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AGE OF SIGMAR WEEK 2023 [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de l’Age of Sigmar Week 2023, proposée par la Black Library au début du mois d’octobre (vous devinerez l’année). Comme le nom l’indique, nous sommes ici sur une semaine thématique tout ce qu’il y a de plus générique, et qui répond à la Warhammer 40,000 Week 2023 sortie par la BL quelques mois plus tôt (chroniquée ici). Avantage graphique à la série fantasy par rapport à son pendant grimdark : parfois il y a du bon à passer en second…

Age of Sigmar Week 2023

Si les noms des contributeurs de cette série ne risquent pas de vous surprendre (et pour cause, aucun nouveau venu ne fait ses débuts dans la carrière grâce à l’AoS Week 2023), il faut toutefois noter que l’un d’entre eux n’avait jamais rien écrit pour cette franchise de la GW-Fiction avant cela. C’est donc un nouveau départ pour l’increvable Jonathan Green, un des piliers des premières années de la Black Library, au tournant du dernier millénaire. Voilà qui ne nous rajeunit pas. Il est accompagné pour l’occasion de son complice infernal C. L. Werner, ainsi que par les « jeunots » Kloster, James et Van Nguyen.

Le décor étant planté, il est temps de repartir par la Porte de Royaume la plus proche afin de prendre des nouvelles de ce turbulent univers. Prenons ça comme une semaine de vacances pour se ressourcer de cette rentrée trépidante…

Age of Sigmar Week 2023

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Krakenbane’s Curse – J. Green :

INTRIGUE :

Krakenbane's CurseDans la famille Krakenbane, on est corsaire de génération en génération. Le père (Vainlor) était le maître de la flotte Krakenhunter, qui comme son nom l’indique s’est spécialisée dans la traque et la capture des léviathans sous-marins dont les armées du Fléau raffolent tant. Sa fille (Kirineth) a repris le flambeau et le tricorne qui va bien après que son paternel ait sombré corps et biens après une rencontre tragique avec un siphon assoiffé. La plomberie c’est dangereux, tenez le pour dit.

Avant que notre histoire ne débute vraiment, nous avons droit à une petite scène familiale, père et fille allant taquiner le kharibdyss par une nuit sans lune sur la Mer Brûlante. Comme on peut s’en douter, l’expédition n’est pas sans risque et le monstre qui se présente devant la flotte Krakenhunter est d’une taille si imposante que Vainlor décide tout naturellement de le laisser partir tuer. En solo. Et il y arrive en plus, le bougre, même si Green ne nous fait pas l’honneur de dépeindre cet affrontement titanesque et hentaiesque entre un Aelf à queue de cheval et un tas de tentacules dégoulinants. C’était sans doute pas PEGI 18.

Quelques années plus tard, on retrouve Kirineth à la tête d’une flotte réduite à sa portion congrue (deux navires), orpheline de père et forcée par les circonstances à pactiser avec ses lointains cousins des bas-fonds, dans tous les sens du terme. La corsaire a en effet conclu un accord avec le roi Carcinus de l’enclave Fuethán, en vue d’un raid commun sur une petite île peuplée par une farouche tribu de disciples de Khorne. Aux Idoneth Deepkin les âmes de ces brutes en pagne, et aux Fléaux l’accès exclusif au temple local, où Kirineth souhaite faire un dépôt plutôt qu’un retrait, ce qui est assez étrange pour un corsaire vous le reconnaîtrez. En cause, la poisse persistante qui frappe les Krakenbane depuis que papounet a pillé ce même temple par le passé, et y a dérobé un crâne doré et un parchemin parcheminé, qu’il a gardé en souvenir dans sa cabine. Appelez ça intuition féminine ou facilité narrative, mais Kirineth est persuadée que le crâne est maudit et attire la guigne à ses porteurs, et ce ne sont pas les péripéties cocasses qui s’abattent sur sa flotte depuis lors qui la convaincront du contraire. Indice supplémentaire, le crâne en question s’appelle reviens, chaque tentative de s’en débarrasser s’étant soldé par un échec cuisant. L’esprit pratique de Kirineth est donc convaincu qu’il faut faire les choses dans les règles de l’art, et que seul un retour du crâne dans son temple mettra fin à cette déveine persistante. Soit.

Comme rien n’est simple dans les Royaumes Mortels, il ne suffit pas de laisser la relique avec un mot d’excuse devant la porte du saint lieu pour régler le problème. Un assaut en bonne et due forme sur le village des sauvages iliens est donc lancé, et c’est le début d’une foire à la saucisse qui va durer sur des pages et des pages. Le plus important dans tout ça est de noter que malgré ses meilleurs efforts, et la supériorité des Aelfs sur leurs lourdauds adversaires, Kirineth ne parvient pas à entrer dans le temple avant qu’une quatrième armée ne vienne se joindre aux festivités en fracassant un des navires corsaires avec l’éperon crâneur de sa barge osseuse. 22, v’là les Ossiarch Bonereapers !

La mêlée reprend de plus belle mais les nouveaux arrivants ne rigolent pas du tout (normal, ils sont morts) et se taillent un chemin sanglant à travers les humains et les Aelfs. Sentant le vent tourner et la marée descendre, Carcinus bat prudemment en retraite à travers les vagues, laissant son alliée se débrouiller toute seule face aux tas d’os. Comble de l’horreur pour Kirineth, elle se rend compte que l’Hekatos qui commande les Gardes Mortek n’est autre que son père, ou du moins ce qu’il en reste, et que tout sentiment familial lui a été expurgé de l’animus par les Mortisans de Nagash. C’est la tuile.

Au bout d’un dernier carré de quelques pages, Kiri se retrouve seule sur le pont de son bateau, entourée par une horde de squelettes patibulaires. A court d’option, elle se réfugie dans sa cabine, qui était celle de son père avant elle, et où se trouvent les reliques collectionnées par ce dernier. Lorsque la porte finit par céder sous les coups de boutoir des Mortek, notre héroïne empoigne à deux mains la côte de kahribdyss gardée en souvenir par Vainlor, et se prépare à vendre chèrement sa vie…

Début spoiler…Mais au final, il ne lui sera fait aucun mal. Un Mortisan se pointe, lui arrache son cure-dent des mains, désigne le parchemin qui pend au mur (et qui arbore des hiéroglyphes ossiarches (?)) d’un doigt accusateur, lui annonce que le tribut est payé, et s’en va comme un prince avec ses troupes. Le crâne n’était donc qu’un macguffin magique (et le parchemin ne sert visiblement pas à grand-chose non plus puisqu’il n’est pas repris), et si la malédiction des Krakenbane semble levée, Kirineth finit l’histoire absolument seule au milieu d’un charnier désossé, sur une île perdue au milieu de l’océan. C’est pas la joie, donc. Fin spoiler

AVIS :

Pour ses débuts dans la nouvelle franchise medfan de la GW-Fiction (après des années de bons et loyaux services pour Warhammer Fantasy Battle), Jonathan Green s’embarque dans un récit qui réussit le tour de force d’être à la fois trop long et trop court, ce qui est un petit tour de force de lose. Il consacre en effet la moitié de ses pages à narrer l’affrontement sanguinaire entre trois, puis quatre armées sur un bout de plage, ce qui s’avère assez rapidement lassant. Il se paie également le luxe d’un prologue un peu plus prenant, mais conclu au lance-pierre (j’ai cru que Vainlor était tout simplement mort au combat contre le kharibdyss), et qui ne sert finalement pas à grand-chose dans la suite de l’histoire.

D’un autre côté, Green aurait pu et du passer plus de temps à mettre en scène la fameuse malédiction des Krakenbane, qui n’avait pas l’air si terrible que ça au fond, et passe totalement à la trappe dans le dernier tiers de la nouvelle. Je ne suis pas non plus convaincu par son utilisation des Idoneth Deepkin, qui n’avaient absolument rien à gagner à s’associer aux corsaires de Kirineth (de ce qu’en raconte Green, ils étaient largement capables de mener le raid sur la tribu chaotique tout seuls) et dont la participation à cette histoire tient plus du cameo opportuniste – et une faction de plus au sommaire, une ! – que de l’exploitation réfléchie de leur background. Il y avait sans doute moyen de mieux justifier cette alliance que par l’association un peu facile Aelfs marins + Aelfs amphibies.

Pour terminer, parlons un peu de la conclusion très étrange de ‘Krakenbane’s Curse’. Finalement, ce n’est pas le crâne doré la relique la plus importante de l’histoire, mais le parchemin dérobé dans le même temple, soit. Mais alors, 1) c’est vraiment pas de chance que les Ossiarch Bonereapers aient choisi de reprendre possession de leur bien après que la famille Krakenbane l’ait dérobé, alors qu’on peut supposer que ca faisait des siècles qu’il attendait dans le temple de l’île, et 2) pourquoi le Mortisan ne reprend-t-il pas le parchemin avant de sonner la retraite ? Je peux comprendre dans l’absolu que c’est l’acte de vol qui a été puni en soit, et que le parchemin lui-même ne contient peut-être qu’un mode d’emploi pour aspirateur en cyrillique, mais dans ce cas, pourquoi s’acharner sur les corsaires, qui n’ont pas eux-mêmes volés le parchemin à leurs propriétaires légitimes ?

Bref, beaucoup de questions et de réserves au sujet de ce ‘Krakenbane’s Curse’, qui ne me réconcilie pas vraiment avec la prose du sieur Green. J’espère que la suite sera d’un meilleur niveau…

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The Thorn Mile – R. James :

INTRIGUE :

The Thorn MileOn le sait, les fins de carrière ne sont guère agréables chez les Stormcast Eternals. Après un trop grand nombre de Reforges, ces fiers guerriers perdent leur humanité en même temps que leur personnalité et les souvenirs de leur ancienne vie, et pire encore, ont conscience de sombrer petit à petit dans le rôle peu enviable de PNJ au service de Sigmar. C’est le cas de Haldane des Tempest Lords, qui du haut de sa douzaine de passage sur l’Enclume de l’Apothéose, n’est définitivement pas un perdreau de l’année. Autrefois un peu poète à ses heures perdues, il a aujourd’hui du mal à faire une phrase de plus de cinq mots (et à donc troqué les alexandrins pour les haïkus), et n’a plus vraiment le zèle de ses débuts. Il peut au moins compter sur l’amitié d’un soldat de la milice de l’Aire Noire, Fitzroy, qui a réussi à survivre assez longtemps dans la carrière pour assister à quelques réincarnations de Haldane, et lui tient compagnie alors que les deux compères se dirigent vers le campement d’Hommes Bêtes que l’armée du Seigneur Celestant Mhodrian souhaite purger de manière préventive.

Si la bataille s’engage de manière très classique, les Stormcast Eternals ancrant la ligne et prenant l’aggro des mobs adverses pendant que les miliciens s’occupent du DPS, les choses prennent un tour inattendu lorsque la batterie Tonnerre de Feu commandée par Fitzroy bombarde sciemment la position des Elus de Sigmar. Shrapnelisé au troisième degré, Haldane est mis hors de combat assez longtemps pour se réveiller dans un charnier abandonné, après que l’armée sigmarite se soit fait annihiler par ses adversaires bestiaux. Motivé par une bien compréhensible soif de revanche contre son camarade Fitzroy, qui semble avoir tourné cultiste sur ses vieux jours, ainsi que par l’appel pressant de son devoir envers l’Aire Noire, qui doit être prévenue de l’arrivée prochaine d’une harde d’Hommes Bêtes à sa porte, Haldane fait fi de son état déplorable (armure cabossée et anorexie mentale) et part en marchant – mais vite – en direction de la tour de guet la plus proche afin d’y allumer un brasier. Une chance sur deux que le Rohan rapplique, après tout.

En chemin, il se fait surprendre par Fitzroy, qui allait dans la même direction mais avec des intentions radicalement opposées. Dans son état de faiblesse avancé, Haldane se fait bolosser par le traître, en voie avancée de devenir un Ungor, et qui révèle au Stormcast qu’il a retourné sa veste en soie parce qu’il ne supportait plus que l’humanité soit préservée, et donc affaiblie, par les actions des Elus de Sigmar. Lui-même a été sauvé par Haldane sur un champ de bataille quelconque il y a de cela bien longtemps, n’héritant que d’une blessure incapacitante au lieu de mourir glorieusement au combat. Et apparemment, son syndrome du survivant l’a amené à haïr cordialement celui qu’il l’avait secouru. Il faut de tout pour faire un monde. Fitzroy commet cependant l’erreur de laisser Haldane avec un bâillon sur le coin du museau plutôt qu’une balle dans le cerveau à l’issue de leur tête à tête, donnant à notre héros éprouvé l’occasion d’être secourue par Mhairi, une petite mamie toute ridée ayant décidé de rejoindre les rangers (avec son long fusil du Hochland baptisé Hugo) sur ses vieux jours. Après avoir donné au Stormcast bosselé une rasade de gnôle coupée à la potion magique, la paire reprend la route, passant par un raccourci connu de Mhairi pour rattraper le retard pris sur le bondissant Fitzroy.

S’ils finissent bien par refaire leur retard sur le tourne casaque et change peau à proximité de la tour de guet servant de ligne d’arrivée à la nouvelle, la deuxième confrontation entre le camp de l’Ordre et celui du Chaos tourne à nouveau en faveur des Fab 4. Malgré son aspect toujours plus bestial, Fitzroy demeure un as de la gâchette, et il troue la (vieille) peau de Mhairi, forçant Haldane à choisir entre rester sur place pour la secourir, ou poursuivre Fitzroy et la condamner à se vider de son sang. Bien qu’il ait d’abord choisi l’option la plus altruiste, Haldane est remis sur le droit chemin du bien commun par sa side-kick d’un regard sévère, et le Stormcast se lance finalement dans un sprint effréné en direction de la tour de guet, afin de coiffer Fitzroy sur le poteau…

Début spoiler…Et parvenir à remporter enfin une manche contre son adversaire bêlant. Mais du genre victoire morale plutôt qu’honnête empoignade entre gentlemen. Laissant Fitzroy gâcher ses balles à abattre le pauvre factionnaire en poste dans la tour, Haldane monte les marches quatre à quatre, se poste devant le tas de bois empilé au somment du bâtiment, et attend tranquillement que Mhairi lui colle un headshot synonyme de foudroiement, qui met du même coup feu aux fagots et alerte la garnison de l’Aire Noire que quelque chose ne tourne pas rond en Ghur. Nécessité fait loi, dirons-nous, mais Sigmar a connu triomphe plus marqué que celui-ci.Fin spoiler

AVIS :

Rhuairidh James livre une histoire de Stormcast Eternals radicalement différente des standards du genre dans ce ‘The Thorn Mile’, qui donne un sérieux coup au glamour entourant les poster boys d’Age of Sigmar. Il n’est certes pas le premier à jouer sur le côté débilitant des Reforges pour faire gagner de la profondeur à son immortel (mais pas éternel, même si la nuance est fine) héros, mais il va beaucoup plus loin que ses camarades dans la mise en scène de la faillibilité des surhommes en sigmarite, qui n’ont pas toujours la « chance » de mourir proprement au combat et de filer se refaire une santé sur l’Enclume de l’Apothéose. C’est ici le cas pour Haldane, qui s’en prend plein les dents (mais pas que) et s’accroche obstinément à son dernier point de vie pour mener tout de même à bien la mission d’intérêt public qu’il s’est fixée. N’est-ce pas ce que les héros sont censés faire ?

Cette nouvelle bénéficie aussi de la science du casting de James (qui avait déjà démontré ses talents dans ‘The Inevitable Siege’), qui oppose à son protagoniste mutique et dur au mal un adversaire aux motivations complexes, à la trajectoire littéralement pitoyable et aux maniérismes appréciables (sa manière de troller ses interlocuteurs pour les faire tourner en bourrique suffira sans doute à lui gagner la sympathie du lectorat). Mémé Mhairi n’est pas en reste, et même si elle n’est qu’un second rôle de l’histoire, son look improbable et ses interventions tranchantes la rendent aussi mémorable que ses camarades. Je crois qu’on tient en Rhuairidh James un talent brut en matière de character development, ce qui n’est pas donné à tout le monde et fait souvent la différence entre un auteur moyen et une valeur sûre de la Black Library. Il est encore un peu tôt pour en être certain (au moment où cette nouvelle est chroniquée), mais ses premiers travaux me rendent franchement optimistes.

Enfin, j’ai apprécié les idées et réflexions que James a glissé dans son propos sur le lore d’Age of Sigmar, qui m’ont paru assez bien trouvées. Par exemple, et si la tendance des Stormcast Eternals à porter en permanence leur masque de guerre était dû au fait qu’ils ne reconnaissaient plus leur visage après de trop nombreuses Reforges, et préféraient donc le dissimuler sur les traits anonymes et parfaits de leur armure ? Je n’avais jamais réfléchi au sujet sous cet angle, et cette proposition me plait assez. Là encore, cette capacité à « enrichir » un univers de fiction en repartant de faits assez communs (ici le constat que les Stormcast Eternals sont très souvent représentés casqués en toute circonstance) dénote un potentiel narratif supérieur à la moyenne, et augure du bon pour la suite.

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Of Blood and Guts – G. Kloster :

INTRIGUE :

Of Blood and GutsBien qu’il soit l’Ogor le plus rusé de ce côté-ci des Royaumes Mortels, le Mangeur d’Homme Groz Gutsmart se retrouve dans une situation compliquée lorsque la Bande Bleue dans laquelle il sert passe sous le commandement du Sorcier de Tzeentch Orm. Rejoint par le reste de son armée chaotique dans la jungle à l’extérieur d’Anvilgard, Orm entraîne son ost emplumé et ses nouveaux « alliés » à travers un Portail de Royaume, direction Shyish.

Le plan machiavélique et multi-dimensionnel du Sorcier (dont l’exposition nous sera heureusement épargnée par Kloster) passe par une victoire sur les forces du potentat local, le vaniteux et apprêté Veragin le Blanc. Dans son cas, son surnom vient davantage de sa crinière peroxydée que de sa pureté ou de sa sagesse, tout le monde ne peut pas être Gandalf après tout. Plus intéressé par le menuet et la fashion week que par les choses de la guerre, Veragin emmène malgré tout sa coterie de Vampires et son armée animée à la rencontre des envahisseurs, mais avec style (tout le monde est sur son 31). Nous faisons à ce moment la rencontre de notre seconde héroïne, la Vampire de poche Isana. Contrairement à ses frères et sœurs de non-vie, elle s’est lassée du train de vie de la Cout des Poupées, et aspire à faire quelque chose de productif de son éternité, loin des caprices de Veragin. Malheureusement pour elle, ses velléités d’émancipation sont venues aux oreilles aquilines (je ne sais pas si c’est possible, honnêtement) de Mister V, qui la punit de son insolence en l’envoyant commander la petite force d’avant-garde chargée d’occuper l’armée chaotique pendant que le reste de l’armée vampirique se positionnera pour une prise de flanc dévastatrice.

La bataille s’engage, et Groz, qui a mangé suffisamment de cerveau de gens intelligents au cours de sa carrière pour savoir repérer un piège quand il se présente, décide de faire défection lorsqu’Orm fait donner toute la Bande Bleue contre les derniers squelettes de la patrouille commandée par Isana, alors que la conclusion de l’affrontement ne semblait pas faire un pli. Cette décision permet à l’Ogor d’éviter de se retrouver dans la position désagréable de la thin blue line, qui encaisse de plein fouet la charge du reste de l’armée de Veragin (qui déteste les peaux lisses) et disparait purement et simplement de la circulation. Cela l’amène également à croiser la route d’Isana, qui a réussi à s’échapper alors que ses derniers sacs d’os se faisaient réduire en poudre par les mercenaires. Après avoir brièvement croisé le fer, les deux adversaires réalisent qu’ils ont une carte à jouer s’ils associent leurs talents : Groz a très envie de déguster le cervelet d’Orm, en sapiophage émérite qu’il est, tandis qu’Isana est contrainte de faire son possible pour sauver la perruque de son seigneur ingrat, en bonne fille Vampire obéissante.

La paire mal assortie commence par empêcher que l’armée de Veragin soit à son tour prise à revers par une cohorte de Disciples de Tzeentch envoyée faire un tour de rond-point par ce malin d’Orm, en l’ensevelissant sous une avalanche de rochers. Ceci fait, ils se dirigent droit vers le cœur de la mêlée, où la Cour des Poupées et leurs petits soldats d’os se font lentement mais sûrement enfoncer par les Guerriers du Chaos et les Démons au service d’Orm. Ce dernier, défendu par un garde du corps imposant mais trop anonyme pour pouvoir espérer autre chose qu’une mort hors champ, a la surprise de se faire assaillir par un Vampirette à la verticalité contrariée (appelons là Mimie Hémathie) et un Ogor lanceur de marteau, avec des résultats destructeurs. La mort de son seigneur provoque la disparition et/ou la démoralisation de l’armée de Tzeentch, laissant Verre à gin et ses barbies seuls maîtres du champ de bataille. Avant que la rencontre entre le Vampire poudré et ses sauveurs improbables ne prenne place, Isana fait jurer à son gros copain de ne pas tenter de tuer son cher papa, faute de quoi elle sera forcée d’intervenir et de mettre fin à une amitié prometteuse…

Début spoiler…Grotz est toutefois trop malin pour tenir sa parole lorsqu’il sent qu’un petit mensonge (blanc aussi, c’est raccord) ferait les affaires de tout le monde. Témoin de l’houspillage en règle de l’ingrat Veragin envers sa fille rebelle, Grotz fracasse le crâne du malotru entre ses marteaux avant que quiconque n’ait pu réagir. Comme il l’indique à une Isana rendue (un petit peu) chafouine par cette trahison, il n’a pas techniquement tué Veragin, car ce dernier était déjà mort. Un Ogor qui a lu Lovecraft, avouez que ce n’est pas banal. La mort disparition de Big V provoquant à son tour la dispersion/l’effondrement de son armée, Isana et Grotz peuvent décider tranquillement de la direction à donner à leur carrière. La paire opte pour retourner sous des cieux plus cléments et des latitudes plus tempérées, où ils n’auront certainement pas de mal à trouver un employeur prêt à monnayer leurs talents…Fin spoiler

AVIS :

Gary Kloster fait une infidélité à sa chère Nyssa Volari mais reste fermement du côté de la Mort dans ce sympathique ‘Of Blood and Guts’, sorte de buddy movie littéraire mettant en prise deux personnages que tout oppose, mais dont la complémentarité leur permet de sortir victorieux d’une situation bien mal embarquée. À titre personnel, je ne serais pas contre revoir le rusé Groz et la vicieuse Isana faire les quatre cents coups dans les Royaumes Mortels, d’autant plus que le créneau du héros Ogor est pour le moment assez libre dans le panthéon de la GW-Fiction.

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The Abominations of Kriik Weirdpaw – C. L. Werner :

INTRIGUE :

The Abominations of Kriik WeirdpawLa collecte osseuse menée par le Soulmason Carsius dans les villages tributaires de la Légion Dolorum ne se passe pas comme prévu. L’expédition des Ossiarch Bonereapers a en effet traversé plusieurs hameaux vides d’habitants, et donc d’os, et portant des marques de combat1. Sur le conseil du Necropolis Stalker qui lui sert de second (Quintus, en référence aux cinq personnalités distinctes qui habitent son squelette quadricéphale – quatre achetées, une offerte –), Carsius décide de pousser jusqu’à l’île de Myrne, utilisée par les habitants du Blytemoor comme refuge en cas d’invasion depuis des temps immémoriaux.

Cette intuition se révèle payante, et les légionnaires se retrouvent face à face avec un groupe de villageois déconfits, chassés de leurs villages par les déprédations d’une horde impie. Ces attaques constituant une violation du pacte conclu entre les Bonereapers et les humains de leur domaine (pétrole contre nourriture protection contre ossature), Carsius s’engage à bouter les fâcheux hors du Blytemoor, et de rétablir la quiétude putride de ce marais bucolique.

Dès lors, la narration alterne entre le point de vue de Carsius et celui de Quintus, parti en éclaireur avec quelques Morteks afin de localiser le camp de base des braconniers. Arrivés à temps à proximité du village de Darkmere pour être témoins de son attaque, le Necropolis Stalker et ses hommes peuvent enfin identifier leur ennemi. Sans surprise (voir le titre de la nouvelle, son illustration et le passif de C. L. Werner), il s’agit de Skavens, mais de Skavens particulièrement moches, attention. Les hommes rats qui se déversent sur Darkmere afin d’en capturer les habitants, troupeaux et victuailles arborent en effet des mutations osseuses particulièrement répugnantes, mais également étrangement familières pour Quintus. C’est comme s’ils essayaient de reverse-engineer des modèles bien plus élégants et fonctionnels, avec le côté destroy et jemenfoutiste propre à leur race. Ne comptant malheureusement pas de fin limier dans sa collection d’animii, Quintus ne perce pas à jour ce mystérieux mystère, et en est quitte pour poursuivre son enquête de terrain.

Après quelques heures de discrète poursuite de la colonne skaven (et une utilisation décisive de la technique de la plume pour rester hors d’odorat de leurs proies), Quintus et Cie finissent par localiser l’entrée du terrier des hommes rats, et plutôt qu’attendre que Carsius et le reste des troupes les rejoignent en jouant aux osselets, ils décident de lancer une attaque suicide au cœur du QG adverse afin de maintenir l’ennemi occupé et limiter les chances de détection de la colonne Ossiarch. Ce noble dessein coûtera presque sa non-vie à Quintus, mais lui permettra de tirer cette histoire de copyrights enfreints au clair de manière définitive. Capturé après une série d’escarmouches par les Skavens, il est amené dans le laboratoire de Kriik Weirdpaw, un Maître mutateur du Clan Moulder obsédé par les Ossiarch Bonereapers et s’étant inspiré à la fois de leurs châssis et de leurs techniques d’approvisionnement en matières premières dans ses expérimentations démentes.

Bien qu’étant dans la posture peu enviable de la grenouille pendant le TP de dissection, Quintus parvient à se libérer de ses chaînes grâce à son barbare intérieur (les avantages secrets de la schizophrénie) et à sortir vainqueur d’un combat peu favorable contre l’Abomination pimpée que Kriik était en train de terminer dans son labo. L’affrontement provoque un incendie, au cours duquel le Maître mutateur disparaît (de l’histoire en tout cas), et qui permet à un Quintus bien ébréché de se frayer un chemin jusqu’à la surface, où Carsius et le gros des troupes (un Gothizzar Harvester) ont brillamment repoussé les assauts des Skavens calcifiés.

La nouvelle se termine par la libération des captifs humains que Kriik gardait en réserve dans son repaire, et auxquels un Carsius compréhensif donne royalement dix jours pour retourner dans leurs villages et rassembler le tribut d’os qui est dû à leurs suzerains. C’est ce qu’on appelle la trêve décennale (à ne pas confondre avec la garantie hivernale, bien sûr), et c’est la preuve que les Ossiarch Bonereapers sont sans aucun doute la faction plus empathique de tous les Royaumes Mortels.

1 : C’est ce qu’on appelle, et n’appelle pas, « tomber sur un os ».

AVIS :

Des années après son ‘Marshlight’, C. L. Werner reprend le concept éprouvé mais toujours marrant des Skavens essayant tant bien que mal de copier la tech’ d’autres factions dans ce ‘The Abominations of Kriik Weirdpaw’, qui, comme son lointain prédécesseur, ne laisse finalement aux hommes rats que le rôle d’antagonistes. Pour ma part, ce parti pris m’a plutôt satisfait, car il a permis à Werner de centrer le propos sur une armée encore assez mystérieuse (en tout cas dans la GW-Fiction) d’Age of Sigmar, les Ossiarch Bonereapers.

L’auteur vétéran rend une copie nuancée des plus intéressantes, illustrant les relations complexes qui unissent les super soldats de Nagash à leurs protégés/fournisseurs de (cu)bit(u)s, et, dans un tout autre registre, utilisant à bon escient tout le potentiel narratif des animus multiples que l’on retrouve aux commandes de ces Mecanos osseux. A l’heure où cette chronique est écrite, les nouvelles écrites du point de vue des Ossiarch Bonereapers sont encore assez rares, faisant de ‘The Abominations…’ une soumission incontournable pour les lecteurs intéressés par cette faction.

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Murder by Moonlight – N. Van Nguyen :

INTRIGUE :

Murder by MoonlightNous retrouvons Gardus Steel Soul dans son élément favori, la boue (une passion développée lors de son escapade dans les Jardins de Nurgle), alors que les hasards de la guerre ont amené ce fier héros et le reste de sa chambrée à défendre les clans de Claw’s Eye contre les problèmes de voisinage causés par des Orruks turbulents, en Ghur. Ce déploiement militaire se double toutefois d’une mission de relation publique, la population locale ayant abandonné le culte de Sigmar pendant l’Âge du Chaos et devant donc être conv…aincue de la bogossitude absolue du divin barbu par les nobles actions de ses paladins. Ces derniers sont donc venus avec tout un stock de petits marteaux porte-clés, qu’ils distribuent sans compter aux indigènes pour démontrer l’infinie munificence de Ziggie, Némésis des (petits) clous à travers tous les Royaumes.

Alors qu’il surveille d’un œil sombre les rites mortuaires de ses nouveaux alliés après un accrochage contre les peaux vertes, Gardus est interrompu par l’arrivée d’une guérisseuse itinérante du nom d’Omat, qui insiste pour avoir un tête à tête avec le Seigneur-Celestant. En effet, elle est persuadée qu’un des Stormcast Eternals servant sous ses ordres est responsable d’une série de meurtres perpétrés sur des civils, et clame avoir des preuves irréfutables de la duplicité des bibendums en sigmarite. Gardus, qui a été lui aussi guérisseur dans sa première vie, tombe aussitôt sous le charme d’Omat et de son immaculée propreté, et accepte de la suivre jusqu’au village fortifié de Claw’s Eye où la dernière victime a été retrouvée. Il s’agit d’un jeune garçon dont la gorge a été tranchée, et sur lequel on a retrouvé un des goodies contendants distribués généreusement par les Stormcast depuis leur arrivée.

Comme Gardus le fait remarquer, ça ne prouve absolument rien, mais sa nature profondément empathique et la force de conviction d’Omat l’empêchent de classer l’affaire sur le champ. Après tout, il est bien placé pour savoir que les champions de Sigmar ne sont pas tous des enfants de chœur, surtout après une Reforge de trop. Il est donc possible qu’un tueur détraqué sévisse parmi ses compagnons d’armes, et si cela venait à s’ébruiter plus que de raison, la conv…iction des clans de Claw’s Eye serait impossible à obtenir. D’après Omat, qui suit la piste des crimes depuis un petit moment, ces derniers se produisent tous peu après l’arrivée des Steelsouls sur un théâtre d’opérations, et un artefact sigmarite est systématiquement retrouvé sur la victime. Encore une fois, c’est loin d’être suffisant pour incriminer formellement un Stormcast Eternal, mais cela trouble fortement ce fragile de Gardus.

En attendant que les Orruks lancent une nouvelle attaque, notre héros décide de chercher le conseil de son second, Feros Grossebaffe (Heavy Hand en VO, mais je préfère ma traduction), sur cette insondable affaire. Loyal jusqu’au bout des ongles à ses frères et sœurs d’armes, Feros réfute en bloc les insinuations d’Omat, et un malaise s’installe entre les deux surhommes lorsque Gardus se montre moins catégorique que son lieutenant sur l’impossibilité qu’un Stormcast soit derrière ces actes odieux. Cette dissension aura des répercussions malheureuses quelques minutes plus tard, lorsque la bouderie de Feros provoquée par le manque de confiance de son manager permettra à un Chamane Orruk de pulvériser les Retributors de Grossebaffe d’un sort bien placé. Le drama parviendra-t-il à vaincre les forces de l’Ordre plus sûrement que leurs adversaires bestiaux ?

Une fois la menace verte repoussée, Gardus se rend dans le laboratoire improvisé d’Omat pour s’entretenir à nouveau avec elle, et la surprend en pleine autopsie d’un des cadavres orruks ramassés sur l’enceinte fortifiée. On apprend que la guérisseuse a eu une enfance difficile, ayant retrouvé son village natal rasé jusqu’aux fondations alors qu’elle revenait d’une cueillette de champignons avec son frère. Elle donne également un conseil à Gardus : suivre son instinct pour démêler le vrai du faux. Fort de cette recommandation tout à fait éclairante, Big G convoque ses troupes dans le temple de Sigmar de Claw’s Eye afin de leur faire un recadrage bienvenu…

Début spoiler…En effet, cette balance de Feros a révélé à ses camarades les atermoiements moraux de leur commandant, ce qui n’améliore pas le moral des troupes, déjà éprouvé par la pluie incessante qui s’abat sur ce petit coin de Ghur. Fin orateur, Gardus parvient à sauver les meubles… et à confondre le coupable des crimes « martelés », qui n’est autre qu’Omat. Il aura suffi au Seigneur-Celestant de faire confiance à son instinct, comme conseillé par la guérisseuse (oui, c’est vraiment tout). Cette dernière, qui avait été également convoquée au temple sous un motif fallacieux, parvient tout de même à s’échapper à ses poursuivants.

Sa cavale sera toutefois de courte durée, puisqu’à l’extérieur, une Mauvaise Lune a fait irruption dans le ciel. On comprend qu’Omat n’est pas sortie aussi indemne que ça de sa tragédie mycellique originelle, et qu’elle s’est taillée un sanglant parcours à travers les Royaumes Mortels dans le seul but de pouvoir poser les yeux sur la Mauvaise Lune qui l’a rendue folle (à temps partiel, puisqu’elle a réussi à mener de brillantes études à Excelsis malgré cela) dans son enfance. On ne saura en revanche pas pourquoi elle avait un tel beef avec les Stormcast Eternals (mis à part que la perfection, ça attire la jalousie), car la vue de l’astre désastreux provoque une infestation fongique carabinée et fatale chez la guérisseuse.

La nouvelle se termine sur une attaque aussi imprévue que massive de la part d’une autre menace verte, mais même à un contre cent, c’est une situation infiniment plus confortable à gérer pour Gardus que sa pige à l’IGPN sigmarite. Béni soit l’esprit trop étroit pour le doute, comme on dit…Fin spoiler

AVIS :

Noah Van Nguyen poursuit sa lancée anti-sigmarite (après ‘Godeater’s Son’) dans ce ‘Murder by Moonlight’, qui met la figure bien connue de Gardus Steel Soul face à des questions bien embarrassantes pour un Stormcast Eternal encore doté d’assez de libre arbitre et d’esprit critique. Si le côté whodunit de cette nouvelle est assez bancal (« tu es coupable parce que mon instinct me dit soudainement que tu l’es, na »), le dilemme moral auquel Gardus est confronté, et qui vient confirmer qu’il est sans doute le plus humain des héros Stormcast de la Black Library, vient corriger le tir1. Il serait intéressant que Van Nguyen livre une suite à cette nouvelle, pour explorer la confiance fracturée entre Gardus à l’Âme d’Acier et aux Principes Inflexibles, et ses guerriers injustement mis en cause par le mini crush que leur supérieur a eu pour une militante altermondialiste accro aux champignons.

1 : J’ai particulièrement apprécié le passage où Gardus avoue qu’il considère Sigmar comme imparfait. Pour nous autres lecteurs « impartiaux », c’est une évidence, mais venant d’un Stormcast Eternal, c’est une toute autre histoire. Un pas de plus dans la direction d’une Hérésie d’Horus à la sauce med-fan ?

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Voilà qui conclut cette revue de l’Age of Sigmar Week 2023, qui aura été une cuvée des plus respectables, même si on peut regretter la discrétion relative des factions de la Destruction dans les cinq histoires de cette semaine. Il est également dommage que Jonathan Green ait (à mes yeux) raté son entrée dans les Royaumes Mortels, mais ce sont des choses qui arrivent.

MYTHS & REVENANTS [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Myths & Revenants, recueil de nouvelles siglées Age of Sigmar publié par la Black Library en 2019. Prenant place entre ‘Gods & Mortals’ (chroniqué ici) et ‘Oaths & Conquests’ (chroniqué ), cet ouvrage rassemble les histoires du Black Library 2018 Advent Calendar et du Summer of Reading 2018, auxquelles sont venues s’ajouter quelques autres courts formats, dont la plupart ont été réédités depuis1 (‘Sacrosanct & Other Stories’, ‘The Hammer & the Eagle’, ‘Thunderstrike & Other Stories’).

Comme l’illustration de couverture l’indique de manière véridique (pour changer), ‘Myths & Revenants’ possède une dominante assez marquée et comporte pas moins de trois nouvelles où les élusifs Idoneth Deepkin (ou leurs animaux de compagnie) tiennent la vedette, et c’est David Annandale qui tient la plume à deux reprises (‘The Sea Taketh’ et ‘The Learning’). Que les fans des Stormcast Eternals se rassurent, leurs gros bébés blindés ne sont pas fortement lésés par le coup de projecteur donné par la BL aux sous-mariniers Aelfs, puisqu’on retrouve les meilleurs de Sigmar dans quatre nouvelles, dont deux où des personnages bien connus de l’habitué (Gardus Steelsoul et Neave Blacktalon) endossent le rôle du protagoniste. Autres VIP de cet opus, Gotrek, Neferata et le Prince Maesa font chacun une apparition dans ces pages.

1 : L’exception étant, à ce jour, la nouvelle ‘The Claw of Memory’ de David Annandale, qui n’est disponible que dans ‘Myths & Revenants’ (en attendant la sortie d’un omnibus consacré à Neferata, sans nul doute).  

Myths & Revenants

En plus de David Guymer, qui signe trois nouvelles et s’impose donc comme le premier contributeur de ‘Myths & Revenants’, C. L. Werner et Josh Reynolds (deux nouvelles chacun), Andy Clark, David Annandale, Evan Dicken, Gav Thorpe, Guy Haley et Nick Kyme complètent le casting de ce recueil. Le tour de table étant terminé, il est temps de plonger dans les profondeurs de cette anthologie, afin de vérifier si le qualificatif de mythique peut bien lui être attribué…

Myths & Revenants

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The Sea Taketh – D. Guymer :

INTRIGUE :

The Sea TakethLes Kharadron sont prêts à toutes les extrémités pour faire du profit, et pour le héros de notre histoire, l’aventurier Ingrdrin ‘The (Code) Rock(s)’ Jonsson, cela se traduit par un peu de plongée sous-marine sur le littoral de Blackfire Bight, en Shyish. Ses dernières pérégrinations l’ont en effet amené à mettre la main sur un carnet de notes skaven, localisant l’emplacement d’une cité du légendaire peuple des Idoneth Deepkin : Aighmar. Flairant une opportunité de s’en mettre plein les poches, il embauche un pêcheur local (Tharril) pour l’emmener jusqu’au lieu où la ville engloutie est sensée se trouver (en tout cas sur le cadastre), et réalise une plongée exploratoire dans son scaphandre dernière génération1, manquant certes de se faire croquer par un allopex affamé, mais réussissant à rassembler quelques artefacts exotiques qu’il espère pouvoir écouler à un bon prix sur le marché de l’occasion.

Cependant, et contrairement à ce qu’il annonce à Tharril et à sa fille Thalia une fois remonté à la surface, sa visite ne s’est pas passée aussi tranquillement que cela, et notre maître Duardin ne tarde pas à mettre les voiles le moteur pour repartir vers l’enclave Kharadron de Toba Lorchai. Bien lui en a pris, car le soir même le petit village reçoit la visite d’une bande d’Idoneth pas vraiment jouasses, menés par un Soulrender sentimental et rien de moins que la Reine de Mor’phann, la possessive Pétra. Ne trouvant rien de très intéressant parmi les cabanes en torchis et les barques à moitié pourries qui constituent tout le patrimoine de cette humble communauté, les Aelfs des abysses font le plein d’âmes et se remettent en chasse, ne laissant que la pauvre Thalia fredonner ‘la maman des poissons… elle est PAS gentilleuuuuh’ auprès des formes comateuses de ses proches anâmiés.

De son côté, Jonnson a beau faire grand train vers Toba Lorchai, dont il espère que la solide enceinte et la forte garnison décourageront les précédents propriétaires de son loot de venir porter plainte, il se doute bien que les Idoneth ne lâcheront pas l’affaire de sitôt, comme la persistance d’un vague (haha) écho et les relents tenaces de poisson avarié qui le suivent partout le laissent envisager. Son premier réflexe une fois arrivé à bon port est de faire un crochet par la boutique de Murrag, une chineuse d’antiquités Ogor avec laquelle il est en affaires depuis des années, afin de lui remettre son butin ainsi que le carnet avec l’emplacement d’Aighmar. Lui-même n’aspire plus qu’à prendre l’air à bord de son dirigeable et laisser l’océan de Shyish loin derrière, mais à son grand regret, sa receleuse se contente de prendre ses babioles ouvragées, et lui laisse le bout de corail noir qu’il avait également ramassé pendant sa plongée en paiement de ses services. Bien que percevant l’aura magique entourant cet artefact, ce qui ne manque pas de le mettre mal à l’aise, Jonnson ne peut se résigner à l’abandonner dans la première poubelle venue : en tant que Kharadron, il en va de son honneur, non de son devoir, de tirer profit de ce caillou enchanté.

Il repart donc en direction des quais de Toba Lorchai, mais n’y arrive pas avant que les Idoneth aient lancé leur attaque sur la cité. Les habitants du cru ne se laissent pas faire et ripostent bellement, permettant à Jonnson et son équipage de tirer leur révérence dans la confusion des combats ; une fois la sécurité de la troposphère atteinte, notre héros miraculé reconsidère ses priorités et décide finalement de balancer ses derniers souvenirs d’Aighmar par dessus-bord…

Début spoiler…C’était toute fois sans compter l’arrivée soudaine d’un leviadon et de tout un escadron de créatures marines très à l’aise dans les courants atmosphériques. Malgré l’héroïque résistance que leur oppose l’équipage du dirigeable, les Idoneth n’ont aucun mal à aborder le frêle esquif et à rentrer en possession de leurs biens. Comme Pétra l’explique aimablement à Jonnson avant de lui prendre son âme en dédommagement des préjudices subis, ce que le Kharadron avait pris pour un simple morceau de corail était en fait un éclat du chorrileum d’Aighmar, et contenait une partie des âmes des anciens habitants de l’enclave. Il était donc hors de question de le laisser entre les doigts boudinés d’un Duardin cupide, alors que le reste des artefacts volés par Jonsson n’intéressait ironiquement que très moyennement les Idoneth. Morale de l’histoire : la marée n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Fin spoiler

1 : Il a même l’eauto-radio, c’est dire.

AVIS :

David Guymer nous livre une parfaite introduction aux Idoneth Deepkin avec ‘The Sea Taketh’, mettant en scène de manière inspirée et atmosphérique l’approche particulière que les Aelfs sous-marins ont de la guerre et leurs rapports de semi-ostracie avec le monde de la surface. Le choix de Guymer de raconter cette histoire du point de vue du pillard traqué par les Idoneth permet à ces derniers de conserver leur aura d’étrangeté et s’avère être une décision judicieuse d’un point de vue narratif. J’ai également apprécié le phénomène des « acouphènes marins » qui frappe le héros après son forfait, trouvaille intéressante pour faire comprendre au lecteur que s’éloigner de la côte n’est pas une solution pour échapper à la vengeance des militants Sea Shepherds des Royaumes Mortels. Enfin, il se donne la peine d’intégrer au récit les caractéristiques propres de l’enclave Mor’phann que sont le talent inné de ses Soulrenders pour rescuciter les Namarti, et la brume glacée que les parties de chasse de cette faction invoquent pour fondre sur leurs proies sans se faire repérer, ce qui est une attention touchante pour son lectorat de fluffistes. Une vraie réussite, qui donne envie de se donner sur les autres travaux océaniques de cet auteur, à commencer par son roman ‘The Court of the Blind King’.

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Blacktalon: When Cornered – A. Clark :

INTRIGUE :

When CorneredJe suis sûr que vous vous êtes déjà retrouvé dans une situation où vous avez été coiffé sur le poteau par un quidam quelconque (à la caisse du Super U par une petite mamie, ou pour l’accès à une place de parking par un automobiliste sans vergogne). On peut tous admettre ici que, malgré le fait que ce soit très pénible et qu’il faille prendre sur soi pour ne pas créer un esclandre, il serait malvenu de laisser ses penchants de primate territorial s’exprimer. C’est à peu près la situation dans laquelle se retrouve la Knight-Zepyhros et chasseresse en chef de Sigmar, Neave Blacktalon, après que la proie après laquelle elle courrait depuis six mois, le sorcier de Tzeentch Xelkyn Xerkanos, se soit fait alpaguer par l’armée du Thane Halgrimmsson, alors qu’il rôdait dans l’arrière-pays chamoniard (il préparait l’UTMB, sans doute).

On pourrait penser que la coopération serait naturelle entre la Stormcast et les Duardin, mais comme les deux camps ont choisi de miser sur les raisons de détester Xerkanos (il a tué le roi Halgrimm, père du Thane, ainsi que bon nombre de ses guerriers du côté des petits barbus, et a commis une litanie de massacres et de déprédations qui ont conduit le grand barbu à le mettre sur sa to kill list du côté de Blacktalon) plutôt que de développer leurs talents de diplomate au moment d’établir leur fiche de personnage, le problème est loin d’être résolu pour les forces de l’Ordre. Un fragile accord a été négocié de haute lutte, selon lequel Xerkanos sera ramené à la forteresse des Duardin pour être formellement jugé, mais il reviendra à Blacktalon d’exécuter le sorcier une fois la sentence prononcée. Comme personne n’est dans le fond satisfait de cette négociation, les premières pages de la nouvelle voient Halgrimmsson et Blacktalon palabrer comme des marchands de tapis sur la route qui ramène l’armée du Thane en direction de la petite ville de Lightsdawn, étape obligatoire avant d’arriver au karak du clan. N’ayant pas réussi à convaincre son interlocuteur de régler une bonne fois pour toute son compte au mage à tête de libellule qui se lamente dans une charriote en queue de peloton, l’opiniâtre Stormcast décide d’aller se passer les nerfs en allant se moquer du prisonnier (pas très classe, mais elle ne l’est pas). Avant de se faire gentiment jeter par les Brise Fer qui gardent la roulotte, agacés à juste titre par les jurons démoniaques que Blacktalon fait pousser à Xerkanos à force de punchlines, notre héroïne acquiert la certitude grâce à ses sens trop trop aiguisés que le sorcier fomente une tentative d’évasion. D’ailleurs, elle l’a vu cacher une écharde de bois dans ses robes, ce qui lui sera sans doute utile pour forcer ses chaînes… ou se curer les dents. En tous cas, elle décide très intelligemment de garder cette information pour elle et de ne pas intervenir sur le moment, certaine de sa capacité à vaincre le faquin s’il devait avoir la bonne idée de sortir de sa cage un peu trop tôt…

Lorsque la colonne éprouvée finit par arriver en vue de Lightsdawn, les super pouvoirs sensoriels de Blacktalon lui permettent à nouveau de déceler que quelque chose ne tourne pas rond chez les miliciens qui patientent sur le chemin de ronde pendant que les Duardin approchent par la route. Cette fois-ci, elle juge bon de prévenir Halgrimmsson, mais ce dernier a décidé de faire sa mauvaise tête, sûrement fâché qu’elle soit toujours plus grande que lui alors qu’il se déplace sur un bouclier porté par ses Longues Barbes, Abraracourcix-style. Il ne claque donc pas de PC pour donner une défense en règle à ses troupes alors qu’elles entrent dans la ville, ce qui a bien sûr des conséquences tragiques à très court terme. Un terrible cri se fait entendre alors que l’armée chemine sur la grand rue, d’une puissance telle qu’il incapacite les Duardin (et leurs tympans fragiles) pendant quelques instants, permettant aux cultistes (avec boules Quies) qui avaient pris la place des véritables gardes de Lightsdawn de passer à l’attaque sans rencontrer de résistance.

Grâce à sa constitution supérieure, Blacktalon récupère plus vite que ses alliés, et se rue en direction du wagon où est retenu Xerkanos afin de l’empêcher de s’enfuir à nouveau, jugeant assez logiquement que l’embuscade a été montée par des disciples du sorcier. À sa grande surprise, comme à celle de sa proie, il s’avère en fait qu’une nouvelle faction s’est jointe aux réjouissances : le culte slaaneshi du Sixième Tourment. Cette bande de chercheurs (nerds) menée par le supersonique Achylla – et sa grande gu*ule – en a après le sang de Xernakos, ingrédient indispensable à la conclusion d’un rituel qui leur permettrait de localiser enfin leur divinité disparue. Blacktalon se retrouve alors confrontée à un dilemme épineux : faire la peau à sa cible en profitant de la confusion ambiante, mais courir le risque de permettre aux hédonistes de parvenir à leurs fins (la Knight Zephyros ne se berçant pas d’illusions sur sa capacité à empêcher les cultistes à récupérer le cadavre du sorcier), ou agir comme babysitter de son ennemi mortel, afin de mettre en échec les sinistres plans d’Achylla ?

C’est finalement la deuxième option qui s’impose lorsque ce rusé de Xernakos décide de filer en mode kamikaze jusqu’au temple de Sigmar où il sait que ses disciples ont caché une amulette de téléportation. Protégé bon an mal an par Blacktalon, qui lui court après et laisse les Duardin se débrouiller tout seul, le sorcier parvient jusqu’au saint édifice, où l’attend Achylla et sa garde rapprochée. Big Mouth avait mis une de ses six mains sur l’amulette planquée par les suivants de Xernakos, mais son air suffisant est rapidement effacé par l’énorme uppercut que lui colle Blacktalon après qu’il ait commencé à monologuer comme un méchant de série B. Dans la cohue qui s’en suit, le facteur X parvient à récupérer son bien et à fausser compagnie à tous ses haters, laissant Blackie de trèèèès mauvaise humeur. On souhaite bon courage à Achylla et à ses mauvais bougres dans leur future explication de texte avec une Stormcast Eternal en rogne…

AVIS :

Nous tenons avec ce ‘Blacktalon : When Cornered’ une solide introduction au roman ‘First Mark’ consacré par le même Andy Clark à la (suite de la) traque du sorcier XX par l’infatigable chasseresse. Combinant une bonne présentation, tant sur le plan physique (sens super développés, vitesse éclair, force colossale) que mental (obsession pour ses missions, jusqu’à la mise en danger d’elle-même et d’autrui pour arriver à ses fins) de son héroïne avec quelques scènes d’action bien mises en scène, et un peu de tourisme dans un coin bucolique de Chamon1, ce prequel donne plutôt envie de lire la suite, ce qui est bien tout ce que lui demande. Le seul léger grief que je ferai à Clark est le manque de développement dont il fait bénéficier son antagoniste dans ces quelques pages : mis à part son look d’insecte et son côté savonnette, on n’apprend pas grand-chose sur Xernakos et n’avons donc pas de raison de nous attacher particulièrement à lui. J’espère qu’il apparaît plus à son avantage dans ‘First Mark’.

1 : Je suis un peu triste que les mystérieux croquemitaines nocturnes locaux n’ait joué aucun rôle dans la nouvelle, mais peut-être qu’ils apparaissent dans le roman…

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Acts of Sacrifice – E. Dicken :

INTRIGUE :

Acts of SacrificeLa situation n’est pas fameuse pour les templiers de l’ordre de l’Étoile Ardente, dédié à cette bonne vieille Myrmidia. Assiégés dans leur forteresse par la horde de Sulkotha Godspite, championne de Khorne au physique impressionnant, ils ont résisté avec vaillance pendant des semaines mais la sauvagerie et le nombre de leurs adversaires ne laissent que peu d’espoir aux derniers rescapés quant à la conclusion de cet affrontement. Leur Grand Maître (Vaskar) tombé au champ d’honneur la veille, et sans aucune nouvelle de l’émissaire dépêché en début de siège quérir l’aide des Fyreslayers de la Loge Hermdar, la commandante par intérim Anaea se résout à tenter le tout pour le tout et à monter une sortie pour rejoindre le Drakemount, un autre bastion de l’ordre situé à quelques jours de voyage sur le plateau de Flamescar. Malgré la réticence de son second Karon, un chevalier old school tout prêt à donner sa vie pour l’honneur et la gloire dans un dernier carré futile, Anaea convainc ses troupes d’abandonner aux Khorneux la possession du terrain, et les Myrmidions se lancent à l’assaut des barbares braillards, juchés sur leurs fidèles demidroths.

Au prix d’une mêlée furieuse pendant laquelle Karon et Godspite croisent le fer et l’indispensable Anaea récupère la bannière de l’ordre au moment où elle allait tomber 1) par terre et 2) à l’ennemi, les templiers parviennent à transpercer les lignes ennemies et à s’enfuir dans le Désert de Verre, gardant l’accès au Drakemount. Le voyage est éprouvant pour les chevaliers lézardiers, plus d’un succombant à ses blessures ou à l’impitoyable soleil d’Aqshy, tandis que les meutes de molosses mutants (check l’allitération) que Godspite utilise comme éclaireurs harcèlent les rescapés. Lorsque la forteresse tant attendue se profile enfin à l’horizon, Anaea entraîne ses troupes dans un dernier élan vers la sécurité du bastion allié, où ils pourront enfin se reposer avant que les hostilités recommencent…

Début spoiler…Mais c’était sans compter sur l’omniprésence de l’ennemi (on ne l’appelle pas Chaos universel pour rien), qui a attaqué la forteresse et passé sa garnison par l’épée il y a de cela plusieurs mois, à en juger par l’état des cadavres que les templiers découvrent sur place. La horde de Godspite n’étant qu’à quelques heures de marche du Drakemount, et sans autre plan de rechange à disposition, c’est au tour de Karon de faire valoir ses arguments, et de résoudre ses compagnons d’armes de vendre chèrement leur vie dans les ruines de la citadelle. Cette décision suicidaire n’est toutefois pas du goût d’Anaea, déterminée à faire survivre son ordre à tout prix, et en solitaire s’il le faut. Cette traditionaliste acharnée s’éclipse donc par une poterne (toujours avec sa précieuse bannière, parce que why not) avant l’arrivée des Khorneux, et bien qu’elle doive rabrouer quelques vilains doggos en route vers sa prochaine destination, elle parvient à nouveau à s’échapper de la nasse chaotique. La nouvelle s’achève sur sa contemplation, forcément morne et déchirante, de l’ultime bataille livrée par son ordre, avant qu’elle ne reparte en direction d’un nouveau foyer. Que font les Stormcast Eternals quand on a besoin d’eux ?Fin spoiler

AVIS :

Acts of Sacrifice’ fait partie de ces nouvelles qui se terminent et laissent un fort goût d’inachevé à leurs lecteurs. C’est d’autant plus dommage qu’Evan Dicken avait réussi à rendre intéressant son histoire de dernier carré désespéré, notamment grâce à une personnification réussie des personnages principaux. La terrible Sulkotha Godspite (et sa chaîne magique) n’aura donc pas le droit au combat épique auquel elle semblait pourtant promise, ce qui est particulièrement dommage. Même si l’histoire racontée par Dicken tient la route, et offre même une variété bienvenue par rapport aux happy/glorious endings qui forment la majorité du corpus de la GW-Fiction, je reste convaincu que la conclusion aurait pu et dû être plus soignée, pour un résultat plus satisfaisant1.

1 : À moins qu’il ne s’agisse d’une sorte de prologue à un arc plus large, au cours duquel Anaea aurait la chance de se venger de sa Némésis. Mais pour le moment, rien de tel n’a été publié ou annoncé par la Black Library.

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The Claw of Memory – D. Annandale :

INTRIGUE :

Neferata tient conclave dans sa capitale de Nulahmia, et a rassemblé les plus fins esprits de son royaume pour discourir de sujets d’importance, comme l’opposition entre mémoire et histoire (oui, c’est chiant). Parmi l’auguste assemblée, un érudit mortel du nom d’Alrecht Verdurin s’éclipse discrètement pour faire une pause technique, ou du moins veut-il le faire croire à son hôtesse. Une fois sorti de l’hémicycle, il se dirige en effet dans une tout autre direction que celle des toilettes, et s’enfonce dans les couloirs labyrinthiques du Palais des Sept Vautours.

Cette expédition très peu protocolaire est motivée par un besoin tout aussi pressant qu’une vessie trop pleine pour Alrecht : accomplir une quête familiale. Notre homme est en effet le lointain descendant d’un certain Karlet Verdurin, invité en son temps à un autre café phil-os par Neferata, et qui profita de sa visite pour voler une page d’un grimoire de la bibliothèque personnelle de la Necrarque du Sang. Ecrite dans une langue inconnue, et restée non traduite à ce jour malgré les diligents efforts de ses héritiers, cette page (sans doute jaune) a joué un rôle majeur dans la vie des Verdurin, et Alrecht compte bien être celui qui égalera l’exploit de son grand-pépé, en retrouvant le chemin de la bibliothèque secrète, et en ramenant à son tour un petit souvenir. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a décidé d’amener la page en question avec lui, et grand bien lui en a pris car cette dernière agit comme un GPS et le guide dans le dédale souterrain, jusqu’à ce qu’il finisse par arriver à bon port.

Il aurait cependant dû se douter que tout cela était bien trop facile, et Neferata en personne ne tarde pas à venir lui tenir compagnie, escortée par un Glaivewraith Stalker avec gravé « To Verdurin, with love, XXX » sur le crâne. Très possessive de ses effets personnels, la monarque vampirique n’avait manqué de remarquer le vol dont elle avait été la victime il y a plusieurs siècles, et se montre enchantée de pouvoir enfin remettre la main sur la page manquante (qui devait l’empêcher de terminer sa liste d’armée à AoS, nul doute). Alrecht, quant à lui, devine qu’il va devoir expier le crime de son ancêtre, et décampe sans demander son reste, laissant derrière lui le précieux vélin. Ne se faisant pas d’illusion sur sa capacité à distancer ou à terrasser un Glaivewraith Stalker, il chevauche à bride abattue vers sa demeure, et prend la plume dès son retour pour consigner par écrit sa triste histoire, afin que son jeune fils Lorron puisse en prendre connaissance lorsqu’il sera devenu adulte.

Malheureusement, son assassin spectral défonce la porte avant qu’il n’ait terminé son premier jet, et ramasse sa copie (et son âme avec) sans cérémonie. Neferata, qui avait décidément beaucoup de temps libre en ce moment, a également fait le déplacement, et va s’entretenir avec un Lorron réveillé en sursaut par le meurtre sauvage de son père et les lamentations de sa mère. En visiteuse aimable, elle n’a pas manqué de ramener un petit cadeau à ses hôtes…

Début spoiler…En l’occurrence, une nouvelle page tirée de sa bibliothèque secrète, qu’elle confie à Lorron en lui enjoignant de la déchiffrer lorsqu’il aura grandi, et de venir ensuite lui rendre visite. Ce que l’enfant ne peut pas savoir, c’est que la page a été écrite avec des emojis nehekhariens, et ne veut donc strictement rien dire. Cette peste de Neferata compte ainsi pourrir la vie de Lorron et de ses descendants avec cette énigme insoluble et blague d’un goût douteux, afin de se venger pour de bon du vol de Karlet. La mesquinerie des vampires ne connaît pas de limite…Fin spoiler

AVIS :

On savait que Neferata était très très très rusée et très très très manipulatrice (cf toutes les autres nouvelles que lui a consacré David Annandale), mais on ne l’avait pas encore vue être très très très revancharde. C’est maintenant chose faite avec cette petite nouvelle, qui comme d’habitude apporte un peu de fluff sur Neferatia… et pas grand-chose d’autre. La question est : était-ce vraiment nécessaire, ou cela était-il suffisamment clairement induit par le reste du corpus neferatesque pour être parfaitement inutile ? Je ne crois pas avoir besoin de répondre.

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The Learning – D. Guymer :

INTRIGUE :

The LearningNous suivons l’apprentissage difficile d’Ubraich, un jeune Idoneth ayant gagné à la loterie des profondeurs et étant né avec une âme (et des yeux), et placé par sa mère en internat au temple isharann le plus proche après que son potentiel de mage ait été découvert. Ayant tapé dans l’œil d’un Embailleur (ce qui est délicieusement ironique) du nom de Giléan aux Six Yeux pendant ses études, Ubraich se fait rituellement taillader le visage par son futur tuteur pendant la journée porte ouverte organisée par Giléan dans la piaule de son futur apprenti. Car chez les Idoneth, on ne choisit pas de faire des études, ce sont les études qui débarquent chez vous par effraction et animées de mauvaises intentions. Peine de mort pour les redoublants, je suis sûr. Le vieux maître est une peau de vache de mer, mais parvient tout de même à former son apprenti de manière convenable avant qu’un tragique accident de domptage de deepmare rétive (comme toutes les deepmares) ne vienne mettre un terme sanglant et définitif à sa carrière. Son sacrifice permettra toutefois à Ubraich de terminer de mater l’acariâtre bestiole, pour le compte de la tout aussi acariâtre Dame Sithilien, qui désirait une monture digne de ce nom pour frimer parmi la jet set des profondeurs.

20 ans plus tard, nous retrouvons Ubraich, devenu maître Embailleur à son tour et formant trois apprentis (Irimé, Flowain et Valhanir) alors qu’il se masse une cuisse douloureuse dans le confort de sa moule de compagnie. Il s’agit d’une des séquelles que notre héros a hérité lors de sa confrontation avec la deepmare de Sithilien, et qui n’a jamais guéri (fun fact : les Idoneth cicatrisent très mal). Alors qu’il regarde du coin de l’œil ses pupilles (ça aussi, c’est pas mal comme calembour) tabasser un pauvre allopex avec les matraques électriques qui sont l’outil principal des Embailleurs, il est surpris par l’arrivée de sa vieille amie with benefits (fun fact : les Idoneth sont libertins), qui lui apporte des nouvelles intéressantes du vaste monde. Une deepmare d’une taille prodigieuse aurait été aperçue près de l’enclave de Dwy-Hor, et comme Ubraich s’est donné pour but de devenir la référence absolue de la profession, il ne peut pas passer à côté de cette occasion de surpasser son maître en capturant ce léviathan. Dwy-Hor n’étant pas la porte d’à côté, une telle expédition ne pourra se faire sans l’appui d’un patron influent, et Sithilien accepte noblement de prêter sa petite armée de Namasti à son concessionnaire favori. Tout ce beau monde se met en route, et au bout d’un voyage éprouvant, parvient à l’endroit où la bête fabuleuse a été repérée.

Grâce aux pouvoirs mystiques des Embailleurs, qui peuvent pister une âme à partir de la morsure laissée dans un bout de bidoche (c’est fort), les chasseurs ne mettent guère de temps à localiser l’antre de la deepmare, qui se révèle être en effet d’un fort beau gabarit (trois fois la taille de la monture de Sithilien). L’opération de capture commence, et comme prévu, un grand nombre de Namasti connaît une mort horrible en détournant l’attention de la bête pour le compte de leurs patrons. Confiant dans sa maîtrise du bâton de berger, Ubraich nage en douce jusqu’à la tête du monstre et lui assène un coup bien placé qui lui réduit un œil en bouillie (ce qui fait partie du protocole classique de domptage chez les Idoneth, je vous rassure). Encore un, et l’affaire sera dans le sac…

Début spoiler…Sauf que la deepmare en question dispose d’un système nerveux particulier, qui la rend insensible à la vague de douleur indicible qui incapacite en temps normal les êtres vivants frappés par une crosse d’Embailleur. Elle est seulement très mécontente d’avoir été éborgnée par l’Aelf en calbute qui essaie maintenant de s’éloigner frénétiquement en brasse coulée, et on peut la comprendre. Ubraich essaie bien d’appeler à l’aide son apprentie la plus proche pour qu’elle utilise ses pouvoirs pour empapaouter la bestiole vengeresse le temps qu’il se mette à l’abri, mais cette fourbe d’Irimé, aussi avide de gloire qu’Ubraich l’était à son âge, ignore malencontreusement les instructions de son maître et ce dernier se fait promptement déchiqueter par la deepmare. Moralité de l’histoire : le dialogue intergénérationnel est vraiment rompu chez les Idoneth…Fin spoiler

AVIS :

Je ne sais pas pour vous, mais de toutes les factions développées par Games Workshop à ce jour, j’ai trouvé les Idoneth Deepkin les plus complexes à comprendre (mes avocats me disent que je dois préciser ici que je n’ai pas lu le Battle Tome de cette armée). Outre le fait que leur existence sous-marine me fait poser un tas de question pratico-pratique qui sont rarement évoquées dans la GW-Fiction, le lexique qu’il faut maitriser pour ne rien rater de leurs pérégrinations aquatiques est particulièrement riche. Certes, il est souvent possible de laisser sa curiosité insatisfaite devant un mot incongru écrit en italiques (on peut vivre sans savoir comme les Idoneth appellent leurs pinces à bigorneau), mais il est au contraire parfois essentiel de faire de la recherche appliquée pour ne pas passer à côté d’un élément important de la résolution d’une intrigue.

Je me suis fendu de ce paragraphe de contexte pour pouvoir décerner à ‘The Learning’ la palme (de plongée) de la nouvelle Idoneth Deepkin la plus accessible – ce qui est bien – et la plus didactique – ce qui est mieux – du catalogue de la BL à ce jour. Avec un titre et un sujet pareils, vous me direz que c’est assez logique, et vous aurez raison, mais les contributeurs de la Black Library ne sont pas tous égaux au moment de prendre la plume, et je suis sûr que d’autres que David Guymer auraient sombré dans les abysses sombres et glacées du « cf le Battle Tome » s’ils avaient écrit cette histoire. Rien de tout ça ici, la culture si particulière de cette faction étant présentée avec le bon niveau d’immersion (lol) et de pédagogie, ce qui permet d’en apprendre beaucoup sur les Aelfs des mers en l’espace de quelques pages. C’est là la première qualité de ‘The Learning’, mais l’histoire en elle-même est loin d’être mauvaise (on a le droit à un twist final bien senti, c’est déjà ça), même si son intrigue est d’une simplicité consommée. Bref, j’en recommande la lecture à tous ceux qui veulent découvrir les ID dans les meilleures conditions.

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The Lightning Golem – N. Kyme :

INTRIGUE :

The Lightning GolemLe Lord-Veritant Issakian Swordborne a un but dans les vies1, mettre la main sur un sorcier de Tzeentch lui étant apparu dans un rêve, sous la forme d’un homme à tête de corbeau. Cette quête obsessionnelle l’a mené à traverser les Royaumes Mortels à la recherche d’indices pouvant lui permettre de remonter la piste de sa proie, parfois comme membre d’une expédition de Stormcast Eternals, et parfois comme un poor lonesome lantern boy. Au début de notre histoire, il assiste ainsi un ost mené par le Lord-Celestant Vasselius Ironshield dans la purge d’une tribu de maraudeurs inféodés à Tzeentch, dans les décombres brumeux de la ville d’Harobard. Ayant perdu sa fidèle gryph-hound Rassia à cause d’une flèche malheureuse décochée par un cultiste emplumé, Issakian passe sa rage sur quelques mobs malchanceux, avant de repartir à la chasse aux présages mystiques dans les ruines de la cité « libérée » par ses petits copains en sigmarite. Il fait alors la rencontre d’une fillette égarée, qui lui fait regarder dans son zootrope (et pas son Zoanthrope) avant de disparaître mystérieusement, ce qui n’est pas du tout suspect, bien sûr. Qu’importe, on apprend par le biais de cet incident que l’Invocateur alias le Corbeau Pourpre (la cible de notre héros) est de mèche avec un golem de foudre, et que ce dernier pourrait bien être trop fort pour le night-clad king, qui est… Konrad Curze Batman Johnny Cash Issakian. Suivez un peu.

Après avoir passé une dernière nuit d’amour dans les bras de la farouche Agrevaine (qui sert dans l’ost de Vasselius), et refusé catégoriquement qu’elle l’accompagne dans la suite de sa quête, sous prétexte que c’est trop dangereux et qu’il ne pourrait se pardonner qu’un camarade tombe en l’aidant à poursuivre sa lubie, Issakian part en direction d’une montagne à la forme d’une main griffue (c’est pas beau de copier sur les copains2) qu’il a vue dans un rêve. Ce qui est pratique. Et avec une escorte de huit Stormcast Eternals. Ce qui est en totale contradiction avec ce qui vient d’être dit. Trois ellipses plus tard, le groupe a été divisé par deux, mais a au moins atteint une caverne où les attendait le Roi Liche un squelette de guerrier assis sur un trône. Pendant que ses compagnons fouillent les lieux, le revenant constipé s’anime brusquement et enjoint Issakian à faire immédiatement demi-tour sous peine de devenir le prochain snack du golem de foudre. Notre héros proteste mâlement de sa vaillante vaillance, et parvient presque à convaincre l’ancien de lui donner un indice sur la prochaine étape de sa traque, lorsqu’un duo de Stonehorns se manifeste (c’était chez eux, en fait), et réduit les intrus en pastramis. Game over pour Issakian, mais comme il lui restait encore plusieurs vies, ce n’est que partie remise pour l’obsessionnel Lord-Veritant.

On le suit donc à travers deux aventures successives, la première sur une frégate Kharadron qu’il a engagée pour l’amener dans un Portail de Royaume instable et colonisé par une nuée de Harpies (sans grande surprise, ça se finit mal), et la seconde en compagnie de rangers Aelfs, alors qu’il tente de se rendre dans une tour inversée plantée au milieu de la lande shyishoise. Alors que le groupe était sur le point de se faire submerger par une horde de Goules et leur Terrorgheist de compagnie, une troupe de Vanguard Palladors tombe des nues pour prêter main forte aux aventuriers. Heureux hasard, l’escadron est mené par Agrevaine, qui est montée dans les rangs depuis sa dernière rencontre avec Issakian. Malheureusement pour elle, son ancien amant a pris trop de coups de marteau sur la caboche à force de Reforges successives pour se souvenir de grand-chose de leur ancienne proximité, et refuse de se détourner de sa lubie quand elle lui propose de participer à une petite campagne nécrocide, comme à la belle époque.

Finalement, Issakian finit par entrer dans le donjon tant recherché, où l’attend une vieille connaissance…

Début spoiler…La petite fille au zootrope, qui n’était en fait qu’une des apparences du fameux Conjureur. Pas plus Magister de Tzeentch que vous ou moi, ce dernier est en fait un nécromant avec un canari souffreteux (le fameux Corbeau Pourpre), cherchant à étudier le phénomène de persistance des Stormcast Eternals. Il lui fallait donc un sujet d’expérimentation, et Issakian fera très bien l’affaire, bien qu’il ait mis des plombes à arriver jusqu’au laboratoire du savant fou. Piégé à son insu dans un cercle runique, puis réduit en cendres foudre par magie, le Lord Veritant se transforme finalement en bobine Tesla, accomplissant la prophétie qui l’avait hanté depuis toutes ces années. Moralité : ne poursuivez pas vos rêves, vous risqueriez de les réaliser…Fin spoiler

1 : C’est ça l’avantage d’être un Stormcast Eternal, on peut se permettre de se prendre un nombre indécent d’échecs critiques dans la tête, sans payer le prix fort pour sa propre nullité.
2 : Voir la série ‘At the Sign of the Brazen Claw’ de Guy Haley.

AVIS :

The Lightning Golem’ est une nouvelle à rebondissement, mais dans un sens un peu particulier. Il s’y passe certes des choses (beaucoup de choses même), mais ce qualificatif s’attache ici plus à mon niveau d’intérêt pour l’histoire déroulée par Nick Kyme, qui a fluctué entre le très bas et le modérément élevé depuis le titre (« j’espère que ça sera une histoire sur les conséquences de la Reforge des Stormcast Eternals ! ») jusqu’à sa conclusion (« bon bah ça parlait en partie de la Reforge, mais c’était surtout très haché et peu développé »).

Au fur et à mesure que les péripéties s’enchaînent de manière brutale, et que les personnages accompagnant le très buté Issakian Swordborne défilent, on comprend ce que Kyme a souhaité faire avec cette nouvelle, mais il lui manque malheureusement un peu de métier en tant qu’écrivain pour arriver à faire prendre la sauce. Les ellipses d’une vie à l’autre de son héros sont ainsi plutôt longues, mais assez répétitives et redondantes, en ce qu’elles n’apportent pas grand-chose de plus au récit une fois que le lecteur a compris qu’Issakian ne lâcherait jamais son idée, quoi qu’il lui en coûte. J’aurais trouvé intéressant que l’idée du narrateur non fiable, un classique de la littérature, soit mise à profit pour illustrer les effets débilitants de la Reforge sur la mémoire des Stormcast Eternals, mais cette piste n’est malheureusement pas exploitée ici.

Quant à la conclusion, qui se devait d’être percutante après le mal que s’est donné Nick Kyme pour ménager le suspens quant à l’identité de l’Invocateur et du Corbeau Pourpre, elle est expédiée en deux paragraphes, et n’a absolument rien de satisfaisant. Malgré le fait que ‘The Lightning Golem’ soit sans doute l’une des soumissions les plus intéressantes de Kyme, qui a véritablement tenté de sortir du moule de la nouvelle classique de GW-Fiction, le résultat n’est pas suffisamment abouti pour que je la considère comme une réussite.

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The Sands of Grief – G. Haley :

INTRIGUE :

The Sands of GriefNous retrouvons la trace du Prince Maesa, toujours accompagné de sa mascotte de poche Shattercap, dans la cité de Glymmsforge, métropole sigmarite sise dans le Royaume de Shyish, alors que Sa Hautesse Sublissime termine les emplettes nécessaires à la prochaine étape de son voyage orphique. Toujours fermement décidé à résusciter sa bien-aîmée Ellamar, qui est morte avant de lui dire où elle avait rangé les piles pour la télécommande, le noble Wanderer s’apprête à braver les étendues sauvages du Royaume de la Mort à la recherche d’un sable bien particulier. La sagesse populaire veut en effet que toute vie des Royaumes Mortels trouve un écho dans le désert de Zircona et se cristallise sous la forme de grains de sable colorés. Celui qui parvient à collecter tout le sable de vie d’un individu et à l’enfermer dans un sablier arcanique aura le pouvoir de rendre l’être en question immortel, tant que le sable ne se sera pas totalement écoulé (il faut juste penser à retourner l’engin souvent, encore une raison pour laquelle Maesa a kidnappé Shattercap à mon avis). Ainsi équipé d’un minuteur ésotérique et d’un compas à âme, Maesa quitte Glymmsforge juché sur son Grand Cerf et trace sa route en direction du filon de l’être aimé1.

Le chemin est toutefois long et semé d’embûches, à l’aridité naturelle du lieu se conjugant son caractère délétère, qui sappe la vitalité des explorateurs (et les contraint à des bains de bouche fréquents avec du Ghyxtril, solution brevetée made in Ghyran), la nécessité de laisser traverser les légions de mineurs de Nagash, les prospecteurs rivaux pas toujours aimables, sans compter les patrouilles de rangers Nightgaunts, à l’affaux de tout collecte non-autorisée de silice. Il en faudra cependant plus pour détourner Maesa de sa mission sacrée, sa détermination sans faille, son épée magique siphonneuse d’âmes, la diligence servile de Shattercap (dont le syndrome de Stockholm a tellement enflé qu’il atteint désormais Oslo), et la vitesse de pointe de son destrier cornu, lui permettant de triompher d’une épreuve qu’aucun mortel n’aurait pu réaliser. Mais alors qu’il retourne vers son point de départ, sifflotant sans doute du Deep Purple (Might Just Take You Life, probablement), notre Aelf nécrophile ne se doute pas que son familier a gardé à son insu un grain du sable de vie de sa dulcinée2. Les conséquences de ce vol seront sans doute terribles…

1 : Dont il trimballe le crâne partout avec lui : utile quand on justement besoin d’un échantillon organique pour amorcer la recherche GPS, mais un rien creepy tout de même. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait du reste du corps au décès de sa dulcinée, qui pourra, si elle revient à la vie, déclarer de façon définitive qu’elle a une dent contre son mari.
2 : Ce qui explique l’excentricité du farfadet : il a un grain.

AVIS :

Figure montante du panthéon de héros d’Age of Sigmar, le Prince Maesa gagne avec ces Sables du Chagrin une profondeur appréciable, surtout pour les lecteurs ne le connaissant qu’à travers la session d’Action ou Vérité relatée dans la nouvelle mouture d’Inferno ! Apprendre la nature de la quête du noble Wanderer permet de prendre la mesure du projet littéraire entrepris par Guy Haley, et justifie pleinement l’approche « contes et légendes » choisie par l’auteur pour narrer l’épopée de Maesa, veuf éploré cherchant un moyen de faire revenir à lui sa bien-aimée mortelle. Si la connotation grimdark de WFB aurait fatalement mené notre héros à sombrer dans les abysses de la nécromancie pour atteindre son objectif, la tonalité plus high fantasy d’Age of Sigmar ouvre la porte à une issue moins sinistre, même si nombreux seront les dangers qui guettent l’intrépide Aelf et son très trépide (et kleptomane) familier. Mine de rien, peu nombreux sont les contributeurs de la BL à proposer un style s’éloignant des canons habituels de la maison, et pour AoS, Haley est à ma connaissance le seul à le faire.

Rien que pour cette raison, la lecture des Sables du Chagrin présente un intérêt, cette nouvelle positionnant son auteur en héritier putatif (et encore incertain à l’heure actuelle) de Brian Craig, chef de file historique de l’approche « contemplative » de la Black Library. Au-delà de ce parti pris narratif, que l’on peut aimer ou non, on peut apprécier l’exotisme de cette nouvelle, dont le théâtre n’a pas grand-chose à envier en termes d’étrangeté aussi onirique que léthale aux Désolations Nordiques du Monde qui Fut. Les visions convoquées par Haley au cours du périple de son héros, comme ces processions éternelles de squelettes rapportant grain à grain de la Pierre des Royaumes jusqu’au trône de Nagash, frappent l’imaginaire du lecteur et viennent enrichir la palette du fantastique de la BL, trop souvent confinée à sa portion congrue (sword & sorcery, pour faire court) afin, sans doute, de faire le lien avec le wargaming que cette dernière est sensée servir. On peut enfin mettre au crédit de Haley un souci d’apporter du grain à moudre au mordu de background, en livrant une description concise mais riche d’une cité libre de Shyish, d’instruments arcaniques au potentiel fluffique des plus évidents (Who wants… to live… foreveeeeeer ?) ou encore des bigarrés sables de vie, concept aussi sympathique que poétique. Bref, une lecture obligatoire pour qui s’intéresse la geste de Maesa (la Gaeste quoi), et pas loin de l’être pour ceux qui souhaitent découvrir Age of Sigmar à travers les publications de la Black Library (que je félicite au passage d’avoir intégré cette nouvelle dans le recueil Sacrosaint & Autres Récits, où il a tout à fait sa place).

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Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE :

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS :

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds :

INTRIGUE :

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce ‘A Dirge of Dust and Steel’ (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce ‘Dirge…’ tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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One, Untended – D. Guymer :

INTRIGUE :

One, UntendedUne fois n’est pas rancune, nous retrouvons le Tueur préféré de ton Tueur préféré, Gotrek Gurnisson, dans le mal le plus complet au début de cette nouvelle aventure, qui sera sans aucun doute trépidante, mais qui commence par être vomissante. Notre héros est en effet pris d’un mal de ventre carabiné, ce qui, de son aveu même à son acolyte Maleneth, ne lui était jamais arrivé avant. Et si l’Aelfe sigmarite, en bonne compagnonne qu’elle est, prend soin de tenir la crête de Gotrek pour éviter que cette dernière ne prenne une couleur et une texture encore plus dégoûtantes qu’à l’accoutumée, elle n’est pas étrangère à cette gueule de bois subite. Bien au contraire, c’est elle-même qui en est la cause, ses tentatives d’empoisonner le Nain afin de lui dérober la rune majeure de Krag Marteau Noir pour la ramener à Azyrheim n’ayant eu pas d’autres effets qu’un émétique avarié sur la robuste constitution du Tueur1. Ses vaillants efforts de se débarrasser de Gotrek devront cependant attendre un peu, car les éructations du transfuge du Monde qui Fut sont dérangés par une scène de ménage entre plusieurs individus aussi louches qu’imbibés. La raison de ce tapage nocturne se fait bientôt jour : un jeune bambin du nom de Tambrin a échappé à la vigilance légère de ses parents (Junas et Magda), et s’est semble-t-il enfoncé dans les catacombes d’Hammerhal Ghyra, que l’on dit hantées par le spectre vengeur d’Hanberra (à ne pas confondre avec celui d’Harambe, même si ça lui donnerait une bonne raison de persécuter les garçonnets), un ancien héros local ayant renoncé à servir Sigmar sous la forme d’un Stormcast Eternal à sa mort, et à la recherche des enfants qu’il n’avait pas pu sauver de son vivant depuis lors. La perspective de se frotter à un spectre légendaire pique bien évidemment l’intérêt professionnel de Gotrek, qui insiste pour prendre la tête de l’expédition de secours mise sur pied par les habitués de la taverne où les deux compères ont passé la nuit. En plus de Junas, qui sert de videur à l’auguste établissement, on retrouve la Ranger retraitée Halik et le Prêtre d’Alarielle Alanaer, qui serviront donc de meatshields aux véritables héros de l’histoire. Dommage que personne ne les ait prévenus.

La descente s’engage donc, et après quelques heures de progression dans les boyaux insalubres de la cité, un premier ennemi pointe le bout de ses moustaches. Il ne s’agit pas de Philippe Martinez, mais d’une bande de Moines de la Peste, peut-être syndiqués, squattant le bas de la cage d’escalier comme un gang de trafiquants de la cité Péri. Et à propos de périr, laissez moi vous dire que les ratons ne font pas long feu face à la colère incandescente de Gotrek, qui peut désormais passer en mode super saiyan lorsqu’il est très énervé, et élever la température autour de lui à des niveaux insupportables. Sa nouvelle hache de fonction, si elle est sans doute un peu moins cheatée que l’ancienne (dur de battre une arme forgée par Grugni pour Grimnir, tout de même), s’avère également très efficace, et la menace murine est donc prestement éliminée par les aventuriers, qui peuvent poursuivre leur route sans autre dommage qu’un pif écrasé par un coup de matraque pour Junas.

Le moment tant attendu de la confrontation avec Hanberra finit enfin par arriver, l’esprit ayant bien dérobé/envoûté Tanbrin (qui dort comme un bienheureux) car il l’avait pris pour son propre fils, Hangharth. Némésis de Gotrek oblige, le combat est bien plus serré que précédemment, la pauvre Halik rendant les armes et l’âme au premier cri poussé par le poltergeist kidnappeur, qui prouve au monde entier qu’il existe des Banshees masculines. Non mais. L’évanescence intermittente du fantôme n’est pas sans poser quelque problème au Tueur, ce qui ferait plutôt les affaires de Maleneth, toujours déterminée à récupérer la rune majeure tant convoitée de sa dépouille, mais il lui faut pour cela donner une raison à Hanberra de se battre à fond, ce que sa main mise sur Tambrin l’empêche de faire. La cultiste de Khaine repentie puise donc au fond de sa sacoche un clou de ci-gît Rolf2, souverain contre les ectoplasmes tenaces (et les Mortarques collants), et le frotte vigoureusement sur le bras porteur d’Hanberra pour lui subtiliser son précieux. N’ayant plus rien à perdre, le spectre va certainement réduire Gotrek en bouillie…

Début spoiler…Eh bien non (quelle surprise). Mais le plus étonnant n’est pas tant le résultat final que le dénouement, non violent, de cet affrontement. Le Tueur parvient en effet à faire entendre raison à son adversaire par le dialogue au lieu de lui faire manger sa hache, et ce dernier se dissipe donc de lui-même, comme le malentendu qui l’avait mené à dérober les enfants des autres depuis quelques siècles. Tout est donc bien qui finit bien (sauf pour Halik et la bière que Gotrek avait laissé sur le comptoir3), mais Maleneth la malhonnête devra trouver une autre combine pour récupérer la précieuse broquille incrustée dans le plastron de son compagnon.Fin spoiler

1 : Maleneth ne sait pas que la glotte de sa cible est marquée de la rune majeure de Cubi, le dieu Nain de l’alcoolisme.
2 : Vous me pardonnerez le calembour, mais traduire ‘wightclove’ en français n’est pas facile.
3 : À ce propos, il est probable que ce soit elle qui ait donné son nom à la nouvelle (que l’on pourrait traduire par ‘Laissé(e) sans surveillance’) et non pas Tanbrin.

AVIS :

David Guymer, qui avait écrit les dernières aventures de Gotrek (et Felix) dans le Vieux Monde, signe avec ‘One, Untended’ un parfait récit de transition et d’acclimatation pour les lecteurs familiers du personnage mais pas des Royaumes Mortels. Au-delà du déroulé précis de cette quête, tout à fait classique sauf dans son dénouement, ce sont les informations que l’auteur donne sur ce nouvel univers, les changements subis par son héros (nouvelle arme, nouvelle rune, nouveau sidekick) depuis qu’il y a fait son entrée, et les motivations, pas vraiment charitables, de Maleneth, qui rendent cette lecture intéressante, et même indispensable pour qui voudrait reprendre la suite de la geste de Gotrek sans passer par la case romanesque (‘Realmslayer’). L’auteur parvient également à aborder des éléments de fluff relevant de la sociopolitique, comme l’acculturation progressive des habitants de Ghyran aux mœurs d’Azyr, qui donnent une profondeur et un réalisme très appréciables à une franchise qui en manquait (et en manque toujours) cruellement par rapport à Warhammer Fantasy Battle. Bref, c’est une transition très réussie que Gotrek Gurnisson doit à David Guymer, bien que le flambeau des rancunes soit passé peu de temps après à Darius Hinks.

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Blood Gold – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Blood GoldUn ost de Lames de Khorne se dirige dans le chaos et l’anarchie (logique) vers la forme imposante du Mont Vostargi, le méga-volcan du Royaume d’Aqshy ayant servi de berceau enflammé aux robustes Fyreslayers. L’arrivée des maniaques n’étant pas passée inaperçue, une armée de petits rouquins a pris position devant la Porte de la Défiance Eternelle pour leur barrer la route, sous le commandement du Père des Runes Ungrimmsson Drakkazak. Alors que les Duardin patientent avant que la mêlée ne s’engage, Ungrimmsson décide de raconter à un jeune et nerveux Vulkite les origines de la malédiction qui frappe les membres de sa Loge, et a changé la peau de ses fiers guerriers en roche en fusion (ce qui n’est pas banal, reconnaissons-le).

Durant l’Âge des Mythes, la Loge Ironfist était dirigée par un Père des Runes aussi acariâtre que déterminé, Brynnson Drakkazak. Alors que les autres Loges se satisfaisaient d’exploiter les ressources minérales de leurs montagnes natales, les Ironfists n’hésitait pas à monter des raids à travers Aqshy, et plus (loin) si affinités, afin de récupérer le plus possible du précieux ur-or disséminé à travers les Royaumes. Après tout, la reconstitution de l’intégrité physique de Grimnir ne pouvait pas être retardée par des considérations aussi terre à terre que le respect des traités et le consentement libre, informé et préalable des populations locales, pas vrai ? Cette attitude belliqueuse n’était pas appréciée des autres Pères des Runes, mais Brynnson n’étant pas du genre à écouter les jérémiades de ses pairs, les Ironfists ne restaient jamais longtemps au Mont Vostargi à se tourner les pouces.

Un beau jour, ou peut-être une nuit, se présenta un émissaire humain du nom d’Ologhor Shenk, qui annonça à l’assemblée des Pépères (un nom approprié pour cette instance suprême, à mon humble avis) venir forger une alliance avec les Fyreslayers. En échange d’une grande quantité d’ur-gold, d’une qualité particulière mais reconnue comme legit par le Seigneur des Runes de fonction, il était à la recherche d’alliés prêts à se salir les mains pour le débarrasser d’une tribu rivale, les Direbrands. Ces derniers étant des sigmarites invétérés, et donc protégés par l’alliance établie entre Sigmar et Grimnir avant que ce dernier parte en safari, l’offre fut refusée par tous les Pères des Runes présents… à l’exception bien sûr de Brynnson.

L’enthousiasme du maître des Ironfists ne tarda pas à redescendre lorsqu’il se rendit compte que Shenk n’était pas le type le plus honnête de l’univers, et que sa haine des Direbrands était sans limite. Après avoir guidé les Fyreslayers jusqu’au camp d’été de la tribu, où les guerriers humains surpris en pleine bombance se battirent vaillamment mais se firent massacrer jusqu’au dernier par les implacables Duardin, Shenk exigea de ses alliés qu’ils fassent subir le même sort à la colonie de vacances établie pour les enfants Direbrands à quelques encablures du camp des adultes. Mercenaire avec des principes, Brynnson refusa de tourner full Anakin Skywalker, et repartit vers le Mont Vostargi avec son ur-or salement gagné, laissant Shenk se débrouiller avec sa marmaille.

Cette décision ne fut pas sans conséquence, car lorsque les membres de la Loge se livrèrent au rituel de runification corporelle pour lequel les Fyreslayers sont bien connus, les effets secondaires ne tardèrent pas à se manifester. Comme vous pouvez vous en douter, le métal mystique remis par Shenk, qui était coupé avec du bronze provenant de la forteresse de Khorne, causa la peau des Duardin à se transformer en roche fondue, conséquence du déplaisir de la divinité tutélaire du fourbe émissaire devant un job bâclé par les Ironfists. Bien que l’ur-or ait gardé ses propriétés de renforcement musculaire, les Fyreslayers Ironfists furent marqués à jamais par leur association douteuse – mais involontaire, il faut leur reconnaitre au moins ça – avec une divinité chaotique.

Retour au temps présent et au périphérique vostargien, Ungrimmsson ayant terminé son histoire et les Khorneux ayant fini leur marche d’approche. Lorsque son jeune interlocuteur lui fait remarquer qu’il a narré cette légende comme s’il y avait pris part, le Père des Rune a un petit sourire triste, et révèle au Vulkite que c’est bien le cas. Ungrimmsson, ce qui signifie briseur de serment en whatever la langue des Duardin is called these days, a pris ce nom après que la malédiction se soit abattue sur sa Loge, et attribue sa trèèèèès longue vie au sens de l’humour très particulier de Khorne, qui s’est plu à prolonger les jours de celui qui a osé le défier il y a tous ces millénaires. La nouvelle se termine sur une nouvelle transaction à l’amiable entre chaotiques et Fyreslayers, la meneuse des maraudeurs balançant une bourse d’ur-or aux pieds de la (mini) Chose. On ne saura pas pourquoi les deux généraux ont trouvé malin de déranger leurs armées pour cet échange trivial, mais pour une fois que les choses ne dégénèrent pas dans les Royaumes Mortels, on ne va pas s’en plaindre.

AVIS :

Gav Thorpe reprend du service comme aède épique (l’un des rôles dans lesquels il est le plus à l’aise, et le plus « performant ») dans ce ‘Blood Gold’, et nous sert une petite histoire tout à fait satisfaisante sur la géopolitique complexe du Royaume d’Aqshy aux temps jadis. Il en profite pour faire le lien avec ses travaux chaotiques initiés dans ‘The Red Feast’, ce qui fera sans doute plaisir aux lecteurs de ce bouquin. J’ai particulièrement apprécié le portrait nuancé que fait Thorpe des Fyreslayers, qui apparaissent comme les véritables mercenaires que le background établit, et n’ont donc aucun problème à massacrer sans crier gare de lointains alliés pour peu qu’ils aient été payés au juste prix. Cela les différencie très nettement des honorables Tueurs du Monde qui Fut dont ils sont les héritiers, ce qui est une bonne chose, et donne à cette faction une complexité qui est la bienvenue dans le monde de high fantasy d’Age of Sigmar. Une réussite.

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The Deeper Shade – C. L. Werner :

INTRIGUE :

The Deeper ShadeQuelque part sur le littoral luxuriant de Ghyran, la bande d’affreux du sorcier Thalinosh de Charr se prépare à explorer un donjon un peu particulier. La cible des cultistes est en effet la Griffe de Mermedus, une aiguille rocheuse fermement plantée dans une baie isolée de la côte ghyranite, et que les locaux évitent avec soin du fait de son effroyable réputation. Comme le confirme le vieux prêtre de Sigmar que Thalinosh a capturé pour lui servir de guide, un fantôme assoiffé de sang moelle hante les lieux et attaque tant les hommes que les navires ayant la mauvaise idée de s’aventurer sur son territoire. Il en faut cependant plus pour décourager notre héros, car c’est ici-même que son apprenti fugueur (Gratz) a perdu une relique que le sorcier souhaite absolument récupérer, spectre grognon ou pas.

Accéder à la grotte où le monstre, que Thalinosh suppose avec raison être désormais l’heureux détenteur de son bien, se prélasse ne sera pas chose facile, la caverne se situant à la base de la Griffe et étant donc submergée par les eaux. Il en faut toutefois plus pour décourager le sorcier, qui grâce à un ingénieux dispositif de digue (magique) et de pompage (magique aussi), parvient à mettre la base de l’aiguille en cale sèche, au modique prix de la vie du prêtre et de son chenapan d’apprenti. Ceci fait, il emmène ses fidèles suivants, commandés par l’homme-bête Sharga et la guerrière Borir, faire un peu de spéléologie marine.

Au bout d’une marche d’approche sans autres désagréments qu’un pantalon trempé et une persistante odeur de limon, la fine équipe arrive au cœur de la Griffe, où tout semble indiquer que le mystérieux fantôme a pris ses quartiers. Le sol est en effet jonché d’ossements rongés et de trésors boueux, et lorsque le trio de goons qu’il a envoyé à l’avant-garde est attiré sous la surface par un invisible assaillant, il est temps pour que le boss fight que l’on devinait se profiler à l’horizon se déclenche. Envoyez la musique…

Début spoiler 1…L’adversaire auquel Thalinosh et Cie font face se révèle être un Krakigon adulte, soit le fruit des amours interdits entre un kraken et un caméléon. Si les capacités mimétiques de la bête compliquent dans un premier temps son ciblage par nos aventuriers trempés jusqu’à l’os, la magie de Thalinosh permet de jeter une lumière crue sur l’ennuyeuse bestiole, et de révéler que dans grande coquetterie, elle porte l’éclat de shadeglass dérobé par Gratz à son tuteur en sautoir. Au bout d’un combat éreintant au cours duquel tous les personnages non nommés finissent éclatés sur les parois de la grotte ou dévorés par la bête, l’intrépide Sharga parvient à arracher le précieux du maître au caractériel calamar, avant que ce dernier ne se fasse écraser par un pan de falaise que ses tentaculaires gesticulations avaient dérangé. Voilà une affaire rondement menée…

Début spoiler 2…Mais cela est sans compter la perfidie naturelle des Disciples de Tzeentch, bien sûr. Borir trahit donc ses comparses et arrache le précieux éclat des doigts raidis par la mort du pauvre Sharga après lui avoir planté sa dague rituelle dans le cœur. Elle révèle à Thalinosh avoir fait un pacte avec le rival de ce dernier, l’infâme Carradras (qui s’est enfin réveillé, il faut croire), et, confiante dans l’état de fatigue avancé de son ancien patron après les efforts consentis pour venir à bout du Krakigon, lui expédie sa dague en pleine poitrine pour faire bonne mesure. En cela, elle commet une grave erreur, comme lui souffle ce rusé de Thalinosh, car c’est le sortilège du sorcier qui empêche les eaux d’engloutir la grotte où ils se trouvent. Réalisant sa boulette, Borir se lance dans un sprint éperdu en direction de la sortie, laissant Thalinosh seul dans la caverne, mais moins mal en point qu’il n’y paraissait. La dague avec laquelle la traitresse l’a frappé étant un athame qu’il a lui-même confectionné, il ne pouvait être blessé par ce projectile. Mouahahaha. Trop fatigué pour donner la chasse à son acolyte, il claque ses dernières réserves de mana dans un sort de vol afin de sortir de la Griffe par le trou dans le plafond obligeamment aménagé par le Krakigon dans son agonie, et a la satisfaction de voir Borir se faire submerger par les vagues lorsqu’il met fin à son enchantement. Qui sait, peut-être qu’il trouvera ce qu’il cherche lors de la prochaine marée basse ?Fin spoiler  

AVIS :

C. L. Werner revisite l’archétype de la nouvelle d’heroic fantasy, la bande d’aventuriers en quête d’un artefact mystique gardé par un monstre patibulaire, en mettant en scène une bande de cultistes de Tzeentch plutôt qu’un groupe à l’allégeance plus neutre. Le résultat est tout à fait satisfaisant, même si assez convenu, Werner ayant assez de métier pour rendre une copie de qualité. Un filler très honnête.

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Ghosts of Demesnus – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS :

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Et voilà qui conclut cette chronique de ‘Myths & Revenants’, recueil assez solide, plutôt complet en termes de factions couvertes, et plaisamment varié au niveau des formats de nouvelles proposées (tant sur la longueur que sur le style). On a pu compter sur des Guymer, Thorpe et Werner de bon niveau et sur un Guy Haley très inspiré, tandis que l’inoxydable Josh Reynolds a eu un coup de moins bien, ce qui arrive à tout le monde. Une addition de valeur à la bibliothèque de tout lecteur fan d’Age of Sigmar.

THUNDERSTRIKE & OTHER STORIES [AoS]

Bonjour, bonne année, et bienvenue dans cette critique du dernier recueil de nouvelles introductif publié par la Black Library: ‘Thunderstrike & Other Stories’. La période estivale semble être favorisée par les pontes de Nottingham pour sortir ce genre d’ouvrage, si on en juge par la date de mise sur le marché du précédent omnibus de courts formats à vocation « pédagogique » assemblé par la BL (‘The Hammer & the Eagle’, couvert ici), bien que le lancement de la V3 d’Age of Sigmar a très certainement joué un rôle dans ce calendrier. Comme on le verra ci-dessous, la novella éponyme qui débute ‘Thunderstrike…’ se déroule en effet à la suite des événements les plus récents du fluff (libération de Kragnos, siège d’Excelsis, brouillage de la 5G sigmarite…) : il aurait donc été inapproprié de la mettre à disposition des mains et yeux avides des lecteurs trop tôt. Pas que je pense que GW soit immunisé à ce genre d’erreur de séquençage grossière, notez bien, mais tout de même, ça fait plus sérieux.

Thunderstrike & Other Stories

En plus de cette novella, dont je peux déjà vous dire, expérience des autres ouvrages similaires (‘Hammerhal & Other Stories et Sacrosaint & Other Storiespour AoS, ‘Crusade & Other Stories et ‘Nexus & Other Stories pour 40K, liens vers les critiques ci-avant) à l’appui qu’elle sera consacrée à la mise en situation des petits bonshommes (et bonnes femmes, parce qu’on est progressiste chez GW) intégrés dans la boîte de jeu accompagnant la V3, on retrouve au sommaire de cette copieuse anthologie (19 histoires, record pour un ouvrage ‘…& Other Stories‘) beaucoup de nouvelles précédemment publiées, et republiées pour certaines… mais pas que. Il faut en effet saluer l’inclusion dans cet opus de quatre purs inédits (en plus de la novella), ce qui est toujours agréable, et donne une raison aux vétérans de la BL de débourser les 7€ nécessaires à l’achat de ce recueil. Au prix de la nouvelle individuelle, c’est déjà une affaire de s’en tirer à ce compte pour « seulement » quatre histoires sur dix-neuf, tenez-le vous pour dit !

Pour terminer cette introduction, penchons-nous quelques instants sur les contributeurs de ‘Thunderstrike…‘ : en plus de signer la novella centrale, Richard Strachan récidive avec deux autres nouvelles, dont l’inédit ‘The Spears of Autumn’, signifiant ainsi son changement de statut parmi les auteurs de la BL1. L’expérimenté C. L. Werner et les novices Eric Gregory et Anna Stephens arrivent ex-aequo en seconde position, avec deux nouvelles chacun. Léger avantage à l’homme au chapeau et au petit (nouveau) Gregory, car l’une de leurs offrandes (‘The Last of the Braskovs’ et ‘The Hammer of Immanence’) est inédite. Pour en finir avec les nouveautés pures, on remerciera l’inamovible David Annandale de nous faire don de ‘The Gossip of Ravens‘, dont le titre semble indiquer une appartenance au courant Warhammer Horror, dont notre homme est l’un des fondateurs. Pour le reste, on retrouve comme d’habitude un joyeux mélange de grands anciens (Thorpe, Guymer, Counter…) et jeunes pousses (Rath, Lucas, Crisalli…), dont les efforts combinés feront tout le sel de cette anthologie. Reste à savoir dans quel sens…

1 : On lui souhaite cependant une trajectoire autre que celle de Thomas Parrott, auteur de ‘Nexus’ pour l’ouvrage du même nom, et voué aux gémonies quelques semaines avant par son employeur.

Thunderstrike & Other Stories

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Thunderstrike – R. Strachan :

INTRIGUE :

Le siège d’Excelsis est à peine terminé que les affaires courantes reprennent pour les braves et sous-payés hommes et femmes de l’armée régulière de la cité. Notre histoire commence sur le radeau du Capitaine Holger Beck des Iron Bulls, alors qu’il mène sa compagnie enquêter sur la disparition de colons ayant eu la riche idée de s’établir au milieu des marais de Mirkmere, dans la grande couronne excelsisienne. Une mission qui aurait fait soupirer le plus inflexibles des vétérans (gadoue omniprésente, chaleur humide, faune et flore hostiles, aucun Starbucks à des centaines de kilomètres à la ronde, 0 réseau…), ce que Holger n’est absolument pas. Elevé à son grade actuel à la fin du siège sur un malentendu, il avait passé l’intégralité de l’attaque à se planquer dans une cave en tremblant de tous ses membres, et ne s’était engagé dans la milice que pour pouvoir jouer aux cartes et courir la gueuse. Un spécialiste des canons à boire plutôt qu’à tirer, en sorte. Il lui faut maintenant donner le change alors que ses troupes remontent péniblement les marais en radeau, notamment devant le fanatique Prêtre de Sigmar Caspar Hallan. La corvée.

Une embuscade mortelle tendue par une bande de Kruleboyz en villégiature dans le bayou vient cependant faire voler en éclats le morne et glauque quotidien des miliciens, et si Beck et Hallan parviennent à se retrouver pendant leur fuite éperdue respective, leur répit n’est que de courte durée avant que les Orruks ne leur mettent la patte dessus.

Nous nous dirigeons ensuite vers Excelsis, où nous faisons la connaissance du vrai héros de notre histoire, le Knight-Relictor Actinus. Resté une âme simple malgré son élévation au rang d’Elu de Sigmar, Actinus aime venir se recueillir dans un modeste temple des quartiers populaires, en compagnie du vieux prêtre Jonas. Ce dernier, sentant que son paroissien est en proie à une profonde mélancolie à cause des camarades perdus lors de précédentes batailles et n’ayant pas retrouvé le chemin de l’Enclume de l’Apothéose à cause des perturbations chaotiques de ce fripon de Bel’akor, lui remet une « relique » pour lui remonter le moral : l’épée d’un jeune soldat du coin ayant donné sa vie pour défendre Excelsis. Outre le fait que la différence de gabarit entre un humain et un Stormcast Eternal rétrograde l’arme de feu Adert Sommer au rang de couteau à fromage pour Actinus, cette dernière n’a absolument aucune autre valeur que sentimentale, le Sommer en question ayant juste tenu sa position et s’étant fait malettiser aussi sec par un groupie de Kragnos. Aussi poli qu’un type recouvert de plates de la tête aux pieds peut l’être, Actinus accepte l’offrande, avant d’emboîter le pas à un Paladin envoyé par le Lord-Imperatant Taranis en personne pour le convoquer à un briefing urgent. Quelque chose me dit que ce modeste coupe-chou jouera un rôle un peu plus tard dans notre histoire…

Après avoir reçu l’ordre de se rendre à Fort Harrow pour enquêter à son tour sur le sort des villages sigmarites n’ayant plus donné signe de vie depuis plusieurs semaines, Actinus se met en marche avec une petite force de Stormcast Eternals, dont je vous épargnerai ici la composition et les personnages secondaires, l’une comme les autres n’ayant pas grand intérêt pour notre histoire. Au bout de quelques jours, la colonne arrive dans le village de Palmer’s Creek, qu’elle trouve totalement vide d’habitants, et marqué par un glyphe inconnu. Alors que les Stormcasts réalisent une enquête de voisinage pour tenter de trouver des indices sur cette disparition mystérieuse, Beck et Hallan refont une entrée plus fracassée que fracassante dans l’histoire. Les deux hommes s’étaient réfugiés dans le village abandonné après avoir réussi à s’enfuir du camp de prisonniers que les Kruleboyz avaient établi au cœur de leur domaine, et vivotaient d’amour et d’eau croupie depuis quelques jours. Hallan a été rendu fou par l’expérience, mais Beck raconte son calvaire à ses sauveurs, qui commencent par douter de l’existence de cette espèce d’Orruks des marais, intelligente, calculatrice et d’une cruauté inédite pour des peaux vertes. Malgré tout, Actinus décide de poursuivre plus avant dans le marigot, espérant avoir une confirmation des racontars du Capitaine déchu (auquel il remet l’épée relique de son pote Jonas, pour fortifier sa résolution vacillante et aussi pour se débarrasser d’un poids mort inutile) et, inch Sigmar, libérer les prisonniers faits par les Kruleboyz avant qu’il ne soit trop tard.

Le bataillon reprend la route dès le lendemain, accompagné par Beck mais sans Hallan, laissé à rigoler tout seul et à s’appliquer de la poudre de riz sur le visage dans une flaque. La tension monte d’un cran lorsque l’un des gryph-hounds de la seconde d’Actinus (Leta) est retrouvé cloué à un arbre, décapité et éventré pour faire bonne mesure. La mauvaise troupe finit par arriver à Fort Harrow, où le reste des survivants des Iron Bulls ont été parqués par les Kruleboyz. Les retrouvailles émouvantes entre Beck et les soldats qu’il a laissé littéralement croupir derrière lui lors de son évasion sont cependant interrompues par un concerto de coassements en si bémol, annonçant aux Stormcast Eternals et à leurs camarades humains qu’ils sont tombés dans le piège (Yugi) de Kruleboyz admirablement fair play ou abominablement stupides, puisqu’ils devront faire le siège d’un fortin qu’ils avaient déjà conquis, au lieu d’attaquer les sigmarites au milieu des marais… Les voies de Gorkamorka sont comme les profondeurs de Mirkmere : impénétrables.

L’attaque contre Fort Harrow se révèle être une redite du la bataille du Gouffre de Helm à la sauce Age of Sigmar, à la différence que le premier sang revient cette fois-ci à une flèche des assaillants plutôt que des défenseurs. Ah, et il n’y avait pas d’Aelfs en armure à paillettes pour aider Actinus et Cie, bien sûr. Leur Saroumane personnel leur ayant remis des explosifs de qualité, les Orruks se font une joie de réduire un des murs en allumettes, mais la supériorité martiale des Stormcast Eternals leur permet de colmater la brèche et de repousser la première vague ennemie. Les dégâts subis par les palissades sont toutefois trop importants pour envisager de tenir la position sur la durée, et le Knight-Relictor décide d’abandonner Fort Alamo aux Mexicains marécageux et de tenter une retraite en armes jusqu’à Excelsis pour faire un rapport circonstancié des événements à Taranis. Soit un mud day d’une centaine de kilomètres, qui pourrait bien avoir raison de l’endurance des Iron Bulls survivants. Mais foutus pour foutus, c’est toujours mieux que rouiller sur pied au milieu du marais poitevin.

Comme on pouvait s’y attendre, les Orruks ne laissent pas partir leurs invités sans rien faire, et le trekk tourne rapidement à la tragédie. Déprimé par l’absence de progrès réalisés par son protégé Beck dans la maîtrise de ses phobies (il s’est caché dans un tonneau pendant que les Kruleboyz attaquaient le fort) malgré la jolie épée qu’il lui a refilée, Actinus l’est également par les pertes qui s’accumulent chez ses frères et sœurs de sigmarite. Il peut au moins se venger des tactiques de terroristes des Kruleboyz, qui balancent des grenades sur sa colonne de réfugiés à la première occasion venue, en utilisant son pouvoir « redirection d’âme » pour envoyer les mânes des Stormcasts déchiquetés sur leurs assaillants, ce qui renvoie les galapiats à leurs chères études. La situation est tellement compromise qu’il va jusqu’à utiliser le bout de fémur consacré qu’il gardait en réserve dans son encenseur de fonction pour passer une invocation AirWick afin de dissiper les brumes nocives des Kruleboyz et permettre à ses camarades de respirer l’air frais d’une pinède de montagne (véridique). Ce n’est toutefois qu’un répit temporaire, et en son for intérieur, le commandant dépressif se voit déjà repartir pour la Reforge, où il pourra il l’espère reprendre contact avec ses copains d’avant.

Après quelques sanglantes escarmouches du même ordre, c’est enfin le moment du dernier carré (ou l’équivalent quand on se bat sur des socles ronds). Le Boss des Kruleboyz fait enfin son apparition, juché sur un… truc1, mais s’il s’attendait à avoir la partie facile face à quelques survivants dépenaillés, blessés et extenués, il se trompait lourdement. Ayant enfin réussi un test de bravoure, ou étant devenu complètement fou (c’est selon), le Capitaine Beck mène une charge suicidairement héroïque sur le QG adverse, et parvient à entailler la truffe de sa monture avant d’être envoyé valser dans le décor avec une cage thoracique perforée. C’est aussi le moment que choisit ce beau gosse de Taranis pour débarquer avec le ban et l’arrière-ban de sa chambre, guidé (askip) par la dernière flèche décochée par Leta avant qu’elle ne passe l’arme à gauche et l’âme au ciel, et qui aurait signalé la position de la colonne embourbée aux sentinelles à l’œil perçant d’Excelsis. Mouais. Toujours est-il que les renforts massifs reçus par le camp de l’Ordre suffisent à plier la bataille, Taranis et ses Stormcasts massacrant les Orruks à grands coups de… banc et permettant à Actinus de revendiquer une victoire à la fois tactique et morale (Beck est mort en héros et non en couard).

L’histoire se termine avec le retour de notre héros dans sa petite chapelle favorite, où il a la douleur d’apprendre de la bouche de son successeur que Jonas est mort de vieillesse en son absence, mais auquel il remet tout de même l’épée de Beck, en la vendant comme une relique doublement sainte, dédiée à l’adoration des fidèles. Tout le monde ne peut pas avoir un poil de barbe de Hamilcar à vénérer, c’est vrai.

1 : La description qu’en fait Richard Strachan ne colle ni avec un Votour, ni avec une Bête Faukarde, ni avec un Bruxodonte. Je suppose qu’il a dû écrire sa novella avant la sortie officielle de la boîte Dominion, et n’a pas eu accès aux informations nécessaires pour ajuster le tir.

AVIS :

Les novellas figurant au début des recueils introductifs de la Black Library ne sont jamais faciles à écrire, l’obligation portant sur l’auteur de mettre en valeur le contenu d’une boîte de base (ici Dominion) forçant très souvent ce dernier à se contenter d’une longue description des prouesses de l’escouade A et du personnage B, soutenue par une intrigue minimale. A ce petit jeu, Richard Strachan ne s’en sort pas trop mal, et signe avec ‘Thunderstrike’ une histoire assez correcte, et qui se lit sans trop de difficultés. J’ai notamment apprécié le soin qu’il a pris de contextualiser cette expédition hasardeuse dans les marais de Mirkmere en évoquant le siège d’Excelsis, et en se donnant la peine de décrire un tant soit peu cette cité après la fin des combats. La première partie du récit est ainsi la plus intéressante à mes yeux, les soixante pages suivantes n’étant finalement qu’une histoire d’un aller et retour d’une linéarité totale.

Ainsi, Strachan ne se donne pas la peine de proposer de vrais antagonistes à ses vertueux héros, opposés à la menace générique des Kruleboyz (même leur chef n’a pas de nom, c’est dire), alors qu’il aurait eu beau jeu de varier les points de vue pour faire monter la tension narrative, comme Josh Reynolds et C.L. Werner l’ont fait dans leurs propres novellas (‘Hammerhal’ et ‘Sacrosanct’). Mais même dans le camp des « gentils », seuls Actinus et Beck voient leur personnalité un tant soit peu ébauchée, le reste du casting n’étant là que pour faire le nombre lors des combats et faire progresser l’intrigue lorsque le scénario le demande. La non-utilité de certains personnages (Caspar Hallan et le Knight-Vexillor Pellion) m’a même fait me demander pourquoi Strachan avait cru bon de les intégrer à son histoire, cette dernière ayant pu se dérouler sans problèmes sans eux. Le résultat est une novella sans surprise ni retournement de situation, alors que ses 85 pages constituaient une longueur rêvée pour développer des arcs secondaires et des intrigues parallèles. Richard Strachan a trop joué la sécurité à mon goût de ce point de vue.

Au final, on sort de ‘Thunderstrike’ sans déception ni enthousiasme, ce qui est déjà bien ou assez dommage, selon les attentes que vous placez sur cette histoire (très basses en ce qui me concerne). Personnellement, je trouve cette « neutralité » un peu tristounette avec des bad guys aussi intéressants et originaux que les Kruleboyz, mais je ne peux pas en vouloir à Strachan d’avoir cherché à viser la moyenne plutôt que de s’embarquer dans une histoire plus ambitieuse, en connaissance des contraintes marketing pesant sur sa plume.

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Bossgrot – E. Gregory :

INTRIGUE :

BossgrotGribblak, boss du Gobbolog Skrap, rencontre un problème de leadership des plus sévères, qui pourrait bien remettre sa place dans la hiérarchie, ainsi que son intégrité physique, en question. Après une nouvelle bataille catastrophique contre un ramassis de cultistes de Khorne ayant eu la mauvaise idée de faire du camping sauvage dans le parc privé du Loonking, s’étant soldée par une débâcle inqualifiable et la perte de nombreux bons Gits (et d’un Gargant nommé Hurg), Gribblak réunit son Gobex et lui soumet son projet de conquête du jusqu’ici inexpugnable Mont Pizmahr, sur lequel toutes les armées envoyées par Skargrott se sont jusqu’ici cassé le nez (qu’elles ont pointu). Rien de tel qu’une randonnée sous les boulets de canon pour booster le moral des troupes, pas vrai? À sa grande surprise, ses fidèles conseillers, par la voix du chamane Oghlott, expriment un avis contraire de façon très marquée, et enfoncent le clou en révélant au bienheureux Gribblak1 que sa côte de popularité auprès de l’homme de la rue, ou dans notre cas, du Gob’ du tunnel, est abyssalement basse, et qu’il ferait mieux de se faire oublier quelques temps s’il ne tient pas à finir en croquettes de squig. 

« Basses menteries et piteuses billevesées! » s’exclame Gribblak2, qui décide d’aller prendre le pouls de l’amour que ses troupes lui portent en se rendant incognito (une capuche noire suffit, c’est l’avantage avec les Gobelins de la Nuit) dans les baraquements du Skrap. Et là, surprise et désappointement, il se révèle bien que tous ceux auxquels il parle nourrissent de bien sombres desseins à son égard, et ne rêvent que de le voir périr de la façon la plus divertissante possible. Comprenant qu’il n’est plus le bienvenu parmi les siens, et proprement renversé par le putsch tramé par ce traître d’Oghlott pendant qu’il faisait du micro-trottoir, Gribblak décide de montrer au monde de quel bois il est fait et de prouver à tous que le peuple le plus brave de la Gaule, c’est lui! Ou quelque chose comme ça. En tout état de cause, il profite du tumulte pour aller chercher son véhicule de fonction (un beau duo de Manglers) au sous-sous-sol, et partir en catimini et en laissant ouvert l’enclos à squigs, car sinon c’est pas drôle.

Les problèmes se succédant les uns aux autres, il se rend rapidement compte qu’il n’a jamais passé le permis S, et s’il parvient à diriger sa deux chevaux squigs dans la bonne direction, il bute en revanche sur l’usage du levier de vitesse. Repéré par les gardiens du Mont Pizmahr, l’audacieux Git se fait canarder de toute part, crève un pneu, puis l’autre, pour finir catapulté sur le toit d’une des bâtisses du camp retranché maintenu par les cités de Sigmar sur cette montagne. N’ayant heureusement pas été repéré par les zoms qui ont bassement plombé ses montures, notre héros réalise qu’il s’est attaqué à un trop gros morceau, et qu’il sera déjà chanceux de faire ce que la Mauvaise Lune sait faire de mieux: s’éclipser. Trahi par la ferraille mal entretenue qu’il trimbale sur lui, Gribblak attire l’attention de la garnison, mais parvient à subtiliser une arquebuse à l’un de ses poursuivants avant de s’élancer dans un zig-zag éperdu qui finit par l’amener devant un Celestial Huricanum expérimental, en pleine opération de divination…

Début spoiler…Se souvenant sans doute qu’il appartenait à la Grande Alliance de la Destruction, et peu favorablement impressionné par la luminosité de l’engin, qui lui rappelle celle de son pire ennemi (le soleil), Gribblak commet l’inévitable et l’irréparable en déchargeant sa pétoire volée sur l’instrument arcanique, prestement imité en cela par une bande d’arquebusiers peu finauds cherchant à le mettre hors d’état de nuire. Bien évidemment, ces échanges de tir ont des conséquences catastrophiques, et le fort de Pizmahr finit par être réduit en poussière suite à l’explosion de la machine infernale, mais pas avant que Gribblak ait trouvé le moyen de se carapater. 

Ayant retrouvé par hasard le chemin de son Skrap, devenu SGF pour cause de dégâts des squigs majeurs, notre héros est tout prêt à se laisser abattre et manger (et pas nécessairement dans cet ordre) par ses congénères, lorsque ces derniers, rendus conciliants par l’ingestion de vastes quantités de space cake, sont témoins de la fin enflammée de Pizmahr, et comprennent que leur boss a tenu parole et conquis à lui tout seul cette place forte imprenable. Devant un tel exploit, il serait mesquin de leur part de lui tenir rigueur de ses erreurs passées, et voici Gribblak renommé séance tenante Boss du Gobbolog Skrap, sous les yeux dépités mais résignés d’Oghlott. A Star Moon is born.Fin spoiler

1 : En même temps, ce serait déplacé que de lui reprocher d’avoir la tête dans la lune: il a tout fait pour et en est très fier, merci pour lui.
2 Enfin, il aurait certainement dit ça s’il avait le vocabulaire nécessaire. En l’occurrence, il s’est contenté d’un « céfô ».

AVIS :

Eric Gregory signe une petite nouvelle très rigolote1, et presque émouvante par endroit (ce pauvre gobbo que personne n’aime alors qu’il se croyait populaire… c’est d’un triste!), qui ferait presque figure de fable dans le monde cruel et sanglant d’Age of Sigmar. Oubliez La Petite Poule Rousse (The Little Red Hen en VO, d’où vient l’expression « the little hen that could« ), place au Vaillant Petit Gobelin, qui a réussi – sur une succession de gros coups de bol, il faut le reconnaître – à regagner l’estime de sa tribu et enlever une forteresse qui résistait aux armées de Loonking. Bon, il a probablement causé la mort de quelques dizaines de braves soldats et mages humains, qui étaient sans doute de bons bougres, mais on n’est pas à quelques victimes collatérales près. Il est rassurant de voir que la Black Library n’a pas complément fermé les vannes du second degré en matière de GW-Fiction, et autorise de temps à autre un de ses auteurs à soumettre ce genre de nouvelles. Après le positivement répugnant Gloomspite d’Andy Clark, dépeignant la faction sous son (absence de) jour le plus détestable et sadique, une alternance plus légère complète bien le « spectre » gobelinoïde dans la littérature BL. Il en faut pour tous les goûts.

1 : Ma punchline préférée étant « ‘You boys remember,’ Vork interrupted, ‘when we lost a lair to those trees? Trees in a cave. I never.’ »

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The Spears of Autumn – R. Strachan :

INTRIGUE :

Une fois n’est pas coutume dans les univers de fantasy, ce n’est pas le Gondor qui appelle à l’aide ses alliés (très cavaliers) à la suite d’une invasion ennemie, mais le Stonemage Carreth Y’gethin, dont le temple d’Ultharadon est dans le viseur d’une cohorte d’Ossiarch Bonereapers. Le Prince Belfinnan le Brave (BB pour les intimes) n’a pas hésité une seconde à faire son Théoden, rassemblé ses Dawnriders pour venir en aide à son voisin, et emmène son unité de 500 Vanari – je ne joue pas à AoS mais je crois que ce n’est pas une taille légale… – à travers le sinistre bois d’Arduinnaleth pour hâter son voyage. Cependant, foin de Ghân-Buri-Ghân pour guider les Aelfs sur les chemins les plus sûrs de ce lieu hanté par les esprits de ses précédents occupants, ce qui fait vaciller le moral de certains des cavaliers novices, à commencer par Ceffylis, un fils de paysan fraîchement sorti de sa cambrousse natale et incorporé à l’armée de Belfinnan.

Déjà effrayé par la perspective d’avoir à affronter bientôt l’élite des forces de Nagash armé seulement d’un long bâton pointu, Syphilis voit son trouillomètre passer dans le négatif après que les voix soupirant dans ces bosquets mal famés l’aient incité à déserter de toute urgence, faute de quoi il périra bientôt au combat. Un test de bravoure raté plus tard, notre pusillanime héros décide de déserter en plein cœur de la nuit et emmène discrètement son destrier hors de la clairière où les Dawnriders ont planté leur bivouac, afin de tirer sa révérence sans se faire repérer…

Début spoiler…C’était toutefois sans compter sur le management irréprochable (il connaît à la fois le nom de la jeune recrue et celui de son cheval, c’est pas donné à tout le monde) de BB, qui attendait innocemment Ceffylis sur une souche en se taillant en cure-dent. Au lieu de morigéner vertement le tourne casaque ou de lui planter son épée dans le bide pour lui apprendre à revenir sur son engagement, Belfinnan choisit la voie de l’honnêteté et révèle à la jeune recrue que lui aussi a connu des moments de doute et de peur, à commencer par la fameuse bataille de la Crise de Shadrian, qu’il a pourtant remporté à un tout jeune âge contre une armée de Godseekers assoiffée de carnage.

Il avoue ainsi à un Ceffylis estomaqué que son premier réflexe lorsque la mêlée à commencer à tourner en faveur des chaotiques fut de tourner bride et de s’enfuir, comme la majorité de son régiment, mais que l’exemple d’un des ses amis, qui décida au contraire de retourner au combat contre toute logique, le fit revenir sur sa décision. Bien que la légende qui fut écrite après que la bataille soit miraculeusement gagnée par les Lumineth suite à cette contrecharge inspirée ait fait de Belfinnan un héros célébré, le mérite en revenait en fait à ce camarade anonyme, qui ne survécut pas aux combats. Cette confession nocturne raffermit le courage de Ceffylis, qui revient sur sa décision et repart se coucher avec ses frères d’armes. Demain sera un autre jour…Fin spoiler 

AVIS :

Richard Strachan livre un chapitre additionnel à son roman ‘The End of Enlightenment’ avec cette courte nouvelle pleine de bonnes et nobles intentions (à l’instar de ses héros), mais franchement quelconque prise individuellement. Tout est tellement convenu dans cette histoire de jeune-recrue-hésitante-mais-réconfortée-par-un-vétéran-moins-sûr-de-lui-qu-il-n-en-a-l-air que l’on peut s’arrêter de lire ‘The Spears of Autumn’ à mi-parcours et ne rien rater de bien intéressant dans la partie laissée de côté. Dommage que Strachan n’ait rien tenté de plus excitant dans ces quelques pages, car les nouvelles non-violentes de GW-Fiction sont suffisamment rares pour – presque – toujours mériter le détour, à mon avis. Malheureusement, toute règle a ses exceptions !

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The Sea Taketh – D. Guymer :

INTRIGUE :

The Sea TakethLes Kharadron sont prêts à toutes les extrémités pour faire du profit, et pour le héros de notre histoire, l’aventurier Ingrdrin ‘The (Code) Rock(s)’ Jonsson, cela se traduit par un peu de plongée sous-marine sur le littoral de Blackfire Bight, en Shyish. Ses dernières pérégrinations l’ont en effet amené à mettre la main sur un carnet de notes skaven, localisant l’emplacement d’une cité du légendaire peuple des Idoneth Deepkin : Aighmar. Flairant une opportunité de s’en mettre plein les poches, il embauche un pêcheur local (Tharril) pour l’emmener jusqu’au lieu où la ville engloutie est sensée se trouver (en tout cas sur le cadastre), et réalise une plongée exploratoire dans son scaphandre dernière génération1, manquant certes de se faire croquer par un allopex affamé, mais réussissant à rassembler quelques artefacts exotiques qu’il espère pouvoir écouler à un bon prix sur le marché de l’occasion.

Cependant, et contrairement à ce qu’il annonce à Tharril et à sa fille Thalia une fois remonté à la surface, sa visite ne s’est pas passée aussi tranquillement que cela, et notre maître Duardin ne tarde pas à mettre les voiles le moteur pour repartir vers l’enclave Kharadron de Toba Lorchai. Bien lui en a pris, car le soir même le petit village reçoit la visite d’une bande d’Idoneth pas vraiment jouasses, menés par un Soulrender sentimental et rien de moins que la Reine de Mor’phann, la possessive Pétra. Ne trouvant rien de très intéressant parmi les cabanes en torchis et les barques à moitié pourries qui constituent tout le patrimoine de cette humble communauté, les Aelfs des abysses font le plein d’âmes et se remettent en chasse, ne laissant que la pauvre Thalia fredonner ‘la maman des poissons… elle est PAS gentilleuuuuh’ auprès des formes comateuses de ses proches anâmiés.

De son côté, Jonnson a beau faire grand train vers Toba Lorchai, dont il espère que la solide enceinte et la forte garnison décourageront les précédents propriétaires de son loot de venir porter plainte, il se doute bien que les Idoneth ne lâcheront pas l’affaire de sitôt, comme la persistance d’un vague (haha) écho et les relents tenaces de poisson avarié qui le suivent partout le laissent envisager. Son premier réflexe une fois arrivé à bon port est de faire un crochet par la boutique de Murrag, une chineuse d’antiquités Ogor avec laquelle il est en affaires depuis des années, afin de lui remettre son butin ainsi que le carnet avec l’emplacement d’Aighmar. Lui-même n’aspire plus qu’à prendre l’air à bord de son dirigeable et laisser l’océan de Shyish loin derrière, mais à son grand regret, sa receleuse se contente de prendre ses babioles ouvragées, et lui laisse le bout de corail noir qu’il avait également ramassé pendant sa plongée en paiement de ses services. Bien que percevant l’aura magique entourant cet artefact, ce qui ne manque pas de le mettre mal à l’aise, Jonnson ne peut se résigner à l’abandonner dans la première poubelle venue : en tant que Kharadron, il en va de son honneur, non de son devoir, de tirer profit de ce caillou enchanté.

Il repart donc en direction des quais de Toba Lorchai, mais n’y arrive pas avant que les Idoneth aient lancé leur attaque sur la cité. Les habitants du cru ne se laissent pas faire et ripostent bellement, permettant à Jonnson et son équipage de tirer leur révérence dans la confusion des combats ; une fois la sécurité de la troposphère atteinte, notre héros miraculé reconsidère ses priorités et décide finalement de balancer ses derniers souvenirs d’Aighmar par dessus-bord…

Début spoiler…C’était toute fois sans compter l’arrivée soudaine d’un leviadon et de tout un escadron de créatures marines très à l’aise dans les courants atmosphériques. Malgré l’héroïque résistance que leur oppose l’équipage du dirigeable, les Idoneth n’ont aucun mal à aborder le frêle esquif et à rentrer en possession de leurs biens. Comme Pétra l’explique aimablement à Jonnson avant de lui prendre son âme en dédommagement des préjudices subis, ce que le Kharadron avait pris pour un simple morceau de corail était en fait un éclat du chorrileum d’Aighmar, et contenait une partie des âmes des anciens habitants de l’enclave. Il était donc hors de question de le laisser entre les doigts boudinés d’un Duardin cupide, alors que le reste des artefacts volés par Jonsson n’intéressait ironiquement que très moyennement les Idoneth. Morale de l’histoire : la marée n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Fin spoiler

1 : Il a même l’eauto-radio, c’est dire.

AVIS :

David Guymer nous livre une parfaite introduction aux Idoneth Deepkin avec ‘The Sea Taketh’, mettant en scène de manière inspirée et atmosphérique l’approche particulière que les Aelfs sous-marins ont de la guerre et leurs rapports de semi-ostracie avec le monde de la surface. Le choix de Guymer de raconter cette histoire du point de vue du pillard traqué par les Idoneth permet à ces derniers de conserver leur aura d’étrangeté et s’avère être une décision judicieuse d’un point de vue narratif. J’ai également apprécié le phénomène des « acouphènes marins » qui frappe le héros après son forfait, trouvaille intéressante pour faire comprendre au lecteur que s’éloigner de la côte n’est pas une solution pour échapper à la vengeance des militants Sea Shepherds des Royaumes Mortels. Enfin, il se donne la peine d’intégrer au récit les caractéristiques propres de l’enclave Mor’phann que sont le talent inné de ses Soulrenders pour rescuciter les Namarti, et la brume glacée que les parties de chasse de cette faction invoquent pour fondre sur leurs proies sans se faire repérer, ce qui est une attention touchante pour son lectorat de fluffistes. Une vraie réussite, qui donne envie de se donner sur les autres travaux océaniques de cet auteur, à commencer par son roman ‘The Court of the Blind King’.

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Buyer Beware – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Buyer BewareNotre histoire commence par une descente de boardercross Kharadron, qui, comme chacun sait, se court en combinaison intégrale de laine de goret à poils longs de Chamon. Partis à cinq de la ligne de départ, située dans le nid d’une Maw-Crusha en attente d’un heureux événement, seuls quatre Duardin parviennent à boucler la course dans les temps impartis et en un seul morceau. On portera longtemps le deuil de Rogoth (casaque, culotte et barbe jaune poussin), dont les tendances gauchistes lui ont été fatales. Les Nains sont un peuple de (virage à) droite, c’est bien connu.

Parvenus jusqu’à la sécurité – toute relative – de leur vaisseau (Night’s Daughter), le capitaine Karazi ‘Fairgold’ Zaynson et ses acolytes n’ont pas besoin de signaler au reste de l’équipage qu’il serait de bon ton de souquer les aethertibuses, comme on dit à Barak-Mhornar : les rugissements tonitruants et les attaques en piqué de la mère poule dérangée dans sa retraite étant une motivation suffisante. Un tir de mitraille bien senti plus tard, l’affaire est réglée aux torts partagés : une gueule et une épaule chevrotinée pour le Maw-Crusha, ce qui l’oblige à rejoindre le plancher des Squigs, et une méchante estafilade de coque pour la Night’s Daughter. Pas assez pour amener le fier vaisseau par le sol, mais assez pour occuper l’endrineer de bord et son assistant pendant une bonne partie du voyage jusqu’à la destination fixée par Fairgold : un avant poste Orruk où l’attend le deal de sa vie. Car oui, à Age of Sigmar, les Nains et les Orques ne sont pas irrémédiablement et définitivement fâchés, et peuvent (apparemment) faire affaire quand la situation l’exige. En l’état, Fairgold a besoin de renflouer les caisses en exploitant un filon d’aether-or localisé par la tribu peau-verte avec laquelle il a rendez-vous, afin de financer une nouvelle expédition pour localiser l’épave d’un navire familial, le Night’s Gift. Une raison qui en vaut une autre, et se révèle donc assez impérieuse pour justifier les tractations contre nature dans lesquelles le capitaine entraîne ses matelots.

Arrivés à bon port après ne s’être que légèrement écrasés dans la forêt proche du village Orruk (équipage secoué + immobilisation), les Kharadron envoient une délégation réduite négocier l’accord avec la partie adverse, tandis que le reste de l’équipage s’emploie à remettre le châssis en état, sous les ordres de Verna (l’endrineer susnommée). À terre, Fairgold et ses compagnons rencontrent finalement le massif Orgaggarok, chef de la tribu du Poing qui Tombe, qui possède ce qu’ils désirent : une carte localisant l’emplacement précis du gisement d’aether-or convoité, flairé par les pouvoirs surnaturels du Wardancer local1.  Mais en échange, Orgaggarok veut les trois œufs de Maw Crusha que ses invités ont apportés avec eux, ce qu’un négociateur vétéran comme Fairgold ne peut laisser passer sans froncer de la moustache. Après un marchandage vindicatif et énergique, l’accord est sur le point de sans conclure sans le moindre sang versé sur la base de deux filons contre trois œufs, lorsque l’expert en ruralité profonde que le chef Orruk a amené à la table au tronc de négociation, lui hurle dans l’oreille qu’il est en train de se faire avoir comme un bleu. Les taches caractéristiques qui ornent la coquille des œufs montrent en effet de façon formelle que ces derniers viennent des Pics de Fer… qui sont sur le domaine des Poings qui Tombent. Oupsie.

Vendre un bien que l’acheteur possédait déjà étant une pratique universellement condamnée, le dialogue tourne court et les lames sortent des fourreaux (pour ceux qui en ont). Bien que tenus en respect par l’arsenal de leurs visiteurs, les Orruks sont tout prêts à foncer dans le tas pour apprendre les bonnes manières leurs visiteurs, mais l’arrivée de deux catastrophes aériennes coup sur coup va donner à Fairgold et ses matelots la distraction nécessaire pour se sortir de ce guêpier. D’abord, Mama-Crushaw débarque au village, guidé par son instinct maternel infaillible, ou la puce de géolocalisation qu’elle avait placé sur ses œufs (allez savoir, c’est de la high fantasy, je ne serais même pas surpris). Puis, c’est la Night’s Daughter, enfin réparée, qui arrive à son tour, abat pour de bon le lézard volant en rut, défonce la palissade Orruk, et maintient les sauvages en respect assez longtemps pour permettre aux VRP de remonter à bord. Bien entendu, Fairgold a trouvé le moyen de chiper la carte d’Orgaggarok au passage, et tout est bien qui finit donc bien pour nos petits gars et filles. Même mieux que bien, car ils ont gardé le dernier œuf de Maw Crusha pour eux, et que ce dernier vient d’éclore. Et une mascotte pour la Night’s Daughter, une !

1 : Spécialisé dans les souffles (ou pets, si on demande à ce diplomate né de Fairgold) de Mork, nom donné par les Orruks à ce type de filon.

AVIS :

Après des débuts discrets à Age of Sigmar (comparé à sa production soutenue pour Warhammer Fantasy Battle ; 40.000 et l’Hérésie d’Horus), Gav Thorpe signe une petite nouvelle posant tous les jalons d’une suite plus ambitieuse avec ce ‘Buyer Beware’. J’en vux pour preuves la galerie conséquente de personnages qu’il prend le temps de nous présenter, ainsi que les relations particulières qui unissent certains d’entre eux (Fairgold et Verna semblent très proches), mais également la mise en perspective de la quête inlassable de Fairgold pour le Night’s Gift, qui justifie tous les événements narrés dans ce court format. Il est encore trop tôt (au moment où cette chronique est écrite) pour acter de la véracité de cette intuition, d’autant plus que Thorpe a déjà une série de romans sur le feu – ça se passe à Aqshy après tout – pour AoS, avec ‘The Red Feast’ (et sa.es suite.s), mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour le reste, ‘Buyer Beware’ tient assez bien la route, sans originalité folle ni style flamboyant, mais avec un dosage correct d’action et d’humour, et surtout sans les incongruités regrettables dont Gav Thorpe parsème parfois ses soumissions à écrire sans se poser de questions. Qualité naine, dirons-nous.

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Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE :

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS :

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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The Neverspike – D. Hinks :

INTRIGUE :

The NeverspikeTrachos, Lord-Ordinator des Celestial Vindicators, revient en Aqshy après une mission mouvementée dans le sous-monde de Shyish, où il a « égaré » son escorte de Hammers of Sigmar dans quelque échauffourée intolérante avec la population locale, ce dont notre bonhomme semble être coutumier. Sigmar ayant apparemment trouvé d’autres qualités à ce chic type que l’amour de son prochain, la camaraderie et le sens des responsabilités, cette vendetta sanglante n’affecte pas le moins du monde notre héros, qui souhaite simplement faire son rapport à la forteresse la plus proche et repartir concasser de l’hérétique en paix. Cependant, la voix accusatrice qui résonne et raisonne dans sa tête n’est pas d’accord avec sa position bien tranchée sur le sujet, mais cela est le moindre souci de notre héros lorsque sa route le met sur le chemin d’un affrontement peu commun entre un drake pierreux d’Aqshy et un drôle du duo : Gotrek et Maneleth en personne.

Bien qu’étant à première vue convaincu que les deux bipèdes n’ont plus que quelques secondes à vivre face à un monstre à la peau aussi épaisse, Trachos assiste in fine à une slaying masterclass de la part du petit rouquin aussi costaud qu’odoriférant, qui ne tarde pas à remettre de la viande au menu. Peu fréquentable mais tout de même poli, le Stormcast vient saluer les deux voyageurs et apprend de la bouche de l’Aelf qu’il s’agit du sixième drake massacré par Gotrek depuis qu’il s’est mis en tête de localiser le Neverspike, une montagne magique dont la direction peut être connue grâce au savant art de lecture dans les entrailles de draconoïde. Et si le nabot souhaite tant visiter ce lieu à la sinistre réputation, c’est parce qu’il a appris qu’il s’agissait de la prison du Prince d’Améthyste, un héros des temps jadis condamné à une agonie éternelle par ce vieil acariâtre de Nagash.

Tout ceci n’intéresse que moyennement Trachos, mais quand il apprend que Maleneth accompagne Gotrek pour récupérer la rune majeure logée dans la poitrine du Tueur, il décide de participer à son tour à cette opération « recyclage et valorisation », jugeant comme l’Aelf qu’un tel trésor mérite meilleur écrin que le corsage velu d’un ivrogne édenté, et, pire, athée. Car Gogo ne se prive pas pour expliquer à sa nouvelle connaissance à quel point il déteste les dieux, ce qui peut se comprendre quand on comptait sur eux pour s’offrir une mort digne de ce nom et qu’on se retrouve à la place propulsé dans un autre monde de manière totalement gratuite. Cette ouverture d’esprit déplaît bien entendu à Trachos, qui accepte toutefois d’aider le duo mal assorti à rejoindre bon port grâce à ses capacités d’ingénieur arcanique et son matériel de pointe, qui semble beaucoup intéresser Gotrek sans que le méprisant Lord-Ordinator n’y fasse grande attention. Sachant fort bien que la magie de mort baignant le Prince d’Améthyste consumera Gotrek dès qu’il y fera mine d’y planter la hache, Trachos se dit qu’il n’aura qu’à ramasser la rune sur le cadavre du Tueur une fois qu’un regrettable accident lui sera arrivé.

Cependant, le Stormcast Eternal commet l’erreur fatale d’accepter le défi de lever de coude que propose Gotrek lors du bivouac de fin de journée, confiant dans sa physiologie surhumaine pour annuler les effets de l’alcool. Cela aurait sans doute marché avec n’importe qui d’autre, mais on ne couche pas un Tueur (de Bière) comme ça, et Trachos finit par sombrer dans un sommeil hébété, penndant lequel il dévoile à son insu ses sinistres intentions à son compagnon. Lorsque le trio arrive au Neverspike le lendemain et commence à se frayer un passage dans la horde de revenants qui garde la montagne, Gotrek se retourne brusquement contre le félon, et lui subtilise un de ses gadgets pour accomplir son véritable plan…

Début spoiler…Au lieu de chercher à tuer le Prince d’Améthyste, comme Trachos le pensait, Gotrek inverse en effet la polarité des courants éthériques pour transformer la malédiction de Nagash en portail vers Shyish, bannissant tous les morts vivants à la ronde dans l’opération, dont le Prince en question. Car comme il le révèle à Trachos avant que le rideau ne tombe sur notre histoire, sa rancune ne porte pas sur un vulgaire héros de second ordre, mais bien sur Nagash en personne. Et pourquoi se taper des mois de route pour accéder au Grand Nécromancien quand on peut utiliser un raccourci ? C’est donc un retour à la case départ qui échoit à Trachos, aspiré dans le Royaume de la Mort par le vortex ouvert par Gotrek pour son speed run personnel. Il n’est pas toujours bon de fréquenter des VIP…Fin spoiler

AVIS :

Le Tueur le plus et le moins accompli du Monde qui Fut revient aux affaires dans ce très sympathique ‘The Neverspike’, dans lequel Darius Hinks deux éléments capitaux : une bonne contextualisation de ce personnage légendaire de la GW-Fiction, d’une manière très appropriée (une bonne couverture du passif du héros et de ses nouvelles motivations, sans trop d’exposition) d’abord, et un personnnage très intéressant en la figure de Trachos, premier Stormcast Eternal positivement mauvais que nous rencontrons dans le cadre d’une histoire d’Age of Sigmar1. Trachos semble en effet avoir un certain nombre de problèmes psychologiques, ainsi que quelques crimes de guerre sur la conscience, ce qui en fait un protagoniste (?) plus passionnant à suivre que l’immense majorité des good guys en sigmarite que la Black Library nous a refourgués jusqu’ici. On peut le voir comme le chaînon manquant entre les vertueux paladins de Sigmar et les guerriers déchus d’Archaon, et une étape importante dans le cheminement qui finira par nous mener aux Stormcast du Chaos (j’y crois). C’est dommage qu’il semble ne pas survivre à la fin de la nouvelle, mais peut-être refait-il une apparition dans ‘Ghoulslayer’ (dont ‘The Neverspike’ est l’introduction littérale), ce qui donnerait une raison supplémentaire pour partir à la découverte des premières aventures de Gotrek dans des Royaumes d’autant plus mortels du fait de sa présence…

1 : À ma connaissance, qui est loin d’être exhaustive. Mention honorable à ce bon vieux White Reaper, mais je ne l’ai pas vraiment vu en action.

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The Garden of Mortal Delights – R. Rath :

INTRIGUE :

The Garden of Mortal DelightsNotre histoire prend place sur une île de Ghyran, où le seigneur slaaneshi Revish l’Epicurien tient cour et jardin. Contrairement à la majorité de ses collègues cultistes, Revish s’intéresse davantage aux plaisirs de la chère qu’à ceux de la chair, et occupe donc une bonne partie de son temps à se délecter des mets les plus recherchés et exotiques, comme le foie gras d’un homme de foi, ou encore les gariguettes bio dynamiques et permacultivées produites ultra-localement par bouturage sur des Dryades préalablement décapitées. Comme il fallait une petite main verte à notre gourmet pour s’assurer du bon approvisionnement de son garde-manger, et qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même un esclave hautement qualifié, notre Hannibal Lecter med-fan s’est assuré les services, pas vraiment librement consentis, d’une sorcebranche du nom de Wilde Kurdwen, capturée avec ses sœurs étêtées lors d’un raid sur un bosquet mal gardé. Bien qu’il lui en coûte, et qu’écouter les greffons décérébrés de ses congénères réciter en boucle leur jingle de bataille1 lui file un bourdon pas possible, Kurdwen a accepté le CDI gracieusement offert par son geôlier, et lui fourni légumes, fruits et baies de première qualité.

À l’occasion de la punition d’un larbin qui avait eu la mauvaise idée de grignoter quelques mûres ne lui étant pas destinées, Revish accompagne sa jardinière dans un petit tour du propriétaire, qui leur donne l’occasion de discuter des différences philosophiques entre hédonistes et botanistes. Kurdwen en profite également pour présenter à son boss son nouveau projet : la culture de graines âmes, qu’elle voit comme la première étape d’une future alliance entre Slaaneshi et Sylvaneth contre les armées de Nurgle qui ravagent Ghyran. Jouant sur la fibre paternaliste de Revish, elle use de tous ses charmes végétaux pour plaider sa cause auprès de l’Epicurien, qui se montre finalement assez intéressé par cette joint-venture bouture. Cependant, le projet est accueilli avec une froideur palpable par sa girlfiend Sybbolith2, plus intéressée par la quête de Slaanesh que par le reboisement à impact social. Suspectant que l’apathie gloutonne de Revish est le fruit (mouahaha) des minauderies de Kurdwen, Syb’ convainc ce dernier de placer la sorcebranche devant un choix qui lui permettra de juger de sa véritable allégeance : lorsque Revish revient le lendemain, accompagné par quelques guerriers de sa garde personnelle, il demande à la dryade de lui remettre la graine âme expérimentale qu’elle a fait pousser dans son coin, afin qu’il puisse la déguster. Un refus de sa part signifierait que la loyauté de Kurdwen n’est pas aussi absolue qu’elle voulait lui faire croire. Et devant le peu d’enthousiasme manifesté par la semencière à la demande cannibale de Revish, il semble bien que les carottes soient cuites pour la préposée aux espaces verts…

Début spoilerN’ayant guère le choix, Kurdwen remet finalement la précieuse cosse à Revish afin que ce dernier puisse y prendre un croc… qui lui est retourné, à sa grande surprise, par l’occupant de la gousse. Fort mécontente de cette mise au monde prématurée, l’âprelarve qui sommeillait dans la graine âme roule en effet un gros patin mandibulé à Revish, ce qui a pour effet de lui arracher un sourire, et la moitié du visage par la même occasion. Comprenant qu’il a été roulé dans la farine de châtaigne, le nabab navré s’élance à la poursuite de la sorcebranche, qui peut cependant compter sur le soutien d’une petite armée de Dryades, soigneusement cultivées depuis les étrons de Revish (on fait avec ce qu’on a).

Dans la bagarre qui s’en suit, Revish a l’occasion de se dérouiller un peu les haches en abattant les végétaux hostiles ayant envahi son île, perdant au passage la totalité des guerriers (dont Sybbolith, qui fait prudemment retraite sur le continent après avoir croisé le chemin d’un Homme Arbre nouveau-né à l’écorce trop épaisse pour son fouet de dominatrice), avant de se retrouver en face à face avec Kurdwen. Sans doute un peu fatigué par sa session de bûcheronnage intensive, l’hédoniste se fait hameçonner par sa prisonnière sans coup férir, et se retrouve ligoté sur son trône jusqu’à ce que mort s’en suive. Des décennies plus tard, les (sans doute rares) visiteurs de l’île peuvent en effet admirer une armure et un crâne à moitié absorbé par un chêne gigantesque. D’engraisseur à engrais, finalement, il n’y a que quelques lettres…Fin spoiler

1 : La légende raconte qu’il s’agit de la musique d’attente du standard téléphonique d’Alarielle.
2 : Que la traduction française a criminellement choisi de ne pas baptiser Ciboulette. C’était l’occasion pourtant.

AVIS :

Robert Rath réussit son coup, et son entrée dans Age of Sigmar, avec The Garden of Mortal Delights, qui offre au lecteur une exploration intéressante à plus d’un titre des particularités du lore de cette franchise. Mariant à la fois concepts intrigants mais tout à fait dans l’esprit du fluff (les Dryades servant de substrat aux plantations personnelles d’un slaaneshi gourmet) et mise en relief d’aspects développés dans les Battle Tomes mais pas encore trop dans la GW-Fiction (les différents courants de pensée à l’œuvre chez les hédonistes ; Revish étant un Invader – assez casanier sur ses vieux jours – alors que Sybbolith est une Godseeker pur jus), cette nouvelle est une vraie bonne surprise, qui illustre bien le potentiel dont dispose le background des Royaumes Mortels, dès lors qu’il est confié à un auteur inventif et concerné. Prometteur pour Robert Rath, qu’il faudra suivre à l’avenir.

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The Hammer of Immanence – E. Gregory :

INTRIGUE :

Nous retrouvons le très patient Lord Celestant Gardus Steel Soul des Hallowed Knights alors qu’il mène une force d’élite de Stormcast Eternals au secours du Fort Immanence, assiégé par les Ossiarch Boneareapers. Une fois n’est pas coutume, le vétéran blanchi sous le harnais a reçu son briefing directement de la bouche de Sigmar en personne, et la mission n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air de prime abord. Bien que les premiers ordres de Steel Soul soient de détruire les catapultes ennemies qui pilonnaient les fortifications sigmarites, il surprend son monde, à commencer par sa Retributor-Prime, Thuna, en n’exploitant pas l’opportunité se présentant à lui de décapiter littéralement l’ost de morts vivants en arrachant le Soulmason commandant l’armée des Ossiarchs de son déambulateur osseux. À la place, il entraîne son petit groupe en direction de la forteresse, où l’attend sa vraie cible.

Cette dernière se trouve être l’Abbesse de Guerre Nawal ib’Ayzah, 80 printemps, toutes ses dents et un caractère bien trempé. Grâce à son commandement inspiré, Fort Immanence a résisté aux assauts de Nagash, bloquant son avance vers la cité de Gravewild et ses riches réserves de nonosses. La victoire semble cependant impossible, ce qui a poussé Sigmar à envoyer son larbin peroxydé (qui a gagné un nouveau super pouvoir après sa dernière Reforge) exfiltrer en douce la matriarche afin qu’elle coordonne les forces de l’Ordre au niveau régional, au lieu de mourir bêtement au combat dans une escarmouche mineure. Petit problème pour Gardus : Nawal refuse catégoriquement cette proposition, semble-t-il à cause d’une rancune persistante qu’elle entretient à l’encontre du boss d’Azyr, qui a envoyé une bande de Hallowed Knights mal dégrossis secourir le monastère où elle était novice pendant son enfance, et qui ont accompli leur mission sans se soucier du moins du monde de la survie des civils qu’ils étaient pourtant sensés défendre. La fin de non recevoir qu’il reçoit ne fait pas l’affaire de notre héros en fer blanc, mais il ne dispose que de peu de temps pour convaincre Nawal de coopérer, les hordes d’Al’akhos (le Stonemason précédemment entrevu) faisant une entrée fracassante dans le fort.

En désespoir de cause, Gardus décide donc de filer un coup de main à son hôtesse, car s’il y a une chose qu’il sait faire mieux que personne, c’est mourir au combat pour la plus grande gloire de Ziggy ! Avant de donner à nouveau de sa personne et de passer par la case Reforge, comme l’intégralité de ses Stormcast Eternals d’ailleurs, le secourable Lord Celestant vient faire échouer le complot ourdi par les lieutenants de Nawal pour… on ne sait pas trop en fait, mais qui passait par le menottage et le face plant de cette dernière sur le carrelage du temple où un Luminark est utilisé par les défenseurs pour… faire pousser leurs légumes. Un usage un peu étonnant d’une ressource aussi précieuse dans un contexte de siège contre un ennemi n’étant guère connu pour sa résistance à la magie lumineuse, mais il est vrai qu’une alimentation variée est très importante tant sur le plan physique que psychologique. Tous les médecins s’accordent là-dessus. Toujours est-il que Gardus met fin à la petite sédition qu’Oron, le Hiérophant senior de Fort Immanence, avait ourdi pour déposer la fanatique Nawal, dont le plan consiste à conjurer une supernova avec le Luminark au moment où les Ossiarch Bonereapers s’empareront de la forteresse, détruisant assaillants et défenseurs dans une glorieuse explosion lumineuse. Seems legit.

Croyez-le ou non, mais c’est ce plan qui finira par être mis en œuvre lorsque les légions squelettiques viendront toquer à la porte du temple où Gardus et Nawal se sont réfugiés. Sigmar montrera à cette occasion qu’il n’est pas aussi mauvais que l’abbesse le pensait, en palliant au décès tragique d’Oron (écrasé par une pierre au pire moment) et envoyant une étoile carboniser Fort Immanence et sa grande banlieue après que nos héros aient récité la liste de ses nombreux épithètes pour le flatter (ou attirer son attention, il est peut-être dur de la feuille). Une fois de plus, la team Gardus s’envole vers d’autres cieux – ceux d’Azyr pour être précis – mais avec le sentiment du devoir accompli.

AVIS :

Gardus Steel Soul fait son retour après avoir servi sous les ordres de l’émérite Josh Reynolds dans la première ère de la GW-Fiction made in AoS, et il n’est malheureusement pas en grande forme. C’est fluff vous me direz, mais c’est surtout pénible à lire, et plutôt surprenant de la part d’Eric Gregory, qui avait montré dans ses précédents travaux dédiés aux Stormcast Eternals qu’il avait pris la mesure de cette faction faussement simple à mettre en scène (‘The Fourfold Wound’).

Pour commencer, l’intrigue est à la fois simpliste et inutilement compliquée, notamment par la convocation de nombreux personnages secondaires dont cette histoire aurait pu se passer pour se concentrer sur Gardus et Nawal. Même leur Némésis calcifiée Al’akhos ne sert pas à grand-chose d’un point de vue narratif, se contentant de diriger ses hordes de constructions osseuses depuis son propre exo-squelette. On a l’impression que toute cette galerie de bons à rien n’a été intégrée au récit que pour permettre à l’auteur d’atteindre son quota de pages, ce qui est toujours une mauvaise idée. Si Nawal tient à peu près la route dans son rôle de grand-mère punk et intraitable, adorant Sigmar avec un salutaire second degré (et jurant comme un charetier, ce qui n’est pas si commun), Gardus en revanche n’est plus que l’ombre du héros contrasté de Josh Reynolds, et apparaît à côté de ses pompes d’un bout à l’autre de la nouvelle. Il se contente d’ailleurs de se faire apprendre la vie par l’inflexible Nawal, et de gueuler sur la pauvre Thuna lorsqu’elle a le malheur d’avoir des intuitions stratégiques tout à fait valables, ce qui est la marque des grands commandants. Je me dois également de mentionner la mini conspiration des sous-fifres de Nawal qui constitue un tel sous-événement dans l’intrigue (alors que cela aurait pu être l’occasion de faire décoller l’histoire) qu’elle est évacuée en l’espace de deux pages, et n’aura finalement aucun impact par la suite.

Enfin, l’indigne deux ex machina qui termine l’histoire est également regrettable, et met le doigt sur une question que le fluff n’a pas encore traité (à ma connaissance) : si Sigmar est tellement interessé par le recrutement des mortels les plus prometteurs pour rejoindre ses armées, et qu’il est le dieu sans pitié que le background dépeint, pourquoi ne se contente-t-il pas de foudroyer directement ses futures recrues, au lieu de gaspiller des ressources précieuses pour les convaincre de rejoindre son service ? Bref, une soumission pataude et très oubliable de la part d’Eric Gregory, qui se reprendra bientôt j’espère.

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Blessed Oblivion – D. Lucas :

INTRIGUE :

Blessed OblivionS’il y a bien une constante dans le monde professionnel, ce sont les effets débilitants et démoralisants que la routine peut avoir sur les travailleurs. Dans le cas, certes assez extrême, de notre héros, le Liberator Klytos de l’ost des Celestial Vindicators, cette routine est littéralement mortelle. Comprendre que le (quasi) quotidien de notre armoire à glace turquoise est de se faire déboîter, éventrer, décapiter, piétiner, empaler, et j’en passe, ce qui le contraint à de fréquents passages sur l’Enclume de l’Apothéose, où il perd à chaque fois des souvenirs de sa vie passée. Et ça, Klytos le vit très mal1. Alors, avant chaque bataille, il passe en revue les éléments – de moins en moins concrets – qu’il lui reste de son existence de mortel : le visage de sa femme et de son bébé, les mains de son père (ou d’un vieux type, il ne sait plus trop). Déployé avec sa cohorte sur une mission humanitaire en Shyish, Klytos n’a pas à attendre longtemps avant d’être à nouveau renvoyé à la case l’enclume départ, après s’être fait ouvrir en deux comme une huître par un Exalted Deathbringer amateur de poésie (et de hache à deux mains).

Etant arrivé devant les Six Forgerons juste au retour de leur pause pipe (je les vois mal fumer autre chose), notre héros bénéficie d’une remise en état expresse, et est renvoyé sur le terrain très rapidement, où il retrouve ses camarades éprouvés mais victorieux. Ayant à nouveau perdu un peu de sa mémoire, il sombre dans une rêverie morose tandis les autres Liberators de son unité se livrent chacun à leurs propres rituels post-traumatiques (grosse ambiance chez les Stormcast Eternals). C’est dans cet état contemplatif que son supérieur, le Liberator-Prime Gracchus le trouve. Après avoir proféré quelques politesses mensongères mais motivantes2, Primo décide que le mieux pour Klytos est d’aller voir là-bas s’il y est, ou « mission de supervision de la sécurisation du périmètre allié », comme on dit à Azyrheim. Envoyé se dérouiller les solerets dans les collines avoisinantes, Kly’ tombe par hasard sur une scène de combat opposant un couple de hipsters à un groupe de beaufs. Classique. Sauf qu’à la place des hipsters, il s’agit en fait d’un bretteur et d’une sorcière Aelfe, le premier n’hésitant pas un instant à donner sa vie pour que la seconde puisse jeter un sort mortel aux importuns, en couchant la plupart. Les survivants, un duo de Skullreapers chaperonné par un Slaughterpriest faucheur, n’ont cependant pas de mal à capturer la donzelle pendant la recharge de son blast, et l’histoire se serait sans doute mal finie pour elle sans l’intervention héroïque de Klytos, qui parvient à occire les deux goons. Malmené par le maxi mini-boss, le Liberator se voit déjà repartir à la reforge, mais est à son tour sauvé par l’intervention de la sorcière, qui fait dévorer le prêtre par des lombrics de lumière. Awesome.

L’ennemi vaincu, les deux vainqueurs socialisent un peu. L’enchanteresse révèle s’appeler Lichis Evermourn, et être en mission secrète pour récupérer une pierre de royaume cachée dans une maison de campagne abandonnée par son couvent dans l’arrière-pays de Shyish. D’abord peu intéressé par la quête de celle qu’il considère avec méfiance après l’avoir vu égorger son malheureux compagnon (malgré le volontariat de ce dernier), Klytos se fait finalement convaincre par Litchi de lui servir de garde du corps, en échange d’une mémoire restaurée grâce à la magie de la pierre en question. Adieu, veau, Vindicators, cochon, couvée, notre héros déserte et s’embarque pour un trek en pays ennemi avec sa nouvelle patronne. Au bout de quelques jours de marche, les deux lascars arrivent en vue d’une bâtisse qui semble abandonnée… mais ne l’est pas tout à fait. Deux honnêtes cambrioleurs sont en effet à pied d’œuvre lorsque Klytos et Lichis arrivent, ce qui ne plait pas du tout à cette dernière, qui les bouledefeu-ise sur le champ afin de s’assurer qu’ils n’ont pas récupérer la précieuse pierre sur un malentendu. Évidemment, cela ne plaît pas vraiment à Klytos, qui, de rage… se débarrasse de son casque. Chacun ses méthodes de gestion de la colère.

Rassurée que le grisbi est toujours à sa place, Lichis entraîne son preux mais plus très motivé chevalier servant en sous-sol, où se trouve une crypte. Klytos réalise, un peu tard, que la sorcière n’est qu’une voleuse de tombes de bas étage, ce qui le rend chafouin, mais ses états d’âme sont remis à plus tard lorsque le gardien des lieux se matérialise après que Lichis ait commencé à incanter pour briser le sceau protégeant la pierre. Confronté au cousin germain de Kedrek, Klytos a bien du mal à se faire respecter du Knight of Shrouds en furie et en voix qui se met à le tataner sévère. Entre deux formules ésotériques, Lichis parvient toutefois à balancer un hack à son palouf de compagnie : « Utilise la Force Foi, andouille ! ». Et le pire dans tout ça, c’est que ça marche. Puisant dans des ressources insoupçonnées, Klytos parvient à aligner suffisamment de 6 sur ses jets de dés pour envoyer Shroudie au tapis. Bien joué gamin. Le gardien vaincu et la pierre du royaume récupérée, tout s’annonce pour le mieux pour notre héros, qui insiste pour que mémoire lui soit rendue, malgré la réticence de Lichis…

Début spoiler…Et pour cause, Klytos ne tarde pas à réaliser qu’il a, en fait, vécu une bonne vie de m*rde. Sa femme s’est fait tuer par un pillard, qui a enlevé sa fille alors qu’elle était bébé. Son père a fait une overdose de chloroquine avariée, et a fini comme un légume sans qu’il ne trouve la force de mettre fin à ses souffrances. Sa mère est morte quand il était jeune, frappé à la tête par le sabot d’une mule grincheuse. Les gens du village d’à côté se sont entre-dévorés lorsque la famine s’est déclarée un hiver. Il a eu plusieurs fois la gastro et s’est souvent cogné le petit orteil sur le coin de son armoire. Ça fait beaucoup. L’épilogue de notre histoire voit Klytos, que cette épiphanie malvenue a plongé dans la folie, ressortir de la crypte et tomber sur une nouvelle bande de brocanteurs opportunistes (ça commence à faire beaucoup), auxquels il demande gentiment de le tuer, sous peine de mort. Confus par cette requête aussi extrême que contradictoire, les pillards décident de battre en retraite, mais pas avant que Klytos le dingue en ait découpé deux pour leur peine. Si seule la mort met fin au devoir, il n’y a plus qu’à espérer qu’elle mette aussi fin à la mémoire, mais rien n’est moins sûr…Fin spoiler

1 : On pourrait arguer qu’il n’avait qu’à être meilleur à son taf’ au lieu de claquer aussi souvent, comme un noob. Ce serait vrai, mais peu charitable.
2 : Gracchus complimente Klytos en lui disant qu’il s’est bien battu ce jour. À moins qu’il ait aussi des problèmes de mémoire, il ne lui aura pas échappé que son protégé s’est fait sortir dans les deux premières minutes de la bataille…

AVIS :

Surfant sur la vague du Stormcast Blues, cette nouvelle introductive de Dale Lucas dépeint avec justesse l’autre côté du masque de bataille des colosses en sigmarite, qui malgré leurs abords stoïques, restent sujets à des doutes et peurs bien humains. Le personnage de Klytos, tenaillé par son devoir envers Sigmar, qu’il vénère par-dessus tout, et son désir – assez légitime – de ne pas perdre tout souvenir de sa vie précédente, offre un mélange complexe de sentiments tourmentés au lecteur, en plus de poser quelques questions intéressantes en matière de fluff (et si l’amnésie progressive des Stormcast Eternals était finalement une bonne chose pour eux ?). À ce rythme là, nous n’aurons guère à attendre avant que la BL ne nous propose des histoires de Stormcast renégats, ou en tout cas émancipés de leur curatelle divine, ce que je suis tout prêt à lire !

Plus sombre et psychologique que la nouvelle Stormcast Eternals classique, Blessed Oblivion a également la bonne idée de mettre en avant une sous-faction assez peu représentée jusqu’ici, les Darkling Covens, et leur rapport pour le moins particulier au concept d’Ordre. Les frictions entre Klytos et Lichis se font ainsi l’écho de l’hétérogénéité des philosophies des différentes cultures que Sigmar et son panthéon ont rallié sous leur bannière, thématique riche de potentiel encore peu explorée par les auteurs de la Black Library, qui ont pour le moment privilégié les coopérations « faciles » dans leurs ouvrages (ceux que j’ai lu en tout cas). Avec autant d’idées pertinentes, et plutôt bien développées, à son actif pour une première soumission, Dale Lucas se positionne naturellement parmi les rookies à suivre de la BL, en espérant que cette dernière poursuive sa collaboration avec cet auteur déjà établi.

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The Serpent’s Bargain – J. Crisalli :

INTRIGUE :

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

AVIS :

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

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Ghastlight – A. Stephens :

INTRIGUE :

Le Dread Pageant s’est semble-t-il lassé de torturer Beastgrave en laissant toutes ses victimes à 0.1 PV pour empêcher la montagne consciente de se nourrir de la mort, même temporaire, de ses squatteurs1. Désormais guidés par les visions géniales de leur leader suprême Vasillac et les lumières spectroscopiques (ghastlights) émises par Uhl-Gysh, où se trouve la légendaire cité de Shadespire, les quêquêtteurs de Slaanesh cherchent à accéder à la ville maudite en empruntant une fissure de Royaume, par manque de qualificatif plus probant. C’est en effet là que Vasillac pense trouver le légendaire Livre de Slaanesh, réputé contenir tous les sales secrets de la divinité AWOL, à commencer par sa géolocalisation exacte. Une motivation comme une autre.

Ayant rapidement expédiés ad patres une bande de Skavens de bas niveau, et fait un prisonnier (Ytash, et son stash) que Vasillac veut utiliser comme monnaie de passage au péage interdimensionnel, les DP passent beaucoup de temps à s’engueuler, un peu moins à se rabibocher (cruelle galoche entre Glissete et son harceleur de boss à l’appui), et des lustres à faire de la randonnée jusqu’à l’origine du monde Royaume, emplacement de la faille magique qui leur permettra de changer de niveau. Pendant qu’elle marche vers sa destinée, Glissete a le temps de réfléchir sur sa situation personnelle, professionnelle et spirituelle, qui ont toutes trois beaucoup progressé depuis son arrivée à Beastgrave, à son pas du tout humble avis. Certes, elle ne peut pas blairer le Slaangor Slakeslash, qu’elle trouve de plus en plus incontrôlable, ne s’est jamais entendu avec l’archer Hadzu, et a mal vécu sa rupture avec Vasillac, mais comme on dit chez les Hédonites : qu’importe l’émotion tant qu’il y a l’excès. Et à ce compte là, son expérience troglodyte s’est montrée particulièrement riche.

Ces puissantes ruminations finissent par être salutairement interrompues par la rencontre fortuite avec une vingtaine d’Ironjaws, poussant les Slaaneshi à une retraite prudente. Bien que poursuivis par une meute d’Orruks plus costauds et plus nombreux qu’eux, nos héros trouvent tout de même le temps de faire des pauses méditations au milieu des couloirs, et même de se battre à mort entre eux. En effet, Glissete a surpris Slakeslash à faire une danse de la victoire de Fortnite au dessus de la forme avachie de Vasillac, et a logiquement conclu à une nouvelle crise de la vache folle. L’euthanasie du cheptel n’a cependant pas été du goût du Seignuer de Slaanesh, qui était simplement en train de faire une projection astrale pour trouver son chemin, et a failli mourir lorsque son garde du corps s’est mis à lui meugler dans les oreilles après avoir pris un coup de glaive dans les faux filets. Une bête méprise.

Punie de sa prise d’initiative désatreuse, Glissete est envoyée récupérer Hadzu et Ytash en queue de peloton. Après quelques péripéties mineures, toute la bande finit enfin par arriver devant la faille tant recherchée, et qui se trouve gardée par des morts vivants peu conciliants. À Age of Sigmar comme dans le monde réel, les migrants ne sont jamais bien accueillis par les locaux. La situation précaire tourne au totalement bordelique lorsque les Ironjaws finissent par faire leur retard et se jeter dans la mêlée : en même temps, Warhammer Underworlds n’est pas pensé pour des affrontements à trois joueurs, what did you expect. Profitant de la confusion, Vasillac sacrifie en 2-2 Ytash, se lave les mains dans le sang du Skaven et passe de l’autre côté du miroir, rapidement suivi par le reste de sa bande. Il aura fallu attendre la dernière page de la dernière nouvelle de ‘Direchasm’, mais il s’est enfin produit quelque chose de non-scripté dans ce recueil ! Le champagne attendra ceci dit, car comme dit le proverbe, il en restait encore plein de là où il en venait, c’est-à-dire des morts vivants patibulaires et Shadespire. L’intégration des nouveaux venus ne va pas être une partie de plaisir…

1 : Se référer à ‘The Mountain’s Call’ (Graeme Lyon).

AVIS :

Je suis partagé sur ce ‘Ghastlight’, que j’ai trouvé être assez vide pour une nouvelle de 23 pages, les déambulations et ressentiments de Glissete, personnage principal de l’histoire, formant la majeure partie de cette dernière. Autre déception : l’absence manifeste de continu entre la nouvelle de Lyon et celle-ci, alors qu’il aurait été très sympa et relativement simple pour la BL de lier, même à la marge, ces deux histoires. D’un autre côté, Anna Stephens réussit bien à retranscrire la philosophie particulière des Hédonites, qui font feu de tout bois pour nourrir leur excessivité naturelle, et (d)ébauche des relations intéressantes entre les différents membres de la bande, en particulier Vasillac et sa sous-fifre/ex. Le portrait d’Ytash, le Skaven otage, est à mon sens bien moins réussi, car le raton fait vraiment trop humain dès qu’il ouvre la bouche (on notera qu’il respawn immédiatement dans Shadespire à la fin de la nouvelle, malgré avoir été sacrifié à Beastgrave : phénomène physique intéressant que des générations de fluffistes ne manqueront pas d’analyser). Deux point positifs additionnels pour terminer : un détail fluff qui mérite la mention à défaut du détour (le Livre de Slaanesh), et une fin à suspens qui donne envie de connaître la suite de la saga des Dread Pageant. J’ai peu d’espoir à ce sujet, mais qui vivra verra (et qui mourra renaîtra, ce qui revient au même finalement).

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The Siege of Greenspire – A. Stephens :

INTRIGUE :

The Siege of GreenspireAmbiance tendue dans la tour de guet de Greenspire, dirigée par la Capitaine vétéran Brida Devholm. Éprouvée par des accrochages de plus en plus fréquents avec les mutants et les Tzaangors hantant le Hexwood, sa garnison est en sous-effectif, et les nouvelles recrues qui lui ont affectée en renfort ne se montrent guère à la hauteur des espérances de l’officier. En témoignent les maladresses de Kende, un paysan fraîchement reconverti dans les choses militaires, et qui commence la nouvelle en fracassant un tonneau de poudre noire sur le sol, avant d’être pris en train de roupiller à son poste quelques heures plus tard en compagnie d’une autre novice, Raella. Fort heureusement, Brida peut également compter sur la compétence et le dévouement de ses frères d’armes, à commencer par ceux de son second, le Lieutenant Duardin Drigg, et du Sergent Brock, tout juste revenu d’une mission d’approvisionnement l’ayant mené à Fort Gardus. Chargeant chacun de la supervision d’un des pioupious mal dégourdis, elle organise avec une anxiété croissance la préparation de Greenspire à une nouvelle attaque chaotique, qui ne saurait malheureusement tarder.

Les choses prennent un tour encore plus sombre lorsque Drigg découvre à la faveur d’un contrôle de routine que l’un des canons de la tour a été saboté. Un peu plus tard dans la même journée, ce sont les cas de gastro-entérite aiguë qui se multiplient, reléguant une bonne partie de la garnison aux toilettes de l’infirmerie. La nature suspicieuse de Brida ne met pas longtemps à la convaincre qu’un traître est à l’oeuvre à l’intérieur de la tour, mais le temps lui manque pour effectuer une enquête poussée: la vigie signale en effet l’arrivée d’une horde d’emplumés, qu’il s’agit de repousser bellement avant que justice ne puisse être rendue. Malheureusement pour la milice de la Justice de la Dame, l’agent double n’a pas chômé, et ils découvrent bientôt que la totalité de leur stock de poudre est impropre à l’utilisation, tandis que le feu d’alerte au sommet de Greenspire refuse obstinément de passer au rouge (c’est bien la première fois que quelqu’un s’en plaint), et ainsi de signaler aux tours voisines la situation périlleuse dans laquelle Brida et ses hommes se trouvent. Les soupçons de cette dernière se portant sur ce bon à rien de Kende, ainsi que sur la préposée aux canons Orla, dont les agissements au cours des dernières heures lui apparaissent comme hautement suspects, la Capitaine ordonne à Brock de les placer en détention le temps que l’attaque soit repoussée, si elle peut encore l’être…

Début spoilerPrivés de la puissance de feu de leurs canons et arquebuses, les défenseurs ont toutefois les pires difficultés à calmer les ardeurs homicidaires de la ménagerie de Tzeentch, qui commence à escalader les murs avec abandon. Cette situation précaire est irrémédiablement compromise lorsque Brock, qui se révèle être le traître (son petit aller retour en solo sur les routes de campagne de Ghyran ne lui ayant pas porté chance), ouvre les portes de la tour aux assaillants, avant de se faire empaler par un magnifique jet de lance de sa boss. Bien que le mal soit fait, ce javelot cathartique permet au moins au feu alchimique de la tour de passer au rouge, le sort de greenwashing lancé par Brock sur la flamme s’interrompant avec sa mort. Comprenant sa méprise, Brida rallie les survivants pour un confinement héroïque au premier étage de Greenspire, et profite d’une bévue stratégique de la part des Hommes Bêtes pour leur clouer le bec d’une façon définitive, en concoctant une bombe artisanale coupée à la farine avec ses stocks de poudre impropres à la consommation. L’explosion fait un carnage chez les Tzaangors et leurs animaux de compagnie, qui battent en retraite de façon chaotique (c’est fluff), permettant à Brida et ses troupes de reprendre possession de leurs pénates.

Lorsque la cavalerie l’infanterie finit par arriver, la bataille est déjà remportée, laissant un goût amer à Brida du fait de la trahison d’un frère d’armes de vingt ans, dont la dernière infamie a été d’exécuter Kende et Orla au lieu de les emprisonner au moment de l’attaque. Moralité: ne jamais se séparer en groupes de un (depuis le temps qu’on vous le dit!), c’est vraiment contre-productif. Les états d’âme de la Capitaine sont toutefois rapidement remisés au second plan, car, une à une, toutes les tours voisines de Greenspire déclenchent leurs feux de warning, signe d’une attaque massive et coordonnée sur la Ligne Émeraude. Le Gondor appelle à l’aide! Ou quelque chose comme ça…Fin spoiler

AVIS :

Début satisfaisant (c’était au moment de sa publication sa première nouvelle pour la BL) de la part d’Anna Stephens, qui choisit pour l’occasion de disserter autour de thèmes classiques de ce genre de littérature: le dernier carré épique d’un petit groupe de héros et la présence d’un traître parmi ce même groupe de gens de bonnes mœurs. Mission remplie sur les deux tableaux, même si la brièveté de la nouvelle se ressent sur l’une et l’autre des dimensions narratives choisies: la bombe F (comme farine) concocté par Brida et Cie s’avère d’une efficacité redoutable, tout comme la culpabilité de Brock crèvera les yeux du lecteur familier des romans policiers. En 17 pages, difficile de faire mieux (c’est à dire plus complexe), et quand on compare The Siege of Greenspire à From the Deep, autre récit inaugural d’une auteur bien établie mettant en scène la défense par l’Ordre de ses terres (ou mers) devant l’attaque d’armées chaotiques, on se dit que l’on a définitivement gagné au change. On notera également la fin à suspens dont Stephens gratifie son récit, qui débouchera peut-être sur d’autres textes détaillant ce qui semble être un assaut de grande ampleur des Bêtes du Chaos sur Hammerhal-Ghyra. C’est osé pour une première soumission, mais après tout, les éditeurs de la BL ont laissé faire, donc pourquoi pas…

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The Gossip of Ravens – D. Annandale :

INTRIGUE :

Le seigneur Raglev règne sur la petite ville de Darkhail, située dans le royaume de Nulahmia, fief de Nefarata. Il a deux passions dans la vie : écrire des bouquins de stratégie qu’il trouve géniaux mais dont il est le seul lecteur, et convaincre ses proches qu’il est plus malin que la Mortarque du Sang, qu’il « utilise » à ses dires pour se débarrasser de ses rivaux en lui envoyant en paiement de sa dîme de vassal. Cette confession satisfaite, qu’il fait à sa fille unique Kyra alors qu’une colonne de prisonniers part pour Neferatown, ne va pas tarder à se retourner contre lui car son héritière a, elle, un respect sincère pour la reine vampirique. De plus, les nuées de corbeaux que cette dernière utilise comme espions étaient de sortie au dessus de Darkhail ce jour là, ce qui n’augure rien de bon pour le noble « félon »1.

Le soir même en effet, Raglev ne peut que constater la disparition surnaturelle de Kyra, emportée par un tunnel de corbeaux (concept) alors qu’elle semblait sous le coup d’un envoûtement, en direction du nord de son domaine. Bien que la nuit soit noire (et pleine de terreurs), Rag’ n’hésite pas un instant à rassembler une troupe de cavaliers pour secourir sa fille, dont il a absolument besoin pour perpétuer sa dynastie et convaincre ses descendants qu’il était un Machiavel en puissance. Et peut-être, peut-être, qu’il l’aime un peu, aussi. Après quelques heures de chevauchée, les secouristes arrivent devant la tour de Greymourn, abandonnée depuis des lustres et de sinistre réputation. Il serait étrange que Kyra s’y trouve mais comme cette dernière a mentionné ce nom de manière totalement random quelques heures plus tôt, ce ne serait pas non plus totalement farfelu. D’ailleurs, une silhouette ressemblant fort à la jeune femme apparaît fugitivement à la fenêtre du donjon alors que les cavaliers se rapprochent, faisant renaître l’espoir du côté de Raglev.

S’étant aventuré dans l’édifice en compagnie de son capitaine des gardes après une ouverture de la voie nord via coinceurs (la porte a été construite à dix mètres du sol, c’est pratique), notre héros se retrouve dans une reconstitution glauque et jonchée de cadavres de sa salle du trône, redécorée avec des instruments de torture divers et variés. Et ce n’est pas Kyra qui l’attendait, mais un amalgame nécromantique lui ressemblant vaguement, et qui boulotte goulûment le sidekick de Raglev pendant que lui s’enfuit piteusement et retourne dare dare à Darkhail.

Cependant, alors que le jour se lève sur la ville, le noble aperçoit sa fille qui l’attend sur le balcon de sa forteresse. Il semblerait qu’une bonne âme l’ait trouvée et ramenée à son vieux père, ce qui est un acte bien charitable, et la preuve que les Shyishois ne sont pas aussi froids et égoïstes qu’on le raconte…

Début spoiler…Manque de bol pour Raglev, le bon samaritain en question n’est autre que Nefarata, qui n’est pas venue seule. Sa garde de chevaliers noirs d’élite a pris possession de la cité sans coup férir, et si le noble déchu est autorisé à se rendre dans la salle du trône où l’attendent Kyra (transformée en vampire par Neferata en récompense de sa délation par corbeaux interposés) et sa suzeraine, ce n’est pas pour être réprimandé, mais puni avec une dureté toute immortelle. La Mortaque de Sang donne ainsi le Baiser du même ordre à son vassal comploteur, avant de l’emmurer dans la tour de Greymourn où il passera sa non-vie à expérimenter une abstinence stricte. Le crime de bitch majesté est puni très sévèrement à Nulahmia, et je ne peux pas prétendre que cela me surprenne plus que ça…Fin spoiler

1 : J’utilise des guillemets car le bonhomme ne semble pas avoir commis d’autre forfait que de considérer qu’il était très malin d’envoyer ses ennemis politiques donner leur sang à Nulahmia, ce qui n’est pas une forfaiture impardonnable. Plutôt une alliance entre l’utile et l’agréable.

AVIS :

Petite histoire oscillant entre accompagnement sans prétention des romans ‘Mortarch of Blood’ et ‘The Dominion of Bones’ et la gamme Warhammer Horror (dont David Annandale est l’un des plus gros contributeurs au sein de la Black Library), ‘The Gossip of Ravens’ met plus l’accent sur le caractère impitoyable de Nefarata que sur ses talents de stratège et de manipulatrice, ce qui est dommage car c’est bien cela qui caractérise ce personnage. Peut-être que cette soumission prendra une autre dimension si on recroise ses protagonistes dans la saga de l’ex Lahmiane, mais prise séparément, il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer pour cette nouvelle assez fade.

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Last of the Braskovs – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Le retour au bercail est compliqué pour la Capitaine Emelda Braskov, descendante d’une famille noble de la cité de Mournhold, en Shyish, et fraîchement démobilisée de l’armée où elle avait servi pendant quelques années. D’une, sa ville natale a été renommée Ulfenkarn pendant son absence, ce qui fait toujours un coup au moral (demandez aux habitants de Ploubalay pour voir). De deux, ladite ville, déjà peu riante à la base du fait de son exposition permanente à la météo capricieuse propre à la côte du Royaume de la Mort (c’est pas pour rien qu’on dit qu’il fait un temps de shyishien), est devenue carrément lugubre depuis que le vampire connu sous le nom de Radukar le Loup s’est autoproclamé maître de la cité. De trois, le règne brutal et anarchique de Radukar a eu un impact désastreux tant sur les habitants que les bâtiments de Mournhold/Ulfenkarn, les premiers étant réduits à la condition de donneur de sang quotidiens, les seconds tombant en ruines dans l’indifférence la plus totale du service de la voirie (#RavageUlfenkarn) et servant de repaire à une faune aussi bigarrée qu’affamée. Bref, c’est la zone.

Cela n’empêche pourtant pas notre intrépide – la plupart du temps, elle a des coups de mou de ci de là – héroïne de tenter d’aller visiter le manoir de sa dynastie, afin de se remémorer le bon vieux temps. Bien qu’elle ait laissé à son départ en croisade un vieux père (Varislaus) et une ribambelle de frères en la demeure, il semble qu’elle soit de fait la dernière des Braskov, Radukar ayant une grosse dent, et pas une molaire, contre la vieille noblesse locale. Coup de chance pour la revenante (mouahaha), elle peut compter sur le coup de main d’un ancien camarade de service militaire, le prêtre de Sigmar Grigori, qui était là quand la transition a été effectuée d’une administration à la suivante, et connaît donc Ulfenkarn et ses dangers comme sa poche. S’étant faite presque gauler par la patrouille lors de sa visite à Grigori, réalisée après le couvrefeu et donc punissable de mort par le service d’ordre squelettique mis en place par Radukar, Emelda ne dit pas non à une visite guidée dans les vieux quartiers de la ville, où se trouve le manoir des Braskov.

Grigori connaît un raccourci, qui a l’avantage et l’inconvénient de passer à proximité de l’antre d’un nécrolique, charmante bestiole dont le regard pétrifie ses victimes, ce qui décourage les visites de courtoisie. L’odorat développé de ce gros lézard peut toutefois être retourné contre lui, et si une racine particulière est placée devant sa grotte, il ne pourra pas en sortir avant que l’odeur s’en estompte, ce que ce finaud de Grigori compte bien faire. Juste après avoir déposé le pot pourri sur le paillasson du monstre, le duo de touristes croise la route d’un honnête pillard de ruines, qui pour son malheur revient de la villa Braskov et s’attire donc l’antipathie immédiate d’Emelda. Si le malotru (Vladislav) parvient à s’enfuir sans demander son reste, il a le temps de jeter un vieux doute dans l’esprit de notre farouche guerrière, en lui révélant que son vieux père a accepté le Baiser de Sang de Radukar et a rejoint sa Cour Assoiffée, ce que Grigori ne lui avait pas indiqué, pour ne pas la froisser. Quel gentleman, tout de même.

Et en effet, lorsque les deux randonneurs de l’extrême arrivent à bon port, Emelda a la douleur de constater que c’est bien un vampire qui joue (mal) de l’orgue dans le petit salon de la demeure, comme son père avait l’habitude de le faire de son vivant. Les retrouvailles entre Braskov se passent bien, papa usant de son charme envoûtant pour hypnotiser sa fille et lui passer sa MST (Malédiction Sanguinement Transmissible)… enfin presque. Ce butor de Grigori intervient au dernier moment et dégaine un talisman de Sigmar à lumière stroboscopique, ce qui incapacite le vampire et ses zombies de compagnie suffisamment longtemps pour que leurs invités puissent s’échapper à toutes jambes. Le karma ne tarde cependant pas à punir le prêtre indélicat, puisqu’il se fait changer en pierre lorsque le duo fait une pose à proximité de l’antre du nécrolique. Rien à voir avec la fraîcheur de la racine chauve-souris que Grigori avait utilisé pour bloquer la sortie du monstre : c’est ce fieffé coquin de Vladislav qui a jugé marrant de prendre la racine avec lui alors qu’il repartait en ville pour faire les pieds à ces empêcheurs de looter en rond. Emelda aurait connu le même sort que son ami n’eut été l’état déplorable des ruines dans lesquelles le nécrolique s’est établi, qui s’effondrent sur la tête du lézard pétrificateur à la première poussée de Miss Braskov, le faisant passer de mort-vivant à mort tout court. Qui vit par la pierre périt par la pierre, comme dit le proverbe.

C’est maintenant au tour d’Emelda de se venger, et elle ramène un Vladislav toujours aussi peu coopératif jusqu’au manoir familial afin de vérifier l’information qu’il lui a donné pour qu’elle épargne sa vie lorsqu’elle lui est tombée dessus alors qu’il se soulait tranquillement dans un des derniers bars respectables d’Ulfenkarn : l’emplacement du cercueil de Vratislaus. En fille modèle, Emie ne peut en effet laisser son paternel dans l’état déplorable dans lequel il se trouve, et souhaite le surprendre au saut du lit pour lui faire don d’un pieu dans le cœur, ou quelque chose comme ça. On ne saura cependant jamais si le tuyau de Vlad était percé ou pas, le muffle tentant encore une fois de se carapater sur le chemin du manoir, mais croisant cette fois la route d’un Vargskyr affamé, avec des résultats… définitifs.

Désertée par tous ses camarades masculins, Emelda se retrousse les manches et provoque une seconde réunion de famille, interrompant à nouveau son père qui jouait (mal) du Richard Clayderman sur son clavier Bontempi. Motivée par le spectacle de la dernière victime des appétits sanguins Vratislaus et par le grigri de Grigori qu’elle a pris soin de prendre avec elle (et de recharger avec des piles neuves), Emelda refuse à nouveau les avances de promotion jugulaire de son papounet, et le poursuit en hurlant « viens ici que je te bute, sale enc*lé » à travers toutes les pièces du manoir. Car Vlatislaus Braskov déteste apparemment le conflit à un tel point qu’il préfère s’enfuir à toutes jambes plutôt que d’affronter une simple mortelle équippée d’un bracelet néon. La lose. Au bout d’une calvacade assez longue, Emelda finit pourtant par localiser l’endroit où son père a caché son cercueil, et balance le talisman répulsif à l’intérieur, empêchant Vlatislaus de repasser par la case départ et de toucher 10.000 €. Avec le jour qui se lève, et son oubli tragique de fermer les volets de la bibliothèque où il a installé son fat boy, le vampire se retrouve bien embêté : certes, il peut maintenant porter la main sur son effrontée de fille, maintenant qu’elle n’a plus son talisman sigmarite sur elle, mais il ne peut pas la forcer à enlever ce dernier de son caisson d’isolation, ce qui n’arrange pas ses affaires. Profitant de la confusion de son buvard daddy, Emelda lui tranche la tête d’un coup d’épée, devenant officiellement la dernière des Braskov, et se dégageant du temps pour aller régler ses comptes avec ce triste sire de Radukar. On lance une petite partie ?

AVIS :

Elevé au rang d’auteur officiel de la boîte de jeu Cursed City, C. L. Werner donne à l’un des héros de cette dernière un historique plus détaillé que la page de fluff du livret de règles, et c’est tout à son honneur. En matière d’introduction à l’histoire et à l’ambiance propres à Ulfenkarn, cet auteur vétéran fait tout à fait le job, présentant la cité mort-vivante, ses dangers et même sa faune de manière experte et captivante. Cela donne envie de s’acheter le jeu pour commencer une partie, et je pense que c’était l’objectif poursuivi par la BL lorsqu’elle a mandaté l’homme au chapeau pour écrire cette nouvelle, donc well done, Herr Werner. Je l’ai par contre connu plus inspiré que ça en tant que scénariste, la mini-quête nostalgico-parricide d’Emelda Braskov semblant tirée tout droit d’un script de jeu vidéo pas très bien foutu, à force d’errements caractériels de la demoiselle (qui oscille entre courage et peur, volonté et renoncement, selon ce qui arrange le plus le scénario), aller-retours entre les mêmes lieux (l’antre du necrolisque, le manoir familial), et autres fluctuations suspectes du niveau de menace posé par son paternel (un être aussi rapide et fort qu’un vampire ne devrait être forcé à la fuite par une simple humaine portant un talisman de Sigmar…). Au final, c’est une sympathique descente dans les bas fonds pittoresques d’Ulfenkarn, mais loin d’être le meilleur de ce que C. L. Werner peut nous proposer.

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Strong Bones – M. R. Fletcher :

INTRIGUE :

Strong BonesJeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS :

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Mourning in Rainhollow – D. Gross :

INTRIGUE :

La chasseuse de primes Janneke Ritter s’est mise sur la piste d’une nouvelle proie, un déserteur parti de Glymmsforge vers l’arrière-pays de Shyish. Sur le chemin qui l’amène à Rainhollow, la petite bourgade où elle rattrape enfin le fugitif, on apprend à mieux connaître cette héroïne droite dans ses bottes et hautement pragmatique, comme les noms qu’elle donne à ses armes (Coupeur, Attrapeur et Souffleur) et monture (Bidet), le démontrent. Cette grande professionnelle n’est toutefois pas en-dessous d’une bonne et gratuite action de temps à autre, comme le sauvetage qu’elle effectue en chemin d’une famille de colons attaqués par deux cadavres de cougars animés (de mauvaises intentions) le démontre. Cette péripétie mineure lui permet également de prendre la mesure de son gibier, le mage fantasque Eldredge Duul, qui a généreusement donné son âne aux voyageurs pour aider leur poney à tirer leur chariot. On est loin du mercenaire sanguinaire ou tueur psychotique, donc.

Lorsqu’elle parvient à Rainhollow, Ritter est guidée par les locaux jusqu’à la place centrale de la ville, où elle trouve Duul en plein combat contre un Bladegheist Revenant ayant décidé de s’installer dans la fontaine municipale. Malgré sa maîtrise magique appréciable, le bon samaritain n’en mène pas large face au spectre, et ce n’est qu’en coopérant avec celle dont il ne sait pas encore qu’elle est venue pour l’arrêter qu’il parvient à bannir l’insistant ectoplasme. Une fois le danger écarté, Ritter se fait un devoir d’annoncer à sa cible qu’elle est en état d’arrestation, mais cette dernière ne s’en formalise pas plus que ça, et parvient grâce à son charme naturel à entraîner l’austère matamore jusqu’à la porte d’une maison toute proche. C’est ici que vit celle pour laquelle il a décidé de prendre un congé sabbatique et non validé par sa hiérarchie, son amour de jeunesse et ex-femme, Zora.

Malheureusement pour le jovial Duul, Zora a été victime de la micro-invasion de Nighthaunt que Rainhollow a connu depuis le passage fugace mais remarqué d’un touriste tellement mécontent de l’accueil qu’il a reçu des locaux (il a dû attendre des plombes à l’entrée de la ville avant qu’on lui ouvre) qu’il a réanimé les morts au lieu de se contenter de laisser des avis incendiaires sur Trip Advisor. Zora, qui n’avait pas la langue dans poche ni l’habitude de se laisser marcher sur les pieds, a eu la mauvaise idée d’engrainer ce visiteur peu commode, et est passée de vie à trépas dans l’opération. Double peine pour ses maris (Duul et Ritter sont accueillis et mis au courant par Gerren, le veuf de Zora – qui s’était remarié après son divorce d’avec son premier amour1), il est de notoriété publique que les victimes du springbreaker fou reviennent hanter leurs proches sous la forme d’entrées du Battletome Nighthaunts à la nuit tombée. En même temps, c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus.

Peu confiant dans sa capacité à faire le nécessaire pour bannir son grand amour, Duul convainc la finalement assez serviable Ritter de participer à une veillée d’armes, et au bout de la nuit, du suspense, du soleil violet de rigueur, et d’une engueulade de vieux couple (et personne ne veut s’engueuler avec une Banshee, croyez moi…), Zora la Blanche trouve enfin la paix de l’au-delà, non sans avoir estafilé à mort son second époux avec le couteau à pain qu’il lui avait offert pour leurs noces de kouisine. Il le méritait aussi un peu, tout de même. Désormais plus intéressée par la conquête que par la capture de Duul (if you see what I mean), Ritter décide d’aller apprendre les bonnes manières au touriste mal en groin responsable des malheurs de Rainhollow plutôt que de traîner le mage AWOL en justice, et ce dernier s’avère partant pour donner un coup de main à la vigilante Vigilante. Et à Bidet, évidemment.

1 : Comme quoi, on peut vivre dans un Royaume des morts sans repos gouvernés par Skeletor, Premier du Nom, et avoir des mœurs très modernes.

AVIS :

Il flotte sur ce ‘Mourning in Rainhollow’ un parfum de fantasy fantasque et espiègle, pas si éloigné dans l’esprit et le style de ce que le regretté Terry Pratchett était capable de mettre en scène avec sa série du Disque Monde. Eldredge Duul campe un Rincevent des Royaumes Mortels assez convaincant (mais beaucoup plus doué), tandis que Janneke Ritter semble être un mélange de Mémé Ciredutemps et Sam Vines. L’intrigue proposée par Gross n’est certes pas très complexe, mais la fraîcheur que ce nouvel contributeur apporte à la GW-Fiction, tout en prenant soin de ne pas galvauder le background établi (et donc de s’aliéner les fluffistes qui constituent une bonne partie de son lectorat potentiel), compense amplement cette simplicité assumée. Je ne sais pas si Dave Gross s’acclimatera aux contrées généralement sinistrement sérieuses de la Black Library, ou si son passage parmi nous n’est qu’éphémère, à l’image de celui d’un Andy Jones il y a plus de vingt ans de cela, mais cette petite nouvelle « exotique » vaut le détour à mon sens.

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Watchers of Battle – B. Counter :

INTRIGUE :

Dans un remake audacieux des Bronzés font du Ski, une coalition de gladiateurs des Spire Tyrants part en direction de la Bonebreak Pass (que l’on peut sans doute traduire par passe de la fracture), qui permet le passage depuis Carngrad à Varanspire à travers les montagnes des Crocs, afin d’y gagner une gloire éternelle. Car s’il ne tombe pas de neige dans ce coin du Bloodwind Spoil (il pleut du sang par contre), c’est là qu’Archaon envoie régulièrement quelques recruteurs scruter les combats et repérer les guerriers de valeur, dignes de rejoindre les armées de l’Everchosen. Voilà l’objectif professionnel que s’est fixé notre héroïne, l’imposante Voleska, qui compte bien taper dans l’œil la visière des taciturnes observateurs qu’elle a aperçus en effectuant une mission de reconnaissance du campement de la Cabale Corvus1, cible toute désignée de la furie martiale des Tyrants. Ayant fait son rapport au Preneur de Tête Ferenk Sunder-Spine, qui en profite pour lui propose de devenir son bras droit, voire de prendre sa place si jamais il devait lui arriver malheur au cours de la bataille du lendemain, Voleska, dont le comportement cabotin et la maîtrise du marteau de guerre lui ont valu le titre de « Donneuse de Cadeaux » (Gift-Giver) auprès des aficionados2, repart sans donner de réponses définitives à cette offre de promotion, persuadée qu’un destin bien plus glorieux qu’assistante de direction des Red Sand Raiders l’attend si elle brille au combat.

Et pour briller, Voleska brille. Fille illégitime de Hulk Hogan et Brienne de Torth, la gladiatrice rend une tête et trente kilos au plus costauds de ses camarades de lutte. Quant aux frêles cabalistes emplumés, ils ne font littéralement pas le poids. L’accrochage entre culturistes enragés et gothiques homicidaires finit donc par tourner en faveur des premiers, Vovo enchaînant les kills spectaculaires (dont sa spécialité, le nut-buster3), allant jusqu’à concasser un Shrike Talon (Achille de son prénom) pour asseoir son statut de best entertainer de la bataille. Cependant, les observateurs d’Archaon ne donnent pas signe d’être très impressionnés par sa performance avicide…

Début spoiler 1…Qu’à cela ne tienne, Voleska tourne son marteau vers ses alliés une fois les cabalistes vaincus. Commençant par refaire le portrait à son side-kick Kyryll, elle fracasse ensuite sans discrimination ses anciens frères et sœurs d’armes de droite et de gauche, finissant par un duel au sommet (ou presque) avec Ferenk, qui mordra lui aussi la poussière4 après un combat accroché. Last woman standing parmi ce carnage indiscriminé, Voleska a enfin la satisfaction de voir deux Elus s’approcher d’elle et lui faire signe de les suivre en direction de la Varanspire, où son destin l’attend…

Début spoiler 2…Mais pas forcément de la façon qu’elle l’imaginait. En effet, amenée dans les forges qui entourent la citadelle d’Archaon, notre survivante est sommairement décapitée au-dessus d’un abreuvoir par ses recruteurs, son sang étant utilisé, comme celui des autres guerriers valeureux draftés par les sbires de l’Everchosen, pour tremper les armes et armures confectionnés pour les osts des véritables Guerriers du Chaos, statut auquel Voleska a eu l’erreur de prétendre. Décidément, le plafond de verre (ou de fer) n’est pas un mythe, même dans les Royaumes Mortels.Fin spoiler

1 : Les Scions (du bois) étaient attendus à la Bonebreak Pass, mais n’ont finalement pas pu décaler leurs prières enflammées pour se libérer. Dommage.
2 : Les cadeaux en question étant les têtes de ses adversaires malheureux, qu’elle arrive à faire voler dans la foule d’un moulinet expert de marteau.
3 : Comme quoi, la Distributrice de Cadeaux était également Castratrice de Corbeaux.
4 : Façon de parler, le coup fatal asséné par Voleska faisant passer son crâne en deux dimensions, d’où quelques difficultés à mastiquer. 

AVIS :

Excellente nouvelle de la part de Ben Counter, qui s’affirme de plus en plus comme l’expert du Bloodwind Spoil, dont il maîtrise comme personne d’autre le côté brutal et nihiliste. Après avoir décrit l’ascension sanguinaire et illusoire d’un guerrier maigrichon des Untamed Beasts (The Devourer’s Demand), il remet ici le couvert avec la quête de reconnaissance professionnelle d’une gladiatrice de Carngrad, prête à tout pour être remarquée par son senpai1. Et, une fois encore, la nature même du Chaos viendra briser les rêves de gloire du héros, avec des conséquences cruellement définitives. Il n’est jamais inutile pour la BL de rappeler que l’adage « beaucoup d’appelés, peu d’Elus » est absolument correct quand il s’agit de décrire la méritocratie chaotique, et quel meilleur moyen pour cela que de mettre en scène des histoires se terminant mal au sein de cette faction ? Après tout, pour un guerrier parvenant à gagner son armure de plates complète, des centaines d’autres ont passé l’arme à gauche dans l’indifférence la plus totale. Ainsi va la vie (et ainsi s’arrête-t-elle) dans les Royaumes Mortels… Prenant dans son déroulé, percutant par sa conclusion, et recouvert d’un discret vernis de gore qui fait tout le charme des nouvelles Warcry, Watchers of Battle est une autre réussite à mettre au crédit du revenant Ben Counter, qui n’a – à mes yeux – jamais été meilleur que depuis qu’il a réduit le rythme de ses contributions. Comme quoi, on a toujours intérêt à choisir ses batailles, et ce n’est pas Voleska qui nous contredira…

1 : Au petit jeu des ressemblances avec les travaux précédents de Counter, il serait dommage de ne pas citer ‘Sacrifice’, nouvelle rattachée au cycle Alaric (Chevaliers Gris), et qui montre comment les armes et armures de ces preux paladins sont réalisées. Là encore, l’opération est plutôt consommatrice en main d’œuvre…

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Blood of the Flayer – R. Strachan :

INTRIGUE :

Blood of the FlayerDans la vie, il y a des gens qui ne sont jamais contents: Alain Souchon, la mère de l’artiste précédemment connu sous le nom de Prince, ou encore le Seigneur Huthor. Au hasard. Comme vous pouvez vous en douter, notre histoire porte sur le dernier de ces trois individus1, chef d’une bande de Maraudeurs chaotiques tout ce qu’il y a de plus vanille sévissant dans le Royaume de Chamon. Connu sous le nom d’Écorcheur, à cause de sa tendance à mal prononcer le nom de ses interlocuteurs, mais aussi son penchant pour le dépeçage, Huthor voue aux Kharadron Overlords une admiration mêlée de profonde détestation, et aimerait bien aller dépiauter les Duardin volants qui sillonnent les cieux du Royaume, vœu pieux pour le moment. Gardez bien ça en tête, on en aura besoin plus tard.

Approché par la sensuelle et aguicheuse Dysileesh, godseeker à plus d’un titre, au sortir d’un petit pillage de village, Huthor accepte de souscrire à une offre de découverte des plaisirs Slaaneshi, sans obligation d’achat. Car s’il y a bien une chose qui vénère notre ombrageux héros, c’est qu’on lui dise – justement – qui vénérer. En attendant, c’est la belle vie pour l’Écorcheur et ses disciples, qui se vautrent dans le stupre et la fornication avec abandon. À tel point que Dysileesh finit par accoucher d’un garçon, Vhorrun, dont la paternité reste sujette à débat entre les Maraudeurs. Ah, c’est ça aussi d’avoir des mœurs libres. Établis dans les ruines de la Forteresse Dorée, les affreux déprèdent aux alentours dans la joie et la bonne humeur, jusqu’à ce qu’il prenne à Huthor l’idée farfelue d’aller chercher des noises aux Rotbringers barbotant au Nord de son domaine, dans les marais d’Onoglop. L’expédition tourne au fiasco, et notre héros se prend une hache rouillée en plein torse en prime, le condamnant à une longue et douloureuse agonie… jusqu’à ce qu’il se réveille guéri (avec un petit coup de croûte de Nurgle, tout de même). Manque de pot, ses gais compagnons étaient tellement convaincus de son trépas imminent qu’ils ont, pour la plupart d’entre eux (y compris cette insatiable Dysileesh), baffré jusqu’à s’en faire littéralement péter la panse. Ralliant à lui ses derniers fidèles, dont Vhorrun et Vhoss, son plus vieux pote et fidèle bras droit, Huthor décide d’aller se mettre au vert pour un temps, abandonnant son train de vie de bobo dispendieux et vain pour aller au contact de la terre (pourrie).

Accueillis à tentacules ouverts par les ploucs d’Onoglop, l’Ecorcheur et sa bande coulent des jours heureux pendant quelques semaines/mois/années2, mais un nouveau venu, le Magos Tyx’evor’eth, arrive un beau matin sur son disque à jantes alu pour tenter de rallier Huthor, décidément très demandé par les Pouvoirs, à la cause de Tzeentch. S’étant pris huit râteaux d’affilée, mais sentant que la neuvième tentative serait la bonne, Tyx’ repart une dernière fois à la charge, et parvient à piquer l’intérêt du bouseux en lui faisant remarquer qu’il est en train de gâcher ses plus belles années à faire du camping dans un marais. Vu comme ça, c’est plus la même, et Huthor se laisse enfin convaincre de s’habiller décemment et de perdre un peu de poids pour rejoindre les armées de l’Architecte du Changement (le Magos se chargeant de faire disparaître toutes les mutations disgracieuses affligeant notre héros et ses fidèles au passage). Comme vous devez vous en douter, ce ne sera à nouveau qu’une parenthèse dans l’existence de Huthor, qui finit par rejoindre Khorne après une bonne pige à se balader en toge et à (tenter d’) apprendre des sorts, et une rencontre décisive avec un Champion Bloodreaver malchanceux mais guère rancunier.

La boucle est bouclée, l’Ecorcheur ayant fait le tour du Panthéon chaotique. Désormais accompagné seulement par son peut-être fils Vhorrun (il a buté Vhoss pendant sa période psychédélique, après que ce dernier ait tenté de l’assassiner) parmi ses compagnons initiaux, Huthor n’a plus qu’une chose à faire : aller casser du Kharadron. Je vous avais dit que c’était important. Et comme il a laissé sa collection de disques à Tyx’evor’eth lorsqu’il se sont séparés à l’amiable, il doit utiliser une technique un peu plus rudimentaire : l’assaut aéroporté à base de bestioles chaotiques. Ayant chargé ses suivants de domestiquer toutes les chimères, manticores et autres bêtes de guerre ailées des alentours, il mène son flying circus à l’assaut de la première flotte Duardin ayant eu la mauvaise idée de croiser dans le coin…

Début spoilerCependant, face à la puissance de feu des nains-génieurs, la rage sanguinaire des Khorneux ne fait pas le poids. Ou en tout cas pas assez. Qu’importe, Huthor is living the dream. Alors que ses troupes se font descendre comme des pigeons, il parvient à écraser sa monture sur le pont d’un vaisseau Kharadron, et à enfin massacrer quelques nabots. C’est le moment que choisit Vhorrun pour exprimer son complexe d’œdipe longtemps refoulé, et de tomber sur le râble de son père (c’est finalement confirmé), qu’il a toujours détesté, notamment à cause de son inconstance. À cela, Huthor n’a pas grand-chose à répondre, ayant lui-même tué son paternel à l’âge de sept ans, après que ce dernier l’ait abandonné en forêt pour se débarrasser de cet enfant turbulent. Le combat qui s’ensuit voit le vieux chef de guerre se faire botter les fesses par son fiston, qui le précipite par-dessus le bastingage par pure malice quand les Kharadron finissent par donner la charge et envoyer les voltigeurs mettre fin à la fête, afin de priver Huthor d’une mort honorable au combat. Alors qu’il voit Vhorrun se faire abattre par les forces de l’Ordre (encore une bavure !), et en attendant de toucher terre, Huthor a le temps de se remémorer de la prophétie qu’il lui avait été faite, et qui lui avait promis qu’il recouvrirait les plaines de Chamon de sang. Ce qui se révélera exact, mais pas de la façon dont il le pensait. Impact dans 3…2…1…Fin spoiler

1 : Ce que je trouve personnellement dommage, car j’aurais bien aimé voir Souchon tenter d’aller voir sous les jupes des Gloomspite Gitz. On avance.
2 : M’est avis qu’ils ont dû abuser de champignons et de lichens pour avoir ainsi perdu la notion du temps.

AVIS :

La troisième fois aura été la bonne, ou en tout cas la meilleure à ce jour, pour Richard Strachan. Après des débuts en demi-teinte dans la gamme horrifique de la Black Library (The Widow Tide et The Growing Seasons), il signe en effet avec Blood of the Flayer sa contribution la plus aboutie au corpus des Royaumes Mortels avec Blood of the Flayer, variation intéressante sur le thème bien connu de la destinée attendant les adorateurs du Chaos, et des répercussions, tant physiques et psychologiques, que leur allégeance envers l’unes des quatre Puissances auront sur eux et leurs suivants. Avec Huthor, véritable mercenaire de la dévotion, Strachan se paie le luxe de passer en revue toute l’anarchique fratrie au fur et à mesure des réorientations professionnelles de Mr I Can’t Get No Satisfaction​​​​. On notera, pour les plus anciens des lecteurs, la différence majeure entre la « rétractabilité » tolérée dans les Royaumes Mortels, et le caractère irrémédiable du ralliement à tel ou tel Dieu, qui était la norme (sauf exceptions vraiment rarissimes, comme Bel’akor et Archaon) dans le Monde qui Fut. Vous vous souvenez de l’époque où on choisissait son allégeance une fois pour toute, et on la conservait jusqu’à la mort (et plus si affinité)? Pepperidge Farm remembers.

Si on peut discuter de la validité fluffique de l’approche de Strachan (avant tout nécessaire à l’intrigue, et peut-être pas à graver dans la guimauve séance tenante), il faut lui reconnaître une belle maîtrise narrative, donnant à son récit un équilibre et une symétrie peu communs dans le corpus de la BL. À partir du moment où Huthor rallie les redgreen-necks des marais d’Onoglop, le lecteur est en mesure de comprendre où l’auteur veut en venir, ce qui ne gâche pas le plaisir de lecture pour autant, notamment grâce à l’inclusion de la rivalité latente entre le seigneur indécis et son héritier putatif, qui permet de garder un peu de suspens. On peut également saluer le petit twist final et sanguin de Strachan, plus sympathique que renversant (sauf pour Huthor, bien sûr), mais qui vient terminer son propos de façon opportune, tant sur le plan stylistique que fluffique. Après tout, une histoire où le protagoniste est un suivant des Dieux Sombres ne peut pas bien se terminer, c’est contractuel. Bref, une nouvelle bien sympathique, à conseiller à tous les amateurs des Fab 4 (et aux autres), de l’humble Nurgling au vénérable Prince Démon.

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Voilà qui termine cette revue de ‘Thunderstrike & Other Stories’, version supérieure en tous points à ses prédécesseurs et succès assez total de la part de la Black Library. Certes, certes, on trouve dans cette anthologie un certain nombre de nouvelles passables, mais c’est une critique que l’on peut étendre à la quasi-totalité des recueils de GW-Fiction, dont peu offrent autant pour un prix si dérisoire. À côté de cela, on bénéficie d’une couverture complète, ou peut s’en faut, des allégeances et des factions majeures d’Age of Sigmar, ce qui est déjà pas mal, mais également d’un échantillon représentatif des gammes mineures que sont Warcry et Warhammer Underworlds (dommage pour Warhammer Crime, mais on peut bien considérer que ‘The Gossip of Ravens‘ est un ersatz valable), des personnalités littéraires des Royaumes Mortels (Gotrek, Gardus, Neferata), et même des styles déployés par les auteurs de la BL, de la high fantasy d’action la plus classique aux expérimentations drôlatiques de ‘Bossgrot‘ et décalées de ‘Mourning in Rainhollow‘, jusqu’à la dureté nihiliste de ‘Watchers of Battle‘. Bref, une introduction digne de ce nom à cette franchise qui a su en l’espace de quelques années gagner une profondeur très intéressante et n’a plus à rougir de la comparaison avec son glorieux ancêtre Warhammer Fantasy Battle. Je suis suffisamment critique de la BL la plupart du temps pour rendre à Nottingham ce qui est à Nottingham et conclure que ‘Thunderstrike…’ est une réussite incontestable, qui servira je l’espère de modèle aux prochaines anthologies introductives qui ne manqueront pas de sortir dans les années à venir. Après tout, les versions de jeu se succèdent de plus en plus rapidement, et il faut bien expliquer aux novices ce dont il en retourne en dehors du champ de bataille… Warhammer is for everyone.

THE HAMMER AND THE EAGLE [40K/AoS]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du nouvel ouvrage introductif publié par la Black Library, un beau pavé de 621 pages sobrement nommé ‘The Hammer & the Eagle‘ (ou ‘L’Aigle & le Marteau‘ en version française, que Nottingham a eu l’amabilité de sortir en même temps que la VO). Cette large couverture est due en partie au fait que les nouvelles qui sont proposées au lecteur sont presque toutes des rééditions, pour certaines de textes assez anciens. Comme l’indique Nick Kyme dans sa préface, ce type de publication « universelle(s) » est assez rare pour la BL, qui a pour habitude de séparer les serviettes des torchons, et les bolters et des arquebuses (voir ‘Sacrosaint & Autres Récits et ‘Croisade & Autres Récits pour s’en convaincre). Cette fois-ci cependant, la ligne éditoriale choisie par la maison d’édition était assez large pour permettre aux deux franchises majeures de Games Workshop d’être représentées dans un même opus, et pour cause: il n’y a pas grand-chose de plus commun à une histoire que la présence de personnages.

Sommaire The Hammer & the Eagle (MIS)

Pour être tout à fait exact, ce sont bien les icônes de Warhammer 40.000 et d’Age of Sigmar qui sont ici mises en avant et célébrées, catégorie plus restrictive (encore que) que celle regroupant les myriades de héros et anti-héros peuplant les pages des romans et nouvelles de la Black Library. On devine sans mal que la sélection a dû être drastique1 pour déterminer qui méritait cette reconnaissance suprême, en particulier du côté des Royaumes Mortels, dont la relative jeunesse met ses protagonistes sur un pied d’égalité (les grands anciens Gotrek et Nefarata trichant un peu à ce titre). Si certains noms (Ibram Gaunt, Uriel Ventris, Gregor Eisenhorn, Abaddon2…) sonnent comme une évidence, d’autres seront sans doute moins familiers au lecteur, même chevronné. L’occasion de se familiariser avec de futures têtes d’affiche comme Severina Raine, Navradaran, Hamicar-Bear Eater et Callis & Toll. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite.

Partons donc à la découverte de cette galerie de people haute en couleurs, et tentons de voir si la Black Library a réussi à son travail de sélection avec ces 27 nouvelles (pour 18 auteurs) et accouché d’un ouvrage digne d’intérêt. Sur le plan financier, c’est quasiment certain, mais sur le plan littéraire, cela reste à établir…

1 : Encore que je soupçonne Nick Kyme d’avoir pistonné les personnages dont il avait la charge, comme Cato Sicarius et Adrax Agatone. C’est en particulier vrai pour le second, dont le nom n’est pas (encore) universellement connu, et ne bénéficie que d’une couverture minime dans cette anthologie (nouvelle de 5 pages). Les ravages du népotisme…
2 : Bizarrement classé comme Space Marine, aux côtés de Mephiston et Astorath. Je penche pour une étourderie du maquettiste plutôt que pour une révélation sur la véritable allégeance du bonhomme. Mais ça pourrait expliquer pourquoi il lui a fallu 13 tentatives pour péter deux pylônes. 

The Hammer and the Eagle

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Endurance – C. Wraight [40K] :

EnduranceICÔNE : DRAGAN, POTENCIER DE LA DEATH GUARD

INTRIGUE :

Sur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Execution – R. Harrison [40K] :

ExecutionICÔNE : SEVERINA RAINE, COMMISSAIRE

INTRIGUE :

Sur la morne plaine de Morne, surplombée par la forteresse du même nom, la Commissaire Severina Raine est confrontée à des problèmes d’autorité. Les gros flingues employés par les rebelles défendant le bastion convoité par le haut commandement impérial ont transformé les Fenwalkers du Sergent Keld en Bloodsplatters, ce qui a sérieusement entamé le moral de l’officier supérieur du 11ème Fusilier d’Antari, le Capitaine Tevar Lun. Pas de chance pour ce dernier, ses désirs de reconsidérer l’attaque sur les murs ennemis sont balayés d’un revers de main par Raine, qui n’a d’autre choix lorsque Lun persiste dans sa couardise que de lui coller un bolt entre les deux yeux devant le reste de ses troupes. Propulsée commandante de l’opération par la force (et l’impact) des choses, la première tâche de Raine sera de tourner la colère – légitime – de ses soldats vers les hérétiques Drastiens plutôt que son humble personne. Heureusement, les Antari sont des sujets pieux et disciplinés de l’Imperium, et la carrière de la Commissaire peut se poursuivre plus loin que la troisième page de sa première nouvelle, ce qui est un stade important pour cette classe de personnages. À propos de personnages, profitons-en pour faire un petit tour de table des VIP de la nouvelle, qui sont, histoire de Gardes Impériaux oblige, assez nombreux. Dans le désordre, nous faisons ainsi la connaissance du Capitaine Stormtrooper Andren Fel et ses Duskhounds, du Sergent Daven Wyck et ses Wyldfolk, de la Psyker sanctionnée Lydia Zane et de l’ingénieure militaire Yulia Crys, qui joueront tous un rôle dans la nouvelle.

Cette session de remotivation achevée, il faut maintenant négocier la prise des tranchées adverses pour arriver jusqu’au bouclier cinétique qui protège la forteresse du bombardement impérial, en exploitant les quelques minutes offertes par le rechargement des mitrailleuses lourdes ennemies. Inutile de dire que les Antari se sortent haut la main de cette épreuve, rencontrant quelques bidasses chaotiques en chemin, et perdant au passage une poignée de PNJ, comme le veut la tradition. Au contact de la muraille, Crys parvient à faire un beau trou dans la cloison des hérétiques, permettant aux Antari de pénétrer dans la place sans difficultés. Cette progression rondement menée est entrecoupée de passages en flashback remontant à la nuit précédant l’assaut, pendant laquelle Raine et Fel se sont livrés à leur rituel habituel de dégustation de thé et échange d’anecdotes. On en apprend ainsi plus sur le folklore d’Antari, très représenté dans les noms des escouades du régiment, et sur l’enfance, forcément difficile, de l’héroïne dans le Scholam de Gloam. Plus précisément, la fois où elle a mené deux de ses camarades dans une campagne de dératisation officieuse, s’étant soldée par un succès relatif (extermination du nid de vermine, mais début d’incendie du bâtiment et mort violente de ses comparses dans l’opération). L’occasion pour elle d’apprendre à assumer les conséquences de ses actes, comme elle continue à le faire à ce jour.

Retour à Morne, où les Antari doivent maintenant trouver un moyen de dissiper le bouclier cinétique qui protège toujours la forteresse pour permettre au reste des forces impériales de leur venir en aide. Pas grand-chose à dire sur cette section de combat urbain des plus classiques, qui verra nos personnages s’illustrer contre les hordes de cultistes (très semblables au Pacte du Sang, le masque en moins) et les renforts Ogryns de l’ennemi. L’indispensable Zane est au four et au moulin, protégeant ses camarades avec un bouclier psychique de son cru, et balançant des mandales mentales monumentales à quiconque a le malheur de la regarder de travers. Notons également le caractère sadique de Wyck, et son addiction aux drogues de combat, qui le placent à mi-chemin entre Rawne et Cuuh en matière d’équivalence Tanithienne. Il est déjà entendu que Raine aura à s’occuper de cet élément utile mais incontrôlable, et qui ne peut pas la blairer parce qu’elle n’est pas d’Antari, dans la suite de ses aventures.

Arrivés à l’étage où les rebelles ont stocké leurs munitions, les survivants de l’infiltration retiennent la contre-offensive adverse assez longtemps pour permettre à Crys d’installer un dispositif explosif qui devrait permettre la pacification expresse de ce théâtre, si employé correctement. Zane, dont les pouvoirs incluent la précognition, flaire le coup fourré de Raine, qui place le devoir avant des choses aussi triviales que le bien-être au travail ou la survie des troupes qu’elle a sous ses ordres, mais accepte tout de même de jouer le jeu, bien qu’elle révèle en aparté à la Commissaire que ses visions s’arrêtent après l’explosion de la poudrière de Morne. Raine ordonne alors la retraite jusqu’aux murs du bastion, avant que la situation des impériaux ne deviennent trop intenable, et les force à appuyer sur le bouton un peu plus tôt que prévu…

Début spoiler…S’en suit une explosion catastrophique, à la létalité exacerbée par l’effet couvercle du bouclier de Morne, qui empêche l’énergie dégagée de se diffuser aux alentours, et revient donc dans les dents et les tissus mous des troupes présentes dans la forteresse, qui n’ont d’autres choix que de tomber raides mortes. Cette fin renversante est toutefois épargnée au groupe de Raine, protégé par la MVP Zane, qui prend difficilement sur elle pour abriter ses collègues derrière son fameux bouclier psychique. L’effort consenti ruine toutefois irrémédiablement son rimmel et ses globes oculaires, qui lui coulent sur les joues dans la plus grande tradition des comédies romantiques hollywoodiennes. Voilà pourquoi elle ne voyait plus rien après cette détonation. Prix de la camaraderie pour Lydia Zane, vraiment. C’est toutefois une victoire indéniable pour l’Imperium qui se profile, accomplie grâce à la vaillance et au dévouement (en partie involontaire, Raine ayant menti à ses soldats en leur indiquant que les renforts étaient en chemin) du 11ème Fusilier d’Antari, qui n’a perdu que très peu de personnages nommés, et donc importants, dans la bagarre. C’est ce vieux Tevar Lun qui peut être fier de ses hommes (et femmes) depuis l’au-delà.Fin spoiler   

AVIS :

Si vous êtes familiers de la Black Library, il y a de bonnes chances que la lecture de cet ‘Execution’ vous fasse penser aux tribulations martiales du Premier et Unique de Tanith, ce qui n’est guère étonnant quand on compare les castings et les styles de Rachel Harrison et de Dan Abnett1. Etant donné le gouffre qui sépare ces deux séries en termes de publications, il faudra attendre un peu pour s’amuser à une analyse croisée de ces dernières, mais je dois dire que cette nouvelle introduit très proprement, et de façon satisfaisante, les personnages importants du 11ème Fusilier d’Antari, et constitue donc un point de départ tout indiqué pour qui souhaite suivre de plus près la trajectoire de ce nouveau régiment nommé de la GW-Fiction. Harrison présente bien sa galerie de protagonistes, souligne leurs affinités et inimitiés respectives, et ébauche quelques points saillants de leur histoire personnelle, qui sera sans doute au cœur de la suite de leurs aventures. On a également droit à une bone dose de fluff made in Antari, ce qui n’est certes pas essentiel pour la compréhension de Warhammer 40.000, mais dénote toutefois d’un sérieux travail de « caractérisation » de la part de l’auteur, et favorise l’immersion dans l’histoire et l’intérêt pour les personnages mis en scène dans cette dernière. Tant qu’on parle du background, je dois également souligner que cela fait plaisir de voir un.e Commissaire héroïque enfin faire son devoir, c’est-à-dire exécuter un officier refusant ses ordres, sans bénéficier de circonstances atténuantes. La disparition prématurée du Capitaine Lun, présenté comme un type bien et un bon soldat, est donc à savourer2 à sa juste valeur. Enfin, d’un point de vue purement narratif, Harrison rend une copie satisfaisante avec cette nouvelle de Gardes Impériaux de films d’action, nerveuse et sans temps morts. Rien d’exceptionnel ici, mais rien à jeter non plus. Pour boucler la boucle, je dirai que Rachel Harrison signe avec ‘Execution’ une nouvelle d’un meilleur niveau que ce que Dan Abnett avait publié au tout début des ‘Fantômes de Gaunt’. Reste à voir si la suite sera à la hauteur…

1 : Vu la manière dont le second remercie la première dans ses derniers bouquins, il y a de fortes chances que les deux aient l’habitude de travailler ensemble, et que Harrison ait voulu émuler le « maître » dans ses écrits. 
2 : Quelle belle remarque de psychopathe tout de même. Mais c’est vrai, toi-même tu le sais.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. Hill [40K] :

The Battle of Markgraaf HiveICÔNE : MINKA LESK, GARDE DU 101EME CADIEN

INTRIGUE :

Comme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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The Smallest Detail – S. Mitchell [40K] :

The Smallest DetailICÔNE : CIAPHAS CAIN, COMMISSAIRE & HÉROS DE L’IMPERIUM

INTRIGUE :

À la recherche de petits extras pour égayer l’ordinaire de son cher Commissaire Cain, le brave Jurgen a pris sur lui de visiter les entrepôts de la milice de Helengon, monde banal sur lequel la Garde a été déployée pour écraser une insurrection l’étant tout autant. Usant de la considérable influence de son supérieur pour impressionner le responsable de l’entrepôt, un certain Sergent Merser, l’homme à tout faire du Héros de l’Imperium déambule longuement entre les travées et les étagères, emplissant sa musette des spécialités culinaires locales les plus appétissantes, à commencer par un saucisson d’anguille de sable tout simplement comestible, ce qui est déjà plus que ce que la majorité des rations du Ministorum peuvent revendiquer. Ces emplettes complétées, Jurgen se dirige tranquillement vers la sortie du site, mais remarque rapidement qu’il a été pris en filature par des amateurs, ce qui ne le trouble pas outre mesure1. Et en effet, l’embuscade dans laquelle il prend soin de tomber, et qu’il déjoue grâce à son entraînement et équipement supérieur, n’aurait pas cassé trois pattes à une Sentinelle. Seul petit problème, l’échange de tirs entre notre héros et son dernier adversaire a eu pour effet de déclencher un incendie (c’est ça que de s’abriter derrière des fûts de prométhéum), rendant l’identification des assaillants de Jurgen difficile.

Rejoint par la Prévôte Liana, qui se trouve en charge de l’enquête de cette tentative d’assassinat caractérisé, et par le Sergent Merser, qui accepte de jeter un œil sur les inventaires des autres entrepôts de la milice pour tenter de comprendre comment les tueurs en (im)puissance ont réussi à trouver uniformes et fusil laser2, Jurgen accepte de coopérer à l’investigation, mais seulement jusqu’au moment où il devra rentrer au camp pour préparer le jambon-purée de Cain. Très étrangement, l’étude des documents officiels ne donne rien, les inventaires inspectés par Merser étant trop mal tenus pour détecter des absences ou surplus de matériel (contrairement aux siens, d’une impeccable et implacable précision). Le dossier menaçant de piétiner, Jurgen prend congé, indiquant à ses comparses son intention de rentrer au bercail à pied, comme il est venu…

Début spoiler…Sauf qu’il était en fait venu en moto (une Salamander n’étant pas pratique dans une ville pas encore en ruines, et donc pleine de feux rouges, de livreurs Deliveroo et de petites mamies en déambulateur), et qu’il a fait exprès de mettre Merser sur une fausse piste, car il se doutait de la participation du Sergent dans la conspiration le visant. Aussi, lorsqu’il le voit sortir en courant de l’entrepôt quelques minutes après lui et sauter dans une camionnette qui part à fond de train pour rattraper le piéton qui n’en était pas un, Jurgen prévient Liana et se met en filature de la taupe, qu’il rattrape et immobilise au premier carrefour venu. Finalement, il s’avère que toute cette affaire n’a été qu’un énorme et regrettable (pour Merser, et plus encore pour ses complices) malentendu, le Sergent faisant partie d’un gang détournant de la nourriture pour la revendre à prix d’or sur le marché noir. Persuadé que Jurgen allait le dénoncer auprès de Cain (ce que l’aide de camp n’avait pas du tout l’intention de faire, car comme il le reconnaît lui-même, tout le monde fait ça), Merser a tenté de réduire le Valhallan odoriférant au silence, avec des résultats médiocres. Ironie de l’histoire, ce sont ses inventaires trop parfaits qui ont mis la puce à l’oreille de Jurgen, qui, en tant que Garde vétéran, sait bien que ce genre de documents sont par nature inexacts. Encore une fois, le mieux a été l’ennemi du bien !Fin spoiler

1 : Quand on est un vétéran ayant combattu les Tyranides et les Necrons à plusieurs reprises, plus grand-chose ne vous excite.
2 : L’absence de -s est volontaire, car sur les trois assaillants, un seul était convenablement armé.

AVIS :

Si cette petite nouvelle mettant à l’honneur le fidèle sidekick de Ciaphas Cain plutôt que ce dernier1 se laisse lire sans problème, et permet au lecteur non familier de l’approche particulière que Sandy Mitchell a du grimdark de découvrir cette dernière, je m’interroge sur la pertinence de l’intégrer dans un recueil dédié aux icônes de la GW-Fiction, dont Jurgen ne fait définitivement pas partie. Ce ne sont pourtant pas les courts formats où Cain tient la vedette qui manquent, et qui auraient à mes yeux bien mieux fait l’affaire ici. Je suis également un peu déçu que le titre équivoque de l’histoire n’ait au final débouché sur rien dans le dénouement de l’intrigue. Mitchell nous montre en effet Jurgen prendre en note mentale le nom d’un parfait inconnu, parce qu’on ne sait jamais, ça peut servir… sauf que ça n’a servi à rien ici. Le fusil de laser de Tchekov, ça te dit quelque chose ? Bref, ‘The Smallest Detail’ est loin d’être la meilleure, ni la plus adaptée, des nouvelles de Ciaphas Cain que l’on puisse parcourir, et je recommanderai donc au lecteur de retenter sa chance avec une autre soumission pour prendre la véritable mesure du Héros de l’Imperium.

1 : Ce n’est pas le premier texte de ce type, l’hyper court format ‘A Mug of Recaff’ étant également centré sur Jurgen.

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Of Their Lives in the Ruins of Their Cities – D. Abnett [40K] :

Of Their Lives...ICÔNE : IBRAM GAUNT, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PREMIER & UNIQUE DE TANITH

INTRIGUE :

Nous suivons le premier et unique Commissaire-Colonel Ibram Gaunt, en charge du régiment du même statut, dans les premiers temps – assez difficiles – de son affectation à la tête des Tanith. Encore inexpérimentés, bien qu’ayant déjà soufflé dans les naseaux des Sang Bleu de Volpone en prenant la ville de Voltis à leur place, les futurs de Fantômes ont subi la vengeance mesquine de Noches Sturm et ont été chargés de mener une mission de reconnaissance dans les ruines de la seconde cité de Voltemand, Kosdorf, pendant que le gros de la croisade partait vers d’autres théâtres d’opération. L’équivalent de « va voir là bas si j’y suis » en termes militaires, ce qui n’aide pas vraiment à motiver la troupe. Cette dernière, toujours traumatisée par la perte de son monde natal, en veut méchamment à Gaunt, et le Commissaire a bien du mal à briser la glace avec ses nouvelles troupes, dont il ne pense pas grand-chose de positif pour le moment. Il songe même sérieusement à accepter l’offre que lui avait faite son vieux copain Blenner, un petit piston bien placé pour remettre sa carrière sur les rails, et laisser ces tree huggers de Tanith derrière lui. Il conserve à cet effet la lettre que son camarade lui a écrite dans la poche de son uniforme, comme un joker à abattre en cas de besoin.

La nouvelle décrit l’opération de reconnaissance montée par Gaunt et Corbec pour explorer Kosdorf avant que le gros du contingent impérial soit prêt à avancer, et qui, ô surprise, se passe très mal. Il s’avère rapidement que l’Archennemi a conservé des amis séides dans la ville, des cohortes de forces de défense planétaire rendues folles par les maléfices du Chaos et le manque de nourriture. Voulant gérer la situation comme un grand, Gaunt opte pour une retraite combattante, afin de laisser le temps à Caffran, son adjudant intérimaire depuis la mort de Sym sur Tanith (et avant que Gaunt n’embauche Milo pour ne plus avoir à entendre les « steuplé msieur steuplééééééééééééééé » du gamin), de prévenir le reste du régiment du problème rencontré (comme d’habitude, la radio ne marche pas, sinon c’est pas drôle). Cette situation stressante (les Doskorfers étant adeptes de la guerre psychologique et se faisant passer pour les véritables fantômes de Tanith pour saper le moral de l’adversaire) lui permettra de prendre la mesure des hommes qui le servent, depuis le cordial Corbec jusqu’à l’instable Larkin, en passant par l’imprécis (mais pas cette fois) Bragg, le clairvoyant Domor ou l’insaisissable Mkoll. Lorsque les renforts finissent enfin par arriver, menés par l’au fond pas si méchant que ça Major Rawne et sa bande de vauriens1, tout est bien qui finit bien pour les Tanith, qui sortent un peu plus unis de cette escarmouche. Symbole de l’enterrement de la hache en nalwood de guerre entre Gaunt et ses bidasses, le premier brûle la lettre de Blenner2 à son retour au campement, liant ainsi son destin avec celui de ses Fantômes. La suite fait partie de l’histoire de la GW-Fiction…

1 : Qui s’étaient amusés à faire les poches de leur officier et lui avait soutiré la lettre de Blenner, au grand désarroi de Gaunt. Ils lui ont toutefois rendu à la fin de la nouvelle.
2 : On peut supposer que la missive contenait l’adresse mail et le numéro de téléphone de Blenner, que Gaunt n’avait pas enregistrés ailleurs. Sinon je ne vois pas en quoi ce geste incendiaire empêcherait notre héros de saisir sa chance de mutation.

AVIS :

Longue nouvelle (50 pages tout de même) se taillant la part du lion dans tous les recueils dans lesquels elle a été incluse (dont ‘The Hammer & the Eagle’), ‘Of Their Lives…’ est le récit d’introduction ultime aux Fantômes de Gaunt, écrit par Dan Abnett avec ce but particulier en tête, au moment où la saga avait déjà atteint son statut légendaire parmi la communauté. Il est intéressant à ce titre de la comparer à des travaux plus anciens, mais sensiblement similaires car relatant l’apprivoisement mutuel entre le Commissaire-Colonel et ses nouvelles recrues. Les contributions d’Abnett à la première mouture d’Inferno ! (‘Ghostmaker’ – la nouvelle – , ‘A Blooding’, ‘The Hollows of Hell’) traitent ainsi de ce sujet de manière fort logique, à fins de présentation et d’établissement de cette nouvelle (à l’époque) série. Un peu plus tard, Abnett se fendit d’un ‘In Remembrance’ prenant place après ‘Necropolis’, et donnant à nouveau au lecteur novice un échantillon représentatif en même temps qu’un tour de table des personnalités importantes, du Premier et Unique de Tanith. ‘Of Their Lives…’ est la version revue, corrigée et probablement définitive de ce didacticiel narratif, présentant une fois encore les personnages « initiaux1 » de la série, leurs personnalités, leurs motivations et leurs rapports les uns par rapport aux autres. Ce côté social est particulièrement exploré ici, et justifie bien plus les 50 pages de la nouvelle que l’intrigue, relativement simple, qui sous-tend cette dernière.

Si ‘Of Their Lives…’ est d’abord destinée à un public non familier avec les Fantômes de Gaunt, Abnett n’oublie pas ses vétérans et s’amuse à glisser de nombreux clins d’œil à la suite des événements, que seuls les connaisseurs pourront détecter. La destinée de certains Tanith est esquissée de façon prophétique (Caffran, Feygor, Beltayn…) parfois jusqu’à un stade avancé de la saga (dialogue « bon pied bon œil » entre Larkin et Gaunt), tout comme celle de Noches Sturm, à qui Milo promet un retour de bâton karmique que le Volpone recevra bien quelques années plus tard. Notons également la référence croisée aux travaux inquisitoriaux d’Abnett, nouvelle passerelle/easter egg à recenser dans le « Daniverse ». Au final, cette nouvelle accomplit parfaitement son objectif, de façon peut-être un peu transparente pour le lecteur avisé, mais Dan Abnett, égal à lui-même, signe un texte suffisamment solide pour que tout le monde y trouve son compte. Si vous voulez découvrir un des mythes fondateurs et structurants de la Black Library, ‘Of Their Lives…’ est donc le point de départ idéal pour se familiariser avec une saga aussi colossale que celle des Fantômes de Gaunt.

1 : Note à l’attention des lecteurs ne connaissant par les Fantômes de Gaunt : Abnett a pris un malin plaisir à rajouter des personnages non Tanith à son casting au fur et à mesure des campagnes du régiment. Si vous pensez qu’il y a une foule de noms à retenir ici, attendez un peu de lire ‘The Lost’ ou ‘The Victory’.

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Mercy – D. Ware [40K] :

MercyICÔNE : AUGUSTA, SŒUR SUPÉRIEURE DE L’ORDRE DE LA ROSE DE SANG

INTRIGUE :

Sur le monde de Lautis, isolé dans l’arrière-pays de l’Ultima Segmentus, une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre de la Rose de Sang menée par la Sœur Supérieure Augusta Santorus explore les ruines d’une cathédrale impériale, peut-être dédiée à Sainte Mina, et peut-être dédiée à Saint Maclou (qui peut dire ?), à la recherche de… quelque chose. Escortées par un missionnaire de l’Ecclésiarchie (Lysimachus Tanichus), ayant pris sur lui de ranimer la flame de la foi en l’Empereur parmi la plèbe locale après des siècles d’isolement et d’obscurantisme, l’Adeptus Sororita s’est en effet lancé dans une quête aussi pressante que floue pour une statue pouvant être liée aux origines de l’Ordre. On ne saura jamais pourquoi l’identification du patrimoine sacré constitue une priorité telle pour les membres de la Rose de Sang, mais toujours est-il que nos intrépides sistas se retrouvent fort dépourvues quand la Waaagh ! locale fut venue.

Coincées dans les ruines de la maison de Pépé (Question : peut-on considérer les temples impériaux comme des Ehpads, de ce fait ?), Santorus et ses sous-fifres optent alors pour un dernier carré héroïque et commencent à arroser les peaux vertes de bolts et d’imprécations en Haut Gothique, avec des effets spectaculaires, tant sur les effectifs de la horde ork que sur la culture générale du lecteur. Las, cela ne suffit pas à décourager les belliqueux Xenos de forcer l’entrée du lieu saint sous le seul poids du nombre, forçant les fifilles survivantes à, je vous le donne en mille, engager les brutes au corps à corps. Et pas n’importe comment, qui plus est : à mains nues. Oui, vous avez bien lu, ô incrédules lecteurs : c’est bien à coup de poing et de pied (pas de crépage de chignon possible avec les Orks malheureusement) que Santorus et consœurs tombent sur le râble, plutôt costaud, des aliens mécréants. Et le meilleur dans tout ça, c’est qu’elles leur mettent une énorme race, à l’image d’une Sœur Supérieure déchainée et tenant facilement tête à un Warboss Blood Axe, avec et sans arme. Pourquoi avoir des progénoïdes quand on peut avoir des stéroïdes ?

Les Orks finalement mis en déroute, et leur chef exécuté d’un bolt en pleine tête après un sommaire interrogatoire ayant permis de mettre à jour la duplicité de ce traître de Tanichus (c’est un nom de fourbe, je l’ai toujours dit), il est temps pour Augusta de (se) rendre justice afin des réparer les torts subis (une Soeur décédée d’allergie à la grenade, et quatre permanentes totalement ruinées). Guidée par une inspiration soudaine, et sans doute divine, elle décrète donc la mort du félon, ignorant ses piteuses justifications pseudo humanitaires, et l’annexion de Lautis au sein du protectorat de l’Ordre. Pourquoi ? Parce que. The end.

AVIS :

Que garder de Mercy, première soumission de la newbie Dannie Ware pour la Black Library ? Pas grand-chose, malheureusement. Sur le fond, l’intrigue proposée tient en une demi-ligne (attention, vous êtes prêts ? “Sistas versus Orks dans une cathédrale”. Ta-daaaaa!), et le “twist” final gardé en réserve par l’auteur tombe tellement à plat qu’on aurait même du mal à le considérer comme tel. Que Tanichus ait mené son escorte dans un piège, soit. Mais apprendre que la motivation profonde des Orks, et la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition du missionnaire, est la récupération des armes d’une pauvre escouade de cinq Sororitas, no way. L’histoire a beau se dérouler dans l’Ultima profond, plus cheap que ça, c’est fouiller les poubelles des colons locaux pour récupérer les bouteilles d’amasec consignées au Simply Market du coin. Respectez-vous tout de même, Messieurs les peaux vertes.

Sur la forme, on aura bien du mal à pardonner à Ware les libertés qu’elle prend avec quelques principes fondateurs et porteurs du fluff de GW, au premier du rang duquel on trouve l’axiome : “Les Orks sont des forces de la nature”. Faire triompher une escouade de Space Marines d’Assaut vétérans d’une empoignade contre ce type d’adversaires, pourquoi pas (et encore). Mais une poignée de Sœurs de Bataille qui tatane comme qui rigole dix fois leur nombre et cent fois leur poids en géants verts, sans subir une seule perte dans le feu de l’action, et en recourant à des prises de catch histoire de faire kwioul, non merci. Ajoutez à cela un character development aux abonnés absents et quelques incongruités (comme une statue disposée de telle façon à ce qu’elle soit tournée vers Sainte Terra… donc vers l’Ouest-Sud-Ouest, c’est bien connu) sans conséquences pour le récit mais pas pour la crédibilité de ce dernier, et vous obtenez une nouvelle à remiser dans le fond des cartons du second choix de la BL. Mercy ? Sans façons.

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Thorn Wishes Talon – D. Abnett [40K] :

Thorn Wishes TalonICÔNE : GREGOR EISENHORN & GIDEON RAVENOR, INQUISITEURS DE L’ORDO XENOS

INTRIGUE :

Par une sombre nuit d’orage, un petit groupe de mystérieux individus débarque sur la planète Malinter, et prend la direction d’une tour en ruines où un rendez-vous a été fixé avec une tierce partie anonyme. Voilà qui est bien brumeux, voire fumeux, vous en conviendrez. Sur le chemin, les marcheurs sont attaqués par 6/7 hostiles, donnant l’occasion à Abnett de présenter ses protagonistes de façon convenable. À tout seigneur container, tout honneur, commençons par le meneur de la bande, l’Inquisiteur Gideon Ravenor, puissant Psyker réduit à l’état de loque humaine lors d’un attentat chaotique il y a bien longtemps, et confiné dans un fauteuil flottant énergétique depuis lors. Il a amené avec lui quelques copains pour lui servir de garde de la carrosserie : l’Interrogateur Carl Thonius, incarnation parfaite du hacker nerd passant la moitié de son temps à se plaindre, et l’autre à balancer des vannes caustiques, les hommes et femmes de main Harlon Nayl, Kara Swole et Zeph Mathuin, et la télékine Patience Kys. Seul Gigi sait ce qui les attend sur Malinter, et il refuse obstinément de s’en ouvrir à ses collaborateurs, même après que cette première embuscade, prélude à de nombreuses autres, se soit terminée en faveur des visiteurs (grâce à la combo mortellement efficace lévitation forcée + canon d’assaut rotatif).

La progression de nos héros devient de plus en plus difficile au fur et à mesure qu’ils s’approchent du sommet de la tour, des hordes des cultistes chaotiques se mettant en travers de leur route dans le but d’empêcher la rencontre de haut niveau (à tout point de vue) de se produire. Laissant Thonius, Nayl et Mathuin retenir la plèbe et échanger des blagounettes, ce Dom Juan de Ravenor entraîne Kys et Swole à sa suite jusqu’au rooftop du gratte ciel, où les attend ce bon vieux Gregor Eisenhorn, mentor de Gideon et ex-employeur de Kara. Disparu de la circulation depuis des lustres, et présumé mort ou radical par l’Imperium (voir la trilogie ‘Eisenhorn’ d’Abnett à ce sujet), Greg le Grabataire est toujours actif dans le game et déterminé à s’opposer au Chaos par tous les moyens nécessaires, y compris en retournant ses armes et méthodes contre lui. Le seul équipier conservé par Eisenhorn dans sa lutte contre l’anarchie galactique est ainsi le possédé Cherubael, qui lui sert de gros bras mais également d’auxiliaire de vie (dur de monter en haut d’une tour de 500 mètres – sans ascenseur – quand on est invalide à 93%1). Ces retrouvailles émouvantes entre les deux invalides tournent rapidement à la réunion professionnelle, Eisenhorn ayant voulu prévenir son disciple de l’intérêt que lui portent les membres de la Divine Fraternité, un culte chaotique spécialisé dans les catastrophes à venir. D’après leurs dernières (pré)visions, Ravenor, ou quelqu’un de son entourage, jouera un rôle décisif dans l’incarnation du démon Sliite dans notre dimension, ce qui aura évidemment des conséquences néfastes pour l’Imperium. Une barquette avertie en valant deux, Eisenhorn tenait à faire passer le message à son ancien Interrogateur, qui décide naturellement de… continuer ses investigations sur Eustis Majoris, précisément là où le démon fera son entrée dans le Matérium. Mais attention, en faisant attention.

Un peu plus bas, le Supreme NTM (Nayl, Thonius & Mathuin) a bien du mal à gérer le Dreadnought que les cultistes ont fait venir en renfort. Ils parviennent cependant à le retenir suffisamment longtemps avec leurs grenades krak (un peu) et chamailleries (surtout) pour que les Inquisiteurs se traînent enfin à leur niveau, leur conciliabule achevé, et règlent son compte à la menaçante machine. Le reste n’est qu’une formalité, et après un joyeux massacre de chaoteux et un salut au club des anciens (Nayl et Swole ayant commencé par servir Gregor avant de rejoindre Gideon), Ravenor et Eisenhorn se séparent à nouveau, peut-être pour la dernière fois. La suite sera racontée dans ‘Ravenor Returned’, le deuxième tome de la trilogie consacrée par Abnett au Stephen Hawkins du 41ème millénaire.

1 : Ce qui pose la question : pourquoi Eisenhorn a-t-il donné rendez-vous à son pupille, à la mobilité également réduite, dans un endroit aussi difficile à atteindre ? Autrement que pour le côté grandiose, s’entend ?

AVIS :

Abnett trouve un prétexte assez quelconque pour réunifier le temps d’une nouvelle la team GG de l’Inquisition, et on peut lui en être gré. Il est clair à la lecture de ‘Thorn Wishes Talon’ que l’équilibre des forces penche en faveur de Ravenor (dont la saga était en cours d’écriture au moment de la première publication de cette nouvelle), Eisenhorn en étant réduit à faire un cameo plutôt qu’à participer réellement à l’intrigue. En ce sens, cette nouvelle donnera sans doute plus envie au lecteur de se pencher sur les aventures de Gideon le gai luron plutôt que sur celles de Gregor Trompe-la-Mort, même si les deux séries méritent définitivement la lecture. On prend plaisir à voir opérer une équipe d’agents de l’Inquisition, constituée d’individus au caractère bien trempé et aux compétences uniques, ce qui donne un cocktail savamment mixé d’action et de punchlines, saupoudré par quelques éléments de fluff dignes d’intérêt, dans le plus pur style d’Abnett. Je place ‘Thorn Wishes Talon’ en dessous des histoires policières/roman noir (‘Missing in Action’, ‘Backcloth for a Coin Additional’) et détaillant l’origine/la destinée de personnages secondaires importants des travaux inquisitoriaux de Dan Abnett (‘Playing Patience’, ‘The Strange Demise of Titus Endor’), mais vous pouvez tout de même y aller les yeux fermés (ou pas, c’est tout de même plus pratique pour lire un texte).

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The Wreckage – D. Annandale [40K] :

The WreckageICÔNE : SEBASTIAN YARRICK, COMMISSAIRE

INTRIGUE :

Où il sera question des premières années de service de Sebastian Yarrick, avant qu’il ne devienne la légende acariâtre que l’Imperium connaît et adore redoute. Déjà engagé aux côtés de la Légion d’Acier d’Armaggedon, notre héros se retrouve en mauvaise posture lors de la traque d’une bande de pirates hérétiques ayant fait du vilain dans le secteur de Statheros, et qui semble avoir un coup d’avance sur ses adversaires impériaux. Débarqué à la surface d’Aionos, une lune servant de décharge à vaisseaux spatiaux en fin de vie, le 252ème Régiment de la Légion d’Acier tombe dans une embuscade qui le force à s’abriter derrière une épave (d’où le titre. Ça, c’est fait.), en attendant des jours meilleurs, ou un coup de génie militaire de la part du Capitaine Jeren Marsec, leader charismatique mais tête brûlée de l’expédition. Yarrick, bien moins dominateur que dans ses dernières années, se contente d’observer avec circonspection la tournure que prennent les événements, échangeant quelques remarques acerbes avec son pote Otto Hanoszek, Sergent expérimenté du 252ème, avec lequel il partage quelques doutes sur la qualité du Capitaine Marsec. Ce dernier, qui a vraiment la confiance, se permet de faire des blagues au sujet de son Commissaire, et propose en toute simplicité de charger en masse les lignes ennemies (situées en hauteur et mieux fortifiées que celles des impériaux) afin de forcer les hérétiques à se concentrer au même endroit pour repousser l’attaque, les transformant en cible facile pour la frégate d’Armaggedon (Castellan Belasco) qui stationne en orbite. Moyennement emballé par ce plan à 80% suicidaire, Yarrick accepte tout de même de marcher dans la combine, mais le coup de bluff de Marsec ne donne rien. Il semble en effet que le fourbe ennemi se soit fait la malle au lieu de tenir sa position, comme il était convenu qu’il le fasse.

Dépité autant que déboussolé par ce coup du sort, Marsec contacte la frégate pour annuler la frappe orbitale, mais réalise un peu tard qu’il vient de re-re-retomber dans un piège, les hérétiques ayant capturé le vaisseau et n’attendant que la confirmation du Capitaine que ses troupes forment un gros tas bien compact au sol pour donner du macrocanon. Le subtil accent nazillard de l’opérateur radio auquel Marsec s’adresse met toutefois la puce à l’oreille de Yarrick, qui parvient à sauver quelques meubles en ordonnant une dispersion stratégique quelques instants avant que la catastrophe ne frappe. La situation du 252ème est toutefois des plus précaires, réduit à quelques escouades éparses, mené par un officier totalement hébété par la tournure qu’on prit les événements, et confronté, en plus des pirates de l’espace, à une escouade de Space Marines du Chaos des tristement célèbres Harkanor’s Reavers (la Légion des Damnés, goût Hérésie).

Prenant en charge les opérations le temps que Marsec sorte de sa torpeur, Yarrick entraîne ses survivants dans un complexe de pyramides enfoui sous le sol de Aionos, et découvert par le bombardement spatial. Je ne vous ferai pas l’insulte de laisser planer l’ombre d’un suspens sur la présence de Necrons dans cette nécropole, car c’est évidement le cas. Pris entre le marteau du Chaos et l’enclume des Xenos, Yarrick parvient à feinter son monde en passant en mode furtif, laissant les hérétiques menés par leurs gros copains énergétiques se ruer sur les robots tueurs, avec des résultats concluants. Un bonheur n’arrivant jamais seul, nos héros apprennent que l’équipage du Castellan Belasco a réussi à se libérer et est sur le point de reprendre le contrôle du vaisseau, ce qui permettrait au 252ème de tirer sa révérence sur cette victoire mineure. Problème, le bombardement a séparé les Gardes Impériaux en deux, et le groupe mené par le Sergent Hanoszek est confronté à la même situation que celui de Yarrick (hérétiques, Space Marines du Chaos, pyramide…), sans bénéficier de la présence scénaristiquement salvatrice de ce dernier.

Conscient que la situation de ses camarades est sans espoir1, Yarrick essaie de convaincre Marsec, qui a enfin repris ses esprits, de ne pas jouer au héros en essayant de monter une opération de secours vouée à l’échec. En vain. Seb la Frite passe alors en mode Commissaire et colle un bolt dans la tête de l’officier, qui n’attendait que ça en fait, histoire de mourir en martyre au lieu de devoir justifier son incompétence auprès du haut commandement à son retour. Grand prince, Yarrick annonce lui-même à Hanoszek qu’il a été désigné volontaire pour mourir au nom de l’Empereur, ce que ce dernier accepte avec stoïcisme, et laisse sa radio ouverte jusqu’au bout pour recueillir les derniers râles des héroïques bidasses. Kelôm.

1 : Ils sont confrontés à 3 Astartes du Chaos. 3 ! C’est Gaunt qui doit doucement rigoler dans son coin.

AVIS :

Une nouvelle sur Yarrick où aucun Ork ne vient pointer le bout de son (absence de) nez, cela fait bizarre, tant cette race de Xenos est centrale dans la saga du vieux Commissaire. Le récit que fait Annandale du début de la carrière du héros d’Armaggedon, que l’on découvre déjà animé de puissantes convictions quant à la manière d’accomplir son devoir, même s’il se laisse ici marcher sur les pieds par cette fantoche de Marsec, ne s’avère pas vraiment mémorable, et je pense que le nombre très important de factions convoquées dans cette courte nouvelle joue un rôle important dans ce constat de bofitude. Était-il vraiment nécessaire de faire intervenir les Necrons (qui n’apparaissent même pas directement dans le récit d’ailleurs) dans cette péripétie mineure de la carrière de Yarrick ? Cela renforce en tout cas le running gag de la nécropole enfouie sous trois centimètres de sable, et qui se réveille dès que le chien du héros la déterre par inadvertance en creusant un trou pour son os. À vouloir jouer à la fois sur le tableau de la psychologie (Yarrick se retrouve confronté à un dilemme moral qui aura des conséquences sur la suite de sa vie) et de l’action (Yarrick doit mener ses hommes à la victoire en dépit des circonstances) en aussi peu de pages, Annandale score moyennement sur les deux dimensions, et ce faisant, ne rend pas vraiment service au héros qu’il est sensé glorifier.

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Rite of Pain – N. Kyme [40K] :

Rite of PainICÔNE : ADRAX AGATONE, CAPITAINE DE LA TROISIÈME COMPAGNIE DES SALAMANDERS

INTRIGUE :

Malgré leur réputation de gros nounours, les Salamanders ne sont pas exempts de pratiques douteuses. La scène qui se déroule en ouverture de ‘Rite of Pain’ (une nouvelle qui ne traite pas de la manière de faire une Tradition à la mie moelleuse et à la croûte ferme, ce qui est, de l’avis général, très dommage) le démontre bien. Un trio de tortionnaires s’amuse en effet à pyrograver le torse d’un prisonnier enchaîné à une table d’opération, en lui recommandant de « sentir le moment » et « accueillir la souffrance », préceptes admirables en théorie mais dont l’individu se trouvant du mauvais côté du fer rouge a du mal à faire usage. Nos trois larrons sont le Capitaine Adrax Agatone, le Chapelain manchot Elysius, et Jean-Alphonse Diplodocus, prêtre tisonnier. Ils semblent avoir des difficultés à convaincre leur invité des vertus de leur philosophie masochiste, pour des raisons qui seront gardées sous silence par Nick Kyme. On apprendra juste que le gonze qui joue le rôle du steak sur le grill de la cafétéria des Salamanders est sauvage et dangereux, et a déjà occis sept collègues de Jean-Alphonse avant d’être appréhendé.

Aux grands maux les grands remèdes, Elysius demande et obtient un tête à tête avec le prisonnier pour lui apprendre une bonne leçon. Pendant qu’Adrax et Jean-Alphonse prennent une pause clope à l’extérieur, le Chapelain libère sa victime… et lui refait le portrait d’une main experte, tout en continuant à le poker avec son tisonnier, jusqu’à ce que le malappris demande grâce et récite son catéchisme comme il faut. Avant que le rideau ne tombe, nous faisons donc la connaissance de frère Zartath, qui semble avoir été confirmé comme Salamander après ce bizutage en règle, et malgré le fait qu’il soit capable de faire pousser des griffes d’os depuis ses avant-bras. Ils prennent des mutants maintenant sur Nocturne ?

AVIS :

J’avoue avoir un peu triché en préparant la critique de cette nouvellinette (5 pages) de Kyme, que son auteur a gardé volontairement obscure pour qui n’est pas familier des travaux nocturnes de l’auteur-éditeur de la BL. Il s’avère que ‘Rite of Pain’ se situe à la croisée des événements relatés dans ‘Nocturne’ et ‘Rebirth’, et a certainement été sélectionnée pour l’inclusion dans ‘The Hammer & the Eagle’ sur la base de la participation du Capitaine Adrax Agatone à cet épisode très mineur du ‘Tome du Feu’, nom de l’anthologie consacrée par Kyme à ses chers lézards. Nouvelle figure de proue du Chapitre depuis la sortie de sa figurine et de son profil dans le Codex Space Marines, Agatone n’est cependant qu’un second rôle lointain dans la saga vulcanisée de Nick Kyme, par rapport au duo Dak’ir et Tsu’Gan sur lequel l’essentiel de la série repose. Faut-il voir un nouveau départ pour les Salamanders au sein de la BL ? Sans doute, mais on leur souhaite des écrits plus intéressants et détaillés que ce min…uscule ‘Rite of Pain’, qui ne présente ni ne suscite guère d’intérêt pour le lecteur.

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Chains of Command – G. McNeill [40K] :

Chains of CommandICÔNE : URIEL VENTRIS, CAPITAINE DE LA QUATRIÈME COMPAGNIE DES ULTRAMARINES

INTRIGUE :

Engagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

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Eclipse of Hope – D. Hinks [40K] :

Eclipse of HopeICÔNE : MEPHISTON, CHEF ARCHIVISTE DES BLOOD ANGELS

INTRIGUE :

Appelés à l’aide par la Garde de Fer de Mordia, elle-même sollicitée par les habitants de Supplicium Secundus en leur heure de besoin, les Blood Angels ont répondu en envoyant Mephiston et quelques potes dans le système en question. Les vampires énergétiques arrivent toutefois trop tard à la surface de la planète, et ne peuvent que constater que la totalité de sa population, ainsi que les braves Mordian débarqués pour faire le service d’ordre, se sont entre tués dans une orgie de massacre à faire se pâmer un héraut de Khorne. Mephiston trouve le spectacle de la plaine jonchée de cadavres jusqu’à l’horizon plutôt poétique, mais se garde bien de partager cette réflexion pas très Charlie avec ses sous fifres. Les questions que les Astartes et le lecteur se posent sont en partie résolues par l’arrivée de l’ultime survivant de cette battle royale planétaire, un Colonel Mordian complètement ravagé du bulbe, qui agresse violemment le brave Sergent Gamigin en grognant comme une bête enragée. Courtois mais un peu rude, le surhomme dans la pampa finit par tordre le cou au minus qui lui salit ses plates avec ses grosses mains pleines de doigts, mais semble récupérer le mal qui tourmentait son assaillant au passage, et commence à montrer des signes d’énervement qui n’augurent rien de bon venant d’un colosse génétiquement modifié et armé jusqu’aux canines. Heureusement, Mephiston est là pour faire un peu d’hypnose suggestive, ce qui permet à Gamigin de décompresser sans avoir tué personne (à part le Mordian bien sûr, mais il ne compte pas vraiment).

De retour sur leur vaisseau, les Blood Angels découvrent la flotte de secours des Mordians, complètement désertée et remplie de cadavres. Les puissantes capacités déductives de Mephiston ne mettent pas longtemps à soupçonner que les transports de troupe ont été victimes de la même rage irrépressible que celle qui a décimé Supplicium Secundus, et la réception d’un nouvel appel à l’aide, celui-là venant de Supplicum Tertius, située un peu plus loin dans le système, vient confirmer les craintes de Seigneur de la Mort. Le virus du VENER-40.000 circule encore dans la zone, et il est du devoir des Blood Angels d’en trouver la cause et la cure.

Parti dare dare vers la planète souffrante, dont les masses laborieuses commencent à s’entre-tuer avec méthode et enthousiasme, le croiseur d’attaque Crimson Exhortation manque d’être percuté en chemin par un vaisseau non identifié, ce qui ne peut pas être une coïncidence dans un milieu aussi espacé que… l’espace. Et en effet, le nouveau venu se révèle être l’Eclipse of Hope, ou plutôt son portrait robot dessiné par un enfant de 6 ans (comprendre que les proportions ne sont pas très bien respectées), une barge de bataille perdue par le Chapitre pendant la 5ème Croisade Noire. L’étude de la trajectoire du vaisseau fantôme ne laisse aucun doute à Mephiston : c’est bien la cause de la folie meurtrière qui a infecté Supplicum Secundus et Tertius, et il doit être détruit en conséquence. Plus facile à dire qu’à faire cependant, l’Eclipse encaissant sans problème et sans dégâts apparents un tir direct de canon nova. Comprenant que le Warp est à l’œuvre, Mephiston décide d’aller régler le problème à l’ancienne, B.A. style, c’est-à-dire en envoyant une poignée de vétérans purger l’épave de l’intérieur, comme cela a si bien réussi au Chapitre par le passé (remember Secoris ?). En plus de notre souriant héros et du Sergent Gamigin, résolu à prouver à l’univers combien il est cool, on retrouve un Chapelain, un Techmarine, un Prêtre Sanguinien et un Épistolier dans l’équipe des rouges. Tout ce petit monde aborde l’Eclipse, qui est une sorte de fantasme semi-solide, se nourrissant des souvenirs de ses hôtes pour prendre une forme concrète, et se dirige vers la salle de commandement du vaisseau, où se situe probablement le nœud du problème.

En chemin, la rage instillée par l’épave est gardée sous contrôle par les Blood Angels, qui ont tous pris un Lexomil dans leur lait fraise avant de partir en mission, mais la manifestation d’un petit groupe de Sanguinaires à proximité de l’objectif des Astartes force ces derniers à passer en mode agressif, avec des résultats mitigés, la sainte colère des meilleurs de l’Empereur provoquant le spawnage de plus en plus rapide de leurs adversaires. Il revient à Mephiston, comme le héros qu’il est, de prendre les choses en main et de remettre ses compagnons sur la bonne route. Ses pouvoirs psychiques lui ayant permis de déterminer que la source du problème se trouvait dans le Librarium, et non sur le pont, il convoque un bouclier d’apathie, ou quelque chose comme ça, permettant à ses gardes du corps de s’extirper de la mêlée et de progresser jusqu’à la bibliothèque de l’Eclipse, où la messe devra être dite…

Début spoiler…Laissant les normies monter la garde devant la porte, Mephiston et l’Epistolier Stolas pénètrent dans le saint des saints, où se trouvent des bouquins démoniaques de fort belle taille, une carte du système de Pallevon, ainsi qu’une statue de Mephiston zieutant un des grimoires de façon insistante. Le signal est clair, et bien que le Seigneur de la Mort ait la discipline nécessaire pour s’arracher de la contemplation de l’ouvrage maudit, une fois les premières pages parcourues, Stolas se fait corrompre comme un bleu entre le sommaire et la préface. Il brûlera donc avec le reste du Librarium, purifié de manière définitive par un Mephiston qui ne transige pas avec ses principes. L’Eclipse dûment désinfecté de sa peste warpique, et la situation revenue sous contrôle sur Supplicium Tertius, Mephiston est libre de poursuivre sa quête de réponses en direction de Pallevon, où l’attend un autre revenant du Chapitre…Fin spoiler

AVIS :

Avant que Darius Hinks ne reprenne en main la carrière littéraire de Mephiston, c’était David Annandale qui avait la charge du Seigneur de la Mort, auquel il a consacré cette nouvelle et le roman ‘Lord of Death’. Ces deux histoires s’inscrivent dans le même arc narratif, ‘Eclipse of Hope’ faisant office de prologue à ‘Lord of Death’, et accomplissant bien cette fonction, donnant envie au lecteur de connaître la suite des aventures du grand blond avec une humeur noire. Je dois également reconnaître avoir été agréablement surpris par le style déployé par Annandale dans sa narration, d’un niveau nettement supérieur à sa propre moyenne. Cela contribue grandement au caractère digeste d’une nouvelle qui ne serait sans cela rien d’autre qu’une énième Space Marinade. Une des soumissions les plus abouties d’Annandale hors de son créneau horrifique de prédilection, et donc à lire de préférence aux (nombreux) autres textes moins convaincants signés par cet auteur.

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Redeemer – G. Haley [40K] :

RedeemerICÔNE : ASTORATH, HAUT CHAPELAIN DES BLOOD ANGELS

INTRIGUE :

On a tous déjà été confronté à ce moment, plus ou moins long, pendant lequel une chanson – souvent débile, comme La Danse des Canards, T’Es Si Mignon ou Despacito – nous restait collée dans la tête malgré tous nos efforts pour forcer notre cerveau de passer à autre chose. Eh bien cette expérience abominable, c’est le quotidien d’Astorath l’Inflexible, Grand Chapelain des Blood Angels et Rédempteur des Égarés, dont il entend les fredaines pathétiques lui rabâcher les oreilles dès que l’un d’entre eux sombre totalement dans la Rage Noire. Il est alors de son devoir de rappliquer dare dare pour abréger les souffrances (les leurs et les siennes) à grands coups de hache, ce qui le conduit à passer sa vie dans l’espace, voyageant de zones de guerres en théâtres d’opérations dans son véhicule de fonction (l’Eminence Sanguis), accompagné de quelques fidèles acolytes. Aujourd’hui, direction Asque, d’où proviennent les échos lointains de Djadja joués à la flûte à bec par un Snotling asthmatique, ce qui est passablement désagréable, vous en conviendrez.

Laissant le fidèle Sergent Dolomen garder le vaisseau, comme il en a l’habitude1, Astorath part à la rencontre de l’escouade de Blood Angels affectés par le mâââl, escorté par le Prêtre Sanguinien Artemos et guidé par un trio de locaux, fortement impressionnés par la panoplie macabre de leur visiteur (qui fait moins le malin lorsque les ailes factices de son jet pack se prennent dans les branches sur le chemin, ceci dit). En chemin, les bouseux apprennent au Grand Chapelain que leur monde est victime depuis plusieurs décennies des attaques d’une race de Xenos peu sympathiques, baptisés les Silencieux par les pragmatiques Asquiens, et qui ont forcé ces derniers à abandonner leur cité ensoleillée pour se réfugier dans les forêts de champignons insalubres et humides recouvrant la majeure partie de la planète. Leurs appels à l’aide étant resté lettre morte pendant des décennies, l’ouverture de la Cicatrix n’aidant certainement pas, il leur a fallu prendre leur mal en patience et apprendre à vivre comme Yoda sur Dagobah, la Force en moins, le temps qu’une demi-escouade de Blood Angels soit dépêchée sur place pour botter le train aux Silencieux. Tout se passait très bien jusqu’à ce qu’un des Astartes ne pique une colère noire pour un motif indéterminé, et fausse compagnie à ses camarades pour aller baguenauder dans les sous-bois d’Asque.

Cette version est confirmée par le trio de Primaris qu’Astorath et Artemos rencontrent à leur retour de patrouille, et encore traumatisés par le pétage de plomb de leur mentor, le Sergent Erasmus, après que leurs hôtes leur aient apportés un steak d’ordes bien cuit au lieu de saignant. Détail important, Erasmus était un Space Marine de la vieille école, et pas un Primaris, dont la résistance à la Soif Rouge et à la Rage Noire relève encore de la théorie et des boniments de Belisarius Cawl. Ayant recueilli assez d’indices pour procéder à la traque et à la rédemption d’Erasmus, dont le séjour sur Asque sera le dernier échange culturel, Astorath se prépare à apporter la paix à la brebis énergétique égarée, siphonant un peu de rouge à la veine d’Artemos pour se donner du cœur à l’ouvrage, mais refusant catégoriquement que son acolyte vienne lui porter main forte dans sa mission sacrée. La confidentialité de la relation patient-thérapeute/confesseur/bourreau doit être respectée, que diable.

Après une petite partie de beat ‘em all sur le chemin de la ville abandonnée par les Asquais (les Silencieux trouvant malin de s’attaquer à Astorath à son passage, malgré leur corps de lâche et leur équipement rudimentaire), notre héros parvient enfin à localiser Erasmus, complètement enragé et donc persuadé de purger le Vengeful Spirit en lieu et place de son Primarque, alors qu’il massacre en fait la colonie de Silencieux ayant investi les habitations des colons après le départ de ces derniers. L’arrivée du Grand Chapelain fait définitivement pencher la balance en faveur de l’Imperium, et après que les derniers mobs aient été farmés, il est temps pour l’ultime séance de psychiatrie du Sergent Erasmus, administrée de main et de hache énergétique de maître par Astorath. Guidé par son amour fraternel et sa miséricorde absolue, le Rédempteur rédemptionne avec retenue, se contentant de saigner son patient pour saper sa force plutôt que de le décapiter sans sommation. Ah, il lui coupe une jambe aussi, mais seulement pour qu’Erasmus se tienne enfin tranquille, et qu’il puisse lui adresser une imposition des mains salutaire, permettant à l’égaré d’enfin refaire surface, et de mourir dans la lumière de Sanguinius et de l’Empereur. C’est presque une happy end, en fait. Ce problème résolu, et les glandes d’Erasmus récoltées, il est temps pour Astorath et Artemos de repartir sur les routes, la version de Bella exécutée au mirliton et à la scie musicale venant lui trotter dans la tête lui indiquant qu’un autre frère a besoin de ses bons offices…

1 : La planque ultime pour un Blood Angels tout de même. M’est avis que Dolomen a dû faire une remarque désobligeante lors du dernier vernissage de Dante pour avoir été affecté à une mission aussi chiante.

AVIS :

Guy Haley s’empare du personnage d’Astorath l’Inflexible (possiblement le Blood Angels doté du background au plus fort potentiel narratif) et nous sert une petite mise en situation dont il a le secret, soulignant à la fois les caractéristiques saillantes de son héros et levant le voile sur des aspects de sa personnalité et de son passé non abordés par les quelques paragraphes qui lui sont dédiés dans le Codex Blood Angels. Sur cette base éprouvée, Haley trouve également le moyen de faire le lien avec le lore avec un grand L (ce qui est approprié pour un personnage avec des grande ailes), en mentionnant l’ouverture de la Cicatrix et la dévastation de Baal, ainsi qu’en abordant la question fondamentale de la vulnérabilité potentielle des Primaris Blood Angels aux tares du matériel génétique de leur Primarque. Le résultat est très solide, à défaut d’être particulièrement original, et on se prend à espérer que la BL commissionne Haley pour d’autres travaux mettant l’Inspection Générale faite (sur)homme en vedette.

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Extinction – A. Dembski-Bowden [40K] :

ExtinctionICÔNE : EZEKYLE ABADDON, MAÎTRE DE GUERRE DE LA BLACK LEGION

INTRIGUE :

On ne le sait que trop, les lendemains de cuite sont difficiles. Quand la tournée des bars en question a duré sept ans, impliqué des centaines de milliards de participants sur des milliers de planètes, dont quelques dizaines ont brûlé au passage, et s’est terminée par un projet X débridé dans la maison familiale avec le capitaine de soirée qui s’étouffe dans son vomi sur la banquette arrière de sa Kangoo défoncée, il est somme toute logique d’avoir, très, mais alors trèèèèèèèèèèèèèèès mal aux cheveux pendant quelques temps. Surtout quand on s’appelle Ezekyle Abaddon, et qu’on a un goût immodéré pour les manbuns en palmier1. Nous reviendrons sur le cas de ce mauvais sujet un peu plus tard.

Extinction place donc son propos dans la période trouble qui succède à l’Hérésie d’Horus, qui, si elle n’a pas été une partie de plaisir pour l’Imperium, n’a pas été de tout repos non plus pour les Astartes rebelles, réfugiés dans l’Œil de la Terreur et en proie à de bien compréhensibles dissensions internes en l’absence d’un grand chauve costaud pour claquer le beignet aux éléments perturbateurs. Mais, comme l’éructe Borge Grassens, Prince Démon poète à la moustache remplie de Nurglings : « Or sous les cieux sous vergogne//C’est un usage bien établi//Dès qu’il s’agit de rosser des Sons of Horus//Tout le monde se réconcilie2 ». Tel le chouchou de la maîtresse ayant rappelé à cette dernière qu’elle avait oublié de ramasser les expressions écrites de la classe deux minutes avant la sonnerie, les guerriers de feu le Maître de Guerre se retrouvent en butte à l’hostilité non dissimulée de leurs petits camarades de jeu, qui leur reprochent, non sans raison, d’être responsables de la galère dans laquelle ils se trouvent désormais.

Nous faisons donc la rencontre, pour beaucoup d’entre eux juste avant une capture infamante, un décès prématuré, ou pire, de quelques fistons d’importance, alors qu’ils se retrouvent entraînés dans des explications de texte sans fin avec leurs cousins issus de germain. Le Sergent Kallen Garax peine à trouver les mots justes (pas facile quand on parle Chtonien et le gonze d’en face Nostraman) pour apaiser un gang de bikers Night Lords. Le Techmarine Sovan Khayral insiste impuissant à l’incendie de son véhicule de fonction des mains huileuses d’une bande de Death Guard désœuvrés. Le Capitaine Nebuchar Desh finit par rendre l’âme après une séance un peu trop soutenue avec son/sa Dominatrice Emperor’s Children, qui devra se trouver d’autres chats à fouetter. L’humble frère Zarien Sharak, coursé par une meute de World Eaters souhaitant lui voler son goûter (quand on n’a pas de monde à manger, il faut bien compenser), signe un bail de sous-location mal avisé avec un Démon mal élevé qui le met fissa à la porte de son âme à son corps défendant (ou le contraire). Erekan Juric, Capitaine Reaver, se fait incendier par la bande à Kahotep sur le chemin de la maison. Même la fameuse Kangoo d’Horus traîne son mal-être depuis la disparition du patron, remisée qu’elle a été dans un quelconque parking sous-terrain de l’Œil par ce galopin d’Abaddon.

C’est par un aparté dévolu à ce diable d’Ezekyle que se termine Extinction. Ayant tout bonnement pris un congé proprement sabbatique pour se ressourcer et faire le point sur sa vie, et voyageant de planète en planète pour visiter les attractions touristiques qu’elles ont à proposer (une pyramide ici, un mausolée là, un temple plus loin… c’est une sortie culturelle), Abby regarde de loin ses anciens frères se faire mettre la tête dans la cuvette des toilettes chimiques de leurs Rhinos, guère intéressé par les déboires de sa Légion. Quelque chose me dit toutefois que cela ne durera pas éternellement…

1 : Ca irrite le cuir chevelu comme pas possible et c’est très mauvais pour le bulbe.
2 : La rime est pauvre mais l’argent ne fait pas le bonheur.

AVIS :

Prologue à sa saga consacrée aux origines de la Black Legion, cette Extinction permet à Dembski-Bowden d’afficher sa maîtrise de la nouvelle d’ambiance. Il ne se passe en effet pas grand-chose dans ce court format, la succession de vignettes illustrant les déboires de la marmaille horusienne permettant seulement de prendre la mesure de la mauvaise passe que cette dernière traverse, orpheline de Primarque, traumatisée par sa défaite sur Terra, n’ayant plus d’objectif autre que la survie et ciblée à outrance par ses partenaires de crime. Pour autant, Extinction reste l’une des lectures les plus agréables de Croisade & Autres Récits, la patte d’ADB rendant chaque passage intéressant, chaque personnage attachant, et préparant parfaitement le terrain pour le début de la geste Abaddonienne, que le lecteur aura envie d’approfondir après en avoir terminé avec cet amuse-gueule, je gage. Il est fort l’animal, il est fort.

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Prodigal – J. Reynolds [40K] :

ProdigalICÔNE : FABIUS BILE, APOTHICAIRE DES EMPEROR’S CHILDREN

INTRIGUE :

Alors qu’il couve, quasi littéralement, sa nouvelle génération d’enfants-cobayes, spécimens de la nouvelle humanité qu’il appelle de ses vœux et crée de ses recherches, Fabius Bile reçoit la visite d’une présence démoniaque furtive et rigolarde, envoyée par l’un de ses nombreux ennemis pour mettre fin à ses expérimentations. Pas de chance pour le rejeton du Warp, Fab en a vu d’autres, et ordonne posément à l’esprit de la machine du Vesalius, son vaisseau amiral, de sceller son laboratorium pour lui permettre de localiser l’agent contaminateur importun et lui passer l’animus à l’eau de javel, comme la procédure le demande. Si la baston qui s’en suit ne fait de victimes que parmi la collection d’occulobes et de glandes de Betcher gardés par l’Apothicaire fou, les choses manquent de mal tourner pour ce dernier après que le premier démon assassin soit rejoint par un second. L’arrivée opportune de Melusine, la « fille » aînée de Bile, permet toutefois de mettre fin aux débats avant que le laboratoire ne soit complètement ravagé. Si Mel a pu intervenir en ce moment décisif, c’est parce qu’elle est elle-même plus qu’à moitié démoniaque, une orientation qui déçoit beaucoup son géniteur, mais qu’il accepte, en père modèle moderne et philosophe. S’en suit un dialogue entre les deux générations de Bile, qui génère plus de questions qu’il n’apporte de réponses, à commencer par les motivations ayant poussé Melusine à venir à la rescousse de son vieux, et à lui transmettre des avertissements à la demande de… Fantomas ? Jack l’Eventreur ? the masked singer ? Le suspens restera entier, en partie à cause de la folie manifeste de Fabienne (son vrai nom), qui a du mal à se situer entre le passé, le présent et le futur, et le choix de Fabius de ne pas poser la question qui pourtant le travaille autant que le lecteur. L’entrevue se termine sur le départ précipité de Melusine, qui « n’aime pas parler aux fantômes » (sic), et laisse donc son vieux pôpa méditer sur l’ingratitude de la jeunesse et sur l’inexorable passage des années, ou, dans son cas, des millénaires. Bile reste toutefois convaincu de l’intérêt et du caractère fondamental de ses recherches, qu’il continuera à mener en dépit de l’opposition d’une galaxie obscurantiste. C’est cela que d’être en avance sur son temps…

AVIS :

‘Prodigal’ apprend beaucoup de choses sur la vie et l’œuvre de Fabius Bile (et à travers lui sur les Emperor’s Children et les Légions renégates), ce qui en fait un bon point de départ pour quiconque souhaite se plonger dans le corpus que la Black Library a dédié à son charismatique et échevelé savant fou, écrit en bonne partie par le même Josh Reynolds. Je ne suis en revanche pas certain que les lecteurs familiers du personnage et de sa saga y trouvent de grandes sources de satisfaction, le retour de Melusine (la fille prodigue annoncée par le titre) ne faisant finalement pas progresser les relations entre les deux personnages d’un iota. Une bonne petite nouvelle d’ambiance/d’acclimatation donc, mais en rien essentielle à la bonne compréhension des chroniques bilieuses et billesques de Reynolds.

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Veil of Darkness – N. Kyme [40K] :

Veil of DarknessICÔNE : CATO SICARIUS, CAPITAINE DE LA SECONDE COMPAGNIE DES ULTRAMARINES

INTRIGUE :

Vous souvenez vous de Damnos et de sa chute, amis lecteurs ? Si l’épisode fut malheureux pour l’Imperium, il eut au moins l’avantage de mettre l’insupportable Cato Sicarius, Capitaine de la Seconde Compagnie des Ultramarines, en face de sa nullité crasse et d’un adversaire qui lui apprit bellement la vie, le Seigneur Necron « Immortel » (Undying), qui lui planta sa faux dans le bidon au terme d’un duel épique (selon Sicarius)/de cinq secondes (selon les observateurs présents). Un souvenir à chérir en ce millénaire hostile…

Notre histoire commence quelques temps après cet affrontement fatidique, Cato revenant à lui dans une cuve de bacta et, fidèle à lui-même, commençant le premier jour du reste de sa vie1 en rabrouant le fidèle Apothicaire Venatio, qui a pourtant passé les derniers jours à le remettre en forme. Apprenant la défaite des Ultramarines et la perte du vénérable Agrippen, Sicarius pique sa crise et fracasse d’un coup de poing la vitre de sa cuve amniotique pour se passer les nerfs (et il aurait fait pire s’il avait eu son épée). Et dire que les World Eaters sont accusés d’être psychopathes. Avant qu’il n’ait pu détruire de fond en comble l’Apothicarion, l’arrivée soudaine de son rival devant l’éternel, Severus Agemman, contraint notre turbulent zéro à retrouver son calme. Le Capitaine de la Première Compagnie est venu informer son collègue et inférieur qu’il est convoqué devant Marneus Calgar dans six heures pour expliquer pourquoi et comment il a cru bon de déféquer dans la super glu lors de la campagne de Damnos. Sicarius, qui n’est pas passé en conseil de discipline depuis la fin de ses études, prend évidemment très mal la nouvelle, et fidèle à la légendaire équanimité de Guilliman, balance quelques réflexions désagréables à Agemman pour extérioriser sa frustration, manquant de peu de se ramasser une baffe énergétique pour sa peine.

Avec si peu de temps pour préparer son dossier, Sicarius n’a bien sûr rien de plus pressé que d’aller récupérer ses armes et armures à l’Armourium, où il a la désagréable surprise de constater que des bouts de Guerriers Necrons décomposés ont été stockés pour étude par les Techmarines du Chapitre. Flairant une combine de la part de l’ennemi, maître incontesté du leave no trace2, Sicarius ne peut cependant convaincre Vantor, le techos en faction, de mettre à la benne ces déchets dangereux. Il expérimente à cette occasion une vision plutôt inquiétante de sa Némésis métallique, le laissant littéralement sur les genoux (pendant que Vantor, qui n’a absolument pas trouvé anormal que son interlocuteur s’effondre au sol en suffoquant comme un poisson hors de l’eau, est retourné vaquer à ses occupations). De nouveau maître de lui-même, Sicarius repart donc rédiger son rapp- taper le carton en salle d’entraînement avec le Sergent Daceus, qui mérite une statue au sein du Temple de la Correction pour supporter un supérieur aussi imbuvable que lui. On apprend à l’occasion du duel amical entre les deux Ultramarines qu’en plus d’être prétentieux au possible, Sicarius est également mauvais perdant et vicieusement mesquin, puisqu’il enfreint volontairement les règles du combat pour pouvoir scorer une touche contre Daceus, qui était sur le point de le vaincre. Une nouvelle vision ténébreuse s’abat alors sur le Capitaine, qui manque de tuer le Sergent en pensant revivre son duel contre le Roi Necron (mais ne s’excuse pas le moins du monde lorsque l’illusion se dissipe, évidemment). Tout à sa paranoïa, Cat’ éventre un pauvre Serviteur de combat qui ne lui avait rien fait, juste pour être sûr que le soulèvement des machines n’était pas d’actualité, avant de se rappeler qu’il ne lui reste que 10 minutes avant de comparaître devant Calgar, et qu’il n’a rien préparé pour sa défense. Accompagné par le bien brave Daceus, Sicarius se présente à son audience, certain que sa belle gueule et ses états de service lui éviteront le blâme qu’il mérite pourtant de toute évidence…

Début spoiler 1La correctionnelle lui est  évitée par la tentative d’assassinat dont est victime le pauvre Marneus, décidément dans tous les mauvais coups, de la part d’un Deathmark Necron sorti de nulle part, comme cela est son droit le plus strict. Ce n’est que le prélude à une invasion en règle de la Forteresse de Hera par les fourbes Xenos, qui profitent du goût des Ultramarines pour les souvenirs de campagne pour pénétrer en masse dans l’Armourium, faisant sa fête à Vantor au passage, avant de se diriger vers l’Apothecarion pour en terminer avec le Grand Schtroumpf. Isolés de leurs frères de bataille par les artifices Necrons, Sicarius, Daceus, Agemman et les gardes d’honneur de Calgar tentent de renverser la situation en déphasant le Vizir porteur du Voile de Ténèbres, ce qu’ils parviennent à faire, mais cela n’empêche pas le Roi Necron de faire son entrée sur le champ de bataille, et de porter le coup de grâce au Maître de Chapitre, après que tous ses défenseurs aient été passés au fil du khopesh. À moins que…

Début spoiler 2…À moins qu’il ne s’agisse que d’un rêve, évidemment. Ou plutôt, d’une vision du futur. Retour donc à la cuve de biactol du début de la nouvelle, d’où Sicarius réémerge, sa légendaire mauvaise humeur remplacée par un sentiment de déjà vu irrépressible. Et en effet, il a connaissance de tout ce que ses interlocuteurs cherchent à lui dire, ainsi que du stockage des pièces détachés Necron dans l’arrière boutique de l’Armourium, qu’il se dépêche d’aller valoriser énergétiquement (pour une fois, c’est approprié) malgré les protestations de Vantor. Ceci fait, il est libre d’aller répondre de ses actes devant Marneus Calgar sans craindre pour la vie de ce dernier, qui souhaitait simplement le voir pour lui annoncer qu’il a lui aussi eu ce rêve étrange et pénétrant, dans lequel le Roi Necron se paie sa tête. Ce crime de lèse majesté ne pouvant rester impuni, Calgar autorise son Capitaine à jouer la belle, lorsque l’occasion se présentera. Comme on disait à l’époque, Delenda Necrono.Fin spoiler

1 : C’était la première fois qu’un adversaire le blessait gravement lors d’un duel. Lui, Cato Sicarius, Maître du Guet, Chevalier Champion de Macragge, GrAnD dUc De TaLaSsAr et HaUt SuZeRaIn D’uLtRaMaR !!! Il se serait plaint au directeur, s’il avait pu.
2 : On peut reprocher beaucoup de choses aux Necrons, mais au moins, ils ne polluent pas.

AVIS :

Je suis face à un paradoxe au moment de donner mon avis sur ce ‘Veil of Darkness’. Je ne saurai dire en effet si le dégoût profond que m’inspire Cato Sicarius, aussi connu sous le nom de « Everything Wrong with the Ultramarines », est à considérer comme une réussite ou comme un échec de la part de Nick Kyme. Il ne fait aucun doute que ce dernier a volontairement accentué le trait pour donner à son protagoniste une personnalité marquée, pour ne pas dire autre chose, comme il l’avait déjà fait avec le personnage de Tsu’Gan dans sa série sur les Salamanders. Cependant, à faire de Sicarius une tête à claque absolue, il prend le risque de dégoûter le lecteur de ce héros infect, ce qui n’est pas conseillé lorsque l’on souhaite vendre des bouquins. En tout cas, il ne faudra pas compter sur moi pour suivre avec intérêt les péripéties de la Mimi Geignarde de l’Ultima Segmentum, qui pâtit sans doute du grand nombre d’icônes du Chapitre ayant également eu les honneurs de la BL (Ventris, Calgar, Chronus, Tellion, Kastor & Polixis… et maintenant Guilliman, sans compter la ménagerie hérétique de la Légion), et dont il lui faut bien se démarquer. La stratégie du sale gosse de Kyme, pour efficace qu’elle soit, est donc à double tranchant.

Si on fait abstraction du caractère difficile de son héros, ‘Veil of Darkness’ est une honnête nouvelle d’action, bénéficiant d’un twist final convenable, à défaut d’être particulièrement efficace (évidemment que Calgar et Agemman ne peuvent pas finir leur carrière au détour d’un paragraphe d’une obscure nouvelle consacrée à Sicarius), et présentant de façon convenable le passif et les motivations de son héros. L’un dans l’autre, c’est donc une bonne introduction aux aventures de Cato Sicarius, si tant est que vous ayez l’envie de les suivre, ce dont je vous laisse décider en votre âme et conscience…

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

FireheartICÔNE : YVRAINE, ÉMISSAIRE D’YNNEAD

INTRIGUE :

Envoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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Blood Guilt – C. Wraight [40K] :

ICÔNE : NAVRADARAN, EPHOROI DE L’ADEPTUS CUSTODES

INTRIGUE :

Notre nouvelle débute avec une petite mise en contexte de la fonction de Custodiens, qui a connu bien des évolutions depuis les jours dorés de la Grande Croisade. On apprend ainsi que les Über Super Dupper de l’Empereur vivent dans une maison sans balcon sans toiture, où il n’y a même pas d’abeilles sur les pots de confiture1, même pas d’oiseaux, même pas la nature, et c’est même pas une maison. Ce qui est logique, puisque c’est la tour de l’Hégémon. Tour avalée par l’urbanisation galopante qu’a connu le Monde Trône au cours des derniers dix millénaires, mais tour tout de même. Parmi les 10.000 hauts fonctionnaires que compte cette noble institution, une majorité est affectée à la recherche fondamentale ou à la garde du Trône d’Or, et seuls quelques rares individus, les Ephoroi, ont l’occasion de se dégourdir les spalières en traquant les suspects désignés par leurs collègues du bureau des légendes. C’est à l’une de ces opérations très spéciales que nous convie Chris Wraight, aux côtés de Navradaran, enquêteur très spécial au service exclusif de sa Majesté.

C’est toutefois sur la proie de Nanar, le Seigneur Sleox, que la caméra se braque, alors que le noble se hâte vers le garage de son manoir en compagnie de son assistante Ysica. On devine sans mal que Sleox a des choses à se reprocher, et souhaite de toute urgence quitter Terra pour des cieux plus cléments plutôt que de devoir répondre de ses actes. Les éternels embouteillages du périphérique terran manquent toutefois de permettre au notable en fuite de se faire pincer avant d’arriver jusqu’au spatioport, un aéronef à l’allure menaçante ayant pris en chasse la limousine de Sleox sur le chemin du terminal. Au prix d’un sprint échevelé dans les coursives du bâtiment jusqu’à sa navette privée, le grand ponte et la petite main parviennent toutefois à rejoindre leur objectif avant d’être appréhendé par les forces de l’ordre. Une fois le vaisseau décollé et en route vers l’orbite, Sleox commence à se détendre, et se dirige vers le minibar pour s’en jeter un petit bien mérité…

Début spoiler…Mais découvre avec stupéfaction qu’un colosse en auramite a déjà fait main basse sur ses réserves, et sirote un jus de tomate (pas d’alcool en service) accoudé au comptoir. Un bolt non explosif (donc, une balle, j’imagine) dans le caisson plus tard, Sleox passe de vie à trépas dans l’incompréhension la plus totale. Et pour cause, la vraie cible de Navradaran n’était pas ce pantouflard de Seigneur, mais bien son assistante personnelle, qui cache sous une apparence banale un pouvoir de nuisance considérable, aiguisé par des millénaires de planque dans la haute société terrane. Le temps que la navette ne vienne se poser dans le QG des Arbites le plus proche, le Custodien et l’intrigante chaotique discutent de tout et de rien, le premier cherchant à percer à jour les motivations de sa captive, et la seconde à endormir sa vigilance pour pouvoir se suicider avant d’être soumise à l’interrogatoire, ce qu’elle ne parviendra pas à faire, malheureusement pour elle. On apprendra tout de même qu’elle considère que les Custodiens ne sont pas prêts du tout à s’opposer à la prochaine attaque d’Abaddon le Fléau, toujours partant pour aller pousser Pépé dans les orties.

La nouvelle se termine avec le compte rendu de Navradaran à Valoris, ce qui nous vaut un nouvel échange de graves platitudes sur l’état de l’Imperium et le devoir des Custodiens, ainsi qu’un petit aperçu de ce que le futur réserve au Sombre Imperium : un retour des filles de l’Empereur, qui devra être favorisé et encouragé par les 10.000 dans la mesure de leurs capacités, qui ne sont tout de même pas minables.Fin spoiler

1 : Mais qui est toujours éclairée avec des bougies en cire d’abeille, ce qui est un luxe indécent au 41ème millénaire.

AVIS :

Comme beaucoup de ses camarades de jeu, Chris Wraight écrit des nouvelles de liaison entre les romans de ses séries de long cours, et ‘Blood Guilt’ se place dans cette catégorie de publications charnières (‘The Emperor’s Legion’ et ‘The Regent’s Shadow’). Comme peu de ses camarades de jeu, Chris Wraight, parvient souvent (mais pas toujours, cf ‘Argent’) à donner à ce type de courts formats un intérêt pour le lecteur opportuniste. Ici, on a le droit à un petit cours d’histoire sur la Tour de l’Hegemon au fin des millénaires, puis à une révélation savamment mise en scène à propos de l’identité de la cible de Navradaran, et pour finir, à quelques considérations stratégico-politiques (la spécialité de Wraight) entre deux personnages très au fait de la situation de l’Imperium, ce qui donne trois bonnes raisons de s’atteler à la lecture de cette petite histoire, et donne plutôt envie d’en apprendre en plus sur la vie trépidante de Nanar et Valoche, gardiens émérites de Papy Mougeot.

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Argent – C. Wraight [40K] :

ArgentICÔNE : LUCE SPINOZA, INTERROGATRICE DE L’ORDO HERETICUS

INTRIGUE :

Je m’appelle Luce Spinoza, je suis Interrogatrice au service de l’Inquisiteur Joffen Tur, et ceci est mon histoire. Au moment où nous faisons connaissance, je gésis telle une loque sur le sommier de ma cellule, les deux bras dans le plâtre et la tête dans le Culexus. J’entends le pas lourd de mon tout aussi lourd (vous allez rapidement comprendre pourquoi) patron approcher dans le couloir, et je n’ai que le temps de me remémorer les événements qui m’ont conduit à l’état de grabataire que le voilà à mon chevet. Comme vous, il cherche à savoir comment diable Horus j’ai réussi à me mettre dans un tel état. Pour cela, un petit flashback s’impose. Je m’appelle Luce Spinoza, et ces dernières heures n’ont pas été de tout repos.

Tout avait pourtant commencé de manière très classique. Nous étions arrivés en orbite du monde ruche de Forfoda pour enquêter sur les raisons de la rébellion ayant mené la planète à entrer en sécession ouverte contre le règne éclairé et éclairant de notre bien-aimé Empereur. Tur avait insisté pour prendre son utilitaire de fonction plutôt que sa limousine, soi-disant pour faire passer le message auprès des autres forces impériales que ce théâtre d’opération l’intéressait à peine. Mouarf. Il était tout de même venu, et la seule conséquence pratique de cette démonstration de morgue cryptique fut que les copains et moi dûmes nous serrer sur les sièges arrière de sa Kangoo au lieu de chiller tranquille à côté du minibar, comme à notre habitude.

Lors du briefing de la mission, Tur nous avait fait part de son plan. Afin d’éviter que nos alliés Imperial Fists ne dessoudent les meneurs de la rébellion avant que nous n’ayons pu les cuisiner, il était impératif de leur griller la politesse là où c’était possible, ou de réfréner leurs ardeurs homicidaires lorsqu’ils étaient déjà à pied d’œuvre. Je m’attendais à être affectée à l’équipe du boss, comme c’est habituellement le cas, mais mes quinze minutes de retard au point équipe hebdomadaire du lundi précédent n’avaient de toute évidence été ni oublié, ni pardonné, car Tur m’a au contraire chargé de la supervision d’une opération annexe, en solo avec les Astartes. Ca m’apprendra à aller en boîte le dimanche soir.

Un peu plus tard, je fis connaissance avec la bande de surhommes que j’avais pour mission d’encadrer, afin d’assurer la capture de l’assistante de direction du gouverneur rebelle, une certaine Servia, localisée en haut d’une spire annexe de Forfoda (c’était sans doute son jour de télétravail – chanceuse –). Dès mon arrivée au Strategium, j’ai compris que la partie allait être tendue. Je n’ai en effet pas senti une grande sympathie envers ma personne de la part de mes collègues de bourreau (Jaune, Jaune d’Œuf, Jaune Trois, Jaune Quatre, Jaune Cinq, et un Chapelain, Erastus), confirmant les rumeurs insistantes dépeignant les Imperial Fists comme une bande de suprématistes meninistes. C’était bien ma veine. Heureusement que j’avais passé mon BAFA pour encadrer les pupilles de la Scholam lors des colonies pénales de vacances lorsque j’étais jeune fille au pair sur Dimmamar. J’ai donc remis en place ces butors dans le plus grand des calmes, et leur ai bien fait comprendre que c’était moi la boss. Non mais.

À partir de là, tout s’est enchaîné très rapidement. Notre taxi nous a déposé quelques étages en dessous du F3 de Servia, et mes gros copains souffrés faisant souffrir le service d’ordre des traîtres avec une brutalité consommée. J’aurais peut-être pu les aider à rentrer plus facilement (c’est comme en boîte, il vaut mieux laisser passer les filles devant quand on est une bande de mecs), mais ils étaient déterminés à finir la mission à temps pour ne pas rater le début de Dorna l’Exterminatrice, et je n’avançais visiblement pas assez vite pour eux. J’ai toutefois pu rattraper le groupe maillot jaune une fois l’appartement de Super Nanny investi, car cette dernière, ainsi que les amis qu’elle recevait à notre arrivée, étaient en pleine réunion Tupperware, avec des mutations pas vraiment ragoutantes à la place des contenants en plastique (de toutes façons, il vaut mieux utiliser du verre, c’est bien plus sain). La sain(t)e fureur des Mrs Propres, goût Paic Citron, eut beau s’abattre comme un ouragan de fraîcheur sur le taudis de Servia, l’issue du match restait incertaine, d’autant plus que le brave Erestus était franchement à la peine contre la maîtresse de maison, qui lui avait arraché sa mop énergétique des mains au moment où je suis arrivée sur place (rapide pause make up sur le pallier, pour ne pas rater ma première impression).

N’écoutant que mon courage, j’ai bondi entre le canapé et la table basse afin de récupérer l’instrument de travail de l’immaculé Chapelain. Par le pacemaker de l’Empereur, ce truc pesait le poids d’un grox mort ! Pas étonnant qu’ils soient aussi baraqués chez les Fists, s’ils n’utilisent que de la fonte pour réaliser leurs objets du quotidien. Voyant qu’Erestus était trop occupé à repousser les poisseuses avances de son hôte pour récupérer son hochet, j’ai pris le problème à bras le corps et ai assené à la maraude un horion digne de Jaune Henry en personne. Je me sentais trop fraîche… jusqu’à ce que je réalise que le champ disrupteur du bouzin était poussé au max, et que je n’avais ni l’armure, ni la musculature nécessaires pour encaisser le contrecoup de mon revers à deux mains. Résultat : un vol plané de trois mètres à travers le salon, une paire de radius concassée, une manucure ruinée, mais une victoire assurée pour l’Imperium, la résistance de Servia et Cie ayant été brisée en même temps que la colonne vertébrale de cette dernière. À peine le temps de m’assurer que les nettoyeurs de choc ne réglaient pas son compte à la grosse tache de gras (parce qu’en plus d’être misogynes, les Imperial Fists sont grossophobes : c’est la Ligue du Lol en fait) dans un excès de zèle, ce que j’aurais eu du mal à expliquer au boss, et j’ai sombré dans une salutaire et bien méritée inconscience, avec la satisfaction du devoir accompli. Vous savez tout.

Fondu au noir et lancement du générique, précédé du texte suivant :

L’Interrogratice Luce Spinoza poursuivit sa carrière au sein de l’Ordo Hereticus avec distinction, où elle sert désormais l’Inquisiteur Crawl sur Terra. Pendant sa convalescence, le Chapelain Erestus vint lui rendre visite afin de lui offrir le Crozius Arcanum avec lequel elle avait éreinté la vile Servia. Relique millénaire des Imperial Fists, cette arme nommée Argent ne pouvait être maniée que par des guerriers du Chapitre… jusqu’à ce que Spinoza ne vienne la looter en loucedé apparemment. Raccourci et allégé pour permettre à sa nouvelle porteuse de le manier sans risquer la PLS à chaque attaque, Argent continue à apporter le courroux de l’Empereur à Ses ennemis, et incarne la précieuse et indispensable collaboration entre les serviteurs du Maître de l’Humanité.

De son côté, Erestus fit une demande auprès des services généraux du Chapitre pour obtenir un modèle plus récent de Crozius, ce qui lui avait été précédemment refusé. Mis devant le fait accompli, le DRH du Phalanx n’eut d’autre choix que de s’exécuter. Tout le monde est gagnant.

AVIS :

Les habitués de ces chroniques savent quelle importance j’attache à la présence de twist final dans les nouvelles que je dissèque. Cet élément est en effet à mes yeux indissociable du genre en question, et c’est sur la présence et la pertinence de ce dernier que l’on peut souvent juger de la qualité d’un auteur et d’une soumission. La Black Library n’étant pas reconnue comme une maison d’édition aux standards très élevés (ce qui est logique au vu de sa mission première : fournir du fluff à foison pour faire rentrer des biffetons plutôt que de chercher à décrocher le Man Booker Prize), l’amateur de nouvelles devra souvent se résigner à des conclusions « plates », voire absconses s’il n’a vraiment pas de chance.

Le cas de cet Argent de Chris Wraight est un peu particulier, en ce que le twist final du récit s’avère être proprement méta, cas de figure que je n’avais rencontré jusqu’à présent. Tant la construction du récit à base de flashback que le pedigree respectable de l’auteur en matière de narration laissaient en effet entrevoir un dénouement un tant soit peu spectaculaire à cette nouvelle abordant le thème ma foi assez intéressant de la difficile coopération entre agents de l’Inquisition et guerriers de l’Adeptus Astartes. Le cadre posé, et l’incontournable séquence de Space Marines de films d’action évacuée, on se prépare à recevoir une conclusion édifiante de la part de Wraight, à même d’expliquer tant le titre que la finalité de la nouvelle… pour au final réaliser que nous sommes en présence d’une vulgaire digression n’ayant pour but que d’expliquer au lecteur comment Luce Spinoza, personnage récurrent de la série Vaults of Terra a reçu sa matraque de fonction (que l’on voit en couverture de The Hollow Mountain).

Pour une surprise, c’est une surprise, reconnaissons cela à Mr Wraight, qui nous avait cependant habitués à des soumissions un peu plus ambitieuses en termes de contenu. Drôle d’idée des éditeurs de la Black Library que d’avoir choisi de faire débuter le recueil Lords & Tyrants finalement très quelconque, et qui aurait eu davantage sa place en filler entre les tomes 1 et 2 de Vaults of Terra dans le futur omnibus de la série. Chris Wraight a beau avoir suffisamment de métier pour rendre l’expérience tout à fait supportable, on sort de cette dernière un rien blasé1, ce qui n’augure rien de bon pour les quinze nouvelles suivantes. Si plaie d’argent n’est pas mortelle (la preuve, Servia a survécu !), sa lecture, elle aussi, n’a rien de mortel. Et c’est bien le problème.

1 : Au risque de me répéter, tournons-nous une fois de plus vers l’étalon Abnett pour définir ce qu’une bonne nouvelle filler peut être. La comparaison la plus évidente à mes yeux est à faire avec Missing in Action (comment Eisenhorn a perdu la main, littéralement) et Playing Patience (comment Ravenor a recruté Miss Kys). Ces publications n’ont rien d’essentiel dans les arcs narratifs développé par Abnett pour ses personnages, mais sont suffisamment bien tournés pour pouvoir être lu par le tout venant, et non pas destinés uniquement aux plus dévots serviteurs des saints Ordos.

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The Absolution of Swords – J. French [40K] :

The Absolution of SwordsICÔNE : COVENANT, INQUISITEUR DE L’ORDO MALLEUS

INTRIGUE :

Par une nuit frisquette dont Dominicus Prime a le secret, un trio de figures enrobées se dirige vers la forme imposante de la Haute Chapelle, dont l’accès a pourtant été interdit par le Prefectus Prior Gul. Lorsqu’une patrouille de gardes a la mauvaise idée de leur barrer la route, les marcheurs jettent à bas leurs masques (et chasubles), et forcent leur chemin jusqu’au bâtiment où les attendent – sans le savoir encore – Aristas Gul et son bedaud Lumn, qui se croient avoir été convoqués par leur contact au sein de la 10ème Voie pour un point d’avancement surprise. Nos trois compères sont l’Inquisiteur Covenant, la Sœur Repentia Severita (qui ajoute pieusement le KO des deux gardes qu’elle a molestés dans l’exercice de leurs fonctions à son ardoise de péchés), et le Prieur Josef, et s’ils ont fait le voyage dans ce trou perdu de la galaxie alors qu’un Conclave est sur le point de débuter sur Ero, c’est qu’ils ont de bonnes raisons.

Un peu plus loin, sur la même planète, deux autres agents de l’homme au catogan tentent d’obtenir leurs entrées dans le night club le plus privé de Dominicus Prime : la salle de pause de la 10ème Voie. Ils ont dû pour cela négocier leur passage à travers des kilomètres de couloirs, fumoirs et dortoirs, graissant les pattes des pèlerins de faction tout du long, jusqu’à faire la connaissance d’un gros malabar peu aimable, qui accepte toutefois de les mener à confesse après avoir vu les (faux) tatouages et entendu les (bonnes) réponses de ces visiteurs impromptus. Pour continuer les présentations, il s’agit du blasé Cleander Von Castellan, marchand libre-mais-pas-vraiment-en-fait, et de l’imperturbable Koleg, ex-soldat aussi mortel que morne. Seul petit problème, la brute fait du zèle dans son interrogatoire, et pose une dernière question à laquelle Cleander n’a pas la réponse. Son improvisation ne donnant rien, le rogue trader est contraint d’écourter l’entrevue en dégainant ses fidèles pistolets à aiguilles, ce qui règle le problème de façon élégante (plus qu’un bolter, en tout cas). Ceci fait, les deux agents sont libres de s’engager dans l’escalier qui les mènera jusqu’à leur destination, peut-être finale.

Retour dans la Haute Chapelle, où de foie jaune de Gul en est quitte pour une petite leçon de catéchisme. Car le bon Prior couvre depuis trois ans les agissements démoniaques de la 10ème Voie, depuis qu’il a reçu la visite d’un Inquisiteur radical ayant confirmé ses doutes athéistes sur la non-divinité de l’Empereur. Bon prince, Covenant est venu offrir une chance d’absolution au grox égaré, en échange de quelques tuyaux sur son commanditaire, ce que Gul est plutôt prêt à faire, mais ce que Lumn, moins moinillon muet que démon déguisé, n’est pas très chaud pour autoriser. L’inévitable baston qui fait suite à ce léger différend est remportée de haute lutte par l’Inquisition, mais creuse un gros trou dans la réserve de points de vie (et la couche de graisse protectrice) de Josef, en plus de mettre Severita sur les rotules. Heureusement que le boss et sa grande épée énergétique sont là, tout de même.

Sous terre, c’est à peu près le même topo pour Cleander et Koleg, après qu’ils soient parvenus à une crypte contenant un pédiluve, un Psyker enchaîné, une foule de cultistes enragés, et un démon d’intérieur qui n’a pas été nourri depuis longtemps. Pendant que Koleg maintient les hostiles à distance à grand renfort de gomme cogne et grenades de désencerclement, Cleander, qui a eu une bonne éducation et se charge donc de réfléchir pour deux, réalise que la situation se simplifierait sans doute beaucoup si le Psyker captif était sorti de l’équation, ce qu’il fait d’une petite torsion des cervicales, avec la bénédiction de l’intéressé. Et en effet, cette déconnexion warpique brutale renvoie le démon dans les limbes, ce qui est suffisant pour permettre à Koleg de terminer les hostiles tout seul comme un grand. Leur mission accomplie, et peu emballés à l’idée de faire le ménage, les deux hommes reprennent le chemin de la surface pour prendre un Champomy.

Notre nouvelle se termine avec la fin de l’interrogatoire psychique de Gul, mené d’esprit de maître par Mylasa, la Psyker de fonction de Covenant. Cette dernière offre à son sujet un départ apaisé, après quelques semaines de franches tortures dont elle a effacé la trace de sa mémoire, en reconnaissance du manque de bol colossal de Gul, coupable d’avoir obéi à un Inquisiteur soupçonné d’être tombé du mauvais côté de la barrière. Les souvenirs du Prior seront utiles à Covenant pour exposer la duplicité de son collègue lors du Conclave de guerre qui prendra place dans quelques semaines à Ero, et auquel les deux hommes participeront. Cela n’est cependant plus l’affaire de Gul, qui finit sa vie un verre à la main et sur le bord de mer, de façon purement psychique certes, mais plus agréablement que la grande majorité des citoyens de l’Imperium. C’est l’Inquisition qui régale.

AVIS :

John French signe une très bonne introduction à sa saga inquisitoriale avec ‘The Absolution of Swords’, qui se déroule juste avant les événements de ‘Resurrection’ et permet de se familiariser en douceur avec la galerie de personnages gravitant autour de Covenant, et découvrir la rivalité professionnelle qu’il entretient avec Talicto. Considérant que les duels fratricides au sein de l’Inquisition donnaient les intrigues les plus intéressantes de ce sous-genre de la GW-Fiction, ‘The Absolution…’ a piqué mon intérêt et donné sérieusement envie d’en savoir plus sur l’héritier présomptif d’Eisenhorn1 (qui a aussi eu affaire à un collègue radical en son jeune temps). Pour ne rien gâcher, le récit en lui-même est tout à fait digeste, mélangeant scènes d’action efficaces et atmosphère poisseusement grimdark, comme on est en droit de l’attendre de la part d’une soumission de ce type. Bref, si vous débutez avec Coco, voici la nouvelle qu’il vous faut, loin devant les « introspections » que French a dédié à chacun des serviteurs de Catogan-man (‘The Purity of Ignorance’, ‘The Spirit of Cogs’), qui sont à réserver aux lecteurs déjà familiers du bon Inquisiteur.

1 : Ou plutôt contemporain, car les deux personnages ont été créés pour le jeu Inquisitor, il y a fort longtemps.

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Shadow Knight – A. Dembski-Bowden [40K] :

Shadow KnightICÔNE : TALOS VALCORAN, DIXIEME COMPAGNIE DES NIGHT LORDS

INTRIGUE :

À la recherche de matériel récupérable dans un Space Hulk, Talos et la première griffe de la dixième compagnie (Cyrion, Uzas, Xarl) tombent nez à nez avec une petite force de Blood Angels, bien décidés à reprendre l’épée que Talos a dérobée à un de leurs champions (cette obsession des Blood Angels pour Aurum – le nom de l’épée en question – constitue l’un des running gags de la saga, chaque tentative se soldant par un échec coûteux en vies d’Anges de la mort). Après avoir rapidement expédiés les pauvres scouts en combinaisons spatiales qui constituent la première vague des loyalistes, les quatre affreux se réunissent pour décider de la marche à suivre… et Talos est frappé par une vision, ce qui réduit drastiquement ses capacités de leader, et force ses acolytes à se débrouiller tout seuls. La narration restant malgré tout braquée sur le chef de la griffe, en dépit de son état comateux, la suite de l’accrochage entre Night Lords et Blood Angels est couverte en quelques lignes lapidaires, par le biais du compte rendu fait par Uzas et Xarl à Cyrion après les faits. Pareillement, la mini bataille spatiale entre les vaisseaux respectifs des deux forces est résumée en un paragraphe, ce qui est un peu court jeune homme.

AVIS :

Étrange nouvelle que ce Shadow Knight, commis par un Aaron Dembski-Bowden visiblement peu convaincu par son propos. Pour être honnête, ce texte semble être la réponse du berger à la bergère, cette dernière répondant au nom de Sarah Cawkwell et s’étant à de multiples reprises illustrée par la platitude navrante de ses écrits. Reprenant dans les grandes lignes le schéma narratif de Cause And Effect (à savoir, une sous-péripétie impliquant Gileas Ur’Ten, Space Marine du chapitre des Silver Skulls et héros récurrent de Miss Cawkwell – intérêt : nul – ), ADB livre ainsi un compte-rendu peu inspiré d’un épisode mineur de la vie de Talos, principal protagoniste de la (sinon) très bonne série des Night Lords.

Il va sans dire que la connaissance des personnages principaux de la série Night Lords ainsi que des événements relatés dans cette dernière constitue un prérequis appréciable (mais pas obligatoire) à la lecture de Shadow Knight, dont l’action se déroule peu avant l’attaque de la treizième croisade noire sur le système de Crythe, et constitue de fait une sorte d’avant-propos à la trilogie d’Aaron Dembski-Bowden. Au final, je pense que cette nouvelle aurait davantage eu sa place en introduction du (futur) omnibus Night Lords qu’en conclusion de ce onzième numéro de Hammer & Bolter, même si la lecture de ces quelques pages n’a absolument pas relevé du chemin de croix littéraire, le « pire » d’ADB surpassant allègrement le « meilleur » d’autres auteurs de la BL, il n’en demeure pas moins que Shadow Knight constitue à mes yeux la production la plus faible d’ADB à ce jour.

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Ghosts of Demesnus – J. Reynolds [AoS] :

Ghosts of DemesnusICÔNE : GARDUS STEELSOUL, LORD-CASTELLANT DES HALLOWED KNIGHTS

INTRIGUE :

Profitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS :

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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One, Untended – D. Guymer [AoS] :

One, UntendedICÔNE : GOTREK GURNISSON, TUEUR

INTRIGUE :

Une fois n’est pas rancune, nous retrouvons le Tueur préféré de ton Tueur préféré, Gotrek Gurnisson, dans le mal le plus complet au début de cette nouvelle aventure, qui sera sans aucun doute trépidante, mais qui commence par être vomissante. Notre héros est en effet pris d’un mal de ventre carabiné, ce qui, de son aveu même à son acolyte Maleneth, ne lui était jamais arrivé avant. Et si l’Aelfe sigmarite, en bonne compagnonne qu’elle est, prend soin de tenir la crête de Gotrek pour éviter que cette dernière ne prenne une couleur et une texture encore plus dégoûtantes qu’à l’accoutumée, elle n’est pas étrangère à cette gueule de bois subite. Bien au contraire, c’est elle-même qui en est la cause, ses tentatives d’empoisonner le Nain afin de lui dérober la rune majeure de Krag Marteau Noir pour la ramener à Azyrheim n’ayant eu pas d’autres effets qu’un émétique avarié sur la robuste constitution du Tueur1. Ses vaillants efforts de se débarrasser de Gotrek devront cependant attendre un peu, car les éructations du transfuge du Monde qui Fut sont dérangés par une scène de ménage entre plusieurs individus aussi louches qu’imbibés. La raison de ce tapage nocturne se fait bientôt jour : un jeune bambin du nom de Tambrin a échappé à la vigilance légère de ses parents (Junas et Magda), et s’est semble-t-il enfoncé dans les catacombes d’Hammerhal Ghyra, que l’on dit hantées par le spectre vengeur d’Hanberra (à ne pas confondre avec celui d’Harambe, même si ça lui donnerait une bonne raison de persécuter les garçonnets), un ancien héros local ayant renoncé à servir Sigmar sous la forme d’un Stormcast Eternal à sa mort, et à la recherche des enfants qu’il n’avait pas pu sauver de son vivant depuis lors. La perspective de se frotter à un spectre légendaire pique bien évidemment l’intérêt professionnel de Gotrek, qui insiste pour prendre la tête de l’expédition de secours mise sur pied par les habitués de la taverne où les deux compères ont passé la nuit. En plus de Junas, qui sert de videur à l’auguste établissement, on retrouve la Ranger retraitée Halik et le Prêtre d’Alarielle Alanaer, qui serviront donc de meatshields aux véritables héros de l’histoire. Dommage que personne ne les ait prévenus.

La descente s’engage donc, et après quelques heures de progression dans les boyaux insalubres de la cité, un premier ennemi pointe le bout de ses moustaches. Il ne s’agit pas de Philippe Martinez, mais d’une bande de Moines de la Peste, peut-être syndiqués, squattant le bas de la cage d’escalier comme un gang de trafiquants de la cité Péri. Et à propos de périr, laissez moi vous dire que les ratons ne font pas long feu face à la colère incandescente de Gotrek, qui peut désormais passer en mode super saiyan lorsqu’il est très énervé, et élever la température autour de lui à des niveaux insupportables. Sa nouvelle hache de fonction, si elle est sans doute un peu moins cheatée que l’ancienne (dur de battre une arme forgée par Grugni pour Grimnir, tout de même), s’avère également très efficace, et la menace murine est donc prestement éliminée par les aventuriers, qui peuvent poursuivre leur route sans autre dommage qu’un pif écrasé par un coup de matraque pour Junas.

Le moment tant attendu de la confrontation avec Hanberra finit enfin par arriver, l’esprit ayant bien dérobé/envoûté Tanbrin (qui dort comme un bienheureux) car il l’avait pris pour son propre fils, Hangharth. Némésis de Gotrek oblige, le combat est bien plus serré que précédemment, la pauvre Halik rendant les armes et l’âme au premier cri poussé par le poltergeist kidnappeur, qui prouve au monde entier qu’il existe des Banshees masculines. Non mais. L’évanescence intermittente du fantôme n’est pas sans poser quelque problème au Tueur, ce qui ferait plutôt les affaires de Maleneth, toujours déterminée à récupérer la rune majeure tant convoitée de sa dépouille, mais il lui faut pour cela donner une raison à Hanberra de se battre à fond, ce que sa main mise sur Tambrin l’empêche de faire. La cultiste de Khaine repentie puise donc au fond de sa sacoche un clou de ci-gît Rolf2, souverain contre les ectoplasmes tenaces (et les Mortarques collants), et le frotte vigoureusement sur le bras porteur d’Hanberra pour lui subtiliser son précieux. N’ayant plus rien à perdre, le spectre va certainement réduire Gotrek en bouillie…

Début spoiler…Eh bien non (quelle surprise). Mais le plus étonnant n’est pas tant le résultat final que le dénouement, non violent, de cet affrontement. Le Tueur parvient en effet à faire entendre raison à son adversaire par le dialogue au lieu de lui faire manger sa hache, et ce dernier se dissipe donc de lui-même, comme le malentendu qui l’avait mené à dérober les enfants des autres depuis quelques siècles. Tout est donc bien qui finit bien (sauf pour Halik et la bière que Gotrek avait laissé sur le comptoir3), mais Maleneth la malhonnête devra trouver une autre combine pour récupérer la précieuse broquille incrustée dans le plastron de son compagnon.Fin spoiler

1 : Maleneth ne sait pas que la glotte de sa cible est marquée de la rune majeure de Cubi, le dieu Nain de l’alcoolisme.
2 : Vous me pardonnerez le calembour, mais traduire ‘wightclove’ en français n’est pas facile.
3 : À ce propos, il est probable que ce soit elle qui ait donné son nom à la nouvelle (que l’on pourrait traduire par ‘Laissé(e) sans surveillance’) et non pas Tanbrin.

AVIS :

David Guymer, qui avait écrit les dernières aventures de Gotrek (et Felix) dans le Vieux Monde, signe avec ‘One, Untended’ un parfait récit de transition et d’acclimatation pour les lecteurs familiers du personnage mais pas des Royaumes Mortels. Au-delà du déroulé précis de cette quête, tout à fait classique sauf dans son dénouement, ce sont les informations que l’auteur donne sur ce nouvel univers, les changements subis par son héros (nouvelle arme, nouvelle rune, nouveau sidekick) depuis qu’il y a fait son entrée, et les motivations, pas vraiment charitables, de Maleneth, qui rendent cette lecture intéressante, et même indispensable pour qui voudrait reprendre la suite de la geste de Gotrek sans passer par la case romanesque (‘Realmslayer’). L’auteur parvient également à aborder des éléments de fluff relevant de la sociopolitique, comme l’acculturation progressive des habitants de Ghyran aux mœurs d’Azyr, qui donnent une profondeur et un réalisme très appréciables à une franchise qui en manquait (et en manque toujours) cruellement par rapport à Warhammer Fantasy Battle. Bref, c’est une transition très réussie que Gotrek Gurnisson doit à David Guymer, bien que le flambeau des rancunes soit passé peu de temps après à Darius Hinks.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

Gods' GiftICÔNE : HAMILCAR BEAR-EATER, LORD-CASTELLANT DES ASTRAL TEMPLARS

INTRIGUE :

Prenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

The Dance of the SkullsICÔNE : NEFERATA, MORTARQUE DU SANG

INTRIGUE :

Invitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

Callis and Toll_The Old WaysICÔNES : ARMAND CALLIS & HANNIVER TOLL, ORDRE DE SIGMAR

INTRIGUE :

Affecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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Hunting Shadows – A. Clark [AoS] :

Hunting ShadowsICÔNE : NEAVE BLACKTALON, KNIGHT-ZEPHYROS

INTRIGUE :

Neave Blacktalon, Knight-Zephyros des Hammers of Sigmar et chasseuse de têtes personnelle du grand barbu, opère traditionnellement seule. La mission sur laquelle son divin boss l’a mise, et qui l’a conduite sur les terres désolées d’Ashy, s’avère cependant tellement délicate que les autorités compétentes ont jugé bon de lui adjoindre du renfort, sous la forme du Knight-Venator Tarion Arl (et son aigle étoilé Krien) et d’une unité de Vanguard-Palladors, menée par une vieille connaissance avec laquelle elle a déjà coopéré pour disperser une bande de hippies ayant monté une opération escargot1 dans les Royaumes Mortels, Kalparius Foerunner. Je sais, je sais, cela fait beaucoup de jargon sigmarite en peu de lignes, mais rassurez-vous, savoir qui fait quoi est moins important que de se souvenir de la hiérarchie héroïque à l’œuvre dans cette nouvelle, qui décidera qui devra mourir et à quel moment.

Blacktalon les traîne un peu à l’idée de devoir faire équipe avec des collègues, mais un ordre est un ordre, et si l’on en juge par les charniers calcinés que sa proie (qu’elle peut traquer avec l’espèce de GPS sensoriel peu précis dont Sigmar lui a fait don) a laissé derrière elle, un peu d’aide sera en effet utile. Passée les formalités d’usage, la petite bande part donc en courant/volant/transmutant dans la direction indiquée par la chasseresse, qui ressent de façon diffuse que sa cible possède un moyen de brouiller sa ΣG embarquée. En gros, si elle est toujours capable de savoir vers où se diriger, elle ne peut pas jauger de la distance qui la sépare de son gibier, ce qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, la fine équipe, en retard sur l’abomination qu’elle pourchasse, doit faire un choix potentiellement lourd de conséquences à proximité de la ville de Sigenvale, qui a reçu la visite du monstre et a été réduite en miettes/cendres par ce dernier. Neave est plutôt partante pour se remettre en route sans tarder, mais Tarion parvient à la convaincre de faire un crochet rapide par les ruines, histoire de secourir d’éventuels survivants. Malheureusement pour l’altruiste voltigeur, la Marque ténébreuse n’en a laissé aucun, et bien que les chasseurs puissent se passer les nerfs sur un pauvre corpsejaw ne faisant que ce que la nature l’a équipé pour faire (c’est-à-dire bouffer les cadavres croisant sa route), il se fait vite jour que le mystérieux prédateur/incendiaire/décapiteur est déjà loin des lieux du crime. Il faut donc à nos héros repartir sans tarder, d’autant plus que le cogfort sensé participer à la traque semble être avoir fait une mauvaise rencontre quelques kilomètres plus loin, comme le bruit de ses canons l’atteste sans doute possible.

Bien évidemment, les traqueurs arrivent trop tard sur place pour secourir la machine de guerre (représentez vous le fruit des amours incestueux entre une Forteresse de la Rédemption et une Arachnarok), qui s’est faite éventrer et toute sa garnison massacrée par l’insaissable bestiole. Blacktalon est colère devant ce carnage dont elle impute en partie la responsabilité à ce gros sensible de Tarion, mais avant qu’elle puisse reprendre les choses en main et relancer la poursuite, une forme colossale émerge soudainement du lac de montagne à côté duquel reposait la carcasse du cogfort…

Début spoiler…Les pouvoirs de brouillage arcanique dont dispose la cible des chasseurs lui a en effet permis de tendre un piège à ces derniers, qui se retrouvent confronter à… pour faire simple, représentez vous Clifford le grand chien rouge, mais dont la maîtresse ne serait pas la gentille et aimante Emily, mais Valkhia la Sanglante. C’est donc à un pitbull mécanique de Khorne de fort belle taille (et crachant le feu) que les Stormcast Eternals doivent faire face, avec des résultats au début peu concluants, comme on peut s’en douter. Très étrangement, ce sont d’abord les Palladors qui sont envoyés pallader par le juggernaut, rapidement suivis par le brave Foerunner, ne laissant que Blacktalon et Tarion, tous les deux sévèrement blessés, pour tenter de renverser la situation. Ce n’est cependant pas chose facile car leur ennemi est très grand, très fort, très rapide, très costaud, et sans faiblesse apparente, mis à part l’écoutille chaînée qui lui sert de nombril.

Après quelques moments difficiles dans les décombres du cogfort où les deux héros ont trouvé un refuge précaire, le temps de décapsuler quelques potions de vie, le traditionnel plan de la dernière chance est conçu et immédiatement mis à exécution, permettant aux gardes chasses de Sigmar de remporter la victoire. Pour information, le haut fait en question nécessitera que Neave se déchaîne, et que son comparse loge un tir de l’aigle dans un cratère volcanique chatouilleux, ce qui aura pour effet final de noyer l’habitacle de la machine démon dans la lave. Statistiquement improbable je vous l’accorde, mais la high fantasy et les nouvelles d’action de la BL ne s’embarrassent pas de détails de ce genre. Ceci fait, les deux Knights-…, devenus bons copains dans l’adversité, peuvent reprendre le chemin d’Azyr, où ils pourront passer une convalescence bien méritée, ou se suicider pour être reforgés et ainsi redevenir opérationnels plus rapidement. Les politiques sociales sigmarites sont un peu particulières…Fin spoiler

1 : Organisée par l’incontournable Horticulous Slimux bien sûr.

AVIS :

Introduction au personnage de Neave Blacktalon (et à celui de son sidekick, Tarion Arl), ‘Hunting Shadows’ met particulièrement l’accent sur les caractéristiques de super héros des Stormcast Eternals (Blacktalon bénéficie en effet de sens ultra développés, et est capable de courir grotesquement vite – pensez Bip Bip et Vil Coyote), faisant de cette traque monstrueuse une sorte d’adaptation de comics Marvel dans les Royaumes Mortels. Je ne dis pas que c’est foncièrement désagréable, mais ça surprend tout de même un peu. Autre point saillant de cette nouvelle, son côté technique en matière de bestiaire et de hiérarchie Stormcast Eternals. C’est bien simple, on dirait qu’Andy Clark a fait exprès d’aller piocher dans les entrées les plus baroques du Battletome pour trouver ses protagonistes, ce qui peut aisément dérouter/saoûler le lecteur non averti. En cela, ‘Hunting Shadows’ n’est pas très newbie-friendly, même si l’intrigue reste relativement facile à suivre, du fait du schéma narratif très simple utilisé par l’auteur. En fait, le seul suspense de l’histoire repose dans l’identité de la proie traquée par Blacktalon et ses sous fifres, qui, manque de pot, se trouve être une création inédite de la part de Clark (à moins que la gamme chaotique d’Age of Sigmar comporte un modèle de chien de métal géant). Manque de pot car le lecteur ne peut même pas au final tenter de deviner qui est derrière ces exactions sanglantes et fumantes en se basant sur sa connaissance du fluff. Petite frustration, mais frustration quand même. Pour conclure, j’ai été très moyennement convaincue par cette démonstration de force de la Wonder Woman d’Azyrheim, héroïne certes très balaise mais assez peu attachante. Peut-être que cela est corrigé dans le roman qu’Andy Clark lui a consacré ?

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Shiprats – C. L. Werner [AoS] :

ShipratsICÔNE : BROKRIN ULLISSONN, CAPITAINE KHARADRON

INTRIGUE :

La malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS:

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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Vous êtes encore là ? Félicitations pour être venus à bout de cette copieuse chronique, qui vous a je l’espère préparé à la lecture de l’omnibus en question, si le cœur vous en dit. Essayons de rassembler nos pensées pour terminer sur une impression d’ensemble de ‘The Hammer & the Eagle’, après avoir passé tant de temps à disséquer chacune des nouvelles constituant ce pavé. La question qu’il convient de trancher est la suivante : cet ouvrage remplit il la mission que la Black Library lui a donnée, à savoir initier les nouveaux lecteurs aux icônes de Warhammer 40.000 et Age of Sigmar à travers une sélection de courts formats ? Comme vous pouvez vous en douter, si vous êtes familiers de ces critiques, la réponse est oui et non.

La force et l’attrait principal de ‘The Hammer & the Eagle’ est de proposer, clé en main et livre en poche (si vous arrivez à trouver une poche assez grande, ou avez opté pour un format digital), la couverture la plus complète qui soit de la GW-Fiction à l’heure actuelle. On peut reprocher à la BL de ne pas avoir inclus de textes pour Warhammer Fantasy Battle, qui compte également son lot de personnalités marquantes (Gotrek & Felix, Malus Darkblade, Tyrion & Teclis, Zavant Konniger, les Black Hearts…) et disposant de leurs propres séries de livres, ou, de façon plus pragmatique, d’avoir fait l’impasse sur l’Hérésie d’Horus, Necromunda et Blood Bowl, univers et sous univers riches en héros et vilains hauts en couleurs. On peut également s’interroger sur l’absence de certaines figures et auteurs de 40K au sommaire de ce recueil (Roboute Guiliman version Sombre Imperium, Ragnar Crinière Noire, Lukas, Ahriman, Khârn, Lucius, Honsou, Farsight, Peter Fehervari et son Dark Coil, Steve Parker et ses Deathwatch…), et sur la présence d’icônes mineures – à ce jour – dans ce qui semble être le catalogue des VIP de la Black Library. Mais si on passe outre ces considérations, on doit reconnaître que la base fournie ici est solide et, si ce n’est exhaustive, au moins très étoffée, le tout pour un prix très modeste au vu des tarifs habituels de la maison (on est proche des 50% de réduction par rapport à une anthologie classique).

Autre paramètre à considérer, la pertinence du choix des nouvelles collectées dans ‘The Hammer & the Eagle’, qui devraient dans l’idéal introduire le nouveau lecteur à un personnage marquant de 40K ou d’Age of Sigmar, et lui donner envie de poursuivre l’aventure en achetant le roman venant après le court format qu’il a pu lire ici. Sur ce point, c’est carrément le grand écart entre les textes qui ont été écrits avec cet objectif en tête par des auteurs de bon niveau (‘Of Their Lives…’, ‘Execution’, ‘The Absolution of Swords’, ‘One, Untended’…), et les courts formats mis au sommaire par pur pragmatisme, qui peuvent être obscurs pour qui n’est pas déjà familier de la série à laquelle ils se raccrochent (‘Rite of Pain’, ‘Prodigal’, ‘Shadow Knight’, ‘Gods’ Gift’), ne pas directement traiter des icônes qu’ils sont sensés introduire (‘The Smallest Detail’, ‘Fireheart’), ne pas aborder de façon satisfaisante le parcours, la personnalité et/ou les motivations de l’icône en question (‘The Wreckage’, ‘Argent’), ou être tout simplement mal écrits (‘The Battle for Markgraaf Hive’, ‘Mercy’). Pour faire court, si on m’avait demandé de soumettre une liste de nouvelles pour les icônes sélectionnées par la BL, la moitié des histoires rassemblées ici auraient été remplacées, pour une raison ou pour une autre. Il est in fine dommage que certains lecteurs décident d’ignorer des séries de qualité sur la base d’une erreur de casting de Nottingham, ce qui arrivera fatalement ici. J’invite donc à donner une deuxième chance à toutes les icônes ne sortant pas grandies de cet omnibus, pour s’assurer que la première impression a bien été la bonne. La tendance des auteurs de la BL à écrire des nouvelles semi-indépendantes (c’est-à-dire compréhensibles, mais pas vraiment autonomes) de leurs romans ne doit en effet pas être sous-estimée.

C’est sur ces mots de sagesse (?), ou en tout cas d’expérience, que se termine cette revue de ‘The Hammer & the Eagle’, ouvrage imparfait mais qui a tout pour devenir un incontournable de l’offre de la Black Library dans les mois et années à venir, et qui, j’en suis sûr, initiera bon nombre de lecteurs aux joies de la GW-Fiction.

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2019 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du recueil introductif Black Library Celebration 2019 ! Sur la lancée de ce qui avait été proposé en 2018, la BL a donc eu la bonne idée de proposer un échantillon représentatif (ce qui est bien) et gratuit (ce qui est encore mieux) de sa prose au plus grand nombre. Pour chaque commande passée sur les sites Games Workshop ou Black Library, et jusqu’à épuisement des stocks, c’est donc un petit livre en format soft back qui est envoyé en sus des emplettes réalisées par le hobbyiste. Cerise sur le Stormcast, l’offre est proposée en VO et en VF, ce qui en fait une superbe introduction aux mondes merveilleux – si parfois un peu glauques – de GW. On ne peut que souhaiter que le succès soit au rendez-vous, et que les pontes de Nottingham continuent sur leur lancée philanthrope pour des siècles et des siècles (amen).

Sommaire Black Library Celebration 2019

Comptant 6 nouvelles, soit 2 soumissions pour chaque franchise majeure de Games Workshop (40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus), complétées d’un extrait de la novella Sacrosanct de C. L. Werner (habile transition vers le recueil, lui payant, du même nom – I saw what you did there…), le cru de 2019 est-il une achat acquisition digne de ce nom, en particulier pour un novice des publications de la Sombre Bibliothèque, qui en profiterait pour faire ses premiers pas dans cette vénérable institution ? Eh bien, comptez sur moi pour avoir un avis sur la question, chers lecteurs. C’est bien le moins que je puisse faire.

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Black Library Celebration 2019

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The Board is Set // Les Pièces sont en Place – G. Thorpe [HH]:

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INTRIGUE:

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.

2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS:

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH]:

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INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

1 : L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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Le Cadeau de Nurgle – G. Haley [40K]:

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INTRIGUE:

Nurgle's GiftDans un village sans nom d’une planète oubliée, la poussée annuelle de gastro-entérite a pris des proportions démesurées. Impuissants face à cette hécatombe, que même leurs prières à l’Empereur1 ne suffisent pas à enrayer, et profitant du décès inopiné du maire du village, qui avait de son vivant prôné une approche dévôte du problème, les habitants du lieu tentent le tout pour la toux, et laissent un message sur la boîte vocale (un magnifique triple gong auto-réparant) des cultistes de Nurgle les plus proches. Leurs prières sont exaucées lorsque, des brumes épaisses tombées depuis la montagne toute proche, six guerriers célestes se traînent péniblement jusqu’au centre du village un beau matin.

Aussi affligés par la souffrance des pauvres Insertdataherois que par les nombreuses attentions de Papa Nurgle, les Space Marines du Chaos proposent à leurs hôtes un marché qu’ils ne peuvent pas refuser. En échange de la remise du seul membre de la communauté ayant encore des caleçons propres, un frêle garçonnet répondant au nom de Marven, ils promettent de délivrer les villageois du mal qui les ronge. Les quelques remords nourris par les plus intègres des ploucs ayant été rapidement balayés par les appels au bien collectif éructés par la guérisseuse du cru, prête à tout pour récupérer un stock de Smecta, l’élunisé est amené devant les Astartes suintants, et se met à suer à grosses gouttes. Non pas parce qu’il a peur de ce qui va lui arriver (quoique), mais surtout car il s’est fait mordre par un Nurgling alors qu’il jardinait quelques minutes plus tôt, ce qui est autrement plus grave qu’une plaie infligée par un clou rouillé, reconnaissez-le.

Heureusement pour Marven, derrière leur aspect redoutable, les Space Marines se révèlent être des bonnes pâtes, à la recherche d’un aspirant qui leur permettrait de retrouver l’effectif magique de sept guerriers jurés de Nurgle (en plus de leur permettre de participer à la ligue d’Ultimate Frisbee de l’Oeil de la Terreur, ce qui est appréciable). C’est donc en compagnie de leur nouvelle recrue que les prouteux repartent du hameau pestiféré, au grand désespoir des villageois qui n’ont gagné au change qu’une éternité de tourment, le cadeau du Dieu jardinier à leur égard étant une bien amère immortalité. C’est ce qu’on appelle être damné par le gong.

1 : Les ravages de la proseuchopathie ne sont hélas plus à démontrer. Même l’homéopathie a de meilleurs résultats, c’est dire.

AVIS:

Pas grand chose à tirer ou à dire sur cette nouvelle format mignonette, qui aurait pu (et dû, si vous voulez mon avis) être intégré dans un encart background du Codex Space Marines du Chaos. Haley ne trousse ici guère plus qu’un texte d’ambiance, présenté sous forme d’un conte (un de ses formats fétiches, apparemment), mettant en garde le lecteur contre la tentation de négocier une rémission avec les élus de Nurgle. À moins d’être aussi neuf dans l’univers de 40K qu’un Primaris au sortir de sa cuve, le lecteur n’apprendra donc rien de ce Cadeau de Nurgle, qui tient plus de la réduction immédiate en caisse de 30 centimes sur une poire à lavement que du week-end de cure thermale sur Iax. Insister un peu plus sur une dualité intéressante de Papy Prout, à peine ébauchée dans le récit – Nurgle cherche à recruter des individus capables de résister à la déchéance physique et au désespoir, ce qui peut sembler contre-intuitif de prime abord et le distingue des autres Dieux du Chaos, dont les suivants embrassent pleinement les préceptes – aurait permis à la nouvelle de gagner en intérêt, mais ce ne sera pas pour cette fois.

Bref, et cela peut sembler paradoxal, je mettrais un avis défavorable à l’inclusion de cette nouvelle au recueil Black Library Celebration, pour des raisons inverses que l’autre soumission Hérésie d’Horus (comparaison d’ailleurs erronée car Le Cadeau de Nurgle est du 40K pur jus). L’une était trop avancée pour le newbie moyen, celle-ci est au contraire trop simple. L’équilibre est difficile à trouver…

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Endurance // Endurer – C. Wraight [40K]:

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INTRIGUE:

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS:

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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A Company of Shadows // La Compagnie des Ombres – R. Harrison [40]:

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INTRIGUE:

A Company of ShadowsLes choses ne se passent pas tout à fait comme prévu sur le front de Gholl pour la Commissaire Severina Raine et ses Fusilières du 11ème régiment d’Antari, forcés d’effectuer un redéploiement stratégique depuis la cité de l’Arrête de Caulder suite à la poussée de ces diables de Clairvoyants. Escortant un officier impérial aussi important pour la suite de la campagne qu’insupportable de morgue, l’escouade de Raine embarque dans une Valkyrie, promptement descendue par un missile qui lui a grillé la priorité à droite, avec des conséquences variant du dommageable au définitif pour notre petite bande de personnages, qui se trouve encore réduite une fois le sol atteint. Perdus au milieu des contreforts escarpés et sous contrôle ennemi connus sous le nom de la Gueule, ralentis par leurs blessés et ne pouvant décemment laisser tomber leur charge entre les mains des cultistes, qui ont déjà démontré de manière graphique qu’ils faisaient grand et bon usage des gradés impériaux, Raine et ses hommes décident de tenter un bluff pour priver les Clairvoyants de leur proie. L’intrépide Commissaire endosse donc l’uniforme de la Tacticae Principal, et organise un dernier carré ne pouvant se terminer par autre chose que sa capture, mais permettant, l’Empereur aidant, au colis d’être récupéré ni vu ni connu par les renforts de la Garde. Téméraire mais pas suicidaire, Raine prend soin de confier au Sergent Wyck (Daven de son nom malheureusement, et pas Jöhn) sa montre de gousset, dont l’imprégnation psychique devrait permettre à un psyker digne de Lui de la retrouver jusque dans le bastion des chaotiques.

Le succès quasi total de la première partie de ce plan audacieux laisse donc nos héros séparés. D’un côté, un commando d’Antaris, incluant, outre les Farouches de Wyck, une escouade de Storm Troopers menée par le Capitaine Andren Fel, âme damnée et probable love interest de Miss Raine, ainsi que la psyker sanctionnée Lydia Zane, se lance dans une course contre la montre (mais avec le concours de cette dernière également, if you see what I mean) pour extraire leur petite camarade des griffes des Clairvoyants. De l’autre, cette dernière a la désagréable surprise d’apprendre que les cultistes ne sont absolument pas tombés dans le panneau, mais qu’ils voulaient la capturer depuis le début. C’est ce que lui apprend le magos en charge des opérations, un charmant individu répondant au nom d’Arcadius Verastus, alias 9/9. Il a en effet perçu dans l’âme de sa prisonnière un potentiel des plus alléchants, qu’il compte offrir à Tzeentch pour favoriser son avancement. Ayant manifestement un peu de temps à tuer avant Severina, il prend plaisir à soumettre l’inflexible Commissaire à un interrogatoire poussé, s’insinuant sans gène dans son esprit pour tenter de lui dérober ses secrets les plus honteux1. Même si ces introspections malpolies permettent au lecteur d’en apprendre un peu plus sur le passé de Raine, et notamment le fait qu’elle a repris le nom de sa mère (la Raine-Mère donc), Lord-General Militant de carrière, et choisi d’enterrer celui de son père, sommairement exécuté pour couardise, elles coûtent cher au psyker indélicat, qui se prend une mandale mentale dans les gencives pour sa peine. Victoire morale de l’Imperium.

Pendant ce temps, les intrépides sauveteurs en terre et Antari réussissent à franchir les cordons de sentinelles (pas si) Clairvoyantes (que ça) grâce à leur badasserie naturelle, et à pénétrer dans le bastion ennemi grâce au traqueur GPS de Zane, qui voit clair à travers les illusions tissées par les sorciers ennemis et emmène ses camarades dans la gueule du loup sous couvert d’un tour de passe-passe de son propre cru. Juste à temps pour empêcher l’énucléation et égorgement sauvage de Purple Raine (interrogatoire musclé oblige) par 9/9, qui apprécie moyennement l’intervention non scriptée des bidasses en folie, et se met à leur tailler des croupières psychiques pour la peine. Malheureusement pour Arcadius, Zane détient un MBA de Stanford en occultisme, alors que lui a à grand peine bouclé sa première année de BTS au Lycée Professionnel Ohrmuzd Ahriman de Vaulx-en-Velin, et la confrontation qui s’en suit est à sens unique. Bien que jurant son grand dieu que tout ça faisait partie de son plan, Arcadius a donc l’obligeance de décéder de mort violente quelques secondes plus tard, après que sa prisonnière lui ait mis un peu de plomb dans la cervelle.

Dès lors, il ne s’agit plus pour nos hardis Antaris (Anthardis donc) que d’évacuer les lieux avant que le Haut Commandement ne déclenche le bombardement orbital de la Gueule, ce qui n’est bien sûr qu’une formalité pour ces soldats d’élite. Voilà comment transformer une honteuse défaite en glorieuse victoire, et arracher l’initiative aux hordes damnées contestant la mainmise de Pépé sur la belle planète de Gholl. Comme on dit chez les Ogryns : Go Gholl !

1 : Comme le nom du Primarque sur lequel elle a écrit des fan fictions torrides pendant ses années à la Schola Progenium. On a tous été jeunes !

AVIS:

Nouvelle conséquente dédiée à la nouvelle égérie de la BL, catégorie Commissaire, A Company of Shadows permet à Rachel Harrison de donner du relief à son imposante galerie de personnages, ainsi que de situer le cadre dans lequel ils évoluent. Tout cela est fait de manière fort capable, et dénote d’une belle ambition en terme de construction d’intrigue , mais le grand nombre de points communs avec la saga Gaunt’s Ghosts (une Commissaire héroïque avec un lourd secret de famille et ses relations tantôt amicales – Fel = Corbec – tantôt à couteaux tirés – Wyck = Rawne – avec les officiers de son régiment, qui sont des super soldats venant d’un monde recouvert de forêts, et engagée dans une vaste campagne contre une faction chaotique…) ne risque-t-il pas d’être rédhibitoire à la dernière née de la Black Library ? Même s’il est plus que probable qu’Abnett approche de la toute fin de sa propre série, à supposer qu’il démarre un nouveau cycle après celui de La Victoire, et laissera donc le champ libre à d’autres auteurs dans un futur plus ou moins proche, il est loin d’être évident que les lecteurs de la BL adhèrent en masse à ce qui sera toujours perçu, plus ou moins consciemment, comme la resucée de la saga phare 40K. Le succès du premier roman de cette nouvelle série en puissance, Honourbound, sera sans doute déterminant pour le futur de Raine et de ses Antari, comme First and Only l’a été, en son temps, pour Gaunt et ses Tanith.

Comme à chaque fois, finissons par poser la question qui fâche : cette nouvelle a-t-elle sa place dans un recueil d’abord dédié aux novices de la BL ? Réponse contrastée de la part de votre humble serviteur en ce qui concerne A Company of Shadows. Bien que voyant l’intérêt pour GW de faire découvrir au plus grand nombre une de leurs nouvelles têtes d’affiche (comme Hamilcar peut l’être pour Age of Sigmar), et que cette soumission s’avère être d’assez bonne, même si classique1, facture, l’impression d’être plongé sans introduction dans un arc narratif déjà bien en place risque de désarçonner plus d’un nouveau client en puissance. Avec sa petite dizaine de protagonistes d’importance, et bien que certains meurent au cours du récit, dont les relations mutuelles semblent tomber sous le sens pour Harrison, on peut avoir l’impression de débarquer dans une série en milieu de saison, ce qui peut présenter un challenge intéressant d’un point de vue intellectuel, mais n’est pas de tout repos. Pour donner un exemple plus proche de notre propos, c’est comme si la BL avait inclus In Memoriam dans un hypothétique BLC 2001, à la place du plus didactique Ghostmaker. C’est très bien de faire confiance à la capacité d’adaptation du hobbyiste moyen, que je pense être naturellement plus élevée que la moyenne, mais attention à ne pas noyer bêtement des lecteurs potentiels en les balançant d’office dans le grand bain.

1 : Ce qui est plutôt un point fort dans ce contexte particulier, les expérimentations – mêmes concluantes – du type Seven View of Uhlguth’s Passing n’étant pas vraiment newbie friendly.

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Gods’ Gift // Don des Dieux – D. Guymer [AoS]:

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INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Ghosts of Demesnus // Les Fantômes de Demesnus – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS:

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Au final, et même si certaines inclusions à ce mini recueil tiennent, selon moi, de l’erreur de casting au vu de l’objectif de « propagande » (dans le sens le moins néfaste du terme) poursuivi par ce genre d’ouvrage, ce Black Library Celebration 2019 constitue un début ou un ajout intéressant à toute collection Black Library. J’espère sincèrement que le concept fera florès et prend d’ores et déjà date pour une critique comparée de la version 2020 l’année prochaine, afin de voir si ma vision du sujet cadre avec celle de la maison mère. Les stocks disponibles pour ce millésime ayant déjà été écoulés au moment où sera publiée cette chronique, si j’en crois les quelques tests réalisés sur les sites GW et BL, il faudra faire vite l’année prochaine pour sécuriser sa copie. (Chaos) Godspeed, folks !