêtre de Morr local, Hordubal) que matérielles, via l’acquisition d’un pistolet (pas très fluff pour un Bretonnien). Bien évidemment, cela n’empêche pas le Fantôme de revenir lui conter fleurette à la nuit tombée, et de repartir cette fois avec la robe de chambre préférée de Mme Voltigeur, qui semble donc être son love interest indéniable. Peu familier du fonctionnement des armes à feu, Mr Voltigeur s’est fait surprendre par la fumée et le bruit de sa pétoire, pour des résultats spectaculaires mais peu concluants. Alertée par ce boucan, sa garde rapprochée fait irruption dans la pièce, sans trouver le malotru tourmentant le pauvre magistrat, dont la puissance cognitive se trouve mise en échec par les apparitions et disparitions inexpliquées du Fantôme. Questionnés à ce sujet, tant Odo que Hordubal se perdent dans des conjonctures oiseuses. Quant à Malchance, il a le toupet d’envisager que Voltigeur lui-même soit le Fantôme, étant le seul à l’avoir vu, ainsi que le seul à avoir eu la possibilité de prendre les objets subtilisés des coffres sans en déclencher l’alarme. Outré par cette insinuation, pourtant basée sur une simple déduction logique, Voltigeur chasse à grands cris ses consultants de la place, et se résout à attendre seul la troisième et dernière venue de son tourmenteur…

Début spoiler…Lorsque la nuit tombe sur Yremy, et que le Fantôme revient visiter sa victime, il trouve cette dernière prête à l’accueillir. En plus d’avoir percé les arcanes de fonctionnement de sa pétoire, Voltigeur a fini par déduire que le malandrin ne pouvait être que Malchance, qui ne se fait pas prier pour se démasquer une fois s’être rendu compte qu’il l’était (il fait chaud sous une capuche en cuir). Reste le mobile du crime à identifier, ce qui laisse notre brave et bonhomme Voltigeur confus : lui qui avait toujours considéré son greffier comme un ami fidèle ne s’explique pas la perfidie de ce dernier. Malchance révèle alors qu’il n’a jamais pu pardonner à son camarade de lui avoir volé la femme qu’il aimait et dont il était aimé, qui a choisi de se marier au meilleur parti plutôt que par passion. Ajoutez à cela le fait que Voltigeur ait été un gros lourdaud, s’appropriant éhontément les idées de son subalterne, et se révélant au final un être assez nauséabond, et la coupe était plus que pleine pour Malchance, qui a patiemment attendu son heure pour pouvoir accomplir sa vengeance. Le vol des babioles sentimentales de la famille Voltigeur constituait ainsi pour lui un moyen de se réapproprier l’amour de la femme qui aurait dû être sienne, et la rumeur qu’il a contribué à lancer sur la duplicité de Voltigeur, corroborée par la trouvaille le lendemain par la milice urbaine de tous les objets précédemment dérobés au domicile du juge, achèvera de sceller sa revanche. Peu enclin à coopérer, Voltigeur dégaine une nouvelle fois l’artillerie lourde, mais fait les frais d’un méchant incident de tir, le fût de son arme ayant été obstrué par Malchance un peu plus tôt dans la journée. Victime d’un shrapnel fatal, le juge n’est plus en mesure de plaider son innocence auprès de l’opinion publique, qui se fait une joie de gober la version concoctée par le greffier rancunier. Ce ne sera que bien plus tard, sur son lit de mort, que Malchance avouera la vérité à un troubadour itinérant, qui répandra l’histoire aux quatre coins du royaume, et même au-delà…Fin spoiler

1 : Qui aimerait bien qu’on le laisse traficoter peinard, au lieu de le forcer à s’esquinter la santé à cultiver des navets et des betteraves. C’est bien connu, les pauvres, ce sont tous d’infâmes profiteurs feignasses.
2 : Une langue que Brian Craig maîtrise parfaitement. Il a d’ailleurs traduit un grand nombre d’ouvrage depuis le français vers l’anglais au cours de sa carrière.

AVIS:

Brian Craig est sans doute l’un des contributeurs de la GW-Fiction les plus clivants qui soient. Son style particulier, résolument éloigné des canons de la maison, peut dérouter le lecteur, tout autant que sa tendance à placer ses histoires « en dehors » du monde de Warhammer, afin de se concentrer sur le développement de ses personnages, qui peuvent apparaître comme peu représentatifs de l’univers dans lequel ils évoluent. Craig et le grimdark, cela fait deux (au minimum), c’est certain, et je peux donc tout à fait comprendre les réactions épidermiques que sa prose pourrait générer chez l’amateur de ce genre de littérature. D’un autre côté, cet auteur est un des conteurs les plus doués et les plus singuliers ayant travaillé pour Games Workshop, et lorsqu’il choisit d’insuffler un peu d’humour à son récit, comme c’est ici le cas, le résultat vaut vraiment le détour, mon humble avis. The Phantom of Yremy est donc à mes yeux le parfait échantillon littéraire permettant de déterminer la compatibilité du lecteur avec la production, finalement assez conséquente, de Brian Craig pour la GW-Fiction. Si la perspective de passer trente pages à lire un huis-clos mêlant mystère, humour (pince sans rire) et commentaires badins sur la vie dans une ville de Bretonnie créée pour l’occasion et dont personne n’a plus entendu parler depuis vous interroge plus qu’elle en vous rebute, voici une nouvelle qui risque fort de vous surprendre (en bien). À l’inverse, si vous ne voyez la Bretonnie que sous le prisme de la quête du Graal et des charges en fer de lance, je ne saurais trop vous conseiller de passer votre chemin. Il en faut pour tous les goûts !

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Cry of the Beast – R. T. Castle:

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INTRIGUE:

Tomas (sans -h) vit avec son beau-père adoptif Brodie dans une masure sur la côte tiléenne, non loin de la cité de Remas. Orphelin de père et de mère, il a été recueilli par ce généreux Halfling dans sa prime enfance, et a grandi jusqu’à atteindre l’adolescence, aidant son tuteur à la pêche en semaine et gagnant un peu d’argent de poche sur les marchés le week-end en faisant des acrobaties. Pêcheur jongleur vaut toujours mieux que casseur flowteur, comme on dit à Miragliano. Notre histoire commence, assez logiquement, par un cri strident qui vient tirer le héros de son sommeil alors que l’aube n’est pas encore venue planter ses doigts roses dans les bajoues flasques de la nuit, comme aurait pu l’écrire Homère en son temps. Intrigué plus qu’inquiet par cet événement incongru, Tomas se tient prêt à sortir de la bicoque familiale pour enquêter sur ce tapage techniquement encore nocturne, mais se fait subrepticement retenir par Brodie, qui lui prépare séance tenante un copieux petit déjeuner avant qu’il n’ait pu passer la porte, super pouvoir Halfling qui retarde notre héros jusqu’au lever du jour.

Ses œufs brouillés et son pain frit avalés, la table débarrassée et la vaisselle faite – on ne rigole pas avec ces choses là chez Brodie – Tomas est enfin libre de sortir sur la plage, où il trouve une jeune fille Elfe étendue de tout son long. Appelant Bro’ à la rescousse, et grâce aux solides notions de secourisme dont dispose ce dernier, qui a décidément tous les talents, le deux larrons parviennent à réanimer la donzelle, qui a échoué sur le pas de leur porte après que son bateau ait fait naufrage la nuit précédente. Ramenée au chaud et au sec, elle révèle s’appeler Linna, et s’inquiéter fortement pour son frère ivrogne et joueur, Corma, qui voyageait avec elle. Pendant que Brodie va inspecter l’épave des Elfes navigateurs, qui sont par la force des choses devenus sous-marins, Tomas a le temps de faire plus ample connaissance avec son invitée, qui se révèle être assez câline, sans que ce balourd de Toto ne saisisse la perche que cette dernière (à moins que ça ne soit l’auteur) lui tend. Au retour de Brodie, qui n’a malheureusement trouvé aucun autre survivant, le trio se réconforte autour d’un bon gueuleton, ce qui donne au Halfling l’occasion de se lancer dans ses histoires, et en particulier celle du brave Richard Crowell, dont la première qualité était sans doute d’avoir un nom normal dans un univers de Fantasy. Même Nagash est jaloux. Exterminateur de bestioles chaotiques et pacificateur de la région de Remas il y a de cela des années, Crowell finit par partir chasser la tarasque dans son habitat naturel, la Norsca, dont il ne revint jamais. The end. Sur ces belles paroles, il est déjà temps d’aller se coucher, et les deux garçons laissent galamment la chambre de Tomas à disposition de Linna, dont les tentatives désespérées de se taper le héros tombent dans l’oseille d’un four. L’interspécisme, ça ne donne jamais rien de bon (comme le prouve bien l’exemple d’Eluréd1).

Il en faut cependant plus que ça pour décourager la nymphette de sortir de la friendzone, et elle réveille Tomas peu de temps après… parce qu’elle a vu quelque chose à la fenêtre. À première vue, cette chose semble être le disparu Corma, que Linna s’empresse d’aller saluer. À deuxième vue cependant, c’est bel et bien un Bisounours de Slaanesh (un Baisounours, donc), adepte de transformisme, qui se tient sur le pas de la porte, accompagné de quelques Gobelins. Because why not. Désolation pour Linna, qui se fait charrier comme un sac à patates par la bête, dont le glapissement lubrique déchire à nouveau la nuit. Consternation pour Tomas, impuissant à empêcher le monstre de repartir avec la fille qu’il considère juste comme une amie. Renonciation pour Brodie, finalement réveillé et pas très chaud à l’idée d’aller faire un safari en pleine obscurité. Le prudent Halfling parvient toutefois à retenir son fils adoptif assez longtemps pour lui apprendre la vérité sur ses origines : il n’est autre que le fils du légendaire Crowell, laissé aux bons soins du cuisinier (Brodie) de son expédition punitive pendant que le héros et son armée s’aventuraient en Norsca. Le semi-homme remet à l’adolescent la pierre d’aube enchantée que portait sa mère, capable de dissiper la magie, et l’informe que son père portait exactement la même le jour de son départ (you see what’s coming ?). Ainsi briefé, Tomas, toujours sans hache mais désormais en possession d’une épée rouillée, se jette à la poursuite de Winnie the Foe, réglant leur compte à son entourage de Gobelins en chemin.

Cry of the Beast

Art: Tony Hough

Parvenu à une grotte, il croit apercevoir Linna enchaînée à un rocher, mais son nouveau talisman lui permet de percer à jour les faux-semblants de son ennemi avant de finir en sashimi. La bataille qui s’en suit contre le Champion de Slaanesh ayant atteint le grade exalté de Furry se passe assez mal pour notre héros (illustration à l’appui), qui ne doit son salut qu’à ses compétences d’acrobate, la stupidité de son adversaire, et quelques gros rocher bien placés, que Tomas arrive à déverser en avalanche sur la sale bête. Cette victoire par K.O. et K.You a toutefois un goût doublement amer pour Toto, qui n’est pas long à s’apercevoir que sa bonne amie s’est faite boulotter comme un vulgaire Twix par le monstre, et que ce dernier n’est, ô surprise, autre que son père, comme l’atteste la pierre d’aube qu’il portait autour du cou. Ces réalisations poussent assez logiquement Tomas dans les bras vengeurs de Solkan, le dieu des vrais rageux, et nous prenons congés de notre héros après qu’il ait pris le parti de marcher sur les traces de ses parents et d’aller à son tour botter les fesses des méchants chaoteux du grand Nord. Tu quoque, fili.

1 : La preuve, personne ne sait ce qu’il est devenu.

AVIS:

Si Cry of the Beast peut paraître étrange au lecteur contemporain de la GW-Fiction, incarnée depuis maintenant des décennies par la Black Library, et comporte certainement son lot de bizarreries plus ou moins justifiables, tant d’un point de vue fluffique (une Haut Elfe qui drague un paysan humain ? Des Gobelins qui accompagnent un champion chaotique ?) que de celui des « conventions canoniques » usitées dans la littérature Warhammeresque (comme le fait de ne pas appeler un Tiléen avec un nom de comptable anglais), la tentative de Castle est assez honnête pour l’époque. Sur le canevas classique de la quête initiatrice d’un héros destiné à la grandeur par un héritage qui lui était jusque là caché, l’auteur tisse une histoire convenable, et finalement assez sombre (ou tout du moins elfophobe), sous son air de high fantasy. En choisissant pour antagoniste un Élu du Chaos corrompu par les forces maléfiques qu’il s’était juré de combattre, Castle démontre sa compréhension d’une des idées sous-tendant le lore des franchises de Games Workshop, faisant du Crowell en porte-jarretelles le lointain ancêtre d’Archaon. Oui, cette comparaison me fait plaisir.

Finalement, les vrais défauts gênants de Cry of the Beast sont certainement à chercher du côté de son intrigue et de sa construction, qui sont loin d’être au-dessus de tous reproches, le principal étant l’apparition inexpliquée de la fameuse bête sur la côte tiléenne, qui aura attendu bien longtemps et fait un looooong chemin pour retrouver son descendant. Pourquoi à ce moment, et comment a-t-il trouvé la trace de Tomas ? Mystère. Concomitamment, le naufrage du navire de Linna juste au moment où le Bébête-Show arrive en ville plage, afin de donner une raison supplémentaire au héros de se confronter au monstre, est tellement intéressé d’un point de vue narratif que cela ne m’étonnerait pas que le fameux cri de la bête soit un long et plaintif WIIIIIIIIIIIIIIIIIJH… On ne saura jamais la suite de l’épopée que Ralph T. Castle voulait donner à son héros (tout le monde n’est pas Konrad), mais il y aurait eu des choses à rectifier pour en faire une lecture digne de ce nom.

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No Gold in the Grey Mountains – J. Yeovil:

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INTRIGUE:

No Gold in the Grey Mountains

Art: Dave Gallagher

Joh Lamprecht, patron d’une TPE de collecte de fonds dans l’arrière-pays du Reikland, emmène sa bande de hors la loi à l’assaut de la diligence transportant les taxes de la ville minière de Raukner jusqu’aux coffres du bon empereur Karl Franz, lorsque le destin lui joue un bien vilain tour. Le fiacre ciblé se révèle inexplicablement dénué du précieux chargement convoité par les bandits1, qui peuvent cependant se consoler, après s’être passé les nerfs sur le pauvre conducteur et le noble pompeux qui voyageait dans la carriole (et s’est rendu compte de la dangerosité insoupçonnée de l’essuyage de carreaux, si votre interlocuteur a une arbalète), à la vue de la dernière passagère. La dame Melissa d’Acques, 12 ans, autant de neurones et, surtout, son papa très riche, peuvent en effet faire le bonheur de Joh et consorts, pour un peu que l’ado attardée sur laquelle ils ont mis la main, et qui ne réalise pas du tout la gravité de sa situation, leur donne les moyens d’expédier une demande de rançon en bonne et due forme à l’un de ses nombreux domiciles.

Pour l’heure, les malfrats (l’affreux Johjoh, le nemrod anxieux Yann Groeteschele, le gladiateur psychopathe et lycantrope Rotwang, et Fat Fool Freder, comme ses collègues l’appellent) décident d’emmener leur invitée jusqu’à leur camp de base, installé dans les ruines lugubres mais désertes du château de Drachenfels (l’histoire se déroule après la purge organisée par Oswald et Genevieve). L’ambiance n’est pas folichonne et la déco franchement datée, mais les voisins ne viennent pas vous embêter, c’est certain. La nuit tombée et Melissa enfermée dans sa chambre, la bande se réunit pour établir un plan d’actions visant à enfin toucher le gros lot, après des mois de chiche brigandage. Cependant, à l’intérieur du château abandonné, une ancienne et maléfique présence s’est éveillée, et Melissa pourrait bien ne pas être la seule à devoir se faire un mauvais sang…

1 : Qui aurait dû se douter que les braves mineurs de Raukner, dont trois virements avaient déjà été interceptés par les ruffians dans des conditions similaires, avaient changé leurs préférences de paiement. Un petit Lydia, ça change tout.

AVIS:

Après avoir donné un petit masterclass en matière de nouvelle d’aventures à la sauce Warhammer dans son Ignorant Armies, publié dans le recueil du même nom, Yeovil se penche sur un genre qu’il maîtrise particulièrement : l’horreur. Et si on ne retrouve pas ici de personnage précédemment mis en scène par l’auteur, mis à part une discrète mention de Geneviève et d’Oswald, l’utilisation du château – abandonné – de Drachenfels comme décor de ce court format à la sauce survival/maison hantée ferait presque illusion, tant ce lieu maudit pèse sur l’ambiance et l’intrigue de No Gold… On parle souvent d’Abnett comme le mètre étalon de la GW-Fiction, et c’est indubitablement vrai pour la production moderne et contemporaine de cette dernière (depuis le lancement de la Black Library, pour simplifier), mais Yeovil aurait fait un concurrent sérieux s’il avait repris du service après la fin de l’aventure GW Books/Boxtree. Ici, l’auteur démontre en quelques paragraphes sa capacité à instiller une atmosphère et convoquer des personnages plus intrigants qu’attachants, faisant de cette nouvelle un authentique page-turner. À un autre niveau, l’intégration d’un rebondissement final à l’intrigue permet de voir « travailler » un scénariste doué, que l’on ait deviné qui était l’antagoniste1 avant le dénouement final – auquel cas, on remarque l’habileté avec laquelle Yeovil entraîne le lecteur sur une fausse piste, en évitant avec maestria le moindre « faux raccord narratif » – ou bien que la surprise joue à plein – chanceux que vous êtes ! Blooding on the cake, on a même droit à quelques éléments de fluff, qui, si on peut douter de leur caractère canonique2 aujourd’hui, apportent une valeur ajoutée supplémentaire à No Gold… Bref, nous tenons ici, près de 30 ans avant que GW ne se lance sur le créneau, la toute première nouvelle de Warhammer Horror, qui n’a pas pris une ride et ferait une pièce centrale de choix dans les anthologies modernes de la BL. Faîtes moi confiance, je les ai lues…

1 : Ce qui était mon cas à la seconde lecture (qui a pris place tellement longtemps après la première que j’avais tout oublié de l’histoire, donc il y avait tout de même un challenge !). Je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu une sorte d’épiphanie à la « Entretien avec un Vampire » au moment de la première apparition de la vieille dans la nouvelle.
2 : Friendly reminder que Yeovil a tellement impressionné le patron de l’époque de GW, Bryan Ansell, que ce dernier a arbitré un conflit de background en faveur de l’écrivain. C’est ainsi que Genevieve est restée une Vampire au lieu de devenir une Elfe.

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The Hammer of the Stars – P. Garratt:

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INTRIGUE:

Wurtbad, par un petit matin frisquet d’hiver. La cité impériale se réveille dans un état d’effervescence peu commun, du fait de la survenue mystérieuse d’une bande d’exotiques migrants à l’intérieur de ses murs pendant la nuit. L’incrédulité du lecteur, jusque là fermement suspendue au mur avec son consentement formel, s’écrase cependant violemment au sol et éclate en mille morceaux qui partent chacun en moonwalk lorsque nous faisons la connaissance des héros de notre histoire : Peredur Mappavrauch et sa cousine Saskia Whiteflower. Qui ne sont pas les joyeux migrants s’étant matérialisés dans Wurtbad, mais bien d’authentiques et véritables citoyens impériaux, aux patronymes des plus typiques, comme on peut bien s’en rendre compte. Nous en sommes à la cinquième ligne de la nouvelle.

Peredur est le fils d’un chevalier défunt (son honneur l’ayant poussé à accepter un peu trop de duels judiciaires comme commis d’office), dont la mère souhaite, assez naturellement, qu’il épouse une carrière d’érudit plutôt que de guerrier. Cela ne l’empêche pas d’aller s’entraîner quand il le peut avec les écuyers locaux, en compagnie de Saskia, un vrai garçon manqué elle aussi orpheline, mais ayant la chance de compter le Graf de Wurtbad comme oncle, ce qui lui permet de ne rien foutre de ses journées à part explorer les souterrains de la ville. Utilisant cette connaissance à bon escient, elle convainc Pepe de l’accompagner jusque dans la basse ville pour assister à la confrontation entre les arrivants et les autorités municipales, assez chafouines de devoir gérer un problème que les murailles de la ville auraient dû traiter. La rencontre, d’abord franchement tendue, entre les deux parties, finit par déboucher sur un compromis fragile : les chefs de la bande de vagabonds, qui prétendent venir en paix, acceptent de prêter serment de bien se comporter au temple de Verena de Wurtbad, ce qui est une garantie suffisante pour le Graf. M’est avis que le gonze est un peu myope, et qu’il a cru avoir affaire à d’honorables Nains, alors que ses hôtes n’étaient pas petits, mais juste loin. Disons cependant un mot des hôtes en question. Au marteau volant et au sanglier d’apparat, nous trouvons N’drug le Fort. Au bâton et au pipeautage magique, please welcome K’nuth le Gros. N’drug a également deux sœurs jumelles assez plaisantes à l’œil, D’vorah et C’tlain, qui se déplacent sur traîneau tiré par des lévriers géants. Bref, c’est probablement la belle famille de Radagast qui a débarqué à Wurtbad, soi-disant pour rendre hommage à Ulric et Taal pendant le jour sacré commun aux deux frères divins : le solstice de printemps.

Quand le grand jour arrive, Peredur trouve le moyen de croiser la route de la belle D’vorah alors qu’il se rend dans l’arène où les festivités doivent prendre place. Amouraché par les quelques mots échangés avant qu’elle ne s’éclipse, notre héros à la frayeur de la voir participer au spectacle organisé par les baladins, d’abord en jouant à la funambule sur une corde tirée entre deux tours, puis en partant en saute-bison, Minos-style, jusqu’à ce qu’elle chute lamentablement, forçant le vigilant N’drug à faire usage de son marteau magique pour calmer les ardeurs du ruminant enragé. Le banquet qui s’en suit voit plusieurs choses intéressantes se dérouler. Premièrement, les étrangers insistent très lourdement pour que leurs hôtes leur chantent leurs propres couplets d’un air traditionnel s’appelant L’Enigmatique Chanson des Phoques1, et qui selon la légende permet de guider celui qui fait sens des paroles jusqu’aux sept sceaux enchantés, gardant eux-mêmes le légendaire Marteau des Etoiles. Et d’ailleurs en y repensant, Saskia se souvient d’avoir vu un mural représentant une reine elfique portant un sceau dans les niveaux inférieurs de la ville. Ce qui n’est absolument pas suspect, bien sûr. Deuxièmement, ces mêmes étrangers insistent tout aussi lourdement pour que du vin de Fallerion soit servi à tous les convives, et consomment en grande quantité du piment brun d’Achillesia pour en combattre les effets hypnotiques. Ce qui est absolument normal. Troisièmement, le tuteur de Peredur à l’académie, frère Martin, ne se rend compte du 1) et 2) qu’une fois le mal fait, c’est à dire la secret Wurtbad mixtape partagée et la bibine hypnotique consommée. C’est moche de vieillir. Quatrièmement, le destin de Wurtbad repose désormais entre les mains de Pepe, Saskia et Martin, les seuls locaux à être restés sobres, dans le cas de Peredur parce qu’il s’est engueulé avec N’drug qui l’avait surpris en train de reluquer sa sœur et s’est mis à bouder depuis. À quoi tient le destin d’un héros, parfois.

The Hammer of the Stars

Art: John Ridgeway

Comprenant que la cité court un grave péril, et que les bateleurs à apostrophes ne sont pas aussi sympathiques qu’ils en ont l’air, le trio infernal court s’équiper au domicile de Peredur – qui hérite pour l’occasion de la magnifique armure de plates manteau2 paternelle – et Saskia, et s’enfonce dans les souterrains de Wurtbad. Après quelques détours sans intérêt, c’est la confrontation finale avec les ruffians, qui viennent de mettre la main sur… un sceau magique ? Non. Le Marteau des Etoiles ? Non ! L’identité secrète des deux Primarques disparus. NON !!! Rien de moins que le bracelet d’infinité de Thanos3, qui, si j’ai bien suivi, était la relique laissée en héritage par Verena dans la cité de Wurtbad, et qui garantissait la protection de la ville contre la magie maléfique. Pourquoi cette relique précieuse n’est pas gardée dans le temple de la déesse, mystère. En tout cas, la protection accordée par cette dernière laisse à désirer, puisque la parole donnée par les baladins dans ce même temple a été enfreinte sans que cela ne leur cause de problème. Avant que N’drug, qui a mis le bracelet malgré les grands « noooooooooon » des Wurtbader et Peredur se mettent sur la tronche, le premier a toutefois la bonté d’expliquer la raison de sa traîtrise. Mais alors, soit que lui ou que Castle, ou les deux, aient été bourrés à ce moment, en tout cas la révélation reste brumeuse. Une fumeuse histoire de disciple d’Ulric qui veut récupérer une arme puissante pour aller combattre le Chaos comme un vrai bonhomme, et n’hésite donc pas à aller se servir chez les citadins mous et gras pour arriver à ses fins. Problème, son essai du bracelet fait sauter les fusibles des torches de la crypte et déclenche l’alarme incendie, ce qui n’est jamais un bon signe. Cependant, il reste convaincu qu’il peut réparer sa boulette en ramenant le sceau au temple d’Ulric de Middenheim et le laissant en chargement jusqu’à l’hiver. Ce à quoi Frère Martin répond que c’est un bracelet magique, par une chaufferette de poche. En tout cas, ça n’aurait pas détonné, au point où nous en sommes.

La baston attendue s’engage, et se déroule à peu près comme on pouvait s’y attendre, l’inexpérimenté héros ayant d’abord le dessous face à la force brute de son adversaire, jusqu’à ce que ce dernier fasse une couennerie monumentale (en l’occurrence, frapper tellement fort avec son marteau que le manche se brise, provoquant un retour brutal de la tête chercheuse de l’arme dans le torse de son propriétaire). Saskia profite de la confusion pour menacer à bout touchant N’drug de sa hallebarde. Il décide de jouer au con en tentant de se relever, et se coupe un peu sur le fil de la lame. D’vorah, que tout le monde avait oublié, mais qui était là, comme K’nuth et C’tlain, tombe dans les pommes. Du coup, N’drug s’avoue vaincu, et jette le bracelet en même temps que l’éponge. Le temps pour C’tlain de faire une prophétie à deux balles sur le destin qui attend Peredur, et les forains mal lunés se téléportent hors de la crypte. (En)Fin.

1 : OK, en vrai c’est la ‘Chanson des Sceaux’. Mais ça a moins de charme.
: Elle s’enfile comme une veste. C’est concept.
3 : Vous croyiez vraiment que le gantelet se portait sans accessoire ? Tellement casual.

AVIS:

La contribution de Peter Garratt à la GW-Fiction, pour limitée1 et obscure qu’elle soit, ne manque certes pas de panache. Manque de chance, cette superbe ne repose ni sur le respect du background de Warhammer, ni sur une intrigue robustement bâtie, comme la lecture des paragraphes précédents vous en auront probablement convaincus. Il n’aurait cependant pas fallu grand-chose à l’auteur, et surtout à ses éditeurs, pour que cette pitrerie assez calamiteuse ne sombre pas dans aussi profondément dans le nanard littéraire (ce qui en fait donc une lecture très distrayante, notez bien) : quelques rectifications sur les noms et histoires des personnages, une relecture critique digne de ce nom pour identifier les manquements béants de la deuxième moitié de la nouvelle en termes de continuité et de logique, et le tour était joué. Au lieu de cela, le lecteur se retrouve plongé dans un univers parallèle qui ressemble à Warhammer Fantasy Battle sans l’être réellement. Et à ce petit jeu là je préfère de loin Blood Bowl à la dimension alternative proposée par Garratt. Bref, faire lire The Hammer of the Stars à un habitué de la BL, c’est un peu comme donner un shot de génépi à un amateur de bière : il/elle reconnaîtra que les deux expériences sont vaguement liées, mais il y a de fortes chances que le choc des cultures soit trop fort pour que le test soit concluant. Je parle d’expérience dans les deux cas.

1 : Et pourtant, il ouvrait grand la porte au retour de Peredur! Comme quoi, il vaut mieux parfois s’appeler Konrad je pense…

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Pulg’s Grand Carnival – S. Ounsley:

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INTRIGUE:

Etant né albinos et doté d’une imposante tache de naissance sur la joue, le jeune Hans décide de quitter son Hazelhof natal, où, de toute évidence, il menait une dure et solitaire vie de paria (la triste réalité sociale de l’hyper-ruralité), pour aller tenter sa chance dans la ville du coin, Krugenheim. Il rencontre sur le chemin un vieil homme à l’agonie, blessé à mort par les bandits l’ayant pris en embuscade et délesté de toutes ses possessions de valeur… à l’exception d’une petite flûte en os, que le vagabond remet à son bon et blanc samaritain en récompense de sa sollicitude, non sans l’avoir charrié au préalable sur sa tronche de porte-bonheur (la triste réalité sociale de la grande marginalité). Cette flûte, apprend-t-il à Hans, possède le pouvoir de donner à qui en joue – même mal, et c’est heureux car notre héros, n’étant pas allé au collège, ignore tout de l’art ancestral de la flûte à bec – un contrôle total sur ses auditeurs, qui obéiront aux ordres que le joueur leur donnera par la pensée. Un tel pouvoir ne venant pas sans de grandes conséquences une batterie limitée, le vioque informe enfin Hans avant de clamser qu’il ne pourra utiliser cette capacité que trois fois par an, sans quoi la flûte perdra tout son pouvoir. Ce qui n’empêchera pas Blanco de cramer une utilisation pour humilier deux charretiers qui l’avaient vanné à son arrivée dans la cité (la triste réalité sociale de l’hyper-urbanité), sans doute pour évacuer la déception de constater que sa vie serait très certainement aussi misérable à Krugenheim qu’à Hazelhof.

Dans son malheur, qui va en s’accroissant car notre héros fait l’erreur de baguenauder dans le quartier chaud de la ville, où il se fait faire les poches par une bande de soûlards sans compassion pour le neo-citadin, Hans a toutefois la chance de croiser la route d’Hannibal Pulg et de sa Wyverne apprivoisée Folderol, alors qu’ils se rendaient à un rendez-vous professionnel dans une taverne de Krugenheim. Pulg exerce le beau et rare métier de directeur de cirque ambulant, et gagne sa vie en présentant son Grand Carnaval de ville en ville. Remarquant rapidement la complexion peu commune de Hans, il lui propose de rejoindre la troupe, ce que ce dernier finit par accepter, la prospective de devenir un freak de cirque lui paraissant plus attractive que toutes les autres alternatives attendant un albinos sans le sou dans une ville impériale. Accompagnant Pulg à son rendez-vous avec l’honorable négociant en crottin Herr Schickelzimmer, Hans ne met pas longtemps à découvrir que son nouveau boss, pour excentrique et beau parleur qu’il soit, n’a pas que des amis à Krugenheim. Son prospect lui tape ainsi un scandale quand il apprend que les excréments que Pulg souhaite lui vendre proviennent d’animaux fantastiques, et non pas d’honnêtes bêtes de trait1, et un notable local du nom de Grunwald essaie de monter la foule contre l’imprésario, lui reprochant entre autres crimes haineux de vouloir répandre du fumier chaotique sur les légumes Krugenheimer. Ce qui mettrait certainement en péril la certification bio de ces derniers.

Pulg's Grand Carnival

Art: John Sibbick

Ayant réussi à calmer le jeu en distribuant quelques tickets gratuits à la cantonade, Pulg ramène Folderol et Hans jusqu’à son QG, où notre héros fait la rencontre du reste de la ménagerie, ainsi que des autres employés de Pulg, la sarcastique Heidi et l’odoriférant Wolfgang. Dès lors, la situation évolue peu entre nos différents personnages, le Grand Carnaval s’efforçant de subsister malgré l’opposition croissante de Grunwald et ses sbires, qui inventent sans cesse de nouveaux stratagèmes pour exproprier Pulg de ses locaux. Bien qu’il apprécie plutôt sa nouvelle vie, Hans se doute bien que la situation va finir par dégénérer, son patron préférant passer ses soirées à se murger à la taverne plutôt que de prendre la mesure du problème. Quant à Heidi, elle révèle à son nouveau collègue d’autres informations peu flatteuses à propos de Pulg, qui a hérité de sa ménagerie de son père adoptif, un puissant sorcier ayant enchanté tous les animaux du cirque au bénéfice de son fils afin de lui permettre de vivre sa vie. Ce fragile équilibre est rompu lors d’une nuit fatidique, pendant laquelle Grunwald envoie la garnison locale de Chevaliers du Loup Blanc appréhender Pulg sur son lieu de détente. Ayant réussi à s’échapper avec Hans, qui lui servait de chaperon et de « chauffeur » sur le dos de Folderol, il revient au bercail à tire d’aile… mais se retrouve confronté aux mêmes templiers, ayant eu le bon sens de diviser leurs effectifs pour maximiser leurs chances de succès.

C’est le moment que choisit Hans pour partir en solo de pipeau, ce qui plonge les chevaliers dans la torpeur, mais brise également l’enchantement de docilité de Folderol, qui rate son test de réaction de monstre et provoque un grand carnage dans l’assistance. Il faudra quelques décharges de tromblon de Pulg, plus pratique que sentimental au final, pour rétablir le calme dans le quartier. Dès lors, tout s’enchaîne rapidement : très intéressé par le pouvoir de la flûte, Pulg parvient à se la faire remettre par Hans, et convainc ce dernier d’abandonner la ménagerie (dont les pensionnaires sont tous devenus sauvages de toute façon2) et Heidi – Wolfgang ayant fini en snack de Wyverne – pour fuir la ville. Le plan n’a cependant pas le temps d’être mis à exécution, les deux fugitifs, habilement déguisés en druides, se faisant cueillir par une patrouille à leur sortie du passage dérobé qu’ils ont emprunté. Heidi, plus attachée à ses pensionnaires qu’elle en donnait l’impression, a en effet passé un marché avec les autorités : permettre l’arrestation de Pulg en échange d’un délai supplémentaire pour quitter Krugenheim avec la ménagerie. La nouvelle se termine ainsi avec un Pulg placé en garde à vue par les Loups Blancs survivants, ce qui ne l’inquiète pas outre mesure grâce à la flûte qu’il a en sa possession, et Heidi et Hans disposant d’une journée pour faire quitter la ville à des bêtes sauvages enragées. Business as usual.

1 : Une des rares occasions où quelqu’un regrette vraiment le bullsh*t de son interlocuteur.
2 : Une preuve irréfutable du degré d’insuportabilité des sons émis par une flûte à bec.

AVIS:

Il flotte sur Pulg’s Grand Carnival une atmosphère joyeuse assez rare dans les œuvres de GW-Fiction, ce qui pourra soit attirer, soit repousser le lecteur, en fonction des ses appétences en la matière. Bien qu’accusant son âge de façon visible, notamment à travers les éléments de « background » qu’elle essaie de vendre au lecteur avec autant de flamboyance et de malhonnêteté intellectuelle que son personnage principal (le snotball ?), cette nouvelle n’est pas la plus désagréable des curiosités littéraires commises par GW Books qu’il nous soit donné de lire, et j’irai même jusqu’à dire qu’elle vaut le détour pour les amateurs de Vieux Monde et de second degré. En fait, nous tenons ici la mère de toutes les nouvelles de Blood Bowl, tant dans l’intrigue (Grunwald étant principalement opposé à Pulg car ce dernier veut investir le stade de snotball local pour y donner des représentations) que dans l’esprit, et si vous êtes fans de cette franchise, vous vous devez sans doute de jeter un œil sur Pulg’s Grand Carnival. De façon générale, cette pincée de légèreté (relative, Ounsley incorporant à son récit quelques éléments plus sombres) dans un monde autrement désespéré, et qui a d’ailleurs fini par en mourir, apporte un contrepoint intéressant et bienvenu à la tendance grimdark de la GW-Fiction. Ounsley n’a jamais plus collaboré avec GW par la suite, mais on peut le remercier pour la vision très personnelle, et distrayante, qu’il a eu du monde de Warhammer.

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The Way of the Witchfinder – B. Craig:

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INTRIGUE:

The Way of the Witchfinder

Art: Gerry Grace

La loi est dure, mais c’est la loi. Voici quelle pourrait être la devise des serviteurs de Solkan, le Dieu de la VENGEANCE !!! (mais de la vengeance légale, ce qui est déjà assez tortueux comme concept), dont le culte est, heureusement ou malheureusement, assez peu répandu dans le Vieux Monde, et donc en Bretonnie, où se déroule notre histoire (quelle surprise pour une nouvelle de Brian Craig !). Élève d’un prêtre vieillissant mais aussi inflexible que le manche à balai qui lui sert d’insigne – il appelle ça le Bâton de la Loi, mais c’est pour se donner un style, vraiment – le jeune Florian est envoyé par ce dernier (Yasus Fiemme) passer son grand oral dans la cité côtière d’Ora Lamae, considérée par Solkan lui-même1 comme le test rêvé (et ça tombe bien, car c’est en rêve qu’il instruit son serviteur) pour révéler du bois dont le novice est fait. Emportant avec lui le manche de rechange de son vieux maître ainsi qu’une amulette de pierre volcanique gravée de la maître-rune de Solkan2. Flo part donc pour son stage de fin d’études, prouver qu’il est lui aussi un vrai dur.

Arrivé sur place, il ne lui faut pas longtemps pour recueillir une masse de témoignages accablant sur les maîtres des lieux, le gouverneur Bayard Solon et sa fille Syrene, dépeinte par les bonnes gens du cru comme une sorcière hédoniste. Bouillant d’une juste fureur sur son matelas (c’est la coutume de Bretonnie pour les prêtres itinérants de recevoir les fidèles ainsi), Florian se prépare à agir, mais doit avant cela répondre à une convocation provenant de la haute cité. Mené par un page jusqu’au donjon d’Ora Lamae, il se présente devant la perfide Syrene, qui essaie de le dévergonder, mais en vain. La confrontation ne donnant rien, l’enchanteresse téléporte Flo jusqu’à sa paillasse, où il se fait cueillir par la milice locale peu de temps après, et jeter dans une oubliette pour sa peine.

Il en faut toutefois plus décourager notre héros, qui, disposant toujours de son fidèle balai en bois d’arbre et de son amulette en pierre de caillou, commence à entonner un chant sacré de Solkan, qui finit par venir à bout de son confinement au bout de trois jours d’efforts. S’en suit une cavalcade héroïque à travers la cité, la vengitude extrême de Florian lui permettant de venir à bout de la garde comme des maléfices tissés par Syrene. Parvenu en haut de la plus haute tour d’Ora Lamae, et alors que la victoire finale et l’ordination de Prêtre de Solkan lui tendent les bras, Florian a toutefois le malheur de se laisser émouvoir par la mine déconfite présentée par son adversaire, qui le supplie de l’épargner. Ce qu’il accepte. Galant, mais intolérable pour Solkan, qui ne tarde pas à faire sentir son déplaisir à sa chochotte de disciple : une vague apparaît à l’horizon3, et se rue sur la cité dépravée. Peut-être est-ce un tsunami divin, peut-être est-ce juste une grande marée (honnêtement, la nouvelle se termine de telle façon que les deux peuvent fonctionner). En tout cas, on peut en conclure que Florian a raté son examen, et je ne pense pas que Solkan fasse passer des repêchages…

1 : C’est l’avantage avec les cultes confidentiel : les contacts avec le big boss sont beaucoup plus fréquents.
2 : Sans nul doute « Ճ ». Après tout, ça se prononce « cheh ».
3 : Vous vous demandez sûrement comment Solkan peut commander à l’océan, qui est le domaine de Manann. Moi aussi.

AVIS:

Un héros envoyé purger une forteresse tombée aux mains de cultistes du Chaos, cela ne vous évoque rien ? Probablement que non. Pourtant, c’est une intrigue que Brian Craig connaît bien, puisqu’elle sous-tend son roman Zaragoz, en plus de cette courte nouvelle, qui a peut-être été pensée comme un premier jet de ce long format. Comme toujours avec cet auteur, le style reste l’intérêt principal d’une lecture de ce The Way of the Witchfinder, dont la progression simple, voire simpliste, et la conclusion servie comme une morale pas vraiment percutante, n’ont pas grand-chose d’intéressantes. On peut toutefois apprécier de voir le culte de Solkan mis au premier plan d’une nouvelle, même de second ordre, le Dieu du Bien Fait Pour Ta Gu*ule n’ayant jamais bénéficié de la couverture médiatique qu’il méritait pourtant pleinement. Une bonne raison pour lui de se venger en détruisant le monde de Warhammer. Vous croyiez vraiment que c’était Archaon ? Ha !

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Lorsque j’avais lu pour la première fois Wolf Riders, il y a de cela quelques années, j’avais été assez déçu de n’y trouver que quelques nouvelles semblables à la production classique de la Black Library, qui constituait alors ma seule référence en termes de GW-Fiction. J’avais toutefois noté que cette minorité (Wolf Riders – sans doute l’une des meilleures nouvelles de Gotrek & Felix publiées –  et No Gold in the Grey Mountains) était d’un très bon niveau, et pouvait se comparer avantageusement avec les meilleurs travaux récents de la BL. Mon avis sur les soumissions de King et Yeovil n’a pas changé, mais le temps écoulé depuis cette première lecture, et les nombreux ouvrages parcourus depuis, m’ont mené à adoucir mon jugement sur le reste de ce recueil.

S’il me parait évident que Wolf Riders surprendra, et parfois de façon négative, celui qui le considérerait comme une anthologie « classique » de nouvelles se déroulant dans le monde de Warhammer Fantasy Battle, le lecteur averti pourra cependant apprécier l’agréable diversité des histoires, atmosphères et partis pris que se partagent ces huit courts formats. En plus de contenir quelques incunables, et pour une bonne partie de son contenu les seules contributions à la GW-Fiction d’auteurs d’un – quoi qu’on puisse penser de leur compréhension et maîtrise du background de WFB – assez bon niveau, Wolf Riders se permet davantage de fantaisies que son prédécesseur (Ignorant Armies), le caractère humoristique, parodique ou satirique des nouvelles The Tilean Rat, The Phantom of Yremy et Pulg’s Grand Festival ne faisant guère de doute. Avec le recul, on peut s’émerveiller du culot de ces auteurs, qui n’ont pas hésité à donner dans le second degré alors que l’univers pour lequel il écrivait n’en était encore qu’à ses balbutiements d’un point de vue littéraire. On peut y voir le traditionnel esprit frondeur britannique, ou un début de rébellion face à l’intransigeance butée des huiles de GW (voir la chronique de Steve Baxter à propos de cette époque héroïque). En tout cas, Wolf Riders reste à mes yeux une lecture des plus valables, mais définitivement dédiée à un public averti. On n’en fait définitivement plus des comme ça.

 

IGNORANT ARMIES [WFB]

Au commencement était le Verbe (selon certains), et le Chaos (selon d’autres). Même si l’amateur de Warhammer Fantasy Battle aurait tendance à se rapprocher de la genèse grecque antique plutôt que  de celle de l’évangile, la bonne réponse dans le cas qui nous intéresse est tout autre. Au commencement du background romancé de WFB était le recueil de nouvelles Ignorant Armies, publié en Octobre 1989 par GW Books. Le début d’une aventure qui se poursuit encore aujourd’hui, bien que ni la maison d’édition, ni les auteurs, ni même la franchise dans laquelle se déroulent les récits de cette première anthologie, ne soient encore des nôtres à ce jour1. Trente ans plus tard, il était sans doute temps de procéder à un petit inventaire, en forme d’hommage, de cet ouvrage fondateur, histoire de ne pas finir aussi ignorants que les osts décrits par Jack Yeovil dans la nouvelle qui a donné son titre à l’opus.

Sommaire Ignorant Armies (WFB)

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Collection de huit nouvelles illustrées (on savait vivre à l’époque) rassemblées par David Pringle en sa qualité de primo-éditeur de Games Workshop, Ignorant Armies explore le Vieux Monde dans sa sombre, et, il faut bien le remarquer, floue, singularité, alternant entre les forêts profondes du cœur de l’Empire et les jardins proprets de Bretonnie, en passant par les classiques donjons en ruines et désolations chaotiques du grand Nord. En ces temps héroïques où le « fameux » (en tout cas, de mon point de vue) BL style était encore à inventer, Pringle dut composer avec un aréopage d’auteurs ayant chacun leur propre style, résultant en un ouvrage protéiforme et hétérogène, à mille lieues des recueils soigneusement formatés – d’un point de vue stylistique, s’entend – qui sont aujourd’hui la norme pour les publications de la Black Library. Telle la bouteille de gnôle du grand-père, oubliée pendant des lustres dans l’obscurité fraîche de la cave familiale, et qui se retrouverait, sans que l’on sache trop comment, parmi les bouteilles de Beaujolais Nouveau au hasard d’une réunion de famille, il y a des chances que la dégustation de ce cru vintage fasse tousser plus d’un lecteur. Comme disent nos amis anglais, spécialistes devant l’éternel des consommations clivantes2, « it’s an acquired taste ». Cela ne doit cependant pas nous détourner de notre devoir de mémoire, et sous réserve que vous ne vous éloigniez pas trop du guide, je vous garantis que l’expérience que vous vous apprêtez à vivre sera, à défaut de plaisante (la maison ne prends pas ce genre d’engagements), au moins sans danger. Au commencement, donc, était le Verbe, le Verbe coloré et fleuri d’un Tueur de Trolls encore glabre et pas encore borgne, et très remonté contre les conducteurs de diligences…

1 : Pour les auteurs, je précise que cela signifie que les sept contributeurs d’Ignorant Armies ne travaillent plus pour la Black Library à ce jour et à ma connaissance (dur à dire avec tous ces noms de plume), et non qu’ils sont tous passés ad patres.

2 : Comment qualifier sinon un peuple qui soutient que la jelly est un dessert ? La jelly quoi. Les monstres.

Ignorant Armies

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Geheimnisnacht – W. King :

Geheimnisnacht

Art: John Sibbick

INTRIGUE:

C’est sur la route, non pas de Memphis, mais de Bogenhafen, que nous faisons la connaissance de nos héros, alors qu’ils viennent de se faire lourder sans ménagement de la diligence qu’ils partageaient avec une dame de bonne société, sans doute du fait d’une remarque peu amène1 de la partie courtaude, rougeaude et édentée de la paire. Au grand désespoir de son longiligne, blond et geignard camarade, très peu emballé par l’idée de faire du stop en pleine forêt à la tombée de la Geheimnisnacht, ou nuit des secrets. Et on le comprend. Ces héros en question, puisqu’il faut bien les présenter, ne sont autres que, vous l’aurez deviné, Gotrek Gurnisson et Felix Jaeger, duo mythique de Warhammer Fantasy Battle s’il en est, qui vécut dans ce Geheimnisnacht sa toute première aventure, sous la plume de William King. C’est donc à la naissance d’une légende que nous assistons ici. Émotion et recueillement.

Très énervé par cette déconvenue, Gotrek pique sa crise et se met à montrer sa hache et brandir ses fesses, ou l’inverse, en direction des sous-bois tous proches, espérant sans doute qu’une harde d’Hommes Bêtes secourables lui envoie un petit champion pour se passer les nerfs. Las, et au grand soulagement de Felix, aucun antropovin ne surgit des fougères, mais le danger peut prendre bien des formes dans ces zones désolées de l’Empire, et c’est un carrosse noir qui déboule bientôt à toute berzingue, et manque de percuter l’irascible Dawi, peu enclin à se laisser doubler. Indemne, mais maculé de boue (ce qui est bon pour la peau mais moins pour l’odeur), Gogo ajoute une nouvelle rancune sur son carnet personnel, et se lance à la poursuite des chauffards invétérés, son commémorateur sur les talons.

Débouchant sur une auberge au détour du chemin, les deux compères résolvent d’y passer la nuit, mais trouvent (assez logiquement) porte close. Après quelques négociations menées de main et hache de maître, les tenanciers acceptent d’ouvrir pour éviter de devoir se payer une nouvelle porte, et laissent entrer nos héros. À l’intérieur, entre deux pintes de bière et commentaires désobligeants, Fotrek et Gelix apprennent de leurs hôtes et compagnons de veillée que la région est la proie d’une funeste malédiction, qui voit les enfants disparaître dans la forêt pendant la Geheimnisnacht et ne jamais reparaître. Et justement, le fils des aubergistes, un dénommé Gunter n’est pas rentré de sa corvée de bois ce soir là, ce qui désole sa vieille maman et chagrine son pingre papa. Au fil de la conversation, l’intérêt du Tueur se retrouve piqué par les rumeurs de cultistes et de démons que les locaux tiennent responsables de ces disparitions, et il décide promptement d’aller trekker jusqu’au Darkstone Ring pour s’enquérir de la véracité de ces racontars. Ayant juré de réaliser un compte-rendu digne de ce nom de la quête de mort de son acolyte, Felix n’a d’autre choix que d’emboîter le pas du berserk, acceptant au passage un talisman en forme de marteau que lui remet la Thénardière, et dont le petit Gunter est censé porter le jumeau.

L’excursion jusqu’au Stonehenge local se passe dans des conditions presque parfaites, seule une mauvaise rencontre sur le chemin avec un mutant un peu trop tactile venant retarder les compagnons. Malheureusement pour le collant quidam, Gotrek est plus full contact que peau à peau, et le faquin finit en deux morceaux dans un buisson quelconque (il aura tout de même l’honneur d’être la première victime homologuée de notre Tueur, ce qui n’est pas rien). Une fois arrivée sur place, la paire rampe dans les hautes herbes jusqu’au fameux cercle de pierres noires, où, effectivement, un rituel artistico-naturo-sado-masochiste2 est en train de se dérouler. Aussi captivés par cette création inédite de la SLAANESH3 que la foule bigarrée et biodiverse qui sert de public à cette représentation très caliente, nos héros voient surgir du fameux carrosse noir un individu portant les cape, masque, poignard et frêle enfançon drogué de rigueur pour le maître de cérémonie qu’il se révèle être.

Se rappelant qu’ils sont dans le camp du Bee-1, Gotrek et Felix se secouent enfin les puces et fondent sur les Slaaneshi comme la vérole sur… les Slaaneshi aussi (y a pas de raison), et font un sanglant massacre dans la partouze libertine. Ça vous apprendra, bande de sales petits frotteurs de pierre. Profitant que tous les yeux, mains, tentacules, et autres corps caverneux soient posés sur le robuste nabot, Felix profite du temps de lag du maître de culte pour lui balancer sa dague en travers du gosier, ce qui suffit pour faire retomber l’ambiance comme le membre d’un milliardaire chinois privé de poudre de corne de rhinocéros. Tandis que Gotrek se relève péniblement du gang-bang brutal dont il a été l’objet (ce qu’il prend à la rigolade, because boys Dwarves don’t cry), Felix s’en va récupérer le poupon droppé par le boss de niveau, qui, coup de chance, a survécu à la chute. Ce qui est moins heureux par contre, est la découverte d’un pendentif en forme de marteau autour du cou de l’un des derviches fouetteurs, ce qui permet de solutionner le mystère de la disparition de Gunter. Les ravages d’une éducation trop stricte, sans aucun doute. Cependant, nos héros n’ont guère le temps de s’attarder sur les lieux, la quête de mort de Gotrek entraînant ce dernier vers de nouvelles aventures, qui se poursuivent encore, trente ans plus tard…

AVIS:

La toute première apparition de Gotrek & Felix, on ne peut guère faire plus iconique que ça. Avec le recul que trois décennies nous apportent, on peut reconnaître que ce Geheimnisnacht, pour simple qu’il soit en matière de construction narrative, est véritablement une oeuvre séminale (et pas seulement parce qu’il met en scène une cérémonie en l’honneur de Slaanesh) pour le background de Warhammer Fantasy Battle, et a sans doute contribué à donner le ton, sombre, caustique et souvent cruel, qui a caractérisé la franchise d’un bout à l’autre de son existence. Si certains éléments de l’histoire peuvent sembler étranges, ou entrer en contradiction, avec les dernières versions du fluff canon de WFB, cette dernière, prise dans son ensemble, reste encore aujourd’hui un jalon littéraire pour l’univers en question, et est sans doute l’oeuvre d’Ignorant Armies qui a la « mieux vieilli ». En une vingtaine de pages, King parvient à planter le décor d’un monde med-fan dangereux et désespéré, où les actions de héros pas vraiment exemplaires (Gotrek est un maniaque suicidaire et ultra-violent, Felix un poète ivrogne piégé par le serment alcoolisé qu’il a prêté) parviennent parfois à contrer les manigances des forces des ténèbres, sans qu’aucune victoire ne soit vraiment éclatante (Gunter, la victime présumée, se révèle être un cultiste). Que se serait-il passé si Bill King n’avait pas eu l’idée en 1989 de donner vie à un Tueur de Troll accompagné de son commémorateur ? Comme la face de notre monde si le nez de Cléopâtre avait été plus court, celle de Warhammer aurait été changée. Si la genèse de cet univers vous intéresse (ce qui est sans doute un peu le cas si vous lisez ces lignes), je vous garantis que la lecture de Geheimnisnacht vaut le détour, a minima pour pouvoir dire « je l’ai fait ». Et en plus, cette nouvelle a été traduite en français4. Aucune excuse, donc

: Il est à noter que la toute première phrase de la toute première nouvelle du tout premier recueil de textes de background romancé publié par Games Workshop (en l’état, via GW Books, l’ancêtre de la Black Library), consiste en Gotrek jurant comme un charretier. Et contre les charretiers. Et les femmes humaines. C’est ce qu’on appelle réussir ses débuts.

: En bref, on a des danseurs presque à poil qui jouent des sagattes en se flagellant à coups de branches de bouleau. De l’art contemporain comme on l’aime.

3 : Société Libertine des Amateurs d’Abjections Nudistes Et Supplices Hédonistes.

4 : Incluse dans l’ouvrage Tueur de Troll, le premier « roman » – en fait un agrégat de nouvelles – de la saga de Gotrek.

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The Reavers & the Dead – C. Davidson :

The Reavers & the Dead

Art: Steven Tappin

INTRIGUE:

Adolescent solitaire et secret, Helmut Kerzer, qui s’amusait innocemment à réanimer des cadavres de campagnols dans une crique isolée de la côte de la mer des Griffes (chacun ses passe-temps), a l’effroi de voir approcher un navire pirate de son village natal. Bien que sachant qu’il est de son devoir de donner l’alerte afin de permettre à ses concitoyens d’évacuer les lieux avant l’arrivée des pillards, notre héros est retenu dans son élan par la peur d’être identifié comme un nécromant par la communauté. Parce qu’apparemment, l’endroit où il pratique son macabre hobby est connu comme « la crique de la nécromancie », ou quelque chose comme ça, et que le simple fait de s’y rendre fait de vous un suppôt (ce qui est toujours mieux qu’un suppo) de Nagash. Soit. Ne pouvant cependant pas décemment laisser le futur crime des flibustiers du terrible Ragnar One-Eye impuni, Helmut se hâte en direction du cimetière local, où il sait que l’attend une entrée vers une ancienne crypte…

À quelques encablures de là, nous faisons la connaissance du borgne et de son équipage, et apprenons que ces derniers sont des militants de Sea Shepherd. C’est en effet suite à la remontée de poissons pourris – sans doute victimes d’une marée noire – dans leurs filets que cette bande de Norses a pris la mer pour aller se venger sur les pêcheurs d’en face, reconnus coupables de ce coup en traître par les chamans chiromanciens de la tribu. On pourrait sérieusement arguer que les augures ont perdu la main (mouahaha), mais les voies divines sont impénétrables, et il n’est pas dit que les pêcheurs ne soient pas des pécheurs. Après tout, il suffit d’accentuer le trait. Bref, nos braves vandales écoutent religieusement la harangue de leur chef, et se mettent en rang pour boire la potion magique que leur a concocté leur druide prêtre en prévision du combat. Ici, pas question de force surhumaine (contre une bande de pisciculteurs, pas besoin), mais plutôt d’une exaltation guerrière exacerbée1.

Pendant que les villageois réalisent enfin que le danger les guette, et sonnent le tocsin – avec des effets mitigés il faut dire2 – Helmut se décide à passer une porte dont le heurtoir est fait d’os, flanquée de colonnes représentant des momies hurlantes, et surmontée de niches où sont recroquevillés des squelettes. Qui l’attend derrière cette macabre façade, me demanderez-vous ? Jarvis Johnson. En fait non, bien plus prosaïquement, c’est une Liche morte de vieillesse – ce qui est à la limite de la faute professionnelle pour un nécromant, tout de même –, ce que notre héros savait déjà car… c’est de notoriété publique dans la région ? Quoi qu’il en soit, sa Splendeur Anonyme (le nom que lui donne l’auteur) accueille chaleureusement celui qui sera son apprenti et héritier, et, après un entretien d’embauche rapidement expédié, commence à transférer ses données dans l’inconscient de Helmut, et lui donne les clés de son logement de fonction. Notre héros, après avoir choisi une robe convenablement ésotérique (+3 en Intelligence parce qu’il y a encore la griffe de composition qui indique bien qu’il faut laver à 30°C avec des couleurs identiques et repasser sur l’envers ; -5 en Endurance car elle est pleine de poussière et que Helmut est allergique) commence à binge mémoriser les incantations du premier grimoire qui lui tombe sous la main, et, la tête bien pleine à défaut d’être bien faite, sort de son antre à la nuit tombée pour se venger des loubards de Ragnar, qui ont entre temps convenablement massacrés la population locale, famille de Helmut comprise.

Arrivé sur les lieux de l’holocauste, notre apprenti liche (apprentiche ?) a tôt fait de réanimer ses anciens voisins et camarades3, et de les faire fondre sur le camp des pillards, qui, malgré la sentinelle et les feux allumés sur la plage, se font surprendre dans les grandes largeurs par les Zombies ninjas de Helmut. S’en suit un massacre à sens unique, duquel on se doute que Ragnar ne réchappe pas (en fait, on n’en a aucune idée, l’auteur n’ayant pas jugé bon de nous tenir au courant du destin de l’antagoniste principal), qui laisse notre héros retourner à ses chères et chair études avec le sentiment du devoir accompli. Encore quelques années, et il aura rétabli la splendeur et le faste de la cour nécromantique que son tuteur squelettique avait établi sur la côte de la Mer des Griffes. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, en tout cas.

AVIS:

Le récit que nous livre Charles Davidson, s’il s’avère être factuellement exact (ou, en tout cas, ne pas entrer en conflit frontal avec le fluff établi par ailleurs), diffère fortement des canons habituels de la Black Library, tant par le style que par l’atmosphère instillée par l’auteur à son histoire. Si la singularité du premier n’est somme toute que la marque d’une maturité en termes d’écriture, la seconde aurait gagné à se conformer davantage à l’approche majoritairement grimdark qui caractérise le background romancé de Warhammer Fantasy Battle. Ici, les éléments plus légers, comme un nécromancien de treize ans qui pratique les arts sombres en autodidacte et comme d’autres peuvent se découvrir une passion pour le crochet ou le rempaillage, une Liche paternaliste, ou un chef Maraudeur qui se soulage sur une ruine fumante après un carnage rondement mené, alternent avec les passages plus sombres, comme la tuerie de femmes et d’enfants par nos fripons de pirates. Rien de vraiment rédhibitoire au final, mais une sensation d’étrangeté qui peut intéresser ou rebuter le lecteur, selon ses goûts et attentes.

On pourra cependant s’accorder sur le fait que l’intrigue de ce The Reavers & the Dead est loin d’être claire, Davidson insinuant que la Liche serait responsable de la pollution des eaux Norses, ce qui aurait déclenché la colère de ces derniers et le sac du village de Helmut… et précipité sa venue dans le F3 de sa Splendeur Anonyme ? Hmmmm, un peu capillotracté ce raisonnement, Mr Davidson. De même, la conclusion très anti-climatique du récit (les pirates se font massacrer par les zombies en trois lignes), si elle peut être mise sur le compte d’une approche du med fan moins hack & slash qu’il est de coutume pour WFB, peut laisser le lecteur sur sa faim. Bref, comme dirait le sage : ce n’est pas mauvais, c’est différent. Peut-être un peu trop, justement.

1 : On ne donne pas la recette exacte du breuvage, mais peut-être qu’un mélange un tiers harissa, un tiers tabasco, un tiers Red Bull ferait l’affaire.

2 : J’en veux pour preuve que les pirates réussissent à surprendre un pêcheur en train de repriser ses filets sur la jetée. Il devait être sourd et aveugle – ou alors très, mais très concentré – en plus d’être chauve, c’est pas possible autrement. Ah, ils arrivent aussi à massacrer les femmes et les enfants qui n’avaient pourtant rien d’autre à faire qu’à s’enfuir dans les bois le temps que l’orage passe.

3 : Dont un Julius Fleischer, qui est peut-être le père, le frère, l’oncle ou le cousin par alliance d’Angelika Fleischer ?

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The Other – N. Griffith :

INTRIGUE:

The Other

Art: Jim Burns

Accompagnant son père, le renommé et influent Doktor Franz Hochen jusqu’à Middenheim où il a affaire, Stefan Hochen, notre héros, fait la connaissance d’une mystérieuse baladine alors qu’il patiente1 sur l’un des viaducs d’accès de la cité du Loup Blanc, momentanément embouteillé par le renversement d’une carriole de vin (ce qui est un comble, si on y réfléchit). Cette dernière (la troubadour, pas la barrique de vinasse), ayant appris la médecine en autodidacte, se montre assez peu impressionnée par la manière cavalière dont l’honorable Doktor prend en charge l’accidenté, envoyé jusqu’à l’hospice de Shallya le plus proche par brouette pour cause de non-solvabilité manifeste2. Cette première rencontre, pour brève qu’elle fut, ayant un chouilla chamboulée notre Stefan, qui a embrassé la carrière paternelle par facilité et convénience plutôt que par réel intérêt, il est tout content de retomber sur l’inconnue du périf à l’occasion de sa soirée d’enterrement de vie d’interne en médecine, qu’il passe en compagnie de quelques amis dans la chaude ambiance de la taverne de la Lune Rouge.

La street medic, de son nom Katya Raine et de sa profession joueuse de tam tam (eh, il en faut), régale l’assistance d’une composition de son cru, narrant le destin tragique d’une jeune femme ayant eu le malheur de confondre une pierre de sang, aux propriétés curatives supposées, avec un éclat de malepierre. La caillasse, plongée dans les flammes en préparation d’une concoction miraculeuse, lui péta ainsi à la figure, fichant un fragment de roche chaotique dans le gras du bras de l’apprentie alchimiste. Le corps étranger n’ayant pu être retiré, la pauvresse, d’abord tourmentée par des cauchemars, puis des crises de somnambulisme extrêmes, finit par hériter d’un membre écailleux et griffu, avec lequel elle égorgea toute sa famille lors d’une nuit enfiévrée. Fin. C’est autre chose que Despacito, c’est sûr. Bien que la complainte du racaillou soit accueillie par des tonnerres d’applaudissements par l’assistance, Stefan se fait la réflexion, que, oh comme c’est bizarre, Katya a une écharpe nouée autour du bras, comme son héroïne lorsqu’elle cherchait à cacher son affliction à ses proches. Méfiance, méfiance. Mais béguin tout de même.

De plus en plus épris, Herr Hochen résout de jouer de ses relations (son père est l’autorité qui délivre les permis d’exercer aux médecins impériaux) pour gagner les faveurs de son crush, qu’il stalke avec insistance mais balourdise au cours des jours qui suivent. Furieux et jaloux de constater qu’elle s’est rendue dans la demeure de l’adjointe du Sorcier Suprême de Middenheim (Janna Eberhauer) – l’homophobie est toujours un fléau en 2425 –, il se fait carrément krav maga-er la face par sa chère et (pas si) tendre (que ça) lorsqu’elle se rend compte qu’il l’a prise en filature le lendemain. Cherchant à se faire bien voir, il accepte de l’accompagner alors qu’elle réalise sa tournée de bienfaisance parmi les déshérités de Middenheim, mais la simple vue d’Oliphant Man suffit à lui faire tourner les talons. Stefan Hochen, médecin mais surtout esthète.

Soupçonnant fortement que Katya se soit inspirée de son expérience personnelle pour écrire son tube inter-tavernial, Hochen insiste lourdement pour que la belle lui dévoile le bras qu’elle tient écharpe, en échange d’ingrédients médicinaux qu’elle ne pourra pas obtenir sans son aide, faute de licence. Le chantage à l’aspirine, c’est moche tout de même. Mais en tout cas ça marche. Déception ou soulagement pour le voyeur brachiophile, le biceps de Frau Raine est tout ce qu’il y a de plus banal. S’étant engagé à faire les courses pour sa comparse, notre héros réalise sur le chemin du retour, à la faveur d’un tour de passe passe commenté par une brave commère, qu’il s’est probablement fait rouler dans la farine par Katya. Si elle a placé l’écharpe autour de son bras, c’est pour attirer l’attention sur ce dernier et la détourner d’une autre partie de son anatomie… comme sa jambe, qui semble boiteuse depuis quelques temps. Mind blown.

Déterminé à faire quelque chose, et en tout cas, à vider son sac à une autorité compétente en matière de mutant, Stefan s’en va cafarder auprès de Janna Eberhauer, sans savoir que Katya est également présente (il y avait vraiment une romance à l’oeuvre entre les deux femmes), et qu’elle a demandé à la sorcière de l’aider à retirer l’éclat de malepierre qu’elle a reçu dans la cuisse avant que ce dernier ne lui fasse perdre pied (à tout point de vue). D’abord réticent à l’idée de donner un coup de main – c’est toujours dur d’apprendre qu’on est relégué à la friend zone – Stefan finit par se laisser convaincre, et, aidé par les incantions anesthésiques et purificatrices de Janna, parvient à extraire le grain fâcheux de sa patiente. Réalisant qu’il n’a aucune chance de conclure, mais tout de même beau joueur, il quitte son chevet en laissant la licence qu’il a fait signer par son père ainsi que ses sentiments les plus distingués et sa carte de visite, dans l’attente que Miss Raine, qui a prévu une petite virée au Kislev pour fêter sa rémission, revienne du côté du Middenheim. La persistance, c’est la clé.

AVIS:

On peut mettre au crédit de Nicola Griffith l’écriture de la première nouvelle intégrant une histoire d’amour homosexuelle de l’histoire de la fiction GW, et à celui des éditeurs et valideurs de l’époque (David Pringle et Bryan Ansell, probablement) l’inclusion d’un texte assez subversif à sa manière dans le premier ouvrage publié par GW Books. Ce qui peut sembler franchement banal aujourd’hui – et encore, on peine à voir les sujets de genre émerger dans les publications de la Black Library – l’était beaucoup moins en 1989, même s’il faut à mon avis voir dans cette nouvelle la tolérance d’une équipe éditoriale ne disposant pas d’un réservoir infini de contributeurs de bon niveau à solliciter, plutôt qu’un manifeste assumé pour la tolérance et l’inclusion. Parenthèse close.

Au delà de ces considérations méta-littéraires, The Other se révèle être une nouvelle assez sympathique à lire, présentant le double avantage de faire l’effort de s’intégrer dans l’univers de Warhammer de façon plausible (plus que d’autres soumissions de Ignorant Armies, flirtant parfois avec la parodie de façon un peu trop visible, ou présentant des signes évidents de « saupoudrage de background » afin de lier de façon artificielle le récit à la franchise à laquelle il est sensé appartenir), tout en conservant une originalité forte par rapport au courant hack & slash grimdark (si une telle juxtaposition est tolérée) aujourd’hui omniprésent dans les publications de la Black Library. En choisissant de mettre au même niveau d’importance le triangle amoureux reliant les protagonistes et le sombre secret de son héroïne, Griffith humanise fortement sa nouvelle, et donne la vision d’un Vieux Monde un soupçon moins cruel, méchant et violent qu’on en avait l’habitude. De la à soutenir que le pouvoir de l’amour peut faire obstacle à l’influence corruptrice et mutagène du Chaos, il y a un peu plus qu’un pas à franchir, mais à titre personnel, je dois dire que cette approche moins « tranchante » que d’accoutumée du sujet de la mutation n’a pas été pour me déplaire. En définitive, si vous appréciez l’approche « Craigesque » de Warhammer, je ne peux que vous conseiller de donner sa chance à The Other, qui présente une certaine similitude avec les travaux du grand Brian.

1 : Pour tuer le temps, il se représente les résultats d’infections cutanées particulièrement virulentes et purulentes chez tous les péquenauds qu’il croise. À chacun ses hobbies.

2 : À croire que dans l’Empire, le serment d’Hippocrate commence par « d’abord, ne pas faire crédit ».

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Apprentice Luck – S. Flynn :

Apprentice Luck

Art: Martin McKenna

INTRIGUE:

Assistant du peu commode, ni sobre d’ailleurs, libraire Otto von Stumpf à Middenheim, le jeune Karl Spielbrunner, laissé orphelin et sans ressources par la mort de son père, s’ennuie à mourir dans l’échoppe miteuse dans laquelle il passe ses journées. Rêvant d’une vie plus trépidante, il est exaucé sans le savoir lorsque qu’une commère vient lui vendre un livre de sorts qu’elle a récupéré sur un cadavre au pied de la Falaise des Soupirs (parce que le recyclage de macchabées est une activité tout à fait honorable à Middenheim). Songeant d’abord qu’il a moyen de tirer un petit bénéfice de la revente de l’opuscule à un des antiquaires de la cité, Karl a à peine le temps de parcourir quelques formules magiques de bas niveau1 de son acquisition – découvrant au passage une sorte de carte au trésor dissimulé dans la reliure de l’ouvrage –  que le sorcier qui a pris un Air B&B en face de la boutique débarque et déclare qu’il est à la recherche d’un livre que Von Stumpf & Son a récemment reçu, ou recevra bientôt (la magie, ce n’est pas toujours précis). Sentant qu’il a la possibilité de tirer une somme plus coquette que prévue de l’aventure s’il joue ses cartes dans l’ordre, Karl nie crânement avoir le bouquin en question, ce qui convainc le mage de quitter les lieux en jurant de revenir, mais non sans avoir jeté un regard lourd de sens à notre fripon de héros, en lui intimant de « se souvenir de ceci ». Vivement l’invention du post-it.

Un peu plus tard dans la soirée, ayant aidé son patron bien imbibé à retrouver le chemin de sa paillasse avant de continuer l’étude du mystérieux manuel convoité par Aldore Dumblebus, Karl surprend ce dernier en flagrant délit d’intrusion dans le local commercial en dehors des heures d’ouverture, et, ne donnant pas lourd de ses chances en face d’un authentique sorcier à grand nez (l’espèce la plus dangereuse), décide sagement de s’éclipser par derrière. Là, il tombe sur un mystérieux jeune homme habillé comme le valet de pique (c’est à dire de façon assez classe, mais totalement vieillotte), qui l’enjoint de le suivre pour éviter se prendre un Avada Kedavra dans le buffet. Acceptant la proposition sans trop réfléchir, Karl remarque quelques détails curieux chez son nouveau meilleur ami, comme le fait qu’il semble courir sans toucher le sol, qu’il ne respire pas vraiment, et qu’il utilise systématiquement le nous de majesté. Tout cela n’est définitivement pas très ulricain. Lui aussi très intéressé par l’incunable de Karl, et précisément par la carte qui s’y trouvait, il se fait convaincre par notre roublard de héros de se délester d’une bourse de pièces d’or, et de lui laisser 10% du trésor qui attend d’être collecté au bout du labyrinthe dessiné sur la fameuse carte, s’il accepte de le mener jusqu’à bon port. Ayant appris tous les détails du plan par cœur grâce à sa mémoire eidétique de Space Marine, Karl se fait fort de servir de guide urbain au généreux touriste, qui révèle s’appeller Argo.

Première étape pour nos larrons : accéder aux souterrains de Middenheim, là où se trouve le dédale en question. Ne souhaitant pas emprunter l’entrée officielle et se confronter à la Garde de la Cité, Karl emmène son pote jusque dans les bas-fonds de l’Ostwald, où il sait qu’une taverne possède une cave donnant sur les souterrains en question. Mettant à profit le chill absolu et le talent à l’épée d’Argo, et la brusque poussée de compétences magiques de Karl, qui se révèle tout à fait capable de lancer le sort de confusion survolé dans le grimoire lorsqu’un ruffian tente de lui mettre la main dessus (bien que l’effort se solde par une épistaxis carabinée), les compères descendent dans l’underground middenheimer, où, après avoir repoussé les assauts désorganisés d’une tribu de gobelins nains (des nobelins quoi), avec la même recette imparable que quelques niveaux plus haut (et les mêmes conséquences sanguines pour Coral), ils arrivent à l’entrée du labyrinthe.

Karl n’ayant pas sur-vendu ses capacités mnémoniques, et malgré une saute d’attention qui manque de lui retomber – littéralement – dessus, les aventuriers arrivent dans la salle du trésor, où, bien évidemment, Argo tombe le masque et se révèle être… une créature du chaos nécromantique. Un méchant en tout cas. Entendons-nous sur ceci et continuons. Ayant convoqué le trio de squelettes de fonction que tout boss de fin qui se respecte peut réclamer de la part des RH, le perfide antagoniste menace le pauvre Karl de mille maux s’il ne lui donne pas le mot de passe qui lui permettra d’accéder au butin. Fort heureusement pour Herr Spielbrunner, c’est le moment que choisit le sorcier du début de la nouvelle pour surgir – utilisant le trait de classe ‘un magicien n’est jamais en retard, et fuck la logique’ – et régler la situation d’un cantrip bien senti. S’en suit une nécessaire contextualisation, qui nous apprend que Big Nose est en fait le gentil, et que son apprenti a dérobé la carte à Argo et l’a dissimulé dans son livre de sorts pour empêcher le trésor de tomber entre de mauvaises mains. Malheureusement pour le brave stagiaire thaumaturge, il se fit coincer par le méchant et sa bande avant d’avoir pu regagner Poudlard, et préféra sauter de la Falaise des Soupirs plutôt que de remettre le plan. Voilà qui est corporate. La suite est facile à déduire, et il est révélé au passage que les pouvoirs inexpliqués et sanglants de Karl sont une sorte d’échantillon gratuit insufflé par Marlin le Chanteur à son jeune ami lors de leur première rencontre.

Les explications sont toutefois interrompues par le réveil d’Argo, qui ne pouvait pas décemment finir banni comme le premier goon venu. Le combat qui s’ensuit permet de percer le secret des origines de notre blanc méchant, qui s’avère être un cadavre animé par des milliers de scarabées, comme Karl en fait la découverte lorsqu’un coup d’épée bien placé déclenche une hémorragie de chitine chez sa majesté des élytres. Un sort de strip tease, et un autre de fumigation plus tard, et c’en est fait, cette fois pour de bon, de notre méchant bio-diversifié. La fin de la nouvelle n’est plus qu’une formalité pour la team Poulpesouffre : Karl prononce le mot de passe2, et le mage et son futur apprenti accèdent à la légendaire bibliothèque de Fistoria Spratz, un puissant mage… nain. Fail. Better (Apprentice) luck next time, Sean !

AVIS:

Difficile de déterminer s’il faut blâmer un background pas encore bien en place au moment de l’écriture de cette nouvelle ou un franc dédain de Sean Flynn pour ce dernier (les deux explications sont possibles d’après les témoignages de l’époque), mais force est de reconnaître que cet Apprentice Luck n’est guère fringant d’un point de vue fluffique, comme la lecture du résumé ci-dessus le fait apparaître de façon assez flagrante. Si le lecteur veut se donner la peine et la bonté de passer outre ce détail (qui ajoute au charme un peu suranné de la nouvelle de mon point de vue), il se retrouvera avec un récit d’aventures fantastique d’un classicisme consommé, soit très véridiquement, du sword & sorcery à la sauce Donjons & Dragons sans grande originalité ni valeur ajoutée. Si les critiques de forme peuvent être épargnées à Sean Flynn eut égard aux conditions dans lesquelles fut écrit Ignorant Armies, le fond n’est pas irréprochable non plus, ce qui est bien dommage. Résolvant tous les « points durs » de son intrigue par les tous premiers TGCM de l’histoire de la GW-Fiction, et livrant une intrigue d’une linéarité d’autoroute, Flynn/MacAuley donne l’impression d’un mercenaire littéraire plus intéressé par son chèque que par le respect du matériel original et le souci d’offrir à son lectorat une expérience satisfaisante. Ce qui a été sans doute le cas. Dommage.

1 : Dont un sort de confusion mineur, le fameux ‘Tooween zeyesnid zeuno tooween euguainst zeuno’.

2 : Que l’auteur ne nous révèle pas, ce qui est vraiment petit bras de sa part. Je soupçonne qu’il a simplement oublié d’insérer un set-up digne de ce nom dans son intrigue…

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A Gardener in Parravon – B. Craig :

A Gardener in Parravon

Art: IanMcCaig

INTRIGUE:

Dans la ville de Parravon, réputée dans le Vieux Monde pour ses jardins et ses oiseaux (eh oui), le jeune Armand Carriere, fils de marchands mais peu intéressé par en devenir un lui-même, se passionne pour le mystérieux jardin d’un voisin, qui semble attirer des nombreux oiseaux des environs. La propriété mitoyenne étant ceinturée d’un hallier aussi haut que fourni, notre héros ne peut qu’imaginer ce qui attire la faune ailée de Parravon dans le verger du sieur Gaspard Gruiller – le nom du voisin en question. Ayant remarqué que plus d’oiseaux semblaient s’approcher de l’endroit qu’en repartir, Armand suppute que le jardin abrite quelque espèce de plantes carnivores, comme celles qu’il a découvertes par le biais de ses lectures. Prêt à tout pour lever le mystère, il convainc un jour son ami Philippe Lebel de lui prête main forte afin de grimper sur le toit de la maison familiale, et ainsi bénéficier d’une meilleure vue sur les plates bandes de Monsieur Gruiller. Surpris par ce dernier, il a la surprise d’être convié par le voisin en question à visiter son jardin quelques jours plus tard, et de constater ainsi que ses suppositions étaient fondées. Gruiller entretient bien une espèce très particulière de fleurs, dont les tiges et les lianes capturent les oiseaux qui passent à portée pour s’en nourrir, et dont les fleurs, de fort belle taille, produisent un nectar particulièrement savoureux.

La nuit qui suit cette visite est agitée pour Armand, qui rêve qu’un démon mi-aigle, mi-poulet rôti, vient frapper à sa fenêtre pour l’emmener jusqu’au jardin voisin, afin qu’il puisse se nourrir, en compagnie de la volée chaotique qui butine gaiement dans les bosquets, du substantifique suc des orchidémoniques de ce bon Gruiller, le tout sous le regard attendri d’un démon majeur (mi-autruche mi-dinde rôtie) perché sur un champignon. Les légumes du dîner ne devaient pas être de première fraîcheur, c’est moi qui vous le dit. S’étant ouvert de son rêve à son pote Philippe Le Bel (pas encore Roy de France), Armand se fait convaincre par ce dernier que sa vision n’était justement qu’une vision, sans fondement sérieux. L’argumentation de Philou ne se montre toutefois pas aussi irréfutable que ce dernier le pensait, puisque l’on retrouve le lendemain le corps d’Armand suspendu dans la haie de Gruiller, comme s’il s’était jeté de sa fenêtre en contrebas. Le cadavre présente également de nombreuses lacérations, qui auraient pu être causées par des griffes ou par les épines du hallier, allez savoir. C’en est en tout cas fini de l’histoire d’Armand Carriere, le botaniste bohème, et de celle de Brian Craig, qui aura démontré une fois pour toute que le flower power n’est pas toujours aussi bénin qu’on le croit.

AVIS:

Les débuts de Brian Stableford, ici Brian Craig, dans la GW-Fiction présentent déjà les caractéristiques que l’on retrouvera dans ses contributions suivantes pour GW Books, Boxtree et même la Black Library. Un rythme posé, voire contemplatif (pour ne pas dire lent), une prose à la fois poétique et réfléchie, et la volonté de faire réfléchir ses lecteurs sur les grands principes et concepts sous-tendant l’univers dans lequel il fait évoluer ses personnages. C’est bien simple, le Vieux Monde n’apparaît jamais plus civilisé et raisonnable que sous la plume de Mr Craig, l’homme qui arriverait presque à banaliser les apparitions démoniaques (A Gardener in Parravon, The Winter Wind), et à respectabiliser la profession de Nécromancien (Who Mourns A Necromancer ?). Si cette nouvelle ne s’avère pas la plus réussie de ses soumissions à mes yeux – la faute à une absence de chute1 digne de ce nom – sa lecture s’avère tout aussi agréable que celle des travaux ultérieurs de notre homme. Une mise en bouche des plus satisfaisantes donc2.

1 : À moins que celle, littérale et fatale, d’Armand Carriere soit celle que nous attendions.

: Sache, fidèle lecteur, que je me suis retenu très fort de partir dans l’analyse psychanalytique de cette nouvelle, après m’être rendu compte que le rêve du héros peut être interprété de diverses façons lorsqu’on note que le pistil des fleurs de Gruiller arbore une forme phallique sans aucune équivoque (décrit dans le texte et repris dans l’illustration de la nouvelle). Je n’en dirai pas plus…

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The Star Boat – S. Baxter :

1

Art: Adrian Smith

INTRIGUE:

Alors qu’il buvait1 tranquillement dans une taverne de Norsca au retour d’une campagne victorieuse en Arabie, le farouche Erik the Were – à ne pas confondre avec le fantoche Eric the Woerth, un fameux alpiniste bretonnien – est abordé par un mystérieux étranger, qui souhaite s’attacher les services du lupin, à défaut d’être turlupin, mercenaire. Notre héros est en effet frappé d’une sorte de lycanthropie passive, se manifestant par une pilosité épaisse (ce qui lui a posé quelques problèmes dans son enfance) et la capacité, jamais utilisée à fond par le prudent Erik, de décupler ses forces en laissant libre cours à sa nature animale. Bien qu’ayant initialement refusé l’offre de cet intriguant et coassant mécène, Erik se rend le lendemain dans l’auberge où ce dernier réside, et apprend que Cotza – son nom – le Slann – son espèce – s’est lancé dans la quête d’un légendaire artefact remontant à la chute des portails polaires : un navire céleste (star boat) s’étant écrasé quelque part dans les Désolations du Chaos, à l’époque où elles étaient beaucoup moins désolées. Un peu réticent à l’idée de se mettre au service de Kermit, Erik finit toutefois par succomber aux trésors de persuasion de Cotza, qui l’envoie tout d’abord récupérer la carte indiquant l’emplacement exact de l’épave.

Le temps pour notre taciturne berserker de faire un aller-retour à Erengrad, où le parchemin en question est conservé dans le palais du gouverneur comme souvenir de la Grande Guerre contre le Chaos2, et les véritables préparatifs de l’expédition arctique peuvent commencer. Ayant recruté une petite armée de Nordiques pour l’emmener jusqu’aux côtes des Désolations, Cotza supervise la réalisation d’une sorte de roulotte isolée au mithril/gromril (métal magique réputé pour ses propriétés anti-chaotiques), et dotée de toutes les dernières options technologiques (GPS, climatisation, moteur 12 chevaux – de guerre – …), ce qui permettra à notre intrépide duo de se rendre sans trop de danger jusqu’au vaisseau en question. Le voyage aller se passe en effet sans trop de problème, les assauts d’une bande de Démonettes en maraude ricochant3 sur le blindage renforcé de la Kangoo de Cotza, et l’intrusion d’un Elémental d’air glacial et brutal dans l’habitacle du véhicule, permise par la trop grande porosité du système de ventilation, étant chaudement repoussée par les capacités de chauffagiste d’Erik.

Enfin, le mobil home s’arrête pile au dessus de l’épave, et le Slann et le Norse pénètrent dans le mythique vaisseau céleste. Leur exploration tourne toutefois rapidement court, lorsque Cotza décide de toucher au tableau de bord de ce qui semble être la salle des machines, et provoque des contre-mesures extrêmes de la part du Star Boat. Bilan : un bras arraché pour la grenouille impatiente, et un trou dans le toit de la roulotte tout terrain des aventuriers du pédalo perdu4. Heureusement qu’Erik est là pour ramasser et recoller les morceaux, son enchaînement garrottage + cautérisation du moignon cotzique sauvant la vie de l’amphibien, et son marouflage express de la toiture permettant à la paire d’échapper à une exposition prolongée à l’atmosphère délétère du Grand Nord. Il faut toutefois se résoudre à faire demi-tour sur ce constat d’échec, qui se retrouve agravé par la révélation que Cotza n’est finalement pas un vrai Slann (comme son incapacité à désactiver la protection du vaisseau céleste l’a fait supposer à Erik). La fourbe et veule grenouille s’avère être – tenez-vous bien – un paysan bretonnien, recruté contre son gré dans les armées du Roy Charles et ayant obtenu du mage de bataille servant dans l’ost royal une transmutation en Slann en échange de la remise d’un parchemin arcanique qu’il avait trouvé par hasard pendant un bivouac. Je ne parie que vous ne vous attendiez pas à cela. Moi non, en tout cas.

Le chemin vers la civilisation Norsca n’est pas une partie de plaisir pour Erik, malgré le retour des maraudeuses Slaaneshi, qui ont cette fois pensé à amener un minotaure avec elles, qui vient rapidement à bout du camping-car de Cotza, avant de s’en aller en rigolant bruyamment. L’homme triton ayant sombré dans l’apathie la plus profonde depuis sa mutilation – guère aidé dans sa convalescence par l’apparition d’une tête grotesque à l’extrémité de son moignon – Erik ne perd pas de temps à s’enquérir du bien-être de son commanditaire, et taille la route vers le Sud après s’être bibendum-mé de plaques de mithril. Hanté par des rêves et des visions interdits au moins de 18 ans, notre héros a également la malchance de se faire attaquer par une chimère constituée des chevaux utilisés pour tracter la Kangoo de fonction de Cotza, et de ce dernier (décidément toujours dans les bons coups). Poussé dans ses derniers retranchements par cette monstruosité mutante, Erik décide de laisser l’animal en lui prendre le dessus, ce qui lui permet de sortir victorieux de l’affrontement. Magie des latitudes nordiques, cet ultimate résulte de plus en la séparation de la partie humaine et de la partie lupine du mercenaire, qui revient donc au camp de base guéri de sa malédiction. Qui a dit qu’il ne se passait que des mauvaises choses dans les Désolations du Chaos ?

AVIS:

Récit d’aventures ambitieux par sa longueur (45 pages) et son approche du background de Warhammer Fantasy Battle, The Star Boat est une nouvelle qui mérite vraiment la lecture, même 30 ans après sa publication initiale. Bien que certains passages et détails n’aient pas résisté aux ravages du temps et des retcons du fluff, le choix de Baxter de traiter d’un artefact Slann perdu au milieu des Désolations Nordiques a contribué à « préserver » la pertinence de son propos. Si l’historique de WFB a beaucoup évolué au cours de ses décennies d’existence, la persistance des mythes entourant les Slanns/Anciens et la nature éminemment permissive des terres chaotiques, ou le hors-sujet est un concept inconnu, font de la lecture de The Star Boat une expérience moins étrange que celle d’autres antiques nouvelles, elles totalement et absolument démodées. Après tout, Bill King reprendra l’idée de l’aventure en rover dans le Grand Nord pollué du Vieux Monde dans sa série Gotrek & Felix : l’idée n’était donc pas si farfelue qu’elle peut paraître de prime abord.

Autre aspect de la nouvelle à mettre au crédit de l’auteur, son inventivité en termes d’intrigue. C’est bien simple, on ne sait jamais à quoi s’attendre dans ce périple nordique, ce qui est toujours appréciable pour le lecteur. Alors que d’autres soumissions du recueil Ignorant Armies sont bien plus linéaires et prévisibles dans leur déroulé, soit qu’il s’agisse de respecter un cahier des charges précis (Geheimnisnacht, la « mère » de toutes les nouvelles Gotrek & Felix), soit que l’auteur n’ait pas été très inspiré au moment de prendre la plume (Apprentice Luck, et dans une moindre mesure, The Reavers & the Dead et The Other), The Star Boat est très difficile à prédire, ce qui est une bonne chose !

On notera également que Baxter a bien pris la mesure du monde dans lequel il place son propos, convoquant aussi bien la Norsca que le Kislev, la Lustrie, l’Arabie, la Bretonnie et les Désolations du Chaos, ce qui sous-entend un sérieux effort de documentation de la part de notre homme, et est tout à son honneur.  De la même manière, et de façon plus métaphysique que géographique, le concept du Chaos est bien intégré et illustré dans la nouvelle, comme la fin peu ragoûtante de Cotza, premier (et probablement seul) personnage trans-racial de WFB, le démontre amplement. Cela peut sembler naturel de notre point de vue de lecteur de la Black Library, qui a la chance de pouvoir compter sur des cohortes d’auteurs expert ès-Chaos du fait de leur passif d’hobbyiste, mais en 1989, et comme il le révèle dans la chronique qu’il a consacré aux débuts de la GW-Fiction, Warhammer n’était qu’un univers de fantasy parmi d’autres, et tous les auteurs mis à contribution pour les premiers ouvrages de cette gamme n’ont pas pris le temps de potasser leur Realms of Chaos et Slaves of Darkness pour complaire à Pringle et Ansell. Bref, un texte intéressant à plusieurs chefs, que je conseille sans hésitation ni réserve aux lecteurs intéressés par une plongée dans les profondeurs mythiques de l’Oldhammer. Il y a bien pire, croyez-moi.

1 : Probablement le verre d’eau que tous les restaurateurs et taverniers sont obligés de servir gratuitement à quiconque en fait la demande, car notre homme n’est pas du genre à claquer sa paie en mojitos. 

2 : La nouvelle comporte, du fait de son grand âge, son lot de détails fluff incohérents avec le background canon. L’un d’entre eux est l’affirmation que ce serait le Gouverneur d’Erengrad qui aurait vaincu les armées chaotiques lors de la Grande Guerre contre le Chaos.

3 : Et pourtant, elles disposaient d’une épée tronçonneuse (dixit l’auteur en personne, je n’invente rien). Ah, la magie des cross-over…

4 : Les anciens Slanns n’étaient pas du genre à se contenter d’équiper leurs véhicules d’une simple alarme sonore.

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The Ignorant Armies – J. Yeovil :

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Art: Adrian Smith

INTRIGUE:

Depuis dix ans, date du sac du manoir familial, du massacre de ses occupants et de l’enlèvement de son jeune frère Wolf par le Champion du Chaos Cicatrice (qui s’appelle ainsi à cause de… son strabisme appuyé, évidemment), Johann von Mecklenberg piste la bande de sa Némésis, espérant toujours pouvoir tirer son cadet des griffes du pillard balafré. Accompagné par son taciturne et ironique (on le surnomme l’Homme de Fer) tuteur, Vukotich, le jeune noble a traîné ses guêtres chamarrées et sa crinière de feu – si l’on se fie à la vision de John Blanche de son sujet – d’un bout à l’autre du Vieux Monde, et vécut maintes pittoresques aventures au passage, sans pour autant parvenir à refaire son retard sur l’insaisissable Cicatrice. Jusqu’à maintenant tout du moins.

S’étant arrêtés pour la nuit dans une sombre forêt du nord de Kislev, les chasseurs, après avoir achevé l’un de leurs chevaux qui montrait quelques signes de faiblesse, tendent un piège à un quatuor de mutants peu discrets, envoyés par ‘Tris leur régler leur compte. Comme les 798.841 fois précédentes – en dix ans, on a le temps d’en fomenter des embuscades – Jojo et Vuko s’en sortent haut la main, bien que ce dernier ait perdu quelques points de vie au contact du sang contaminé (un scandale !) de l’homme crapaud qu’il vient de mettre en bouteille. Il en faut toutefois plus pour décourager notre paire de choc, Johann bricolant fissa un brancard de fortune pour permettre à son mentor de passer une convalescence relativement confortable au cul de leur dernier cheval. Que demande le peuple. Ayant appris de la bouche l’orifice facial du meneur des traînards, une ancienne connaissance (Andreas) du manoir des von Mecklenberg ayant abandonné ses études de taxidermie pour devenir Élu du Chaos à la suite de la descente de Cicatrice, que ce dernier se dirigeait vers le Nord et un mystérieux champ de bataille, Johann mène ses suivants (je compte le cheval qui aurait dû s’appeler Tsar – it’s complicated –  parmi ces derniers pour pouvoir user du pluriel) dans la direction indiquée, et finit par déboucher sur une plaine jonchée de cadavres en divers états de décomposition.

Un hameau se dresse, de façon incongrue, au milieu du charnier, qui ne peut être que le champ de bataille auquel le moribond a fait référence. Hêlant les habitants du lieu afin d’obtenir l’hospitalité pour la nuit, Johann fait bientôt la rencontre d’une troupe de lunatiques bigarrés mais très cordiaux, qui acceptent sans trop discuter d’accueillir les deux nouveaux-venus dans leurs cahutes. Le dîner qui s’en suit permet au baron déchu de faire la connaissance du Nain Kleinzack, autorité temporelle de la communauté, et dont le mandat de maire n’est en rien perturbé par l’épée qui le traverse de part en part (blessure de guerre). Ce dernier informe obligeamment ses hôtes qu’ils ont bien atteint le lieu où, chaque nuit, les armées du Chaos s’affrontent pour gagner la faveur des Dieux Sombres. L’endroit est un détour obligé pour les Champions avides de faire leur preuve, et il n’est donc pas étonnant que Cicatrice ait emmené sa bande y passer le weekend. Comme en témoigne le vacarme assourdissant qui s’abat bientôt sur le village, la légende est tout ce qu’il y a de plus fondée, et, si le sommeil ne vient pas facilement à nos héros cette nuit là (en même temps, difficile de faire venir la maréchaussée dans le Pays des Trolls pour faire constater du tapage nocturne), ils s’endorment avec la certitude que leur quête est sur le point de s’achever.

3

Art: Adrian Smith

Le lendemain, Johann et Vukotich accompagnent leurs bienfaiteurs à la surface, où ces derniers s’activent à piller les cadavres et à nettoyer le champ de bataille afin que les combattants du soir puissent s’entre-tuer dans des conditions décentes. Demandant à tout hasard à Kleinzack s’il aurait entendu parler de la bande de Cicatrice, dont les guerriers arborent un éclair rouge à travers le visage, les deux voyageurs ont la surprise d’entendre ce dernier leur proposer de les mener jusqu’au chef de guerre en personne. Et en effet, c’est bien cette vieille badingue de Cicatrice que Johann et Vukotich trouvent à l’agonie sur le pré, bien loin de sa prime et terrifiante jeunesse il faut bien le dire. Avant que la mort ne l’emporte (un suicide plein de classe démontrant que, malgré ses méfaits, notre homme avait le cœur sur, ou en tout cas dans, la main), le vieux Champion révèle à un Johann outré s’être fait cruellement navrer par le plus si innocent que ça Wolf. Ce dernier a en effet repris les rênes de la bande depuis deux ans, reléguant Cicatrice à une pré-retraite honorifique, qui s’est donc finie en eau de boudin.

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, J&V tombent dans l’embuscade tendue par Kleinzack et ses sbires, que Wolf a payé pour qu’ils leur remettent leurs indéfectibles poursuivants. Malheureusement pour le fourbe nain, son avidité le mènera à sa perte lorsque Johann parvient à se libérer de ses liens alors que le nabot était en train de lui faire les poches. Délesté de son épée au moment de sa capture, Johann se venge en faisant une « Roi Arthur » sur Kleinzack, lui empruntant l’épée qu’il avait en travers du thorax depuis toutes ces années, avec des conséquences fatales pour l’avorton. La nuit étant tombée entre temps, l’affrontement final entre les deux frères peut prendre place, et Johann fait bientôt face à son frangin, qui a acquis la plupart des caractéristiques de son animal totem depuis la dernière fois qu’il se sont vus, il y a dix ans.

Le combat entre les deux von Mecklenberg s’engage donc, tandis que Vukotich corrige les groupies de Wolf à grands coups de hache à l’arrière plan, et, alors que le nouveau chef de guerre semble insensible aux attaques fraternelles, Johann a soudain la bonne idée de viser l’épaule de son adversaire bestial. C’est là que la flèche qu’il avait tirée – comme une patate il faut bien le reconnaître – dix ans plus tôt au cours d’une chasse, avait atteint par erreur Wolf, et contraint ce dernier à retourner au manoir pour se faire soigner, juste au moment où Cicatrice frappait à la porte (pas de chance). Laissée sans traitement pendant une décennie, cette blessure, en tant que seul lien avec son passé « civilisé », constitue le point faible du Champion. Alors qu’il est sur le point de donner le coup de grâce à son frère, Johann est interrompu par le kill-bomb de Vukotich, qui se place sur la trajectoire de la lame et se retrouve prestement embroché. Pourquoi, me demanderez-vous ? Eh bien parce que l’altruiste mentor a un plan pour inverser la malédiction chaotique ayant transformé Wolf, mais doit pour cela donner de sa personne, et de son sang, plus précisément. S’étant littéralement saigné aux quatre veines tout en marmonnant les incantations consacrées, Vuko’ tombe raide mort, le devoir accompli. Décidément, il ne fait pas bon s’appeler Iron Man. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, un Wolf frais comme un gardon émergeant de la sorte de chrysalide magique s’étant refermée sur lui suite à ce rituel impromptu, et que Johann a défendue jusqu’à la levée du jour en bon grand frère protecteur qu’il est. Bref, si vous aviez encore besoin d’être convaincu que le don de sang peut sauver des vies, j’espère que vous êtes maintenant convaincus !

Ignorant Armies - 1

Art: John Blanche

AVIS:

Depuis son titre, d’une classe folle1 et d’un warhammerisme consommé (la véritable nature du Chaos n’apparaît pas à ceux qui se battent en son nom jusqu’à ce qu’il soit trop tard), jusqu’à sa conclusion heureuse-même-si-on-pourrait-arguer-qu-elle-n-est-pas-valide-d-un-point-de-vue-fluffique, The Ignorant Armies est une démonstration de ce qu’une nouvelle WFB devrait être. La quête décennale de Johann et de Vukotich à travers le Vieux Monde, sur les traces de l’insaisissable Cicatrice et sa bande de maraudeurs chaotiques, permet à Yeovil d’aborder tous les grands thèmes de l’univers de Warhammer : l’opposition/complémentarité entre l’ordre et le Chaos (depuis les ravages infligés par Cicatrice à l’Empire, dont il était un des défenseurs autrefois2, jusqu’au village du champ de bataille, « symbiote civilisé » opérant de concert avec l’anarchie de la mêlée perpétuelle qui sévit à sa porte), le grimdark héroïque3 (le cheval qu’on présente en détail avant de l’achever, faisant écho avec le sacrifice ultime de Vukotich à la fin de la nouvelle), l’étrangeté inquiétante et démente de l’univers (à peu près tous les habitants du village, avec des mentions spéciales attribuées à Kleinzack l’embroché et Mischa le polythéiste), sans oublier la nature proprement inhumaine et traître du Chaos, qui finit toujours par se retourner contre ses serviteurs. La description du terrible Cicatrice en vieillard défiguré par les mutations et laissé à l’agonie sur le champ de bataille est très intéressante de ce point de vue, mais l’accrochage avec Andreas en début de nouvelle tombe tout aussi juste.

En plus de faire carton plein sur le fond, Yeovil régale sur la forme, démontrant avec style et brio sa maîtrise de la nouvelle d’aventures. Son usage intelligent de flashbacks en début de récit donne l’impression au lecteur d’évoluer dans un roman de trois cents pages plutôt que dans une nouvelle de cinquante, en plus de donner une profondeur certaine à la traque de Johann et de son mentor. Plutôt à l’aise dans la mise en scène de combats, une composante essentielle du genre, dont il faut savoir user sans en abuser, Jack Yeovil donne au lecteur ce qu’il est en droit d’attendre à ce niveau, mais ce sont bien dans les scènes plus « calmes », qu’il s’agisse de descriptions ou de dialogues, que les talents de conteur de notre homme se révèlent les plus prenants et efficaces.

Lire cette nouvelle, c’est toucher au cœur battant, à la fois pourri et grandiose, du fluff de Warhammer Fantasy Battle, et s’il n’y avait qu’un texte de GW-Fiction à recommander au nouveau-venu désireux de prendre la mesure de cet univers si particulier, The Ignorant Armies serait probablement mon choix.

: Comme l’indiquent les trois vers placés par l’auteur au début de la nouvelle, cette dernière a également été inspirée par le poème ‘Dover Beach’ de Matthew Arnold (1867).

2 : Décidément, Archaon n’a rien inventé.

3 : La notion que les « gentils » ne peuvent triompher sans consentir à de lourds sacrifices, alors que les « méchants » arrivent généralement facilement à leurs fins.

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The Laughter of the Dark Gods – W. King:

4

Art: Bob Naismith

INTRIGUE:

Chassé de ses terres par les manigances de sa famille, le noble Kurt von Diehl, accompagné d’un Kislevite chétif nommé Oleg Zaharoff, s’enfonce dans les Désolations du Chaos à la recherche de la puissance nécessaire pour reconquérir son fief. Ayant délesté un guerrier du Chaos malchanceux de ses armes et armures sur la route du trône de Khorne, Kurt progresse chaque jour plus au Nord, combattant les bandes rivales et attirant de nouveaux suivants1 à sa bannière, tandis que les dons du Dieu du Sang remodèlent sa chair selon le bon plaisir de ce dernier. Bien que sortant vainqueur de tous les défis et toutes les batailles croisant sa route, Kurt constate, entre deux crises de démence homicidaire, qu’il est lentement mais sûrement en train de perdre la boule, alors que les souvenirs de sa vie précédente s’effacent les uns après les autres.

La fin arrive lorsque, arrivé à hauteur d’un carrefour à sens giratoire (tout est possible dans les Désolations du Chaos), Kurt s’engueule avec le général de l’ost dans lequel lui et ses serviteurs ont été assimilés. Entre Khorneux, la discussion débouche rapidement sur un affrontement en bonne et due forme, pendant lequel, malgré la puissance apportée par son arbalète laser (lootée sur un Wookie de Khorne – tout est possible dans…) et les pouvoirs régénérants de la grande bannière sur laquelle il parvient à mettre la griffe, Kurt finit tout de même par passer l’arme à gauche. Petite consolation, ou ultime déchéance, le méritant Kurt reçoit une dédicace de Big K. avant de mourir de sa belle mort, son enveloppe charnelle explosant pour donner naissance à un démon. Et paf, ça fait des Chocapics un Buveur de Sang. Ou une Gargouille, ce qui serait moins la classe. Tout est possible… En tout cas, ça fait bien rire ce crâneur de Khorne, pépouze sur son trône. Thank you, next.

AVIS:

Si vous vous demandiez ce à quoi s’occupent les champions, aspirants, et autres stagiaires des Dieux Sombres lorsqu’ils prennent la route du pôle, The Laughter of Dark Gods est la nouvelle parfaite pour vous. Si l’histoire narrée par King n’est pas des plus originales, elle a le mérite de décrire de façon imagée, dérangeante et éminemment sanguinolente la déchéance/ascension (ça dépend du point de vue que l’on prend) d’un guerrier ayant vendu, mis en gage ou prêté pour deux minutes – ce qui revient au même – son âme aux Dieux Sombres. Arrivé dans les Désolations du Chaos avec un projet clair, un fidèle camarade et une apparence que l’on suppose être normale, Kurt von Diehl2 finit son parcours avec des idées très embrouillées, un Skaven de compagnie et la flexibilité plastique d’un Mr Patate démoniaque. Tel est le destin des fous qui succombent aux promesses impies des Fab Four, et si cela va sans doute sans dire pour les lecteurs aguerris de la BL et les hobbyistes vétérans, il faut bien réaliser qu’au moment où King a soumis sa nouvelle, le sujet n’avait simplement pas été couvert du tout dans des textes de fiction.

The Laughter of Dark Gods est donc la pierre fondatrice sur lequel s’est élevé le cairn du corpus chaotique, et, devrait être en conséquence une des premières lectures que le nouveau venu dans les mondes « merveilleux » de GW devrait s’enquiller. Même si ce ne sera pas souvent le cas – pas facile de mettre la main sur une nouvelle publiée en 1989 – ce texte mérite le détour, ne serait-ce que parce qu’il a véritablement réussi à passer à la postérité, et conserve, trente après son écriture, toute sa pertinence et son intérêt. Combien peuvent s’en targuer ? S’il y avait un GW-Fiction Wall of Fame, nul doute que The Laughter… y figurerait en bonne place. Et ça, ça se respecte.

: Parmi lesquels on compte le Prince Deiter le Stable (ou the Unchanging en VO), un aristocrate maniéré mais mortel à l’épée – comme Kurt en fera l’expérience – parlant en vieux françois et rejoignant les rangs des groupies de Kurt Khorben après un millénaire à tergiverser en périphérie des Désolations. Comme quoi, on peut être Deiter et pas déter’. Tout est possible dans les Désolations.

2 : Un descendant de la lignée maudite des von Diehl, dont on croisera d’autres représentants dans une aventure de Gotrek & Felix (du même Bill King), ‘Wolf Riders’.

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Alors, trente ans après, quel jugement porter, et que retirer de ce tout premier recueil de nouvelles made in Games Workshop ? Comme vous pouviez l’imaginer, plusieurs de ces soumissions présentent un caractère suranné, pour ne pas dire daté, qui, s’il peut parfois avoir un certain charme, peut également s’avérer d’une lecture difficile. Les canons narratifs de la BL étant très différents de ceux de son illustre aîné, l’expérience pourrait dérouter le novice. Bien évidemment, le fait que David Pringle ait eu le luxe de mettre à contribution des auteurs confirmés, ayant pour beaucoup développé un style et une approche de la Fantasy propres, et pas forcément en ligne avec les desiderata de la maison mère, explique ce dépaysement. Comme la – relative – rareté de cet opus viendra empêcher qu’il tombe entre les mains de tous les lecteurs, et que ces derniers l’auront très probablement choisi en connaissance de cause, je ne considère pas cette étrangeté comme rédhibitoire, en tout cas pas quand elle se double d’une réflexion et/ou d’un effort d’écriture manifeste. Il est cependant des nouvelles pour lesquelles on comprend en quelques pages que leur auteur s’était mis en stylo automatique, et pour lesquelles on n’aura donc aucune pitié dans l’appréciation. Déjà à l’époque, le cachetonnage pour raisons alimentaires existait, comme l’article de Steve Baxter (un des auteurs dont je pense qu’il a vraiment joué le jeu, à l’inverse) le souligne bien. Cela n’a pas empêché tous les contributeurs de cette anthologie d’avoir fait carrière en tant qu’écrivain – tant mieux pour eux – et il est assez drôle de constater que, si King est probablement l’auteur dont le nom aura le plus de chances d’être familier aux habitués de la BL, sa reconnaissance par le « grand public » de la littérature de genre est au contraire beaucoup plus faible que celle de ses petits camarades (à la niche, le Bill !).

La querelle des Anciens contre les Modernes évoquée et vidée, on peut reconnaître à Ignorant Armies des textes de qualité, si on les compare aux standards actuels de la Black Library. Bien sûr, Geheimnisnacht et The Laughter of the Dark Gods en font partie, ce qui n’est guère étonnant car on peut leur attribuer – en partie – la paternité du « BL-style ». The Star Boat  et Ignorant Armies, les deux nouvelles majeures (en termes de longueur) du recueil, méritent également une lecture, leurs auteurs ayant bien réussi à capter l’atmosphère de Warhammer dans leurs écrits, en plus de proposer des intrigues intéressantes. The Other et A Gardener in Parravon constituent des expériences assez agréables, même si pas transcendantes, et permettent d’appréhender une Fantasy très différente de celle qui finira par faire école chez Games Workshop. Il n’y a guère que The Reavers & the Dead et Apprentice Luck qui, à mon humble avis, ne s’avèrent pas très intéressantes à lire (facteur mon-dieu-ça-ne-ressemble-à-rien-de-ce-que-j-ai-pu-lire-avant évacué).

Autre point notable, et qui dénote du souci de GW de bien-faire, les illustrations pleine page dont le recueil bénéficie (au moins sous son édition GW Books) sont un plus très appréciables. Là aussi, on se retrouve parfois face à des visions d’artistes pas vraiment warhammeresque dans l’esprit et avec le recul (ma préférée restant celle de Geheimnisnacht, avec un Gotrek imberbe et baveur), mais pour certaines de remarquable qualité, et qui agrémentent agréablement la lecture.

Bref, le bilan est plutôt positif pour cette vieillerie (terme affectueusement utilisé ici, l’auteur de ces lignes étant quasiment aussi ancien que l’ouvrage qu’il chronique), que je place certainement dans le top 5 des meilleurs recueils de nouvelles WFB publiés par GW depuis l’origine. Il sera intéressant de comparer les qualités et lacunes d’Ignorant Armies avec celles de ses « frères et sœurs » de rayonnage (Wolf Riders, Red Thirst, et Deathwing), quand cela nous sera possible. D’ici là, bonnes lectures à tous, et à bientôt pour de nouvelles aventures !

REALM OF CHAOS [Recueil WFB]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles Realm of Chaos, publié en 2000 par la Black Library et proposant 12 courts formats plutôt centrés sur l’Empire, Kislev et Marienburg (9/12).

Realm of Chaos

Parmi les soumissions dignes d’intérêt, la doublette consacrée par Andy Jones à ses croquignolesques Maraudeurs de Grunnson (Grunnson’s Maraudeurs; Paradise Lost) justifie à elle seule l’achat du bouquin. Dans la même veine sérialisée, la double ration de Bande de Badenov (The Hounds of Winter; Dark Heart) est beaucoup plus quelconque. Enfin, l’inusable Gavin Thorpe nous gratifie du premier texte de la série Time of Legends, sans doute sans en avoir conscience, une bonne décennie avant que le concept ne soit lancé par les pontes de la BL (Birth of a Legend). Quel homme.

Realm of Chaos

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Birth of a Legend – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Birth of a Legend relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.

2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS:

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour Aenarion, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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The Hounds of Winter – J. Green:

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INTRIGUE:

Alors qu’ils étaient tranquillement attablés dans une auberge du Nord du Kislev, Badenov et sa fine équipe sont interrompus en pleine beuverie par Radagast le Brun (comprendre, un sorcier d’Ambre un brin exubérant), qui les avertit que leur lieu de villégiature va bientôt subir l’assaut d’une bande de guerriers du Chaos. Ce qui ne manque pas de se produire (le contraire eut été étonnant). Cependant, conjonction astrale et lieu de pouvoir obligent, nos mercenaires vont participer à une bataille des plus singulières. Qui a mis le mode replay ?

AVIS:

En tant que membre déclaré du non fanclub de Jonathan Green et de Badenov et Cie, je n’attendais pas grand-chose de The Hounds of Winter. À raison. Le peu de pages consacré par l’auteur à cette péripétie mineure (la preuve : personne ne meurt1 chez les gentils) du cycle The Dead and the Damned ne présente en effet ni saveur ni valeur ajoutée.

C’en est tellement fade qu’on en regretterait presque l’absence de vrais beaux gros défauts dans le style de Green, qui s’il ne brille guère par son originalité, démontre toutefois qu’il sait écrire des nouvelles à peu près passables. Bref, le pire scénario possible pour un chroniqueur, puisqu’il n’y a vraiment pas grand-chose à dire, en bien comme en mal, sur ce The Hounds of Winter. À lire et à oublier, ou à oublier de lire. Les deux fonctionnent.

1 : Bon, il y a bien cette fouine d’Oran qui se fait taser par un spectre en pleine baston, mais ça ne compte pas puisqu’il se réveille comme une fleur à la fin.

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Hatred – B. Chessell:

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INTRIGUE:

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS:

Hatred s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier Hatred, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Grunnson’s Marauders – A. Jones:

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INTRIGUE:

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS:

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce Grunsonn’s Marauders, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil Realm of Chaos dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que Lord of the Ringards, Bilbo the Postit ou encore La Der des Etoiles. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, Grunsonn’s Marauders est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Doorway Between – R. Davidson:

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INTRIGUE:

Frantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS:

The Doorway Between est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, The Doorway Between aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Mormacar’s Lament – C. Pramas:

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INTRIGUE:

Fait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS:

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, Mormacar’s Lament est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Blessed Ones – R. Kellock:

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INTRIGUE:

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS:

The Blessed Ones aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dark Heart – J. Green:

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INTRIGUE:

Ayant décidés d’abandonner le Kislev pour tenter leur chance sous des cieux plus cléments, Badenov et sa bande de mercenaires se retrouvent entraînés dans une sombre histoire sur la route de Bechafen. Il semblerait en effet qu’un ancien mal soit en passe de se réveiller dans le petit village d’Ostenwald, forçant notre fine équipe à unir ses forces avec celles d’un jeune noble dont la fiancée vient de succomber à une crise d’anémie aigüe. Vampire, vous avez dit vampire ?

AVIS:

Dans la série des aventures de Torben Badenov et de sa fine équipe de bras cassés, Dark Heart fait figure d’épisode central, car il permet à Green d’introduire le personnage de Pieter Valburg, qui rejoindra la bande à la fin de la nouvelle. J’ai une affection toute particulière pour Pieter, car il n’aura de cesse de miner l’autorité de Badenov auprès de ses comparses, en faisant éclater au grand jour la stupidité crasse et l’amateurisme décomplexé qui caractérisent le « héros » de la série The Lost and the Damned. S’il n’est encore qu’un personnage de second plan dans Dark Heart, Herr Valburg y fait néanmoins des débuts remarqués, et s’affirme d’ores et déjà comme le membre le plus important de la bande, après Badenov bien sûr.

Dark Heart donne également l’occasion à Jonathan Green de dérouler le grand jeu, en gratifiant ses lecteurs d’une narration à double point de vue (celui des mercenaires de Badenov, et celui du vampire comateux traqué par ces derniers), ainsi que d’un petit twist final, deux extras que l’on prendra soin d’apprécier à leur juste valeur (relative hein, parce que dans l’absolu, on est loin du chef d’œuvre).

Malheureusement, ces éléments positifs sont largement marginalisés par le monceau d’approximations, d’incongruités et de carabistouilles que nous sert un Green résolument hermétique à toute tentative de livrer un récit un tant soit peu cohérent à son public. Des villageois courant aussi vite que des chevaux lancés au galop à la décision d’aller affronter un vampire de nuit dans son antre, en passant par l’incroyable capacité de l’auteur à livrer deux versions totalement différentes du même évènement à quelques pages d’intervalle1, ou encore la brillante idée qu’à Badenov d’aller enquêter dans un village dont lui et ses potes viennent de massacrer tous les hommes valides sur un gros malentendu, c’est à un festival d’inepties auquel lecteur a droit. Et dire que ça aurait presque pu être correct…

1 : Le vampire d’Ostenwald a-t-il été originellement vaincu par 1) une troupe de paysans enragés, ou 2) une bande d’aventuriers menés par un prêtre de Sigmar ? Le mystère est encore entier.

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The Chaos Beneath – M. Brendan:

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INTRIGUE:

À la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS:

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. The Chaos Beneath n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de The Chaos Beneath. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Paradise Lost – A. Jones:

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INTRIGUE:

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS:

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, Paradise Lost est une soumission sensiblement supérieure à Grunsonn’s Maraudeurs, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, Paradise Lost n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Wolf in the Fold – B. Chessell:

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INTRIGUE:

Le sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS:

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans Wolf in the Fold n’est pas aussi aboutie que son Hatred, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre Hatred et Wolf in the Fold, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si Hatred possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, Wolf in the Fold se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Faithful Servant – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Au sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS:

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (Slaves to Darkness). The Faithful Servant, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, The Faithful Servant tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), The Faithful Servant est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

HAMMER & BOLTER [N°17]

Bonjour et bienvenue dans la chronique du numéro 17 de Hammer & Bolter! Au menu aujourd’hui, un hors d’œuvre de Counter, une entrée de McNeill, un plat de résistance signé Josh Reynolds, et une petite Thorperie en guise de dessert (c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans fin). Les plus observateurs parmi vous auront noté que le tandem infernal Vincent/Abnett n’a pas contribué à cette publication (tout le monde a le droit à ses vacances après tout), ce qui, très honnêtement, ne me semble pas augurer du pire pour la qualité générale de l’ouvrage. Mais je m’avance…

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Vermilion – B. Counter [40K] :

VermilionToujours engagé dans sa période (Imperial) Fists & Fils, Ben Counter livre avec Vermilion un petit stand alone assez surprenant. Si le style du créateur des immortels (mais néanmoins disparus) Soul Drinkers imprègne sans hésitation possible les 15 pages de ce récit, l’objectif poursuivi par l’auteur dans cette courte nouvelle ne saute pas aux yeux, ce qui étonne de la part d’un contributeur (habituellement) aussi « carré » que Counter1.

Notre histoire débute dans les ruines fumantes d’une station de recherche de l’Ordo Xenos, quelque part dans le Nord Est galactique. Prévenu d’une attaque du complexe scientifique par l’Inquisitrice Carmillas, l’Archiviste Deiphobus débarque avec quelques copains pour apprendre les bonnes manières aux xenos responsables de ces troubles du voisinage. Manque de bol, comme les carabiniers d’Offenbach, les jaunards arrivent trop tard pour interrompre la baston, et ne peuvent que constater l’extermination de tous les occupants de la station (Carmillas comprise). Seul survivant de cette empoignade, un unique xenos est ramené sur le vaisseau des Imperial Fists pour y subir des interrogatoires psychiques de la part de Deiphobus.

La suite de la nouvelle est principalement consacrée à l’exploration de la psyché du prisonnier des Fists par un Deiphobus assez imaginatif dans ses méthodes. Chaque « plongée » dans l’esprit de l’homme-pruneau (car c’en était un) donne ainsi l’occasion à notre héros de prendre une forme différente, afin de percer les défenses mentales du xenos. Barge de bataille, scout Space Marine ou missionnaire impérial, Barba-phobus ne rechigne pas à donner dans le transformisme lors de ses séances de trekking à l’intérieur du cerveau de son captif. Chaque expédition lui révèle de nouvelles pièces du puzzle, jusqu’à ce que la lumière se fasse sur les causes de l’attaque de la station.

Ayant obtenu le fin mot de l’histoire, Deiphobus fait son rapport au Seigneur Inquisiteur Vortz, lui laisse le xenos pour qu’il puisse faire mumuse avec, et s’en va en jouant de l’harmonica dans le soleil couchant, juché sur les épaules du fidèle sergent Ctesiphon. La nouvelle se termine par une signature de bail psychique entre Deiphy et Carmillas, la première (ou ce qu’il en reste, tout du moins) acceptant de mettre un peu d’ordre dans les souvenirs de l’Imperial Fist2. Le lecteur est laissé seul juge de la manière d’interpréter cette bien étrange conclusion, que l’on peut mettre au crédit soit d’un soudain penchant de Counter pour la métaphore larmoyante, soit de la volonté du même Counter de présenter à son lectorat un pouvoir psychique jusque-là inconnu des psykers impériaux. You choose.

Au final, Vermilion se révèle être assez différent du reste de la bibliographie SM-esque (essaimesque ?) de Ben Counter, cette nouvelle manquant à mes yeux de l’axe directeur fort présent dans tous les autres travaux de l’auteur. Le huis clos entre Deiphobus, son prisonnier et le fantôme de Carmillas, qui occupe la majeure partie du récit, ne semble ainsi avoir d’autre fonction narrative que de permettre à Counter de décrire avec l’imagination qu’on lui connaît les tribulations mentales d’un psyker en terrain hostile. Le fait que le psyker en question soit un Space Marine mène le lecteur à penser que ces séances d’interrogatoire déboucheront forcément sur un final musclé, au cours duquel Deiphobus et ses sous-fifres casseront du xenos afin de venger le trépas de l’Inquisitrice, développement archétypique de l’histoire de marounes de la BL (genre dont Counter est l’un des fers de lance). La direction différente que Ben choisit d’emprunter en conclusion de son récit constitue donc une surprise, qui, si elle ne peut pas être qualifiée de mauvaise (une nouvelle de SM qui se termine sans effusion de sang ? J’achète !), n’est pas superlative non plus, le final manquant de maîtrise comme d’intérêt.

Vermilion, étude littéraire plutôt que nouvelle totalement finie ? Et pourquoi pas ? Ce ne serait pas la première fois (ni la dernière, je gage) qu’un texte assez peu travaillé a été publié dans Hammer & Bolter.

 1 : Nik Vincent et Dan Abnett ayant fait un break dans l’écriture de leur feuilleton halluciné, et la nature ayant, comme chacun sait, horreur du vide, je me plais à penser que les errements rougeâtres de Counter ont été causés par l’impérieuse nécessité de proposer au lecteur de Hammer & Bolter sa dose de prose cryptique mensuelle.

2 : Ce faisant, l’Inqusitrice devient l’archiviste d’un Archiviste. Mind blown.

The Iron Without – G. McNeill [40K] :

The Iron WithoutAuteur Iron Warriors par excellence, Graham McNeill donne avec The Iron Without un nouveau chapitre à la tentaculaire saga du Warsmith Honsou, Nemesis autoproclamée de l’autre personnage majeur du Grahamivers, j’ai nommé le Capitaine Uriel Ventris des Ultramarines. Les meilleures choses finissant toutefois par lasser, la présente nouvelle ne met au premier plan ni le diabolique sang de bourbe rouille de la IVème Légion (bien que ce dernier y apparaisse néanmoins, accompagné de sa clique de side-freaks), ni le vertueux Schtroumpf Paladin (cette vieille baderne psychorigide de Learchus viendra tout de même faire le coup de feu en fin de récit), mais le brave Soltarn Vull Bronn, alias The Stonewrougth, Mozart de la géologie militaire et prodige de la conduite de siège en environnement pierreux. Pour des raisons de simplicité, nous l’appellerons désormais Yves (pour Yves Rocher1).

The Iron Without commence bien mal pour Yves, enseveli qu’il est sous quelques tonnes de gravats. Passablement amoché par toute cette caillasse, et bien incapable de bouger, notre malheureux héros a tout le temps de se demander ce qu’il a fait pour mériter un si triste destin, lui le légionnaire modèle, la coqueluche de Perturabo ! Et à la réflexion, Yves finit par mettre le doigt (façon de parler, il ne lui en reste plus guère) sur le nœud du problème : cette enflure de Honsou, dont les directives semblent n’avoir pas pris en considération la survie de l’armée que ce dernier a amené sur Calth (après l’avoir gagnée chez la Mamie Loto du Maelström, j’ai nommé ce vieux Huron Blackheart2).

La suite, et le gros, de la nouvelle, est l’occasion pour McNeill de dérouler un petit flashback des familles, destiné à mettre en lumière les évènements ayant mené Yves au triste état qui est le sien. Arrivé sur Calth dans les bagages de Honsou, notre héros s’est vu confier par son boss l’insigne honneur de commander l’armée Iron Warriors à la victoire contre ces planqués d’Ultramarines, pendant que le Warsmith et sa garde mystérieuse partaient looter en lousdé quelque artefact mystique loin du front (ne m’en demandez pas davantage à ce sujet, je n’ai pas lu Invasion of Ultramar, qui relate en détail les péripéties non couvertes dans The Iron Without). Malgré sa science de la fortification, les hordes de mercenaires assoiffés de sang qu’il a à sa solde et les innombrables machines sur lesquelles il peut compter, Yves et ses grouillots finissent éclatés dans les grandes largeurs, victimes de la supériorité stratégique de l’alliance Ultramarines – Raven Guard leur étant opposé. Seule consolation pour notre malchanceux protagoniste, il croit apercevoir l’increvable Honsou s’éclipser dans le chaos de la bataille juste avant que Learchus ne vienne transformer le Stonewrought en Splashedbrain. Vae Victis !

Même s’il est préférable de lire cette nouvelle à la suite du roman Invasion of Ultramar, auquel elle donne un nouvel éclairage que je devine être intéressant, McNeill mène sa plume avec suffisamment de brio pour permettre à tous ses lecteurs de retirer quelque chose de The Iron Without. Les non-initiés à l’épopée Honsou-enne y trouveront une histoire de Space Marines contenant assez d’éléments fluffiques et d’action musclée pour satisfaire leurs coupables penchants, les autres pourront y retrouver quelques têtes connues, et bénéficier d’une vision plus macroscopique de l’anéantissement de l’armée chaotique sur Calth. Tout bénef’.

The Iron Without s’avère donc être une contribution solide, à la fois à la bibliographie de McNeill, mais également à la littérature 40K-esque en général. Pour ma part, la seule ombre au tableau serait les nébuleuses explications avancées par McNeill pour justifier la montée en première ligne de Honsou, tout prêt à mener une charge suicide en compagnie d’esclaves terrassiers pour prouver à ses hommes qu’il possède bien les douilles3 en acier trempé faisant de lui un digne (beau) fils de Perturabo4. À quand le sans-faute, Graham ?

1 : C’était ça ou Roch Voisine, je vous ai évité le pire.

2 : Pour plus d’information sur ce passage mémorable de la geste de Honsou, se reporter à la nouvelle Skull Harvest.

: Oui, les douilles. C’est un Iron Warrior après tout.

4 : « Bon, je vais aller m’exposer inutilement en première ligne afin de montrer aux gars que j’en ai dans le falzar, et que c’est moi le boss. Ceci dit, je sais pertinemment que rien de ce que ne pourrais faire ou dire ne pourra jamais les convaincre que je suis autre chose qu’un parvenu. Il est donc nécessaire que j’aille montrer ma lune à l’artillerie des Ultramarrants, même si cela ne servira absolument à rien. »
« C’est brillant maître. »

« N’est-ce pas ? »

« Je parlais de votre jeu de douilles, pas de cette idée complètement débile. »

« … »

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Stromfel’s Teeth – J. Reynolds [WFB] :

Deuxième volet de la série de nouvelles consacrée à Erkhart Dubnitz, et à travers lui au très humble et très violent Ordre de Manann, Stromfel’s Teeth permet à Josh Reynolds de poursuivre sa visite guidée de la plus célèbre, la plus riche, la plus corrompue et la plus humide cité-Etat du Vieux Monde. Et au petit jeu du « et si Marienburg m’était contée », force est de constater que Herr Reynolds fait tranquillement la course en tête, sa plume donnant vie aux quartiers et aux habitants du cru avec une aisance et une justesse fluffique dignes d’être notées (et appréciées).

Marienburg, l’après-midi de la veille de Mitterfruhl (l’équinoxe du printemps du monde de Warhammer). Alors que les citadins vaquent tranquillement à leurs occupations, deux évènements sont sur le point de pourrir le groove de l’empereur. Le premier est l’arrivée d’une tempête assez costaude depuis la Mer des Griffes (ce qui n’est jamais une bonne nouvelle quand on a du linge étendu à sécher dehors). Soit. Le deuxième est l’arrivée de Street Sharks assez affamés dans la place, qui se solde immédiatement par une panique monstre et des morts en pagaille. Pas glop.

Sommés d’agir par les autorités compétentes, Dubnitz et ses condisciples, menés par l’inénarrable Dietrich Ogg (Grand Maître manchot, brutal et obséquieux – car non ces trois termes ne sont pas antinomiques – de l’Ordre de Manann), se lancent à la poursuite des quatre fils du docteur Bolton1, avec des résultats concluants malgré quelques pertes du côté des templiers. Dépêché en renfort de la garnison du temple de Manann, assiégé par une foule aussi bienveillante et ouverte d’esprit qu’un bataillon de partisans de Donald Trump défoncés à la bière en goguette dans un Chipotle, Dubnitz croise la route d’une ancienne connaissance (Esme Goodweather, prêtresse de l’Ordre de l’Albatros, déjà croisée dans Dead Calm), dont les tours de passe-passe et l’intuition salutaire2 permettront à l’enquête menée par notre jovial héros d’être bouclée rapidement et (presque) proprement. On ne change pas une équipe qui gagne.

Stromfel’s Teeth est la confirmation des débuts prometteurs du moins australien des Reynolds de la Black Library dans le sous genre, assez délicat à manier (demandez à Sarah Cawkwell), de la nouvelle sérialisée. Dans la droite ligne de ce que C. L. Werner avait réussi à faire avec son personnage de Brunner, Josh parvient à faire vivre à ses personnages récurrents des aventures rythmées, prenantes et bien construites, en n’oubliant ni de faire évoluer ces derniers d’un opus à l’autre (on apprend ainsi en cours de récit que Dubnitz et Goodweather ont eu une liaison qui s’est mal terminée entre Dead Calm et Stomfel’s Teeth), ni d’incorporer de nombreuses informations fluffiques plus ou moins importantes mais toujours à propos et en cohérence avec le background canonique. Le petit plus de Reynolds par rapport à son illustre aîné est qu’il parvient même à franchement tirer sur la veine humoristique, la truculence de son héros débouchant sur quelques dialogues particulièrement savoureux (1/2). Ca aura pris plus d’un an, mais les « Hot New Talents » promis en ouverture du premier numéro de Hammer & Bolter ont enfin trouvé leur chef de file.

: Le plus drôle étant que le personnage se révélant le plus efficace dans la traque des hommes requins est un look-alike du Dr Paradigm.

2 : Détective en chef de Marienburg : « Hmmm, une affaire compliquée c’est certain. Nous n’avons pas la moindre piste pour remonter à l’origine de cette soudaine épidémie squalide. »

Dubnitz : « J’aurais dit carcharodienne. »

Détective en chef de Marienburg : « Les deux sont tolérés, mais venons-en au fait. – inspecte le cadavre de Ripster – L’individu ne portait rien d’autre qu’un pantalon rapiécé et une sorte d’amulette taillée dans une dent de requin et portant le symbole de Stromfels autour du cou. Fascinant… »

Dubnitz : « Quoi donc ? »

Détective en chef de Marienburg : « Je viens de réaliser à l’instant que la somme des chiffres composant les nombres divisibles par neuf est elle-même divisible par neuf. C’est extraordinaire… mais malheureusement sans la moindre utilité pour le cas qui nous intéresse. Je crains fort qu’il ne nous faille classer ce dossier. »

Dubnitz : « C’est regrettable mais puisque l’enquête se retrouve dans un cul de sac… Ça nous laissera plus de temps pour essayer de la mettre la main sur cet individu louche qui a été vu en train de distribuer des colifichets tout à fait similaires à celui que le suspect avait sur lui au moment où il s’est transformé en requin. Deux affaires tout à fait distinctes, bien sûr. « 

Goodweather : « Vous allez rire, mais j’ai peut-être une idée… »

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Knight of the Blazing Sun – J. Reynolds [WFB] :

Knight of the Blazing SunOn ne se lasse pas des bonnes choses. C’est ce qu’ont dû se dire les éditeurs de Hammer & Bolter en choisissant de faire suivre une nouvelle de Josh Reynolds… par un extrait de Knight of the Blazing Sun, roman signé par le même gaillard.

Là encore, nous nous retrouvons en terrain connu, puisque le personnage de la première partie du chapitre livré en pâture aux insatiables lecteurs de la BL n’est autre qu’Hector Goetz, déjà mis en avant dans The First Duty (Hammer & Bolter #6). Et si l’autre héros templier de Josh n’a pas la faconde ni l’expérience de sa contrepartie Manannite1, Herr Goetz ne manque certes pas de ressources, à commencer par un talent certain au maniement des armes, qui lui permet de se farcir un Chef de Guerre Orque Noir en (quasi) solo, quand Erkhart Dubnitz est bien en peine de gourmander un pauvre petit homme requin de rien du tout sans manquer de se faire arracher la tête. Ajoutez à cela un pédigrée certes mystérieux mais apparemment de haute volée (selon les dires de son propre Hochmeister, Goetz serait l’héritier de la province perdue du Solland/Suddenland), et pour finir une volée de flèches décochée par des gobelins revanchards, et vous obtiendrez un portrait assez fidèle du protagoniste de Knight of the Blazing Sun, personnage pas vraiment mémorable mais pas désagréable non plus, ce qui constitue un point de départ honorable pour un roman de la BL.

Plus intéressant est le parti pris choisi par Reynolds de relater une bataille mettant aux prises l’armée de Wolfram Hertwig, comte électeur de l’Ostermark, à une Waaagh ! quelconque mais très remontée, depuis le point de vue d’un escadron de chevaliers impériaux2. Qu’il s’agisse de décrire l’attente tendue en réserve du gros des forces impériales, la transmission – loin d’être évidente – des ordres du commandement à cet escadron excentré de la ligne de bataille, l’impact d’une charge de cavalerie (en insistant bien sur le fait que, comme sur la table, ce sont les chevaux qui font le gros du boulot), ou encore la situation précaire d’une unité de cavalerie d’élite de cinquante hommes encerclée de toutes part par de l’infanterie, même basique, une fois l’élan de sa charge dissipé, Josh Reynolds réussit à donner à son récit une patine de crédibilité, sans oublier de donner à ses lecteurs quelques scènes de combat distrayantes à défaut d’être mémorables.

La deuxième partie du chapitre, qui débute après que Goetz ait été initié aux joies de l’acuponcture gobeline par les archers de compagnie du Big Boss qu’il venait juste d’étendre, transporte le lecteur sur les rivages de la Mer des Griffes, où un n-ième Hochmeister de l’Ordre recueille une prophétie à part égale funeste et difficile à interpréter de la bouche de l’oracle de Myrmida du cru. Nul doute que cette conclusion sibylline fait parfaitement sens un peu plus tard dans le roman, et le procédé du « tu comprendras plus tard » utilisé par Reynolds n’est pas vraiment rédhibitoire au plaisir de lecture, pour peu qu’il soit étayé par une mise en contexte postérieure suffisamment bien faite pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim. Abnett fait ça très bien (voir l’extrait de Prospero Burns de Hammer & Bolter #1), et il n’y a aucune raison de penser que Josh Reynolds ne soit pas capable d’en faire de même. Ce teaser de Knight of the Blazing Sun remplit donc sa fonction, et ne manquera pas je gage de faire gagner quelques nouveaux fidèles à Reynolds. De ce que l’ai pu lire du bonhomme jusqu’ici, c’est tout à fait mérité.

1 : Ca fait mieux que Manannaine, non ?

2 : Le fluffiste impérial ne manquera pas de noter l’ironie que constitue l’inclusion d’une force de chevaliers dans l’armée d’Hertwig, dont le principal fait d’arme consistait (avant la Fin des Temps) à avoir mené son ost au massacre du fait de son inexpérience et de sa farouche volonté de ne pas laisser le commandement des forces impériales au Grand Maître Kessler.

The Lion (part I) – G. Thorpe [HH] :

The LionÀ la suite de la première (et peu concluante) tentative des éditeurs de Hammer & Bolter d’aborder le format de la longue nouvelle (une cinquantaine de pages au lieu de la vingtaine constituant le mètre étalon de la maison) via la soumission par Andy Smillie de son assez quelconque Beneath the Flesh (Hammer & Bolter #15/16), c’est au tour du Gav de se frotter à la novella, cet entre-deux indéfinissable entre la nouvelle et le roman. Et avant même de débuter la lecture de ce The Lion, force était de constater que Thorpe abordait l’obstacle dans des conditions bien plus favorables que son prédécesseur, tant au niveau de l’expérience (plus de 20 ans de maison) que du sujet (Lion El’Jonson, sa vie, son œuvre) et de l’univers (l’Hérésie d’Horus). Cela étant dit, la tendance de Gavin à se contenter du strict minimum en matière de storytelling incitait également à la circonspection, et c’est ainsi que j’abordais cette première partie sans a priori d’aucune sorte.

Prenant la suite de l’affrontement entre les deux self-made Primarques sur Tsagualsa (épisode narré dans le Savage Weapons d’ADB), dans le cadre de l’affrontement larvé entre Dark Angels et Night Lords, Thorpe centre logiquement son propos sur la Première Légion et sur Lion El’Jonson, tout à la fois frustré par l’impossibilité de mettre un terme à la croisade de Thramas et de se porter au secours de Terra, et travaillé par la déclaration du Night Haunter à propos de la loyauté vacillante des Dark Angels restés sur Caliban.

La réception d’une demande d’assistance émise par la garnison d’un complexe isolé de l’Adeptus Mechanicum (eh oui, encore un!) localisé dans le système de Perditus vient tirer le Lion de la bouderie contemplative dans laquelle il s’était plongé depuis la tentative de strangulation dont il avait fait les frais de la part de ce coquin de Kurze. Ni une ni deux, Jonson décide de se rendre sur place à la tête d’un contingent d’une taille plus que respectable (30.000 légionnaires tout de même), afin de s’assurer que le secret détenu sur Perditus ne tombe pas entre de mauvaises mains, Iron Warriors, Iron Hands et Death Guard ayant été repérés en train de rôder dans les environs.

Le gros de la première partie de The Lion décrit donc le voyage de l’Invincible Reason et de son escorte vers le système de Perditus, odyssée pimentée par la prise en filature du vaisseau amiral des Dark Angels par un mystérieux poursuivant, phénomène normalement impossible du fait de la nature particulière du Warp. Soucieux de préserver la confidentialité de son arrivée, Lionel parvient à attirer son poisson pilote dans l’univers réel pour une petite explication de texte, qui se solde au final par l’invasion de l’Invincible Reason par une flopée de démons pas vraiment concernés par les désirs d’intimité des DA. Too bad. Le rideau retombe au moment où Jonsy (à ne pas confondre avec Jónsi, bien que les deux partagent la même coquetterie à l’œil droit) s’apprête à aller coller quelques baffes aux séides des Dieux Sombres afin de leur apprendre à respecter la propriété d’autrui. Non mais.

Malgré quelques longueurs dans son déroulement, The Lion s’est révélée être une lecture assez agréable, même si Gav ne parvient pas à rendre une copie du même niveau que Dembski Bowden, dont les nouvelles Savage Weapons et Prince of Crows restent à mes yeux les deux must read pour tous les amateurs de l’Horésie d’Hérus (j’invertis des lettres si je veux) intéressés par la guéguerre entre paloufs et rogues. On peut d’ailleurs tout à fait considérer que la soumission de Thorpe comme un side event de la croisade de Thramas, El’Jonson prenant un break bien mérité après trois années de cache-cache avec les Night Lords pour accomplir une quête annexe, sans que la VIIIème Légion n’intervienne de manière significative dans l’intrigue.

En choisissant de faire d’un Primarque le personnage principal de son propos (même si le Sénéchal Corswain tente également d’exister aux côtés de son père génétique), Gawin prenait le risque de ne pas rendre justice à cette figure surhumaine, trop souvent décrite comme un simple super Space Marine dans les œuvres romancées de la Black Library. Je dois reconnaître qu’il s’en est plutôt bien tiré, en grande partie grâce à la description en clair-obscur qu’il fait de son héros, dont les motivations comme l’allégeance finissent par apparaître bien plus floues que ce que son image de loyaliste radical laissait à penser. Méfiant jusqu’à la paranoïa, faisant preuve d’un goût prononcé pour l’isolation (certains diront pour la bouderie), ne supportant pas la contestation de la part de ses subalternes (au point de décapiter à main nue un Chapelain ayant refusé de révoquer l’édit de Nikea), et éprouvant un indéniable, même si coupable, plaisir à imposer son point de vue par la force, le Lion de Thorpe n’est pas le parfait chevalier décrit par la propagande impériale, ce qui rajoute une profondeur intéressante à un personnage autrement ennuyeux de surpuissance. En complément, et comme souvent dans les publications relatives à l’Hérésie d’Horus, les détails de fluff (d’un intérêt plus ou moins grand) abondent, ce qui justifie amplement la lecture de cette nouvelle par tous les fans des Dark Angels.

Si l’utilisation de Lion El’Jonson comme protagoniste est donc assez réussie, les autres personnages de Thorpe, à commencer par Corswain, aka le Loken de la Première Légion (il en faut bien un), se révèlent malheureusement bien fades, tout comme la plupart des péripéties mises en scène au cours de cette première partie. Jamais avare en matière d’affrontement entre vaisseaux spatiaux, le Gav sert une nouvelle fois la soupe en consacrant une part non négligeable de sa nouvelle à la description de la « poursuite » entre l’Invincible Reason et son admirateur secret, à la fois dans, hors et entre (je me comprends) le Warp. Comme le bonhomme maîtrise son sujet, la pilule passe sans douleur, mais sans plaisir non plus. En fin de course, les points positifs l’emportent tout de même sur les points négatifs, et c’est avec une bienveillante neutralité que j’aborderai la deuxième partie de The Lion dans le prochain numéro de Hammer & Bolter.

Au final, ce 17ème numéro de Hammer & Bolter constitue l’une des livraisons les plus consistantes de cette deuxième année, en grande partie grâce au doublé de Josh Reynolds, honorablement complété par les nouvelles des grands anciens McNeill et Thorpe, un ton en dessous mais toujours dans la tranche haute du lisible et du divertissant. Counter ferme la marche avec son Vermilion, plus incongru que réellement indigeste, pour un solde largement positif. C’est suffisamment rare pour être souligné !