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HAMMER & BOLTER [N°25]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette chronique du 25ème numéro de Hammer & Bolter ! 25, c’est un beau chiffre, qui l’aurait été encore plus s’il ne s’était s’agi de la pénultième publication de feu le webzine de la Black Library (Inferno ! avait fait 20 de mieux, en tenant jusqu’au numéro 461). Un mal pour un bien me direz-vous, car cela nous rapproche fortement de la fin de cette épopée chroniqueuse, initiée il y a déjà quelques années par l’auteur de ces lignes. Encore un petit coup de collier à donner, et la boucle sera bouclée.

Au menu du dolce de H&B, les débuts (à ma connaissance) de Phil Kelly dans la fiction narrative, après une grosse dizaine de Codices 40K et rien de moins que deux GBN, et croyez-le ou non, cela se passe chez les techno-barbares d’un monde féodal. Shocking. On assistera également au retour d’une autre figure bien connue du studio GW, Andy « Peroxide » Hoare, qui fera le chemin inverse de son comparse en délaissant les vaches rousses, blanches et noires et les pommiers dans la prairie made in Normandie Bretonnie pour longer les bordures de l’Imperium en compagnie de la Brienne (à prononcer comme Stallone dans Rocky), figure centrale de ses écrits Rogue Trader-esques. En parlant de retour, ce sera à Josh Reynolds de revenir dire bonjour à Hammer & Bolter, avec un cross over encore plus ambitieux que celui d’Infinity War. Pas de spoil, pas de spoil, lisez plutôt. Enfin, ce sera double (ou 1,5, selon comment on calcule) dose d’Abnett, à la fois à cause du chapitre de Gilead’s Curse de rigueur (et le terme est approprié) mais également grâce à un extrait de son (à l’époque) nouveau roman, Pariah. Bonne lecture !

1: Et de ce que j’ai pu voir en baguenaudant récemment sur le site de la Black Library, l’illustre aïeul de Hammer & Bolter a rejailli de ses cendres, au moins de manière ponctuelle, sous un format totalement numérique. Je sais ce qu’il me reste à faire…

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The Court Beneath – P. Kelly [WFB] :

Comme un grand nombre de ses condisciples du studio de création de Games Workshop, Phil Kelly a, après la longue et honorable carrière qu’on lui connaît en tant que game designer,  cédé aux sirènes du fluff et contribué de sa modeste pierre à l’édifice du background des univers GW. Spécialiste du Bien Suprême (Blood Oath, Blades of Damocles, Farsight), et ayant récemment couvert la (forcément) difficile intégration des Primaris au sein des Dark Angels (War of Secrets), il a également quelques travaux med-fan à son actif, dont rien de moins que le déclenchement de la Fin des Temps (Sigmar’s Blood).

Notre histoire débute sur une route boueuse des Hauts de Bretonnie, en compagnie de notre tout aussi boueux héros. Bien que noble, ce dernier fait pâle figure, des années de quête infructueuse du Graal l’ayant durement marqué. Couturé de cicatrices, marque par la teigne, quelques dents et son destrier en moins, Loulou (appelons comme ça pour le moment) est l’incarnation parfaite du chti chevalier errant, et bien qu’il lui en coûte de se présenter sous ce jour défavorable à la cour, la survenue d’une menace de grande ampleur (un Nécromant du nom de Myldeon ratisse le nord des terres du Roy à la recherche de followers) le pousse à venir quémander une armée auprès des autorités locales afin de mettre un terme aux déprédations du sorcier. Arrivé à Marcq en Baroeul Couronne, Loulou se fait d’abord gentiment mais fermement enjoindre par le service d’ordre (Iron Eye et le Joker, rien que ça) d’aller se faire ausculter chez les Tiléens, avant que notre héros ne se sorte de ce mauvais pas en rappelant qu’il est le fils du taulier, et mérite donc un peu plus de respect. Car Loulou, notre chouchou foufou, est Louen de Couronne, et The Court Beneath n’est rien de moins que le How I Got My Moniker du futur souverain Breton.

Quelques heures plus tard, c’est escorté de quinze chevaliers et des écuyers de ces derniers que Louen ressort de Couronne, guère enchanté de la pingrerie paternelle (il semblerait que la parabole du retour du fils prodigue n’ait pas atteint les lointaines latitudes bretoniennes) mais déjà mieux mis qu’à son arrivée. Ayant pu tout du moins compter sur le soutien de son ami Brocard, réputé à des lieues à la ronde pour sa maîtrise du pop shove-it et du heelflip (les fameuses figures de Brocard1), Louen fait contre mauvaise fortune bon cœur et finit par rattraper les hordes chancelantes de Myldeon à proximité d’un lac. Après la traditionnelle causerie d’avant-match, le XV de Couronne se met en branle pour mettre sa branlée aux groupies de Mymie M’a tuer. Et là, grossière erreur : sans doute peu familier des arcanes du Livre d’Armée Bretonnien, Louen ordonne l’attaque sans chercher la bénédiction de la Dame, ce qui est particulièrement con lorsque l’ennemi n’aligne aucune machine de guerre ni arme de tir, a une caractéristique de Mouvement inférieure à la vôtre et ne peut pas faire de marche forcée à plus de 12 pas de son général. Stay in school, kiddos. La suite, vous la devinez : la magnifique fléchette bretonnienne s’enfonce sans mal dans le ventre mou de l’armée adverse (de façon littérale et figurée), mais arrive la phase de corps à corps fatidique où les chevaux ont un coup de moins bien, et qui se solde par une défaite sans appel de nos preux paladins, dont les moulinets enthousiastes ne font pas le poids face aux imposants bonus fixes de l’adversaire. Sentant la situation mal engagée, Brocard tente de rentrer un boardslide sur le nez crochu de Myldeon, mais un regard (désapprobateur) de Nagash suffit à faire avorter la tentative, et à griller la street credibility de LeBroc James, en même temps que l’enveloppe corporelle de ce dernier. Isolé au milieu de la mer morte, Louen tente à son tour de rallier sa Némésis, mais ne parvient qu’à se faire acculer (acculer, j’ai dit) sur la rive du lac, dans lequel il finit par sombrer corps et bien.

Piégé par son armure, notre héros s’enfonce dans les profondeurs stygiennes du plan d’eau, et découvre avec surprise qu’il reste capable de respirer dans cet environnement peu familier. Son soulagement est toutefois de courte durée, son arrivée n’étant pas passée inaperçue parmi les résidents des abysses, comme le confirme l’attaque soudaine d’un Leviator sauvage. Un instant pris au dépourvu par ce choc de franchise, Louen se ressaisit rapidement, et lance l’Archéomire qui lui servait jusque-là de bouclier au combat2, avec des résultats plutôt probants. Asticoté with extreme prejudice, l’assaillant de Louen finit par passer l’arme à gauche, ce qui vaut à Loulou l’insigne honneur d’être invité au banquet que donnait à quelques encablures de là, je vous le donne en mille, la Dame du Lac. Entourée d’une cour résolument United Colors of Tête de Thon, cette dernière réserve d’abord un accueil assez froid à son pauvre champion, avant de consentir à lui faire boire au Graal (ce qui était attendu), de lui rouler une pelle (ce qui est un à-côté appréciable) et de le renvoyer à la surface en compagnie d’une armée digne de ce nom (ce qui fait toujours plaisir), constituée des jeunes hommes doués de capacités magiques que cette cougar de Dame enlève à leurs parents sans le moindre scrupule.

Transcendé par l’expérience, notre nouveau Chevalier du Graal se rue à l’assaut de la cohorte mort-vivante, qui ne s’était guère éloignée du lac en raison de ses minables capacités motrices. Bien aidé par le vigoureux concours de ses nouveaux amis aquatiques, Louen se fraie un chemin jusqu’à Myldeon, en passant sur le corps des anciens camarades ranimés par le Nécromant au passage, et, en hommage à Brocard, met un point final aux manigances de ce dernier d’un superbe anhyzer décapitant, démontrant ainsi sa maîtrise de la vertu de bogossitude et ajoutant un nouveau chapitre à sa légende. Loué soit Louen.

Les lecteurs réguliers de ces chroniques connaissent mon intérêt pour la mise en scène d’épisodes importants, ou au moins significatifs, du fluff de WHB jusque-là seulement évoqués dans les Livres d’Armées. En plus de mettre au premier plan des personnages bien connus du Vieux Monde (ou d’ailleurs), ces récits enrichissent souvent le background et donnent du grain à moudre à tous les fluffistes acharnés, prêts à vendre père et mère pour connaître la pointure de Nagash ou l’émission de radio préférée d’Aenarion. Encore faut-il pour cela que l’auteur à la manœuvre ait pris la mesure du « matériel narratif » mis à sa disposition, et parvienne à exploiter les qualités intrinsèques de ce dernier sans donner dans la timidité ou dans l’excès. Fort heureusement, Phil Kelly parvient à tirer son épingle du jeu de manière convaincante, et rend une copie sérieuse, d’un niveau similaire à Feast of Horrors (Wraight – Hammer & Bolter #5), et juste en deçà de The Gods Demand (J. Reynolds – Hammer & Bolter #11). Rythmée, prenante et généreusement dotée en termes de détails fluff (notamment le devenir des garçons enlevés par la Dame du Lac, et qui contrairement à leurs homologues féminines, ne retournent jamais parmi les hommes), The Court Beneath est une nouvelle très honorable, ce qui n’est pas rien pour une première soumission, et est d’autant plus méritoire que la Bretonnie est une des factions de WFB les moins gâtées par les publications BL en règle générale (Tybalt’s Quest, Faith, The Last Charge, Rest Eternal, Questing Knight).

1: Essayez de faire ça avec un destrier caparaçonné bretonnien en lieu et place d’un skateboard. Ça vous place le niveau du bonhomme.

2: Fun fact : J’ai découvert qu’il existait bien un Pokémon en forme de bouclier au moment de l’écriture de cette chronique. Le pire étant que ce dernier appartient à la 4ème génération, et que nous en sommes maintenant à la 7ème. À quand les Pokémons Tupperware, Balais à Chiotte et Ephéméride ?

Gilead’s Curse (ch. 11) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseAlors que la fin s’approche à grands pas pour Glilead’s Curse, petit retour sur la situation à l’ouverture de cet avant-dernier chapitre : arrivé à Nuln sur la seule base d’une expertise torchée en 5 secondes par un ancien stagiaire chez Drouot devenu Vampire Dragon de Sang par la suite, et un vieux souvenir de Gilead dont le principal intéressé a reconnu lui-même qu’il n’avait qu’une très faible chance de se montrer utile à sa quête, notre trio d’Elfes kidnappe un professeur caduque, cacochyme et un peu troll sur les bords, séquestre et torture l’honnête aubergiste chez lequel ils ont trouvé refuge en compagnie de leur otage, puis se dispersent dans la cité impériale à la recherche de nouveaux méfaits à commettre. Pendant ce temps-là, la charrette des méchants de l’histoire (car cela ne peut être qu’eux, même les Vabnett n’oseraient pas tirer un nouvel antagoniste de leur chapeau à deux chapitres de la fin) arrive en mode pépouze à Nuln, passe l’octroi sans (presque) éveiller l’attention et s’enfonce dans le dédale de la vieille ville vers sa destination ultime, suivie de loin par the only living boy in New York, Tom Surn Strallan. Pour rappel, au même moment de son année de « feuilletonage », le brave Ben Counter faisait s’abattre une horde de Démons sur le Phalanx, en même temps que le feu et la fureur de Sarpedon sur Iktinos, deux climax dignes de ce nom et préparant la conclusion d’une saga épique. L’année II d’ Hammer & Bolter se révèle donc légèrement moins-disante en termes d’intensité scénaristique, la partie de Mario Kart auquelle s’adonne notre intrépide SS étant, et de loin, la péripétie la plus haletante dont a bénéficié Gilead’s Curse depuis quelques chapitres maintenant. Comme la voix off nous l’indique dans son laïus introductif, ce récit est vraiment maudit, et cela aurait dû finir avec des skavens. Truer words have never been spoken.

Les lecteurs attentifs se souviendront que le chapitre précédent s’était conclu par une répartition des tâches incombant à chacun de nos héros, ficelle narrative un peu épaisse mais ayant au moins le mérite de structurer un tant soit peu un récit dont l’absence de colonne vertébrale l’apparentait jusqu’ici au gracieux, vivace et versatile lombric, dont la capacité à transformer de la boue en étron fait l’envie du règne animal. Las, à peine entré de quelques pages dans notre propos, force fut de constater que cette bonne résolution était restée lettre morte, Gilou n’ayant rien de trouvé de plus malin que de rester avec Mondelblatt et Laban (alors qu’il aurait dû être partout, dixit lui-même), ce qui a pour conséquence de faire passer le jeune elfe de la catégorie des personnages à celui des décors1, le droit d’aînesse de Gilou lui donnant la priorité pour tenir le crachoir aux divagations de Mondelblatt, destin pire que la mort certes, mais permettant au moins de justifier l’inclusion de l’intéressé au casting du roman.

De son côté, Fithvael, lui, essaie très dur de se rendre utile et de coller au script (brave petit vieux). D’abord en allant chercher une carte détaillée de Nuln chez le buraliste le plus proche, à laquelle il ajoute le plan des caves de la cité sur un coup de tête (un réflexe que je devine utile pour la conclusion de notre récit, et sans doute hérité de nombreuses sessions de Diablo II). Ensuite en identifiant un à un tous les signes révélateurs de la présence des Rois des Tombes dans la ville, qu’il s’agisse de scarabées, araignées ou de scolopendres, ce qui l’occupe un certain temps et lui permet de remplir sa master map de gribouillis. Enfin en capturant à l’improviste, tel le pedobear qu’il est, le jeune et vigoureux Surn Strallan, qui avait commis l’imprudence de prendre en filature l’entomologiste amateur après avoir échoué à attirer la bienveillante attention des autorités compétentes sur la mystérieuse charrette sableuse. Ramené chez Mondelblatt par son nouvel éraste, il a tôt fait de révéler ses tendances scientologues scientophobes, et a le privilège de constater, en même temps que ses nouveaux copains, la transformation des carreaux de la fenêtre de l’universitaire en sable, ce qui, en plus de constituer un vice de forme évident, annonce de manière indubitable qu’ « ils » ont commencé leur sinistre besogne (qui pour le moment, consiste en petite activité de livraison à domicile de mobilier encombrant, type sarcophage). Et voici qui plante le décor du grand dénouement de Gilead’s Curse. Je dirai bien que ça va déménager, mais ce serait mensonger, à double titre.

Chapitre dans la droite ligne des deux précédents (c’est-à-dire assez quelconque, mais beaucoup plus lisible que les premiers épisodes de la saga), cette mise en place du grand final du roman feuilleton de l’année II de Hammer & Bolter manque du souffle épique que l’on était en droit d’attendre pour une saga mettant un Haut Elfe aux prises avec une malédiction civilisationnelle. A contrario, l’épisode onze est sans doute le plus scatologique du lot (deux mentions de fèces, une de défécation, qui qui qui dit mieux ?), ce qui va sans doute à l’encontre de l’effet recherché. Ça me fait mal aux doigts de l’écrire, mais n’a pas l’emphase ampoulée d’un Gav Thorpe qui veut, et c’est peut-être ce qui aurait été utile à Gilead’s Curse en ce moment décisif. Rendez-vous au prochain numéro pour connaître le fin mot de l’histoire.

1: Décor qui parle, tout de même (un mot, ce qui il y a encore quelques chapitres, aurait été le summum de l’éloquence).

Cold Trade – A. Hoare [40K] :

Bien qu’on ne puisse pas vraiment le considérer comme un contributeur régulier de la Black Library, Andy Hoare trace sa route de free-lance avec persévérance et singularité, en témoigne l’hétérogénéité manifeste que l’on constate quant aux thèmes et factions qu’il a choisi de traiter au cours de sa carrière d’écrivain semi-pro : des White Scars aux Bretonniens, de la Lustrie aux colonies pénitentiaires1, c’est une palette pour le moins contrastée qui s’offre aux regards curieux. Néanmoins, on ne peut nier un penchant plus marqué pour une de ses créations littéraires en particulier, cette dernière se trouvant être Brielle Gerrit, fille de Lucian Gerrit, qui constitue avec son demi-frère Korvane et son papounet chéri le trio de protagonistes du plus important effort narratif du sieur Hoare : la saga (osons le terme, à défaut du féminisme) du clan Rogue Trader Arcadius. Outre les deux tomes consacrés à la petite entreprise qui connaît bien la crise de Lulu et Cie (Rogue Star et Star of Damocles), Hoare a en effet poussé le bouchon jusqu’à remettre Brielle sur le devant de la scène dans deux nouvelles : Ambition Knows No Bounds (pas terrible, et qui sera sans doute chroniquée un de ces jours ici), et plus récemment le présent Cold Trade.

Tout commence par une approche simple, basique, de la navette contenant la Brielle susnommée, ainsi que le pilote privé d’icelle (le clan Arcadius a beau être dans la dèche, ils ont tenu à garder leur petit personnel, c’est tout à leur honneur) en direction de la capitale d’un monde marais situé en périphérie de l’Impérium, et pas franchement bien tenu. Nullement intimidée par l’accueil un peu froid qu’elle reçoit de la part de la tour de contrôle locale, dont le lance-pierres reste braqué sur son vaisseau pendant la durée de sa descente, Brielle a tôt fait d’entraîner son larbin (Ganna) ainsi que deux serviteurs portant une énaûrme caisse dans l’effervescence animée de Quagtown, renommée dans tout le sous-secteur pour le cabaret sauvage qu’elle abrite. C’est vers ce dernier que l’héritière des Arcadius se dirige d’un pas décidé, et finit par parvenir après s’être jouée d’un trio de Blood Axes pas vraiment physionomistes ainsi qu’un piquet de plantons assez impressionnables.

Arrivé à bon port, notre quatuor a à peine le temps de se commander à boire auprès d’une serveuse si vicieuse qu’elle a dû venir directement de Paris intramuros (du Marais aux marais, c’est le karma) et de jeter un œil au show barnumesque faisant office d’animation que le propriétaire des lieux fait son entrée et convie menonctueusement  (mais si, vous avez compris) nos héros à s’isoler avec lui pour parler affaire. Tant que nous y sommes, présentons un peu notre bonhomme car il vaut certainement le détour : le Baron Gussy est en effet un homme patchwork, constitué de petits bouts d’autres personnes patiemment assemblés pour obtenir un individu totalement flamboyant2, comme son titre et son nom l’auront déjà révélé aux plus anglophones de nos lecteurs. BG étant un bg, il commence par tailler le bout de gras avec la plantureuse Brielle, après avoir séparée cette dernière de son escorte, dont le rusé personnage a supposé, non sans justesse, qu’elle ne servait qu’à détourner l’attention des faquins du vrai trésor apporté par Voyelle, et qui se trouve être un anneau de transmutation. De son côté, notre héroïne insiste également pour reluquer la camelote, et Gussy s’exécute en déballant le grand jeu : un phallus chromatique porte-clé collector (sans doute le Tamagotchi McDonalds de 1997, il coûtait déjà 20 balles 20 ans après, alors imaginez 38.000 ans plus tard…), qu’un fan die-hard est prêt à acquérir pour la coquette somme d’un monde vierge.

Comme on peut se l’imaginer, les négociations qui s’engagent immédiatement ne sont badines qu’en apparence, Gus’ ayant la mauvaise idée de vouloir prendre Brielle en otage pour obtenir le beurre, l’argent du beurre et le c…ourire de la crémière, en extorquant au clan Arcadius quelques-unes de ses possessions terrestres (littéralement) en échange d’un retour de la fille chérie du patriarche en un seul morceau. Malheureusement pour lui, la donzelle dissimulait un gadget joakero dans l’une de ses dread, et la fatuité satisfaite de l’homme coupon se mue rapidement en rage impuissante lorsque Bridelle donne l’ordre à son vaisseau en orbite de dégommer une à une les pieds à terre quagesques de l’aristo mégalo. N’ayant pas les nerfs nécessaires pour rester dans la partie, et peu aidé il est vrai par le niveau d’amateurisme profond de ses nervis, Gussy, pris à son tour en otage par Brielle, ne peut qu’assister au départ triomphale de cette dernière, qui repart de Quag avec anneau, babiole et sans avoir payé sa consommation, ce qui est la porte ouverte à toutes les fenêtres et la mort assurée du petit commerce. Rouges (et pour une fois, ce n’est pas une faute d’accord, vu le pedigree du bonhomme) de colère et de honte, l’infortuné Baron rentre au bercail pour s’en jeter un petit, et découvre le dernier cadeau que lui a fait son invitée avant de partir : la caisse apportée par les deux serviteurs briellois n’était en effet pas vide du tout, mais contenait une charge plasma au bord de la surcharge et astucieusement mis sous stase, jusqu’à récemment. Bilan des courses : une déco d’intérieur complètement refaite, même s’il faudra attendre quelques millénaires que la peinture sèche. Rendez-vous en 45K.

Pour être tout à fait honnête, j’ai entamé Cold Trade avec un manque d’enthousiasme non dissimulé, la précédente tentative d’Andy Hoare de faire vivre à Dame Brielle de trépidantes aventures s’étant soldée par un ratage dans les grandes longueurs3. Toutefois, au fur et à mesure que s’enchaînaient les pages, je dus reconnaître que ce deuxième jet était bien plus abouti que le premier, à mon grand plaisir. Outre le fait que le casting réduit contribue grandement à dynamiser l’action, le propos assez novateur, ou en tout cas peu fréquemment utilisé (et quand c’est le cas, généralement par des auteurs de bon niveau, Abnett en tête) de la rencontre professionnelle entre gens louches de l’Impérium, sans que la baston soit – nécessairement – à l’ordre du jour, constitue une bouffée d’air frais dans une littérature BL-esque n’ayant jamais eu ni honte ni assez de distribuer bourre-pifs et bolts nuit et jour, à tout venant. Personnellement, je suis fort aise que Hoare ait opté pour l’approche diplomatique dans Cold Trade, d’autant plus qu’il arrive à dérouler son propos avec aisance et cadence, les péripéties et descriptions (arrivée sur Quag, recrutement de mercenaires, confrontation avec les Orks, puis avec les gardes, freak show, négo’, évasion, conclusion) s’enchaînant sans temps morts. Je le félicite également pour avoir donné à sa nouvelle un méchant digne de l’univers baroque et dépravé qu’est Warhammer 40K, la particularité physique du Baron Gussy étant suffisamment plastique et mémorable (même si le mérite en revient, encore une fois, en grande partie à Abnett) pour lui gagner une place dans le panthéon des trognes les plus singulières de la cosmogonie du 40ème millénaire. On en regretterait presque qu’Andy ait (jusqu’à présent) cessé de mettre en scène son héroïne, qu’il commençait à manier avec quelque chose approchant l’habileté. L’Empereur m’en soit témoin, c’est loin d’être donné à tout le monde au sein de la BL.

1: Dans l’ordre: Savage Scars, The Last Charge, Tomb of the Golden Idol et Commissar. Ca rimerait presque.

2: Et à peiiiiiiine inspiré d’Armand Wessaen (Ravenor : Renaissance), mais on ne pique que les bonnes idées, c’est bien connu.

3: Il y a toujours des attractions touristiques qui semblent bien sur le papier et qui se révèlent être d’horribles attrape-nigauds au final. Dans l’univers des nouvelles 40K, ce sont les tombes nécrons.

The Problem of Three-Toll Bridge – J. Reynolds [WFB] :

Considérez-moi comme un excentrique patenté si vous le devez, mais il m’arrive de temps à autre d’éprouver des bouffées de fanboy-isme aigu à la lecture de certaines publications, pourtant guère folichonnes dans leur immense majorité, de la Black Library. Pour limitée que soit la portée de cette dernière, et (relativement) étroite la bibliographie qui s’y rapporte, on ne peut passer plusieurs années de sa vie à baigner dans le zhobby sans développer des marottes et attachements incompréhensibles au commun des mortels, pouvant déboucher dans les bonnes conditions en des crises d’enthousiasme aussi jubilatoires qu’injustifiables, à moins de se trouver en compagnie d’individus pareillement affligés. Pour ma part, cela a pu s’exprimer lors de l’apparition de l’Empereur et des Primarques au cours des premiers romans de l’Hérésie d’Horus, ou encore par le discret caméo de Mkvenner dans The Armour of Contempt (eh oui, un rien m’émeut). Cela faisait bien longtemps cependant qu’une telle occasion ne s’était plus produite, et je dois donc créditer Josh Reynolds pour le petit frisson d’excitation causé par la seule lecture de l’incipit de The Problem…, signifiant le retour d’une figure mythique de la BL : Zavant Konniger.

Créé par Gordon Rennie il y a maintenant presque 20 ans, le personnage de Konniger a connu son heure de gloire au début des années 2000, période à laquelle il eut droit à son propre recueil de nouvelles (sombrement appelé Zavant – 2002) ainsi qu’à une figuration dans une autre anthologie, assez connue du public francophone car traduite par la BI peu de temps après sa publication : Swords of the Empire/Les Epées de l’Empire (2001). Adaptation/pastiche de Sherlock Holmes à la sauce WFB, Zavant Konniger s’inscrit dans la lignée des héros de la BL pour qui le recours à la violence constitue un échec plutôt qu’une raison de vivre ou un passe-temps agréable, cénacle très restreint dans lequel on retrouve les grands anciens Sam Warble et Orfeo, ainsi que le trublion Ciaphas Cain pour le riant univers de 40K. Cette inclinaison « pacifiste » s’inscrivant en faux de la ligne éditoriale prise par la BL depuis maintenant une bonne quinzaine d’années, il est somme toute normal, même si regrettable, que les représentants de cette école non-violentes aient (presque) tous disparus des radars du lecteur de la Black Library. L’apparition de cette vieille ganache de Konniger, dix ans après sa dernière pige, constituait donc un surprise de taille, heureuse cela va de soi, et à savourer comme il se doit car n’ayant débouché sur rien de concret, un deuxième court format commis par le même Reynolds dans la foulée de The Problem… (The Riddle of Scorpions) mis à part. Les lecteurs souhaitant approfondir cette petite note de cadrage sont invités à consulter la chronique détaillée que leur serviteur a dédiée au bouquin Zavant il y a quelques années, et les autres peuvent enchaîner de suite avec la suite de cette analyse.

Nous retrouvons donc notre duo (car Konniger est toujours accompagné de son serviteur halfling, Vido) de héros dans une chambre froide d’Altdorf, occupé à inspecter le cadavre d’un duelliste malheureux répondant au nom de Wolfgang Krassner. Ce dernier a en effet récemment croisé le chemin d’un adversaire apparemment meilleur que lui au maniement des armes, un dénommé Felix Jaeger, étudiant à tendance révolutionnaire, aspirant poète et pas encore commémorateur du fameux Gotrek, qui languit depuis dans une cellule en attendant son exécution prochaine. Alors que tous la observateurs s’attendaient à ce que Krassner, duelliste semi-professionnel et tueur à sang froid homologué, ne fasse qu’une bouchée du novice Jager, l’impensable s’est produit, conduisant au final le père de Felix à louer les services de Zavant pour tenter de sauver son fiston de la potence (spoiler alert qui n’en est pas une : il va réussir).

Suivant le schéma classique d’une investigation criminelle, The Problem… nous entraîne à la suite du grand Zavant et du petit Vido sur les différents lieux de l’enquête, depuis la morgue improvisée de Luitpolstrasse jusqu’aux bouges mal famés du vieil Altdorf, en passant par la cellule de Felix dans un pilier du fameux Three-Toll Bridge, à la rencontre des témoins clés de cette sinistre affaire et à la recherche des indices qui permettront à Konniger et son énorme cerveau (il doit surcompenser quelque chose, c’est évident) de tirer les choses au clair. Alors que l’agitation gronde dans la capitale impériale et qu’une nuit d’émeutes se prépare dans une tension palpable1, notre duo de choc parviendra-t-il à faire éclater la vérité, et à résoudre le problème (fiscal en même temps que policier, car trois taxes sur un seul bâtiment, c’est vraiment excessif) du pont tri-péagé ?

Ayant déjà pu dire tout le bien que je pensais (en règle générale) de Josh Reynolds à l’occasion des critiques de ses précédentes soumissions dans Hammer & Bolter, je vais essayer d’innover en abordant un aspect de son style qui n’avait jusqu’alors eu peu de place pour s’exprimer, et que The Problem… a permis de mettre sur le devant de la scène : sa miscibilité avec l’œuvre de ses petits camarades de jeu. Par ce terme barbare, je souhaite mettre l’accent sur la capacité assez rare parmi les auteurs de la BL de tirer parti des publications de leurs camarades dans leurs propres récits (ce qui conduit généralement à un « cloisonnement » de ces derniers les uns par rapport aux autres, les seules passerelles étant les informations générales données dans les GBR/N et les Livres d’Armée ou Codex), et au-delà, d’emprunter de manière non empruntée (c’est là l’enjeu) les personnages d’un tiers. Outre une solide connaissance du background établi, et ce dans le sens le plus large qui soit, cela nécessite également un pouvoir d’assimilation des caractéristiques essentielles des personnages en questions, doublé d’un remarquable talent de restitution, afin de pouvoir « donner le change » de manière convaincante. On aurait pu penser que le lancement de l’Hérésie d’Horus aurait naturellement poussé les auteurs de la BL à perfectionner cette facette de leur talent, mais l’expérience (et quelques dizaines de bouquins) ont amplement démontré que c’était loin d’être le cas pour tout le monde. Principales victimes de cette inégale répartition des compétences, les guest stars de l’HH (Pépé & Sons), qui louvoient entre brillance surhumaine et imbécilité crasse selon qu’ils aient la chance ou le malheur d’être mis en scène par un cador ou un tâcheron.

Si on repasse du côté med-fan, il n’y a guère que Nathan Long qui a su faire ses preuves dans l’exercice, en redonnant à Gotrek et Felix un peu de leur lustre d’antan, après que Bill King se soit consciencieusement savonné la planche en sombrant, tome après tome, dans les bas-fonds du hack & slash. Il est d’ailleurs instructif de pousser un peu plus cet exemple en se remémorant les tentatives, unanimement peu concluantes, d’autres auteurs de se frotter au couple le plus iconique de la BL dans les pages de Hammer & Bolter. Que l’on considère A Place of Quiet Assembly de John Brunner (H&B #1), The Tilean’s Talisman de David Guymer (H&B #14) ou The Oberwald Ripper de Laurie Goulding (H&B 18), aucun ne correspond vraiment au cahier des charges G&F, tel qu’il a été posé, nouvelle après roman (et vice versa), par King et Long. Cela ne veut pas dire que toutes ces tentatives aient été mauvaises, mais il est flagrant qu’elles ont été écrites par des auteurs ne maîtrisant pas totalement leur sujet, pour une raison ou pour une autre. Là où Reynolds fait fort, c’est qu’il réussit un exercice de double appropriation, puisqu’il se saisit à la fois de la moitié blonde et pimbêche de la paire tueuse, mais également de l’impayable Zavant Konniger de Gordon Rennie, avec des résultats franchement convaincants. Et je ne m’attarderai même pas sur les easter eggs fluffiques que Josh a glissé dans ses lignes à destination des lecteurs les plus assidus de la BL, et qui dénotent encore une fois d’une solide, très solide, culture warhammeristique. Je ne sais pas si c’est bien sur un CV, mais en tout cas, c’est plaisant à lire.

Afin de ne pas passer pour un flagorneur éhonté, je reprocherai tout de même à The Problem… le peu d’effort investi par l’auteur pour livrer une enquête un tant soit peu challengeante  au lecteur. En d’autres termes, il ne sert à rien de lire avec le plus grand soin cette nouvelle à la recherche d’indices cachés annonçant de manière discrète un dénouement spectaculaire mais soigneusement préparé, car il n’en est rien. Vous identifierez sans mal la faction responsable des problèmes du pauvre Felix si vous avez des connaissances rudimentaires de fluff et quatre sous de bon sens, mais ne pourrez en faire autant avec le malfaiteur en lui-même, à moins d’être incollable sur la petite galerie de personnages gravitant autour de Konniger dans les nouvelles de Rennie. Ce n’est pas ça qui ternira le plaisir de lecture d’une nouvelle qui, rien que pour la balade à laquelle Reynolds nous convie dans l’Altdorf du fraîchement élu Karl Franz, encore loin des heures sombres de la Fin des Temps2 mérite amplement le détour, mais après tout ce que le bonhomme a démontré comme talent, je ne peux m’empêcher de penser que ce dernier aurait pu soigner cet aspect avec des résultats satisfaisants, voire superlatifs. Que voulez-vous que je vous dise, je m’habitue vite à la compétence…

1: Sans rire, c’est les Gilets Jaunes (Surcôts d’Or ?) à Warhammer cette histoire. Des bandes de manifestants énervés contre les taxes décrétées par le nouvel Empereur, et prêts à tout péter pour se faire entendre, ça ne vous évoque rien ? Méfions-nous du parallèle ceci dit, car le Vieux Monde n’était plus qu’à un quart de siècle de sa destruction à partir de ce moment…

2: Ironie de l’histoire, ces dernières étaient sûrement en train d’être ébauchées par le même homme au moment de la publication de The Problem…

Pariah (extrait) – D. Abnett [40K] :

PariahOn termine le numéro avec une petite mignardise qui en réjouira plus d’un : un extrait du Pariah de Dan Abnett, un habitué du teasing chez Hammer & Bolter puisque ce n’est rien de moins que la troisième fois qu’il bénéficie de ce traitement de faveur. Cette soumission aura toutefois une saveur et un attrait particuliers pour bien des lecteurs, puisqu’elle a été emprunté à la dernière publication d’une série des plus mythiques de la Black Library, j’ai nommé la saga Inquisitioriale du bon Dan, commencée en 2001 avec la trilogie des Eisenhorn (le père), poursuivie par un triptyque dévolu à son disciple Ravenor (le fils), et à présent complétée par le cycle Bequin (la simple d’esprit – littéralement – ), encore en cours d’écriture à l’heure actuelle. Familier des premiers tomes de cette œuvre fondatrice de la BL, et considérée à bien des égards, et à mon avis à juste titre, comme un des travaux de meilleure qualité de la maison d’édition de GW, je n’ai pas (encore) lu ce fameux Pariah, précédé par un Perihelion augurant sans doute d’un fil rouge allitératif en –p et –r pour les prochains titres du cycle, ce qui est certes charmant mais ne fait guère avancer le schmilblick.

Introduisant le lecteur directement au cœur du propos (le chapitre 8 du roman, en d’autres termes), cet extrait permet de renouer avec l’Abnett que l’on aime et respecte, c’est-à-dire le formidable conteur d’histoires ayant trouvé le juste milieu entre humanisation (capacité à faire apparaître les personnages comme crédibles et donc à amplifier l’empathie du lecteur à leur égard) et singularisation (le petit détail sympathique qui transforme le stéréotype/archétype classique de 40K en personnage unique et instantanément reconnaissable par le lecteur), fond, forme et style, et respect de l’univers et inventivité, pour passer les caractéristiques les plus marquantes de sa patte narrative. Mais l’une des choses que j’apprécie le plus chez Abnett, c’est la familiarité avec laquelle il traite son public, en ce qu’il ne se donne presque jamais la peine d’introduire de manière évidente et graduelle son propos, y compris les éléments importants à la bonne compréhension de ces derniers. Le postulat de départ est (et demeure) que le lecteur est suffisamment malin et informé pour relier de lui-même les éléments de contexte disséminés par ce farceur de Dan dans ses écrits, qui finissent par faire sens de la manière la plus naturelle qui soit, après quelques lignes, pages ou chapitres de rodage. Bien sûr, derrière cette idée simple mais efficace en diable se cache une maîtrise technique et stylistique bien supérieure à la moyenne, sans quoi ses textes resteraient abscons de la première à la dernière page. Bien des émules de Papa Gaunt se sont brulés les ailes en se frottant à l’exercice, et n’ont réussi qu’à passer pour des billes auprès de leur lectorat. Il est donc bon que Dan se livre à un petit masterclass de temps à autre, afin de rappeler à tous qu’en matière de bille, l’important est de toucher la sienne, ce qu’il fait assurément.

Pour rentrer plus précisément dans l’intrigue, nous suivons une soirée peu ordinaire pour le personnage de Beta (à rapprocher d’Alpha plutôt que de Simplet, si on m’autorise un avis), qui a de fortes chances d’être Alizabeth Bequin herself. Cette dernière, paria de son état, appartient à une école très spéciale (the Maze Undue), chargée d’éduquer les individus disposant de cette caractéristique génétique très rare et très utile, même si assez handicapante pour la vie sociale de ses porteurs, le plus souvent afin qu’ils puissent se rendre utiles auprès d’agents de l’Inquisition. C’est justement le retour d’un des anciens diplômés du Maze, évènement inédit dans l’histoire de ce vénérable établissement, qui va faire basculer ce crépuscule jusque-là ordinaire en aventure trépidante. Ayant à peine eu le temps de se remettre de l’émotion causée par la réapparition, elle aussi indue, de son ancien crush, Beta se retrouve à investiguer les combles de l’école à la recherche d’une fenêtre laissée ouverte, ce qui, en plus de faire grimper la note de chauffage pour rien (et vu le prix du loyer, ce n’est pas négligeable), dénote de l’intrusion d’un externe forcément animé d’intentions peu amicales dans le Labyrinthe, dont l’existence est censée rester secrète pour sa propre sécurité.

Ayant finalement mis la main sur le maraudeur, Beta va vite découvrir pourquoi il reste une très mauvaise idée de se retrouver seul(e) avec un(e) ecclésiastique trop entreprenant(e) dans un endroit où personne ne peut vous entendre appeler à l’aide. Que voulez-vous, il y a des vérités qui se conservent, quel que soit le millénaire. Fort heureusement, être un paria n’a pas que des inconvénients, surtout quand Sœur Sourire se révèle être une psyker de haut niveau, et même si Beta doit composer avec un gros bêta (son ancien coup de foudre, dont la rosette d’Interrogateur est apparemment mal ajustée et bloque l’afflux sanguin au cerveau, car le bellâtre pêche sérieusement en matière stratégique), ses propres ressources et la colonie de termites ayant élu domicile dans le grenier dans un premier temps, puis l’arrivée du professeur Xavier1 pour un bon gros cliffhanger des familles dans un deuxième, achève cet extrait en beauté et donne définitivement envie d’en savoir plus. C’était le but, je suppose.

1: Chez Abnett, cela se dénote par des dialogues plus gras plus. +Tu es un psyker, Harry.+ Visuellement impactant et efficace en matière de storytelling.

En conclusion, tout simplement un des meilleurs, si ce n’est le meilleur numéro Hammer & Bolter depuis le très sympathique #1. Kelly, Hoare et Reynolds livrent tous une prestation fluctuant du très honorable au franchement sympathique, un sans-faute qualitatif qui n’avait jamais été atteint jusqu’ici, ou en tout cas, pas à ce niveau. Ajoutez à cela un extrait yummy  en diable commis par un Abnett enfin égal à lui-même, et il n’y a guère que le chapitre de Gilead co-signé avec sa moitié qui vient jeter une ombre au tableau. Et quand on considère que même ce relatif coup de moins bien s’avère être sensiblement meilleur que les chapitres « primitifs » de Gilead’s Curse, on peut se laisser aller à un élan de munificence, qualité qui ne s’exprime vraiment que dans la profondeur et l’infini, comme chacun sait. Ce numéro 25 est-il pour autant le meilleur du lot ? Pour avoir la réponse à cette question, rendez-vous prochainement pour le grand final de cette chronique. J’ai hâte.

HAMMER & BOLTER [N°24]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette chronique du 24ème numéro de Hammer & Bolter ! Bien qu’il marque scientifiquement la fin de la deuxième (et malheureusement dernière) année de publication du webzine de la BL, ce numéro sera suivi par deux ultimes publications avant que les pontes de Nottingham ne sifflent la fin de la récréation. On peut sans doute remercier pour ce rab de cheap & sharp short stories le rythme de sénateur avec lequel les compères Abnett et Vincent ont distillé les tortueuses aventures de Gilou et compagnie dans les pages de H&B, les douze chapitres réglementaires ayant pris quatorze mois à voir le jour dans leur douloureuse intégralité1.

En plus de votre ration mensuelle de malédiction gileadique, qu’il convient d’appréhender comme une version littéraire de la mithridatisation à mon humble avis, vous aurez droit à une dégustation d’un petit rouge de derrière les fagots en provenance de Catria (The Rite of Holos), et une double ration de McNeill version épique, d’abord via la conclusion de l’entretien préalable au licenciement bannissement de Krell mené à quatre trois mains par Sigmar Heldenmanager et Alaric le Fourbe (Let the Great Axe Fall), puis par un extrait d’Angel Exterminatus, le very bad trip de Perturabo et Fulgrim dans l’Ocularis Terribus à la recherche de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Bonne lecture !

1: Tout l’inverse du Phalanx de Counter, qui a livré ses 14 chapitres en 12 mois. On peut penser ce qu’on veut du gars Ben et de ses talents d’écrivain, mais force est de reconnaître qu’il sait tenir un délai.

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The Rite of Holos – G. Haley [40K] :

The Rite of HolosPremière soumission dans Hammer & Bolter pour le sieur Haley, à l’époque guère plus qu’un rookie au sein de l’écurie BL. Ayant depuis travaillé sur un nombre significatif de projets de la Sombre Librairie (The Horus Heresy, The Beast Arises, The Realmgate Wars…) et trempé sa plume dans les recoins les plus baroques du fluff GW (Prophets of Waagh – Gorkamorka –, Death on the Pitch – Bloodbowl –, Emp-rah’s Eye – Necromunda –…), on peut considérer que le bon Guy a réussi à faire son trou dans le monde sans foi ni loi de la Black Library. Tant mieux pour lui.

Pour les lecteurs non familiers avec les subtilités périphériques de l’historique des Anges du Sang, dont je faisais partie avant de m’attaquer à cette nouvelle, le titre de cette dernière ne dira sans doute rien. Les happy few familiers des arcanes du background de la marmaille de Sanguinius auront quant à eux compris au premier coup d’œil que Guy Haley allait consacrer son propos aux Blood Drinkers, chapitre descendant des Blood Angels et très, mais alors très porté sur la boisson, avec des penchants aussi irrépressibles que coupables pour le gros rouge qui tache. Tout le monde a ses problèmes.

Notre histoire débute dans l’astroport du monde de Catria, planète de 43ème ordre en proie depuis quelques mois à un schisme profond. Détail mineur du récit, mais source potentiellement inépuisable de blagues lamentables (dont les écrits de votre serviteur font une consommation invétérée) que je ne peux donc (in)décemment passer sous silence, la population de Catria a pour particularité d’être à majorité féminine, les individus mâles étant chétifs et n’atteignant généralement pas l’âge adulte. L’immense majorité des protagonistes et antagonistes locaux de The Rite of Holos sont donc des représentants du beau sexe, dont la confrontation avec ce parangon d’uber virilité patriarcale qu’est le Space Marine impérial ne peut logiquement que faire des étincelles. Fin de la parenthèse et début de la beauferie.

Dépassée par les évènements, la garnison locale a donc fini par contacter le SAC (Service Après Colonisation) impérial, demandant l’envoi de renforts pour mater la rébellion initiée par une certaine Hesta, sainte vivante autoproclamée ayant le goût des choses simples. Par chance pour les loyalistes, le chapitre des Blood Drinkers passait dans le coin au moment des faits, lancé qu’il était dans la traque de l’origine d’une infection Genestealers dans ce même sous-secteur1. Jamais un à laisser être bafouées saintes prérogatives de Pépé, le Maître de Chapitre des Buveurs (Caedis) accepte la requête des Catrians et se téléporte sur place en compagnie de sa garde rapprochée.

Rapidement briefé sur la situation par la Colonel Indrana au cours d’une visite des abords du Reliquary Sanctum, place forte des rebelles s’étant révélée jusqu’ici inexpugnable, Caedis rejoint ensuite ses potes à la morgue pour procéder à l’étude d’un spécimen de mutant abattu à grand peine par les Gardes de Catria alors qu’il procédait à une distribution de (pâtes à) tartes sur les positions loyalistes. Trahie par de subtils détails, invisibles pour le tout-venant mais évidents pour les yeux entraînés des Blood Drinkers (absence de manucure, jean boyfriend sans talons, carapace chitineuse, troisième bras…), l’appartenance du mutant à un culte Genestealers apparaît au grand jour, au grand plaisir de Caedis et de ses lieutenants, le Réclusiarque Mazrael et le Maître Sanguinien Teale (qu’à partir de maintenant, j’appellerai frère Canardo). Ayant gentiment mais fermement envoyé la Colonel Indara lui préparer un sandwich pour pouvoir discuter de manière privée, Caedis expose son plan de bataille à ses sous-fifres pendant que Canardo eviscère le cadavre de Gennie avec un entrain déplacé : afin de pouvoir localiser l’origine de l’infection Xenos, il sera nécessaire pour les meilleurs de l’Empereur d’accéder au cœur du culte, là où la Matriarche et les jeunes ont trouvé refuge. Ce n’est en effet qu’en tirant parti de l’écho Warp des appels vers la Grande Dévoreuse de ces derniers que l’Archiviste de service (Guinian) pourra remonter à la source du problème. Il faudra donc faire le sale boulot soi-même au lieu de régler le problème d’une petite frappe orbitale bien placée, ce qui convient tout à fait à la philosophie martiale des Blood Drinkers. En guise d’ultime mais nécessaire préparation à cet assaut, Caedis autorise Ma et Canardo à réaliser le fameux rite d’Holos afin de préparer les frères de bataille à la confrontation avec l’ennemi et « aiguiser » leur Soif Rouge. Si les détails de l’opération ne sont pas donnés par Haley, on comprend assez facilement qu’une quantité significative de sang sera nécessaire à cette dernière, et que les brave Blood Drinkers ne seraient pas contre une participation active de la populace locale. Voilà qui est bien suspect.

La suite de la nouvelle est consacrée à l’attaque sur Reliquary Sanctum, menée de main de maître par des Blood Drinkers ayant bien compris que cribler une femme de bolts est la plus belle preuve de respect qu’on puisse lui donner au 41ème millénaire. À la pointe de l’assaut, Caedis, Canardo, Guinian et une escouade de Terminators se fraient un chemin dans les niveaux inférieurs de la cathédrale de Sainte Catria, devant à la foi se garder des embuscades des genestealers et des pulsions meurtrières induites par la Soif Rouge, qui les incite à foncer tête baissée dans la mêlée et les place donc à la merci de leurs perfides adversaires. Malgré toute l’expérience et la discipline qui caractérisent les vétérans Blood Drinkers, frère Metrion est le premier à péter une durite, la vue des cheveux ternes (et probablement gras) des cultistes ayant outragé l’esthète qui sommeille au cœur de chaque descendant de Sanguinius. C’en est fini de la progression méthodique des Buveurs, qui tourne à la fuite en avant matinée de battle royale, les frères de bataille les plus posey tentant tant bien que mal de venir au secours des mâles en rut qui leur servent de compagnons d’armes, avec des résultats plus ou moins concluants.

Ayant malgré tout atteint le cœur des positions ennemies (la cuisine de la cathédrale), les Blood Drinkers survivants se retrouvent face à face avec la magos Hesta, dont les pouvoirs psychiques et les lâches insinuations à propos de la virilité de nos héros les maintiennent un temps en respect. Heureusement pour les meilleurs de l’Empereur, le statu quo fini par être pulvérisé, en même temps qu’un des murs de la cathédrale, par l’intervention salutaire du Dreadnought Endarmiel. Ayant astucieusement fait le tour de la zone de combat grâce à sa capacité à lire des cartes, il effectue ensuite un parfait créneau qui met le canon de son fulgurant à hauteur du sternum de cette mégère d’Hesta, et transforme cette dernière en dés de poitrine fumé. La suite n’est plus qu’une formalité pour les Blood Drinkers survivants, qui peuvent repartir de Catria avec la satisfaction du travail bien fait et l’information cruciale qu’ils recherchaient depuis plusieurs mois, et laissant à leurs obligées le soin de faire le ménage de leurs sanglants exploits (cadavres de Gardes saignées comme des cochettes pour les besoins de leur potion magique secrète inclus). Voilà ce qui s’appelle une juste répartition des tâches.

The Rite of Holos s’avère être une nouvelle assez sympathique à lire, même si la vacuité de son propos n’en fait pas une expérience mémorable. À ce titre, c’est bien la première partie du récit, pendant laquelle Haley réussit à peindre de manière assez convaincante la dangereuse dualité des Blood Drinkers, dont l’apparence angélique et la bienveillance manifeste dont ils font preuve envers leurs compagnons d’armes humains dissimulent un besoin viscéral et impérieux de satisfaire (de manière littérale et figurée) leur soif de sang, à n’importe quel prix, qui constitue le principal intérêt du récit. À titre personnel, j’aurais apprécié qu’Haley passe plus de temps sur ce fameux rite d’Holos, dont les modalités ne laissent que peu de doutes mais dont l’intérêt pour les Blood Drinkers est loin d’être évident, si on en juge par la facilité avec laquelle ils succombent à la Soif Rouge. Boire ou occire, il faudrait donc choisir.

Au crédit de Haley, on peut également mettre son souci d’intégrer à son récit des éléments de fluff que la plupart des auteurs de la BL auraient tout bonnement ignorés (ici le souci de l’esthétisme chez un chapitre héritier des Blood Angels, dont le Maître de Chapitre préfère attaquer une position ennemie que la bombarder afin de préserver autant que possible les reliques architecturales du site), ainsi que sa capacité à soumettre des idées pertinentes et originales (comme une planète peuplée seulement de femmes, ce qui doit exister dans un Impérium d’un million de mondes2).

Les scènes de combat sont, elles, d’une platitude consommée, l’auteur ne parvenant pas à faire ressortir du lot cette nème confrontation entre Space Marines et ennemis de l’Imperium des dizaines, voire centaines de passages similaires produits par la BL au cours des dernières décennies. Bien sûr, la Soif Rouge vient pimenter un peu les choses, mais on reste là encore sur le territoire très connu du « ouhlala-ça-n’a-jamais-été-aussi-dur-mais-je-dois-absolument-résister », sur lequel Swallow (saga Rafen) et Smillie (Beneath the Flesh) ont déjà bâti des arcs narratifs entiers3.

Dernier point d’insatisfaction, une « individualité » de la nouvelle pas assez marquée de la part de Haley. Si cela n’est pas rédhibitoire à la lecture, il est en revanche très clair que The Rite of Holos n’est qu’une bouture d’une œuvre plus conséquente (dans ce cas précis, Death of Integrity), et dont la raison d’être consiste à apporter quelques détails supplémentaires à cette dernière. Cela se perçoit particulièrement à travers le nombre important de personnages BD que Haley convoque (Caedis, Ma, Canardo, Guinian, Endarmiel), sans que ces derniers ne jouent un rôle vraiment important dans le récit. Un casting un peu plus réduit aurait sans doute permis à l’auteur de s’investir plus fortement sur ses protagonistes, et les rendre ainsi plus intéressant pour le lecteur.

Ceci dit, la balance reste tout de même positive pour The Rite of Holos, et on peut qualifier les débuts de Guy Haley dans Hammer & Bolter de succès, certes pas éclatant, mais pas bradé non plus.

1: Arc narratif qui se conclura dans Death of Integrity, commis par the same Guy.

2: Peu d’auteurs de la BL ont pris la liberté d’explorer toutes les possibilités ouvertes par un cadre proprement galactique, les mondes impériaux en particulier étant en particulier touchés par une standardisation qui n’a pas lieu d’être. Guy Haley reprend le flambeau de Barrington J. Bayley, qui n’avait pas hésité à s’amuser franchement avec les planètes et cultures convoquées dans ses soumissions BL.

3: La référence en la matière d’utilisation « optimisée » de la tare génétique des descendants de Sanguinius reste Aaron Dembski-Bowden et son At Gaius Point.

Gilead’s Curse (ch. 10) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseRetour à Nuln, où Gilead et son cénacle de sidekicks étaient en train de se racheter une conduite en même temps que de débrouiller l’impossible intrigue enfantée par Abnett et Vincent. Après un neuvième chapitre ayant largement assaini le marigot littéraire que constituait Gilead’s Curse jusqu’ici, la progression vers des lendemains épisodes meilleurs allait elle se poursuivre ou s’enrayer ? Que d’enjeux mes amis, que d’enjeux.

Première surprise, passée la traditionnelle introduction écrite depuis la perspective d’une conteuse proche de casser sa pipe, sorte de générique des tribulations gileadesques et inépuisable réservoir de citations what the fuck, la perspective est placée au niveau d’un groupe de miliciens de Nuln, en charge de la porte Sud de la cité. Notre joyeuse bande de blacknecks était en train de déguster quelques tourtes au mouton, diligemment apportées par leur stagiaire (il faut croire que le concept de stage de découverte de l’entreprise existe également dans l’Empire), quand une mystérieuse charrette se présente à l’entrée de la ville. Mystérieuse d’abord car arrivant très tôt le matin, et hors des jours de marché. Mystérieuse encore car dirigée et tirée par un trio de personnages dont les traits sont dissimulés sous d’épais capuchons. Mystérieuse toujours car contenant des jarres et un sarcophage recouverts de hiéroglyphes. Mystérieuse enfin car laissant derrière elle une traînée de sable là où sont passées ses roues.

Malgré tous ces éléments suspicieux, l’attelage pénètre tranquillement dans l’enceinte de la cité, aidé en cela par le fait que le seul milicien nourrissant quelques doutes sur les intentions de l’équipage (le stagiaire, Surn Strallan de son petit nom), manque de s’étouffer sur un bout de mouton au moment même où il s’apprêtait à attirer l’attention de ses condisciples sur cette fameuse charrette. Sauvé par l’énergique intervention de son supérieur, qui pratique une manœuvre de Heimlich sur son infortuné nervi pour lui dégager la trachée avec un calme olympien, Strallan tente de convaincre ses camarades de se lancer à la poursuite de la carriole, mais ne parvient qu’à négocier la permission de la prendre en filature. Notre héroïque stagiaire se lance donc à la poursuite de la charrette, dont le passage, en plus d’ensabler considérablement les rues de Nuln, semble avoir un effet déshydratant sur les choses et les êtres situés dans un rayon proche, jusqu’à transformer en momie un pauvre enfant des rues ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de la caravane du tour.

Pendant ce temps, Gilead et sa clique poursuivent leur huis clos dans l’auberge investie pour les besoins de leur enquête. N’ayant pas réussi à conserver secrète leur identité, les elfes ont pris le parti de remiser l’aubergiste, guère intéressé par la perspective de servir d’hôte à des non-humains, à l’étage, au grand plaisir de sa fille et bonniche, qui prend le trio à la bonne et lui permet de se servir largement dans les réserves paternelles en récompense du service rendu. Elle-même joue un rôle non négligeable dans la progression de l’intrigue, en démontrant à Gilead qu’il ne pourra rien tirer de Mondelblatt s’il ne lui donne pas plus d’informations sur la nature de sa quête, ce que notre misanthrope elfique semblait jusque-là bien décidé à éviter1. De questions laconiques en réponses absconses, le lecteur parvient finalement à comprendre que la ville de Nuln est parsemée de signes permettant à qui saura les lire d’accéder au lieu d’où le Malaise prend sa source. Briefés par Mondelblatt sur l’apparence de ces signes et leur localisation, les Elfes se mettent rapidement en chasse, Laban raccompagnant Mondelblatt à l’université, Fithvael se coltinant la cartographie des symboles de Nuln, et Gilead, en bon maurassien, étant partout. M’est avis que ça va bientôt chauffer grave.

Après un chapitre neuf de synthèse et recentrage, les Vabnett se permettent de recomplexifier un chouilla leur intrigue, en incorporant à cette dernière un personnage (Strallan) qui a toutes les chances de se révéler important pour la conclusion du récit, éclatant le groupe principal de héros, et introduisant les antagonistes finaux (à défaut d’être finauds) du roman. Rien qui ne soit a priori gérable pour un auteur professionnel, mais vu le passif de nos compères en matière d’embourbement narratif, une saine et honnête suspicion du lecteur est tout à fait légitime, d’autant plus que ce dixième chapitre comporte quelques réminiscences stylistiques que l’on peut relier sans mal aux délires ampoulés de l’arc narratif du Roi des Rats (qu’il brûle en enfer). Qu’il s’agisse d’une exposition savante sur les différents types de terre que l’on peut trouver dans les environs de Nuln ou d’une incapacité chronique à faire passer les informations importantes de manière claire et directe, Gilead’s Curse est encore loin du pic de forme littéraire. Vincent et Abnett réussiront-ils à tirer leur révérence de manière à peu près potable, ou la malédiction qui afflige Gilead se révèlera-t-elle trop puissante pour être vaincue ? Il reste deux numéros pour répondre à cette question ô combien importante (si si).

1: C’est ainsi qu’une humaine inculte de 14 ans remit à sa place un prince elfique pluri-centenaire. Vous entendez ce râle de douleur ? C’est le fluff de WFB qui vient de se prendre un nouveau chassé dans les gencives.

Let the Great Axe Fall (partie II) – G. McNeill [WFB] :

On se souvient que la première partie de Let the Great Axe Fall (un clin d’œil à la hache de Shakespeare et à la pièce de Krell, ou peut-être l’inverse, dixit McNeill himself), s’était conclue sur une parade skavens devant le bivouac de notre expédition punitive pour le bénéfice du seul Sigmar, ses compagnons ayant sombré dans une inconscience suspecte avant l’arrivée des bataillons de ratons. Sauvés de l’annihilation pure et simple par l’intervention du mystérieux Bransùil et de son sourire Colgate, les dormeurs du val finissent par s’éveiller à l’arrivée du jour, et la deuxième partie du diptyque commence par une franche explication de texte entre compagnons de cordée, chacun rejetant sur les autres son inattention qui aurait pu être fatale, tout en cherchant à comprendre par quel miracle il est encore en vie. À ce petit jeu-là, c’est Alaric le Fou qui se montre le plus véhément, son orgueil de Nain et de Maître des Runes étant cruellement blessé par la réalisation qu’il a été ensorcelé, puis sauvé, par un mage humain. Il faut donc toute la diplomatie de Sigmar pour éviter à l’Homme Corbeau une découverte viscérale de la magie des runes majeures naines, démonstration qu’Alaric était tout prêt à offrir à son nouveau camarade de jeu.

Chacun ayant pu trouver glaçon à son slip (variante de chaussure à son pied particulièrement adaptée au monde testostéroné du med-fan), nos héros repartent donc à la chasse au Krell, Bransùil profitant de l’omniscience narrative qui est le trait de classe des mages errants1 pour briefer ses compagnons sur la destination et les motivations de leur proie. On apprend ainsi que le last man standing de la Nagash army a pour but de siphonner l’énergie nécromantique du sépulcre d’un général de Khemri, enterré dans un avant-poste bâti dans le cratère d’un météore s’étant abattu sur les Montagnes Noires il y a des millénaires. Bien que ralenti par la présence des sceaux magiques laissés par les Hiérophantes pour protéger la sépulture des pillards (ainsi que par la nécessité de parapher toutes les pages et de faire précéder sa signature de la mention « lu et approuvé » sur les constats de déprédation lui étant soumis à chaque nouvelle salle), ce n’est plus qu’une question d’heures avant que le champion de Khorne ne parvienne à ses fins, avec des conséquences potentiellement funestes pour le jeune Empire de Ziggie. Fort heureusement pour notre expédition, aucune péripétie notable ne vient ralentir sa progression, et c’est à temps qu’Hommes et Nains pénètrent dans les ruines de la cité nehekharienne, et parviennent à rattraper ce coquin de Krell alors que ce dernier s’apprête à compléter l’ultime formulaire de demande d’un crédit à la dévastation.

S’en suit l’inévitable bataille finale entre nos vaillants héros et ce mauvais sujet non repenti de Krell, dont les capacités martiales et la résistance hors du commun s’avèrent de prime abord être des obstacles majeurs à une conclusion heureuse. Il faudra un enchaînement au sol de toute beauté (frappe brise-casque de Leodan + tir de l’aigle de Mark Landers Cuthwin + danse de la fusion de Sigmar et Alaric + moulage au cristal de Bransùil) pour venir à bout de l’indéboulonnable revenant. Victorieux mais éprouvés, les survivants du raid se replient en bon ordre hors de la nécropole, qui aura la bonté de s’écrouler sur elle-même puis d’être noyée sous les eaux d’un lac conjuré par un nouveau mystérieux sorcier (vêtu d’une peau de loup et manchot, avis aux érudits). Cela n’empêchera pas Heinrich Kemmler de trouver le moyen de ramener Krell à la vie quelques siècles plus tard2, mais en attendant, Sigmar peut clore son épopée McNeillesque avec la satisfaction du devoir accompli.

En guise d’introduction de la critique de cette deuxième et dernière partie de Let the Great Axe Fall, posons d’emblée la question qui fâche : cette nouvelle méritait-elle le traitement de faveur qu’elle a reçu en termes de longueur, ou bien aurait-elle pu être traitée de manière convaincante en une vingtaine de pages, comme la majorité des soumissions de Hammer & Bolter ? Au risque de courroucer les fans du Mac, je penche sérieusement pour la deuxième option, tant la nécessité d’étirer le récit de la traque de Krell au-delà du minimum syndical m’apparaît non justifiée.

J’avais déjà souligné le manque de substance de la première partie de la nouvelle, qui constituait surtout de dialogues entre personnages que McNeill tenait absolument à convoquer du fait de leurs rôles (sans doute) centraux dans la trilogie Heldenhammer/Empire/Godking. J’espérais que la suite du récit serait plus riche en péripéties et en character development (car à quoi bon faire venir toute la smala de Sigmar si ce n’est pour faire évoluer/disparaître au moins certains des individus susnommés ?), mais ces deux attentes sont malheureusement restées vaines.

Certes, l’affrontement promis entre Krell, Sigmar et Alaric s’est révélé être prenant, mais c’était bien le minimum syndical que l’on était en droit d’attendre pour un combat mettant aux prises pas moins de trois personnages nommés du fluff de Warhammer Battle. De plus, McNeill ne s’est pas vraiment foulé pour la mise en scène de cette franche explication de texte, nos héros n’ayant « qu’à » taper sur leur Nemesis en laissant opérer la puissance de leurs armes runiques pour venir à bout de cette dernière. En ce sens, les interventions des sidekicks sigmarites (Leodan, Cuthwin, Gorseth) apparaissent davantage comme opportunes que vitales, ce qui réduit d’autant l’utilité de leur inclusion dans le récit. Ajoutons à cela que toute cette clique de second couteau émerge de Let the Great Axe Fall sans avoir progressé d’un iota (il n’y a que Gorseth qui va peut-être mourir, suite à sa rencontre fortuite avec le coupe-chou de Krell) pour poser à nouveau la question de leur présence dans la nouvelle3. À titre personnel, je m’attendais à ce que Leodan trouve une fin héroïque lors de la bataille finale, vu la présentation que McNeill avait fait du personnage (dernier survivant de son unité, annihilée par les forces de Nagash lors de la bataille de Reiksdorf, obnubilé par la destruction des morts vivants), mais lui aussi termine l’aventure en pleine possession de ses moyens. Les death wish ne sont plus ce qu’ils étaient.

Avant cela, la progression de l’intrigue s’était en outre cantonnée à sa plus simple et littérale expression, nos héros ne faisant rien d’autre que de marcher du bivouac « dératisé » du premier acte jusqu’à la sépulture du général roi des tombes, sans que rien de particulier ne se passe. Ce n’était pourtant pas les occasions de rajouter quelques péripéties qui manquaient, entre la tanière du monstre investie pour se mettre à l’abri des éléments, et l’entrée dans le tombeau nehekharien (civilisation dont l’amour pour les pièges à la con contre les pilleurs de tombe n’est plus à démontrer). À chaque fois, McNeill a commencé à mettre en place les conditions pour qu’un imprévu se produise, avant de laisser tomber en cours de route. Résultat : une deuxième partie de quinze pages, mais dont seule la moitié est digne d’intérêt. Combinées avec la dizaine de pages « utiles » de la première partie, on se retrouve bien avec une nouvelle qui aurait pu être exécutée de manière satisfaisante sur les vingt à vingt-cinq pages qui constituent la norme des nouvelles Hammer & Bolter. Je pense même qu’un « Editor Cut » aurait relevé la qualité de l’ensemble, plombé comme dit plus haut par des longueurs assez dommageables.

Pour conclure, un travail assez quelconque de la part de Graham McNeill, comme il a malheureusement parfois l’habitude d’en produire. Le caractère épique que confère à l’ouvrage la participation d’une tête d’affiche de l’univers WHB, et les quelques éléments de fluff qui en découlent logiquement, ne viennent pas à eux-seuls sauver une nouvelle qui aurait pu être d’un tout autre niveau, si son auteur avait bien voulu s’en donner la peine.

1: Ça et la manie de rappeler à tous ses interlocuteurs le nom de leur père, apparemment. Vachement pratique, surtout quand deux personnes portent le même nom et que l’on veut éviter toute confusion (+1 en Cdt//-3 en Initiative)

2: On le sait peu, mais Kemmler était un apnéiste de haut niveau.

3: Mention spéciale à Wenyld, qui à part brandir haut la bannière de son boss, n’accomplit pas la moindre action constructive de toute la nouvelle.

Angel Exterminatus (extrait) – G. McNeill [HH] :

23. Angel ExterminatusOn termine ce 24ème numéro avec une nouvelle soumission de GMN, cette fois tirée de son roman Angel Exterminatus (2012). Pour ceux n’ayant pas eu le loisir de repasser leur Hérésie (les affreux), ce bouquin relate la quête de Perturabo et Fulgrim pour l’Angel Exterminatus, nom impérial du Maelsaha’eil Atherakhia, demi dieu Eldar convoqué puis combattu par les frères Wesh (EldaWesh et UltraWesh) il y a des éons de cela. Vaincu et exilé hors de la réalité par l’intervention expresse d’Asuryan alors que les jumeaux se faisaient méchamment latter la goule, l’Angel Exterminatus reste une légende vivace chez les Elfes de l’espace, assez en tout cas pour convaincre Lolorus d’envoyer deux de ses frangins tenter de débaucher le bâtard de Khaine. Voilà pour l’introduction. Sachez que maintenant que cette dernière n’a absolument rien à voir avec l’extrait publié dans Hammer & Bolter, et que vous ne verrez ni Pervers Pépère, ni l’autre Primarque1, ni Angèle-Esther-Mina Tuche dans ce dernier. Voili voilou.

Ce qu’on retrouve en revanche dans ces quelques pages, ce sont une palanquée de seconds couteaux Iron Warriors, ayant pour beaucoup d’entre eux eu l’insigne honneur d’apparaître dans l’une des publications précédentes de l’Hérésie d’Horus, voire la geste de Honsou pour les plus coriaces d’entre eux. Citons par exemple le spéciste Kydomor Forrix, tueur de titans et de libellules, son futur boss Barban Falk, pas encore Zeouarsmiss à l’époque, Yves (voir critique de The Iron Without, Hammer & Bolter #17), et jusqu’à ce tourne-casaque de Barabas Dantioch qui a droit à sa petite citation au détour d’une ligne. Tout ce beau monde est en villégiature sur la planète d’Hydra Cordatus et assiège gentiment un bastion auto-cicatrisant tenu par les Imperial Fists. Voilà un synopsis qu’il est original, Graham. On va dire que c’est un clin d’œil à Storm of Iron (l’auto-like, c’est moche tout de même ; les enfants, ne faîtes pas ça chez vous). Alors que Forrix et Falk seraient contents de tailler la bavette en attendant l’arrivée de l’artillerie lourde, et se complimentent mutuellement sur leur capacité à survivre aux épisodes de rage cyclothymique de Perturabo, de plus en plus fréquents depuis la mésaventure de Phall, cet excité de Harkor passe en mode hardcore (haha) et décide de précipiter la fin du siège par une bonne vieille attaque frontale des familles. CA C’EST METAL.

Pendant ce temps, où en tout cas quelques pages plus loin, l’infortuné Capitaine Berossus s’éveille doucement dans la cuve de liquide amniotique qui lui servira de QG pour les dix prochains millénaires. Le pauvre Bébert a eu en effet la mauvaise idée de faire remarquer à son estimé Primarque qu’il était en train de se faire mettre minable par la flotte Imperial Fists, pourtant grandement amoindrie par la survenue d’une tempête Warp et piégée par cette dernière pendant trois mois autour du système de Phall, alors qu’il avait à peu près tous les avantages pour lui. Ce à quoi Perturabo répondit « parle à ma masse », avec des effets assez dommageables sur l’intégralité physique du Blaireau Russe. Cette lente remontée vers la conscience permet à Berossus de se remémorer toutes les fois où il a morflé, ce qui semble avoir été souvent et beaucoup. Chacun ses hobbies. Le passage se termine par l’éveil de notre héroïque boîte de corned-beef, qui a la joie d’apprendre de la bouche du Techmarine Galias Carron qu’il a été upgradé au statut de Dreadnought, ce qui pour un Iron Warrior constitue une vraie promotion. En tout cas, c’est comme ça qu’il devrait le prendre.

Pour finir, retour sur le théâtre du conflit d’Hydra Cordatus, cette fois-ci du côté des gentils. Menés par le Capitaine Felix Cassander, les assiégés se préparent à vendre chèrement leur peau, étant tombés à peu près à court d’expédients pour repousser les attaques des légionnaires de la IVème. Alors que les hommes de Harkor s’élancent à l’assaut, les Imperial Fists déclenchent leur dernier booby trap et s’apprêtent à recevoir comme il se doit la venue de leurs chers cousins. Spoiler, ça va mal se terminer.

Je dois dire que ces quelques pages m’ont donné une opinion plutôt favorable d’un roman de l’Hérésie qui ne m’attirait jusque-là que très moyennement, malgré la présence promise de non pas un, mais deux Primarques. Si McNeill a prouvé quelque chose au cours de ses années de gratte-papier de service de la BL, c’est qu’il savait mettre en scène de belles scènes de sièges, et ce tout premier assaut sur Hydra Cordatus ne fait pas exception à la règle. L’inclusion du ban et de l’arrière-ban des personnages un tant soit peu connus de la IVème Légion ne fait évidemment pas de mal non plus, autant pour les lecteurs familiers avec les tribulations 30K-esques des guerriers de fer que pour les inconditionnels d’Honsou (après tout, Honsou est Honsou). C’est donc un oui de ma part.

1: Je vous défie de trouver qui est qui.

Au final, c’est un numéro assez maigrelet, et sans doute révélateur de la fin prochaine qui attendait Hammer & Bolter dans un futur très proche, que ce #24. Avec une seule nouvelle individuelle sur les quatre soumissions que compte ce numéro, complétée par un chapitre d’un roman globalement médiocre, la conclusion d’une nouvelle en deux parties qui ne le méritait vraiment pas, et un extrait d’un bouquin qui aurait été publié de toute façon et n’a donc pas du coûter grand-chose à intégrer à la maquette, c’est le fond du chaudron de la BL que les éditeurs du webzine sont allés gratter, pour une qualité encore une fois honnête mais sans plus. À la prochaine !

HAMMER & BOLTER [N°23]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette chronique du 23ème numéro de Hammer & Bolter ! L’établissement est heureux de vous proposer un menu littéronomique complet, avec entrée (Bloodline – Swallow), plat (Let the Great Axe Fall (Part 1) – McNeill), dessert (Necessary Evil – Sanders) et café (The Hunter – Lyon). Les amateurs éclairés, majeurs et consentants pourront même se rincer le palais avec notre digestif maison (Gilead’s Curse (Ch. 9) – Abnett & Vincent), enfin de retour après quelques semaines d’absence. Oui, il a toujours ce léger goût de tourbe et de pneu caramélisé, ne vous inquiétez pas. On ne l’aimerait pas autrement, n’est-ce pas ? Tout le monde est bien installé ? Formidable. Ne bougez pas, on s’occupe de vous.

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Bloodline – J. Swallow [40K] :

BloodlineDe retour dans Hammer & Bolter quelques mois après sa première soumission (Redeemed – H&B 16), James Swallow s’empare à nouveau de son chapitre et héros favoris, respectivement les Blood Angels et ce bon vieux Rafen, et livre ce qui se révèle être l’épilogue (pour l’instant) de l’arc narratif Rafenesque (et non pas Rat Fennec), tout en meublant un peu le background d’un autre de ses personnages, l’ingénu Meros, arrière57 grand-oncle du précédent, lui aussi déjà aperçu dans un numéro antérieur de cette auguste publication (Fear to TreadH&B 21). Le lecteur attentif ne manquera pas de faire remarquer qu’une petite dizaine de millénaires sépare nos larrons, ce qui semble compliquer la mise en place d’un contrat de génération entre les deux compères. Alors, comment Swallow s’y est-il pris pour les inclure tous deux dans son Insta Story ? Lisez donc ce qui suit.

Tout commence par un lendemain de cuite très, mais alors très, compliqué pour ce pauvre Raf’, que l’on retrouve immédiatement après les évènements relatés dans Black Tide. De retour sur Baal après avoir recouvré la précieuse fiole contenant le sang de son Primarque, dérobée par ce fripon de Fabius Bile quelques semaines plus tôt, Rafen a tôt fait de sombrer dans un coma éthylique des plus profonds, causé par l’injection inconsidérée du plasma Sanguiniesque dans son organisme, péripétie (apparemment) nécessaire au triomphe béat des BA sur Dynikas V, mais dont les conséquences ne tardent pas à se faire sentir pour notre héros1. Exfiltré en douce jusqu’à la tour d’Amareo, ultime refuge des Anges ayant succombé à la Rage Noire, il fait l’objet d’une tractation bon enfant entre Corbulo et Lemartes, le premier partisan d’un sevrage sévère et le second d’un bolt dans la tête. La méthode douce ayant été retenue, Rafen est expédié en cellule de dégrisement, qui pour les Blood Angels ne sont autres que les sarcophages utilisés pour transformer les minots maigrichons et irradiés de Baal Prime et Secundus en colosses hématophiles. Alors que notre héros se voit incarcérer dans la machine qui l’a transformé en sur-homme des décennies plus tôt, Mephiston, qui passait par là lui jette un regard lourd de sens (et rien de plus, il doit demander plus cher que Stan Lee en terme de caméo) avant de laisser Rafen face à sa destinée. Quel dommage tout de même que les secrets de la dialyse se soient perdus au fil des siècles les copains, ça aurait peut-être été utile dans cette situation.

Il y a très, très longtemps, mais dans la même galaxie, c’est au tour de Meros d’être pris en flag’ d’utilisation de substances prohibées par le Codex. Alors qu’il devait superviser l’évacuation de civils impériaux stationnés sur la planète Octus, l’incorrigible Apothicaire n’a rien trouvé de mieux que de récupérer du crystal auprès du dealer Eldar Noir du coin, et de se le faire injecter en intraveineuse pendant son service. Honteux. Transporté dans un état second jusqu’au flagship BA, il est lui aussi confié aux bon soins d’un caisson de survie, qui se trouve être – roulement de tambour – le même que celui de Rafen (The Touch of Sanguine Dawn2). Coïncidence ? I think not.

Arrive ce qu’il doit arriver, nos lascars se rencontrent au milieu d’un paysage désolé (ressemblant à s’y méprendre à la dune du Pilat), et bien que méfiants envers l’un l’autre, une fragile entente se met en place entre les deux BA, chacun venant à la rescousse de son compagnon d’infortune lorsque ce dernier se fait attaquer par ses Némésis fantasmagoriques (les hordes du marchand de sable pour Rafen, des Raiders en pelures d’épiderme pour Meros – on appelle ça le delirium tremens, les enfants – ). Las, cette coopération instinctive finit par voler en éclats, aux insinuations de possession démoniaque émise par Rafen venant se heurter l’incompréhension indignée de Meros lorsque son comparse lui affirme que Sanguinius est day – cé – day depuis 10.000 ans. Rude. S’en suit un pugilat homérique, couvrant allègrement plusieurs heures selon Swallow (on va dire que le temps s’écoule bizarrement quand on rêve), nos deux héros se claquant le beignet avec une belle énergie, sous le regard bienveillant du Sanguinor qui flotte tel un ballon d’hélium plaqué or au-dessus de la mêlée. Il faudra une nouvelle attaque de goons pour faire réaliser à Rafen qu’il a eu tort de pousser Méméros dans les orties (et inversement) et que c’est leur camaraderie, qui tire son origine et sa force dans le sang qu’ils partagent, qui leur permettra de s’en sortir. Cette leçon capitale apprise, chacun peut retourner à ses pénates, le Sanguinor intervenant juste à point nommé pour empêcher Rafen de spoiler l’Hérésie d’Horus à son condisciple3.

La nouvelle se termine par le réveil de nos protagonistes, Rafen accueilli par son suggar daddy Mephiston à la sortie du jacuzzi, tandis que Meros a le droit à la visite d’Azkaellon en personne, qui lui annonce que les Blood Angels ont hérité d’une mission capitale : la libération de l’amas de Signus. La suite va vous étonner…

Sans conteste la meilleure publication de Swallow dans Hammer & Bolter, Bloodline n’est pas non plus une œuvre mémorable. Parmi les satisfactions à retenir de cette nouvelle, on peut noter l’intéressante mise en perspective du Space Marine 30K (pré-Hérésie qui plus est) avec son homologue du tur-fu, la « naïveté » et « l’optimisme » du premier tranchant sensiblement avec le caractère beaucoup plus soupçonneux et nihiliste du second. Ce qui se conçoit somme toute assez bien, les Blood Angels ayant connu leur lot de déboires depuis la fin de la Grande Croisade jusqu’à l’époque actuelle, peut-être plus que toute autre Légion loyaliste, la perte de leur Primarque, la Soif Rouge et la Rage Noire étant autant de raisons pour les fils de Sanguinius de sombrer dans la sinistrose. Ajoutons un usage généreux de personnages nommés (ce qui est toujours sympathique, même lorsqu’ils ne servent pas à grand-chose dans l’histoire – ce qui est le cas ici –), et quelques éléments de fluff à se mettre sous la canine, et vous obtiendrez une soumission respectable, à défaut d’être emballante. Pas mal pour une dernière.

1: Une maturation de 10.000 ans, ça corse un peu la gnôle du grand-père, c’est connu. Surtout quand il n’y a pas que de la pomme.

2: La légende raconte que ce nom a été choisi en hommage à un ancien texte retrouvé dans les archives de Terra et faisant état d’un élixir merveilleux nommé Malibu Sunrise.

3: Ce qui échoue d’une certaine façon puisque Meros se souviendra sur Signus Prime de l’avertissement émis par son héritier à propos d’Horus, et interviendra pour empêcher le sacrifice de Sanguinius.

Gilead’s Curse (ch. 9) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseIl est des personnes auxquelles des vacances font un bien souverain, et Gilead te tuin Tor Anrok fait assurément partie de celles-là. Le hiatus du numéro 22 de Hammer & Bolter, où nous avions quitté le grand blond à l’humeur noire à sa victoire sur le comte Vampire, a bénéficié à plus d’un titre à notre protagoniste, qui revient frais et dispos terminer son second roman dans les pages du webzine de la BL.

Ayant visiblement pris de bonnes résolutions durant son break syndical et salutaire, Gilou commence le chapitre par une mise au clair de l’intrigue, ce qui ne pouvait pas faire de mal. Quelques grandes questions sont ainsi évoquées et traitées en l’espace de deux pages, permettant à l’histoire de repartir sur des bases aussi saines que possible. Où aller maintenant que les deux antagonistes principaux ont passé l’arme à gauche ? À Nuln. Pourquoi là-bas ? Gilead veut rencontrer un érudit humain, que l’on devine avoir joué un rôle dans le premier tome des aventures du longiligne lymphatique, et qui pourrait avoir des informations sur le « Malaise » (en français dans le texte), nom que Gilead et ses compagnons donne à l’affliction qui frappe le Vieux Monde au moment du récit. C’est ce même Malaise qui a entrainé le décès prématuré de Baneth (de pain Tor Anrok), estimé cousin du héros, et donc provoqué la quête de ce dernier. Et voilà comment on retape une intrigue torte, gourde et contrefaite en moins de temps qu’il n’en faut pour se demander ce qu’il est arrivé à la chaîne alimentaire1. Ce n’est certes pas parfait, mais Abnett ne pouvait pas tout recommencer de zéro, et il s’en est plutôt pas mal sorti. Car oui, la principale cause à la brusque, significative et pour tout dire, inespérée, amélioration de l’état littéraire de Gilead’s Curse relève à mon avis d’un simple changement d’auteur. Je n’ai pas de preuves pour étayer cette hypothèse, mais le ressenti à la lecture est net, et les indices suffisamment nombreux et francs pour que le doute soit permis2.

Nous suivons donc Gilead, Fithvael et Laban dans leur excursion Nulnoise, et aux retrouvailles, cinquante après, entre le flegmatique Haut Elfe et l’éminent docteur Mondelblatt, professeur d’EPC (Ethnologie Physique et Corporelle) à l’université locale. De ce que j’en ai compris, ce dernier était, lors de sa première rencontre avec Gilles-Léhade, un escroc patenté ayant usurpé sa position d’érudit expert es elfologie, et n’avait dû son salut qu’à la coopération de notre héros, qui s’était retenu d’exposer la nullité crasse de Mondelblatt au grand jour. Comptant bien se faire repayer de sa magnanimité passée par quelques informations fraîches sur ce fameux Malaise, Gilead s’introduit donc en douce chez son vieil ami, le tire de son lit et le kidnappe l’escorte jusqu’à un bouge mal famé de Nuln afin d’avoir une petite conversation. Le chapitre se termine par un cliffhanger insoutenable, Mondelblatt semblant bien être en capacité d’aider les Asurs à avancer dans leur quête. C’était moins une.

Vous l’aurez compris, ce neuvième chapitre est, sans conteste, le meilleur du lot par une marge assez confortable. En permettant au lecteur martyrisé dans son intellect et son amour-propre de renouer avec des choses aussi fondamentales qu’une intrigue qui progresse, de la logique, du rythme, et même un peu d’humour (non-involontaire, s’entend), le duo d’auteurs débute la rédemption de son jusqu’ici très décevant roman. Cela n’empêche pas quelques défaillances en cours de route, qu’il s’agisse d’un usage un peu lourdingue de gags peu finauds (Laban qui saute en l’air pour éviter un balayage à coup de serpillière – je sais que ça va vous intriguer, mais ça arrive bien dans le chapitre – et se fracasse la tête au plafond de l’auberge) voire carrément scatologiques (le professeur Mondelblatt qui passe son temps à boire et finit par se faire dessus), un faux-raccord narratif qui aurait pu facilement être évité, nouvelle marque d’un changement probable de rédacteur, un épisode de précipitations, sans doute porteur de sens pour la fin de l’histoire, mais assez cryptique dans sa mise en forme, ou encore les relations assez étranges que se mettent à entretenir la triplette elfique, Gilead débutant un bizutage en règle de Laban, qui se met à jouer à l’ado rebelle (et un peu con, il faut l’admettre), tandis que Fithvael oscille entre obséquiosité servile et camaraderie franche avec son partenaire de crime. Mais ne tirons pas sur l’ambulance quand le pouls du patient repart, ce serait indigne. Nous verrons bien si les derniers tours de piste de Gilead parviennent à racheter son début catastrophique.

1: Et en question existentielle bonus, à quoi servaient les reliques rassemblées par le Roi des Rats (et que Gilead a tout de même passé tout un chapitre à dévisager lors d’un long trip à l’acide) ? Réponse ici.

2: À commencer par l’utilisation de dialogues. Oui, de dialogues. De plus de 10 mots. Et compréhensibles. Du jamais vu dans Gilead’s Curse. Moi aussi, j’ai été choqué.

Let the Great Axe Fall (partie I) – G. McNeill [WFB] :

Cette nouvelle en deux parties signe le retour du gars McNeill dans Hammer & Bolter, après The Iron Without (H&B #17), et comme cette dernière, voit Graham ajouter un chapitre à la saga d’un de ses personnages fétiches plutôt que de partir en free-style avec un tout nouveau héros. Comme le titre ne l’indique pas du tout, cette soumission sera donc consacrée à Sigmar Heldenhammer, fondateur de l’Empire et dernier héritier de celui-ci (how strange), et fait suite à la trilogie que le Mac a dévoué à l’ascension et au règne du He-Man du monde qui fut.

Notre propos commence dans un petit bourg impérial appelé Heofonum, qui de probablement charmant est devenu indubitablement sanglant suite à la visite que lui a rendu ce mauvais sujet de Krell. Laissé « orphelin » par la défaite de Nagash à la bataille du Reik quelques semaines auparavant, le champion mort vivant a en effet décidé de se mettre à son compte et exerce désormais l’honorable profession de livreur Deliveroo dans le sud de l’Empire, en attendant d’avoir assez d’argent pour pouvoir retourner chez lui. Mis en retard par un accident de chars à bœufs sur le périphérique extérieur, Krell arriva avec sa livraison de sashimis 31 minutes après la commande à la porte du client. D’où une mauvaise notation. D’où l’énervement du cadavérique coursier. D’où le massacre en règle de l’entière population de Heofonum, et la constitution d’une pyramide avec leurs têtes écorchées. Tout cela est fort logique somme toute, c’est vraiment la faute à pas de chance.

Circonstances atténuantes ou non, le fait ne peut pas rester impuni, d’autant plus que Krell est un multi-récidiviste en la matière. Il revient donc à Sigmar, accompagné d’une poignée de ses plus fidèles lieutenants, de mettre un terme aux meurtriers maraudages du revenant. Rejoint par Alaric le Fou et son escorte, l’Empereur prend le chemin des Voûtes sur les traces de sa proie, en profite pour s’initier aux joies de la géologie, mais également pour faire la connaissance d’un mystérieux sorcier, dont la connaissance du dentifrice et des arcanes de l’illusion permettront à notre petit groupe d’améliorer leur hygiène bucco-dentaire, mais également d’échapper à l’annihilation lorsque leur bivouac reçoit la visite impromptue d’une colonne de skavens.

Assez indolente en termes de rythme et de péripéties, cette première partie est davantage consacrée à la description des conséquences de l’attaque de Nagash pour les principaux personnages de la trilogie Heldenhammer//Empire//Godking, plus ou moins marqués par l’épisode. Les premières pages sont ainsi centrées sur Wenyld et Cuthwin, guerriers Unberogen et compagnons de la première heure de Sigmar, qui lui-même ne fera son apparition qu’au quart du récit. Nul doute que les lecteurs de la saga de McNeill apprécieront ce suivi, les autres devant patienter un peu pour voir les VIP (very important protagonists) en action. Cette action consistant en recueillement, équitation et douche écossaise pour Ziggie, et en conférence magistrale et ronflements pour Alaric, il n’y a guère que les petits bouts de fluff éparpillés dans le récit qui justifient sa lecture. Let the Great Axe Fall ? Plutôt Let’s get this Thing Started pour le moment.

The Hunter – G. Lyon [WFB] :

Baptême de l’encre pour Graeme Lyon (à ne pas confondre avec Steve Lyons) dans Hammer & Bolter, avec ce qui constitue certainement le plus court des courts formats publiés dans ces pages. À noter que notre homme s’est fait une spécialité des publications concises, son catalogue Black Library, déjà assez fourni, ne comprenant que des nouvelles, écrites pour à peu près toutes les franchises GW (il y a même du Blood Bowl !).

Du haut de ses quatre pages, The Hunter convie le lecteur à une traque écrite à la première personne dans l’atmosphère oppressante d’une forêt du Vieux Monde. Lancé sur la piste d’un groupe d’intrus ayant pénétré sur ses terres, le Chasseur devra mettre à profit toute sa science et son habileté pour espérer triompher de ce combat inégal.

Lyon conclut son propos par un twist final assez bien amené (le Chasseur est un Homme-Bête, et ses proies sont des humains, alors que les descriptions des uns et des autres laissaient jusque-là présager du contraire), ce qui fait de The Hunter une des rares nouvelles écrites du point de vue d’un représentant d’une race « non-civilisée ».

Necessary Evil – R. Sanders [40K] :

Necessary EvilContributeur régulier de Hammer & Bolter au cours de la première année du webzine (The Iron Within, The Long Games at Carcharias), Rob Sanders revient conclure ce 23ème numéro avec une nouvelle au titre peu inspiré, à mi-chemin entre le Bitter End de Sarah Cawkwell et le Lesser Evils de Tom Foster, deux soumissions n’ayant pas beaucoup contribué à élever le niveau de H&B. Alors, le sieur Sanders est-il arrivé cette implacable loi de la BL, voulant qu’à titre bateau, récit médiocre ? Voyons ça.

Débarqué sur le monde de Nereus grâce à sa connaissance de la Toile et les bons services de l’Atlas Infernal, l’Inquisiteur Bronislaw Czevak a peu de temps pour localiser et détruire un RCA (random chaotic artifact) avant que ce dernier ne tombe entre de mauvaises mains, ici celles de cette fripouille d’Ahriman, insistante Nemésis de notre héros. Cette mission, déjà peu simple, se trouve encore compliquée par la position de Nereus, monde dépotoir obligeamment placé à la sortie d’une faille Warp nommée The Craw, et à la surface duquel s’écrasent avec régularité les épaves de vaisseaux malchanceux. Ajoutez à cela la présence de quelques entités démoniaques, convenablement sustentées par la proximité de l’Immaterium, et vous obtenez un théâtre d’opérations assez délicat. Sauf que Bro’ n’a pas le temps. Mais alors, pas du tout le temps.

Necessary Evil s’affranchit donc rapidement de ce détail que l’on nomme progression narrative, et prend le plus rapide chemin vers sa conclusion logique, sacrifiant au passage toute crédibilité sur l’autel de l’efficience pure. Quick and dirty style. Revenons donc vers Czevak pour prendre mesure de l’ampleur de la catastrophe : à peine arrivé sur Nereus, il manque de se faire écraser par un navire en perdition terminant sa course sur la planète, et, blessé au cours de la collision, se fait cueillir par une équipe des récupérateurs qui constituent la population locale. Resté inconscient pendant dix heures, il finit par se réveiller, obtient un entretien avec le chef de la colonie et avertit ce dernier de l’arrivée prochaine d’une expédition Thousand Sons, à la recherche du Bacillum Formidonis, le Crozius Arcanum de l’Apôtre Noir Rhadamanthys, capable de rendre toute armée chaotique invincible. Devant la fin de non-recevoir ferme et polie que son interlocuteur lui oppose, Czevak trouve la relique par un horrible coup de chance trente secondes plus tard, la balance dans l’océan et s’en va avec le sentiment du devoir accompli, laissant les colons de Nereus, qui se révèlent être noyautés par un culte Genestealer, s’expliquer avec les sbires d’Ahriman. Et voici comment on sauve l’Imperium de la destruction en vingt minutes bien pesées les enfants. Prenez-en de la graine, groupies de Guilliman.

Séquelle (dans tous les sens du terme) du roman consacré par Sanders à l’inquisiteur Czevak, Necessery Evil est très loin d’être le travail le plus réussi de son auteur. L’approche cavalière que ce dernier a de son propos, tant au niveau de la construction du récit (particulièrement bien illustré dans cette réponse lapidaire du Cze à une question pleine de bonne sens de son hôte) que du respect des convention de fluff (le moindre clampin de Nereus connaît l’existence des Thousand Sons) finit par donner à la nouvelle un faux air d’épisode de Dr Who ou de Stargate, ce qui est faire injure à la richesse du background de 40K et au talent d’écrivain de Sanders, jusque-là plutôt bon dans ce qu’il faisait pour le compte de la BL. Un vrai coup de moins bien donc, sans conséquence pour la suite espérons-le.

Au final, ce 23ème numéro se caractérise par un centre de gravité « qualitatif » très ramassé autour d’une honnête, mais peu enthousiasmante, moyenne. Derrière cette terminologie jargonneuse et barbare, un constat implacable : ceux de qui on pouvait espérer les meilleures soumissions (McNeill, Sanders) ont globalement déçu, alors qu’à l’inverse, les cas plus désespérés (Swallow, Gilead’s Curse) ont relativement surperformé. En résulte un recueil absolument passable, et dont la lecture ne se révèle donc en rien nécessaire, si vous voulez mon avis. Ite, critica est.

THE COLD HAND OF BETRAYAL [Recueil WFB]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles The Cold Hand of Betrayal, publié en 2006 par la Black Library (bien que le cover art suggère une sortie bien plus ancienne) et comprenant 9 courts formats. Comme souvent avec les titres d’ouvrage BL, The Cold Hand… n’a pas comme fil rouge éditorial la trahison (pas plus que d’habitude dirons-nous), ni une quelconque fixation sur la température des mains de ses protagonistes (ça, ça aurait été un choix fort).

Tableau Betrayal

Mis en forme au moment de la Tempête du Chaos, dernière campagne de grande ampleur à portée narrative organisée par GW pour Warhamme Fantasy Battle, The Cold Hand… comporte son lot de nouvelles reliées plus ou moins étroitement à cet événement majeur (ou qui aurait du l’être) du fluff du Vieux Monde. On y retrouve également des récits beaucoup plus exotiques en termes de localisation, puisque le lecteur est transporté des Steppes Orientales à Klar Karond, en passant par l’Arabie et l’arrière-pays de Miragliano. Au niveau des contributeurs, McNeill, Kyme et Werner font office de têtes d’affiche, en compagnie de quelques seconds couteaux plus ou moins connus (Troke, Savile, Ralphs, Ford) et du grand et petit Robert (Allan et Baumgartner), illustres inconnus de leur état.

The Cold Hand of Betrayal

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Kinstrife – G. McNeill:

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INTRIGUE:

Kinstrife propose au lecteur de suivre la quête vengeresse de deux frères Asurs, Eldain et Caelis, jusqu’aux chantiers navals de Clar Karond. Il s’agit en effet pour nos frangins de faire payer aux servants du Roi Sorcier la mort de leur paternel, décédé des suites de la consommation d’un œuf de sang-froid avarié d’une blessure infligée par un assassin Druchii. McNeill intercale dans la narration de la conduite de cette expédition punitive quelques flashbacks venant expliquer pourquoi Eldain ne peut pas blairer son petit frère, coupable entre autres de lui avoir volé sa promise à la faveur d’un trek romantique interrompu par un trio d’Ombres en goguette, tandis que lui suait sang et eau pour faire rouler l’affaire familiale. Ajoutez à cela le fait que Caelis pique dans la caisse pour financer ses virées shopping chez Abercrombie avec ses potes de Lothern, et vous comprendrez pourquoi les relations entre nos deux loustics sont assez tendues. Cette rivalité latente empêchera-t-elle les Hauts Elfes de mener à bien leur mission ?

AVIS:

Sur ce canevas somme toute assez classique, McNeill arrive à trousser une nouvelle correcte et assez rythmée, en particulier pendant l’attaque sur les docks de Clar Karond. Si les passages en flashback se révèlent globalement moins bons que les autres, surtout parce qu’ils sont majoritairement consacrés à la description du triangle amoureux Eldain-Rhianna-Caelis, je reconnais qu’ils permettent à l’histoire de conserver un peu de suspense jusqu’au bout, l’auteur prenant bien soin de distiller ses révélations avec un talent consommé.

Cependant, la plus grande réussite de McNeill dans Kinstrife (dont le titre, qui peut être traduit comme « combat familial » ou plus élégamment « une affaire de famille », révèle en partie l’issue) reste à mon sens le doute qu’il laisse planer quant à l’identité du frère qui va le premier trahir l’autre, en multipliant les indices de duplicité potentielle pour les deux partis en présence. Dans un sens, Kinstrife peut donc être rapproché de Three Knights, autre nouvelle de McNeill où l’ennemi n’est pas forcément celui que l’on croit. Même si la seconde surpasse la première à mes yeux, Kinstrife est assez finement écrite pour que le lecteur ne regrette pas de s’y être plongé. On peut certes déplorer le caractère too much de certaines scènes (en particulier celle où Caelis coule en deux traits de baliste une Arche Noire, appelons ça le syndrome Legolas), à mettre au crédit de l’elfophilie patentée de McNeill, mais bon, il faut bien faire rêver le fanboy.

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Small Mercy – R. Ford:

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INTRIGUE:

Courte nouvelle écrite et publiée pour accompagner la campagne Storm of Chaos, Small Mercy retrace les deux évènements les plus importants de la vie du Capitaine impérial Bauer : la soirée où, encore enfant, une bande de Kurgans en rogne a massacré tous les occupants de l’auberge fortifiée où il avait ses habitudes (on commence à boire tôt dans l’Ostermark) ; et l’après-midi où il a, par le plus grand des hasards, de nouveau croisé le chemin du chef Maraudeur qui lui avait laissé la vie sauve vingt ans plus tôt.

AVIS:

La tentative de Ford d’inscrire sa nouvelle dans la grande histoire de Storm of Chaos, pour louable et documentée qu’elle soit (notion du village de Sokh, lieu de l’affrontement final entre les armées d’Archaon et l’ « Alliance de la Lumière » – quel nom pourri tout de même – ), ne s’avère toutefois guère concluante. On est loin de ressentir le souffle épique présent dans les comptes rendus de campagne rédigés par Gavin Thorpe (un exercice dans lequel il était très bon, reconnaissons-le), où armées gigantesques et héros légendaires luttaient pour le destin du Vieux Monde, Ford préférant centrer son propos sur les déboires d’une petite bande d’impériaux cherchant tant bien que mal à rejoindre ses lignes après une tentative peu concluante d’arrêter la Horde d’Archaon, sans passer par la case démembrement. Même si ce choix est compréhensible, je trouve dommage que l’auteur n’ait pas voulu (ou pu) jouer sur le côté épique de l’évènement pour contenter le fanboy qui sommeille en chacun de nous. C’était l’occasion pourtant.

Plus important, les personnages principaux de Ford (Bauer, son supérieur, le général Metzger, et le chef Maraudeur fan de Patrick Bruel1) ont à peu près autant de profondeur qu’un PNG donneur de quête dans la zone didacticielle de WOW. Si Bauer et son pote nordique pêchent surtout par leur inaction au cours de la nouvelle (Bauer passe son temps à essayer de trouver du charisme et à servir de sidekick à Metzger, le chef Maraudeur ne fait lui que sourire d’un air benêt et se faire casser la gueule d’un bout à l’autre du récit), Metzger, lui, crève littéralement les pages à force de détermination fanatique et d’actions sanguinaires, à tel point que je me suis demandé si le twist final de Small Mercy n’était pas son passage dans les rangs adverses, où il aurait fait un parfait Elu de Khorne. Même si le joueur de l’Empire que je suis est toujours content de lire des nouvelles où les personnages impériaux ne se font pas systématiquement réduire en bouillie par le premier stagiaire Aspirant Champion du Chaos venu, je pense sincèrement que Ford a un peu trop forcé le trait avec Metzger (en même temps, ça veut dire boucher en allemand), qui tient plus du Taz sous amphétamines que du général impérial.

Le dénouement de la nouvelle2, enfin, sans tomber aussi à plat que celui de The Rat Catchers Tail, est insuffisamment étayé par l’auteur, dont on devine la logique tout en regrettant qu’il n’ait pas plus soigné son approche.

En conclusion, un texte sans beaucoup d’intérêt, plus quelconque que réellement mauvais, mais guère distrayant. À délaisser sans arrière-pensées.

1 : On s’était dit rendez-vous dans 20 ans/ Même jour même heure mêmes pommes/On se r’verra pour la Fin des Temps/Sauf si j’ai été drafté par Crom

2 : Les impériaux en fuite tombent sur une bande de Maraudeurs menée par la vieille connaissance de Bauer, qui reconnaît ce dernier (merci Copains d’Avant) et lui tend la main au lieu de le trucider sur le champ. Ces émouvantes retrouvailles sont malheureusement interrompues par Metzger, qui réduit le Kurgan en pulpe à mains nues (si si), met en fuite ses suivants, et fait pendre Bauer pour connivence avec l’ennemi.

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Perfect Assassin – N. Kyme:

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INTRIGUE:

Kyme entraîne ses lecteurs dans la cité tiléenne de Luccini, sur les traces de Rannick, alias l’Ombre Vivante (the Living Shade), l’auto-proclamé « Roi des Assassins ». Notre héros doit faire face à la concurrence d’un petit nouveau dans la profession (le Corbeau Noir/Black Crowe), dont les récents exploits menacent sa réputation et son statut. Conscient qu’il doit frapper fort pour rappeler à tous qu’il est le patron, Rannick décide d’exécuter un contrat sur lequel huit autres confrères se sont déjà cassés les dents (et la pipe, par la même occasion) : assassiner le comte Banquo Degusta.

AVIS:

Enthousiasmé par son sujet, Nick Kyme met en scène une ménagerie de personnages très hauts en couleurs, un assassin tiléen ne pouvant être à ses yeux qu’un individu flamboyant exerçant son art de la manière la plus baroque possible (mention spéciale à « l’Artiste », qui exécute ses contrats en poignardant ses victimes avec une plume empoisonnée, puis utilise leur sang pour dessiner leur cadavre). Mis à part son insupportable suffisance, Rannick apparaît toutefois comme assez pragmatique en comparaison de la majorité de ses collègues, ce qui rend la lecture de la nouvelle supportable.

Tout à son souci de régaler ses lecteurs avec des mises à mort tarabiscotées, Perfect Assassin pêche franchement par son manque de vraisemblance, peut-être totalement assumé par l’auteur, mais plus probablement conséquence malheureuse de la volonté de Kyme d’en faire des caisses pour impressionner la galerie. De l’empoisonnement indétectable commis par un tueur insaisissable dont tout le monde connaît pourtant le déroulement précis, jusqu’au meurtre final dont la mise en œuvre comporte environ 43 étapes et dépend en grande partie des choix effectués par la victime, en passant par l’usurpation d’identité de plusieurs mois d’un notable très influent sans que personne ne perce à jour l’imposteur, c’est un véritable festival WTF auquel le lecteur est convié. À trop vouloir être cool, Nick Kyme enchaîne les bourdes avec la constance d’un scénariste de série B, tout cela afin de (mal) légitimer le twist final de sa nouvelle. C’est ce qu’on appelle ne pas avoir les moyens de ses ambitions.

Pour résumer, ce n’est pas Perfect Assassin qui viendra faire de l’ombre à Where Walks The Mardagg, qui demeure le texte de référence pour tous les amateurs d’intrigues tiléennes. Digeste, sans plus.

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Sickhouse – C. L. Werner:

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INTRIGUE:

Sur la piste du voleur Riano, parti se planquer dans l’arrière-pays de Mirigliano après ses derniers exploits, Brunner se retrouve contraint de coopérer avec un collègue chasseur de primes (Sabarra), lui aussi à la recherche du fugitif. Frappée de plein fouet par une épidémie de varicelle fièvre rouge, la région grouille en effet de cultistes de Nurgle menés par leur zozotant champion Pulstlitz, bien décidé à raser l’hospice de Shallya local pour la plus grande gloire de papy Prout.

Un peu barbouillé suite à un échange de fluides avec un Pestigor très entreprenant, Brunner n’a d’autre choix que de se rendre lui aussi à l’hospice en question, où il tombe sur une vieille connaissance (Elisia), lui tenant toujours un peu rigueur de l’avoir utilisée pour mener à bien un contrat précédent. L’inflexible chasseur de primes réussira-t-il à vaincre Ebola à temps pour empêcher les cultistes de pourrir la moquette du lieu saint avec leurs gros pieds boueux ? Parviendra-t-il à recoller les morceaux avec Elisia ? Le lance-harpon utilisé par Sabarra sert-il vraiment à quelque chose ? Pulstlitz est-il seulement capable de prononcer son nom correctement ? Autant de questions dont les réponses peuvent être trouvées dans la suite de Sickhouse.

AVIS:

Werner prouve une nouvelle fois qu’il maîtrise parfaitement le genre de la nouvelle sérialisée, en faisant vivre à son héros une aventure finement menée et impeccablement rythmée. Il prend en outre le temps de développer le caractère et la psychologie de ses personnages, qui se distinguent en conséquence des légions de stéréotypes à peine nommés qui constituent une part importante des protagonistes des publications de la BL. L’auteur justifie également les actions et les choix de ses personnages de manière claire et cohérente1, ce qui est toujours appréciable et dénote un savoir-faire consommé, l’abus de TGCM/WIJH2 étant une autre tare récurrente dans les écrits de ses petits camarades de jeu. Enfin, dans la catégorie « writer skills », on notera le soin avec lequel Werner replace Sickhouse dans le contexte de la série Brunner, Bounty Hunter (en relatant par exemple la précédente rencontre entre BBH et la douce Elisia), ce qui permet de profiter de cette nouvelle sans avoir nécessairement lu les précédentes. Certains considèreront que les bons points distribués dans ce paragraphe devraient aller de soi (sans doute à raison), mais le niveau des contributeurs de la Black Library est si hétérogène qu’il est toujours bon de saluer le travail d’un vrai professionnel.

Par ailleurs, j’ai apprécié les références faites par ce matois de C.L. Werner à l’univers du western dans sa nouvelle, en particulier aux deux derniers films de la Trilogie des Dollars (Et pour quelques dollars de plus – Le Bon, la Brute et le Truand). Sabarra est ainsi décrit comme une sorte de Lee Van Cleef tiléen, tandis que Brunner joue les Clint Eastwood de service, les dialogues entre les deux se révélant tout à fait dans le ton de ceux du film de Sergio Leone. Le passage où Sabarra est contraint d’amener Brunner à l’hospice de Shallya afin que ce dernier consente à lui dire où se cache le voleur en fuite est également une réjouissante pastiche de la traversée du désert de Blondin et Tuco3.

Nerveux, crédible, sombre et caustique, Sickhouse est le genre de nouvelle pour lequel on s’obstine à lire des bouquins de la Black Library, le genre de nouvelle que Warhammer Fantasy mérite.

1 : Par exemple, il prend bien soin d’expliquer pourquoi Elisia, qui déteste Brunner, décide de donner à ce dernier un peu de l’incommensurablement précieuse « eau de vie » (au premier degré) de Shallya, normalement réservée à l’usage exclusif des membres du clergé de la déesse. Qui plus est, il donne une raison bassement terre à terre pour justifier cet acte, ce qui ne le rend que plus crédible. Elisia est en effet consciente que laisser mourir Brunner alors qu’elle a la possibilité de le sauver, uniquement parce qu’elle lui en veut, irait à l’encontre des enseignements de Shallya. C’est donc pour éviter d’être hantée jusqu’à la fin de ses jours par cette « mauvaise action » qu’Elisia décide de sauver la vie du chasseur de primes. Comme elle le dit elle-même : « I am too selfish to let you die ».

2 : TGCM = Ta Gueule, C’est Magique. Ou comment utiliser la nature « magique » de la fantasy pour masquer le fait qu’on n’a jamais réfléchi à certains problèmes (généralement très prosaïques).

Exemple :

« Comment les Hordes du Chaos peuvent-elles être aussi nombreuses, alors qu’elles viennent de steppes désolées et glacées peuplées de créatures monstrueuses et de démons, et passent leur temps à se battre entre elles ? »

« TGCM »

WIJH = Well, It Just Happened. Ruse scénaristique utilisée par les auteurs médiocres pour insérer des péripéties rocambolesques dans leurs histoires sans se soucier de leur vraisemblance.

Exemple :

« WIJH qu’un ordre entier de chevaliers impériaux passait à proximité de (ou plutôt, s’est matérialisé dans) Helmstrumburg pile au moment où la ville était sur le point de tomber aux mains des Hommes-Bêtes. »

3 : Original : “I’ll sleep better knowing my good friend is by my side to protect me.” Hommage: “You should start praying again. Pray now that I recover.”

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In the Service of Sigmar – A. Troke:

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INTRIGUE:

Chargé par un chasseur de sorcières de l’infiltration d’une cellule hérétique à fins de collecte de preuves des odieux agissements des cultistes, l’écuyer Lukas Atzwig (auquel le Maître de l’Ordre du Marteau a promis l’adoubement auquel ses basses extractions l’ont empêché de prétendre jusqu’ici en cas de succès) réussira-t-il à mener à bien sa mission sans se faire repérer par ses nouveaux acolytes ?

AVIS:

Disons-le tout net : Adam Troke est bien meilleur comme rédacteur de livres d’armées que comme auteur de nouvelles de fantasy. À l’image de son héros, le pataud et naïf Lukas, dont la tentative de se faire passer pour un cultiste est à peu près aussi convaincante que la mort de Marion Cotillard dans le dernier Batman1 (et réussit uniquement parce que les séides du grand méchant se partagent un neurone d’oursin dégénéré et alcoolique), In the Service of Sigmar essaie de se faire passer pour un récit de suspense et d’aventures dans l’univers gothique de Warhammer, mais brille plutôt par son absence de rythme et de vraisemblance, ainsi que par sa conclusion totalement téléphonée (reprise par Tom Foster dans son Lesser Evils, autre nouvelle d’un niveau assez faible).

1 : « Oh, mais ce sont des enfants que vous retenez prisonniers dans ces cages ! »
« Bah oui, c’est le seul moyen de paiement accepté par nos partenaires. On a bien essayé de leur faire un chèque, mais ils n’ont p-»
« C’est intolérable, je vous ordonne de les libérer sur le champ ! »
« Euh, comment te dire? Va te faire mettre. »
« Mais mais mais… Vous êtes méchants ! »
« Bah oui. Pas toi ? »
« Bien sûr que n- oui ! Héhé. Où avais-je la tête ? Je suis un méchant très méchant. Graou graou. »

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Blood and Sand – M. Ralphs:

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INTRIGUE:

Ralphs situe son propos dans la ville arabienne de Zarekten, pendant les croisades menées par l’Empire et la Bretonnie contre le sultan Jaffar. Une bande de prisonniers impériaux tire parti de l’arrivée de l’armée du prince Friedrich Weiss sous les remparts de la cité afin de mettre à exécution leur tentative d’évasion, dont le succès pourrait bien faire pencher la balance du côté des assiégeants. Mais tous les conjurés sont-ils vraiment dignes de confiance ?

AVIS:

La plus grande force de Blood and Sand est de retranscrire fidèlement l’atmosphère des croisades (à dire vrai, le seul élément fantasy de la nouvelle est la présence d’un dragon des sables dans la ménagerie de l’émir) et la mentalité de leurs participants, tiraillés entre quête de spiritualité, rêves de gloire et de conquête, ou plus prosaïquement, le simple désir de survivre à une aventure dans laquelle certains ont été entrainés à leur corps défendant. Ralphs prend bien soin de ne pas choisir son camp entre Impériaux et Arabiens, chaque faction comptant des personnages sympathiques et d’autres totalement abjects, renforçant ainsi la tension narrative et empêchant le lecteur de deviner (trop, soyons réalistes) à l’avance quelle sera l’issue de la nouvelle.

En revanche, l’auteur éprouve quelques difficultés à faire se différencier ses nombreux protagonistes, en particulier les esclaves Impériaux candidats à l’évasion, parmi lesquels seules les figures de Tomas (chef de la petite bande) et Drager (le « collabo » de l’équipe, qui préfère sa nouvelle vie de prisonnier privilégié à son ancienne carrière de soldat) se démarquent. Les scènes d’action ne sont également pas au-dessus de tout reproche, la volonté de Ralphs de suivre plusieurs personnages à la fois en multipliant les micro paragraphes donnant à la baston finale un côté assez artificiel, et plus descriptif qu’épique.

Au final, une nouvelle agréable sur une période et une région du monde de Warhammer assez peu couvertes par le background officiel : que demande le peuple ?

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Son of the Empire – R. Allan:

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INTRIGUE:

Un chevalier panthère vole à la rescousse d’un hospice de Shallya menacé par une bande de Maraudeurs du Chaos. Seul contre tous, le preux Ulgoth parviendra-t-il à protéger ses charges ?

AVIS:

Enfin une nouvelle avec un twist final réussi, ou en tout cas, plus réussi que la moyenne des publications de la Black Library. La mise en scène étudiée et intelligente de Robert Allan permet au subterfuge d’opérer jusqu’à la révélation finale, dont le contenu était pourtant annoncé par une série de petits indices disséminés par l’auteur tout au long du récit (la voie royale quoi). Son of the Empire est une nouvelle qui mérite donc au moins deux lectures : la première pour découverte, et la seconde pour confirmation.

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The Daemon’s Gift – R. Baumgartner:

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INTRIGUE:

De retour de Middenheim avec les survivants de leurs tribus, Aelfir et Khojin, deux champions de Tchar (Tzeentch), regagnent le village du premier afin de passer l’hiver. L’alliance entre Ornings et Tarkhals est toutefois mise en péril par lla disgrâce du père d’Aelfir, laissant la place de chef de tribu vacante. Qui des deux anciens frères d’armes parviendra à faire sien le présent du démon?

AVIS:

Avis aux amateurs de sagas épiques : The Daemon’s Gift tranche fortement avec le style habituel de la Black Library, et vient plutôt lorgner du côté de la geste de Beowulf et des écrits de Robert Howard (Conan le Cimmérien), pour un résultat assez dépaysant. Ajoutez à cela l’approche quasi anthropologique adoptée par Baumgartner, qui immerge son lecteur dans le quotidien d’une communauté mêlant Kurgans et Norses (notamment en mettant en scène un mariage au milieu de la nouvelle), et vous obtenez un petit OVNI littéraire, dont la déclinaison en roman aurait été sans doute intéressante. Malheureusement pour les curieux, la collaboration entre Baumgartner et la BL semble se restreindre à cette seule publication.

L’une des raisons principales justifiant la lecture The Daemon’s Gift est la justesse avec laquelle l’auteur arrive à retranscrire la mentalité des habitants du Grand Nord du Vieux Monde, et en particulier leur rapport avec les divinités qu’ils adorent. Loin d’être dépeints comme des fanatiques écumants, les personnages de Baumgartner essaient de concilier les (nombreuses) intrusions du surnaturel dans leur vie quotidienne1 avec leurs aspirations personnelles, pas si éloignées de celles de leurs semblables « civilisés » (se marier, développer sa cité, augmenter son prestige, etc).

On regrettera par contre la narration un peu heurtée du récit, ainsi que la mise en contexte lacunaire de ce dernier, qui vient conclure une série d’évènements sur lesquels Robert Baumgartner passe très vite. On peut considérer que ce flou ajoute au charme exotique de The Daemon’s Gift (et ne nuit en outre pas vraiment à la compréhension), mais comme je passe mon temps à reprocher la même chose aux autres nouvelles de la Black Library, mon sens de l’équité m’empêche de ne pas relever sur ce manquement apparent.

1 : « Tiens, le rituel du chef a merdé et toute la population s’est faite possédée par des démons. »

« Bon, bah je suppose qu’il va falloir faire un détour pour aller chercher le pain. »

« Ah, et l’envoyé de Tzeentch est passé pendant le banquet. Il était plutôt en rogne et a transformé le chef en enfant du Chaos, qui doit encore rôder dans la ville à lheure qu’il est. »

« Quel farceur alors, ce Jormunrekkr Ornsbane ! Tu feras attention en sortant le chien ce soir. »

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Death’s Cold Kiss – S. Savile:

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INTRIGUE:

Témoin des derniers moments d’Otto van Drak et de la prise de pouvoir de Vlad Von Carstein, le prêtre de Sigmar Viktor Guttman fuit le château de Drakenhof, mais le nouveau baron de Sylvanie ne l’entend pas de cette oreille. Contaminé par la morsure d’un des séides de Vlad, Guttman arrivera-t-il à maîtriser ses nouvelles pulsions, ou deviendra-t-il pareil à ceux qu’il a juré de combattre ?

AVIS:

Si Death’s Cold Kiss est tout à fait lisible et s’avère plus soigné que Curse of the Necrach, tant sur le fond que sur la forme, on peine par contre à discerner l’objectif poursuivi par Savile au moment de son écriture. Il ne s’agit en effet ni d’un récit d’action (le plus gros du texte étant consacré aux discussions entre les deux acolytes de Guttman sur le sort à réserver à l’abomination que ce dernier est devenu), ni d’horreur (Guttman reste gentiment enfermé dans le sous-sol du temple, à lire Twilight en écoutant de la K-Pop à rêver qu’il visite les chambres d’accortes jeunes filles – ce qu’il devait déjà faire avant d’être mordu, si vous voulez mon avis – ), ni d’investigations (tout le monde est sûr que Guttman est responsable de la flambée de morts suspectes qui frappe Drakenhof depuis la mort du vieux comte1), mais plutôt d’une sorte d’introduction au roman Inheritance, mettant en scène des personnages que Savile utilisera dans le reste de sa saga : les chasseurs de vampires Skellan et Fischer1, ainsi que Vlad et ses suivants Posner et Aigner.

En définitive, Death’s Cold Kiss constitue davantage une sorte de scène coupée de la version longue d’Inheritance qu’une véritable nouvelle. En cela, sa lecture est recommandée à tous ceux souhaitant donner sa chance à la trilogie Vampire Wars, mais tout à fait dispensable pour le tout-venant.

1 : Et c’est là que le lecteur devra prendre une décision en son âme et conscience. En effet, Savile ne précise pas vraiment si Guttman est bien devenu un vampire, même s’il révèle qu’il n’est pas responsable de la mort des jeunes filles de sa paroisse. Skellan est lui certain que le prêtre n’est rien de plus qu’un vieux fou, preuves à l’appui, ce qui ne l’empêche pas de le tuer (juste pour être sûr), et ce qui n’empêche pas Guttman de se « réveiller » après avoir été poignardé en plein cœur. To be or not to be (a vampire) that is the question.

2 : Il est intéressant de noter que Savile remplace Skellan et Fischer par deux autres chasseurs de vampires (Metzger et Ziegler) dans la version de la nouvelle publiée dans l’omnibus Von Carstein. Les évènements de Death’s Cold Kiss et Inheritance se déroulant à plus de deux siècles d’intervalle, il était en effet impossible que nos deux compères soient présents dans l’un et l’autre. Changement de pitch entre la rédaction des deux textes, ou simple bourde chronologique ? On ne le saura sans doute jamais.

REALM OF CHAOS [Recueil WFB]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles Realm of Chaos, publié en 2000 par la Black Library et proposant 12 courts formats plutôt centrés sur l’Empire, Kislev et Marienburg (9/12).

Realm of Chaos

Parmi les soumissions dignes d’intérêt, la doublette consacrée par Andy Jones à ses croquignolesques Maraudeurs de Grunnson (Grunnson’s Maraudeurs; Paradise Lost) justifie à elle seule l’achat du bouquin. Dans la même veine sérialisée, la double ration de Bande de Badenov (The Hounds of Winter; Dark Heart) est beaucoup plus quelconque. Enfin, l’inusable Gavin Thorpe nous gratifie du premier texte de la série Time of Legends, sans doute sans en avoir conscience, une bonne décennie avant que le concept ne soit lancé par les pontes de la BL (Birth of a Legend). Quel homme.

Realm of Chaos

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Birth of a Legend – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Birth of a Legend relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.

2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS:

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour Aenarion, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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The Hounds of Winter – J. Green:

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INTRIGUE:

Alors qu’ils étaient tranquillement attablés dans une auberge du Nord du Kislev, Badenov et sa fine équipe sont interrompus en pleine beuverie par Radagast le Brun (comprendre, un sorcier d’Ambre un brin exubérant), qui les avertit que leur lieu de villégiature va bientôt subir l’assaut d’une bande de guerriers du Chaos. Ce qui ne manque pas de se produire (le contraire eut été étonnant). Cependant, conjonction astrale et lieu de pouvoir obligent, nos mercenaires vont participer à une bataille des plus singulières. Qui a mis le mode replay ?

AVIS:

En tant que membre déclaré du non fanclub de Jonathan Green et de Badenov et Cie, je n’attendais pas grand-chose de The Hounds of Winter. À raison. Le peu de pages consacré par l’auteur à cette péripétie mineure (la preuve : personne ne meurt1 chez les gentils) du cycle The Dead and the Damned ne présente en effet ni saveur ni valeur ajoutée.

C’en est tellement fade qu’on en regretterait presque l’absence de vrais beaux gros défauts dans le style de Green, qui s’il ne brille guère par son originalité, démontre toutefois qu’il sait écrire des nouvelles à peu près passables. Bref, le pire scénario possible pour un chroniqueur, puisqu’il n’y a vraiment pas grand-chose à dire, en bien comme en mal, sur ce The Hounds of Winter. À lire et à oublier, ou à oublier de lire. Les deux fonctionnent.

1 : Bon, il y a bien cette fouine d’Oran qui se fait taser par un spectre en pleine baston, mais ça ne compte pas puisqu’il se réveille comme une fleur à la fin.

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Hatred – B. Chessell:

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INTRIGUE:

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS:

Hatred s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier Hatred, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Grunnson’s Marauders – A. Jones:

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INTRIGUE:

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS:

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce Grunsonn’s Marauders, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil Realm of Chaos dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que Lord of the Ringards, Bilbo the Postit ou encore La Der des Etoiles. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, Grunsonn’s Marauders est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Doorway Between – R. Davidson:

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INTRIGUE:

Frantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS:

The Doorway Between est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, The Doorway Between aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Mormacar’s Lament – C. Pramas:

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INTRIGUE:

Fait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS:

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, Mormacar’s Lament est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Blessed Ones – R. Kellock:

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INTRIGUE:

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS:

The Blessed Ones aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dark Heart – J. Green:

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INTRIGUE:

Ayant décidés d’abandonner le Kislev pour tenter leur chance sous des cieux plus cléments, Badenov et sa bande de mercenaires se retrouvent entraînés dans une sombre histoire sur la route de Bechafen. Il semblerait en effet qu’un ancien mal soit en passe de se réveiller dans le petit village d’Ostenwald, forçant notre fine équipe à unir ses forces avec celles d’un jeune noble dont la fiancée vient de succomber à une crise d’anémie aigüe. Vampire, vous avez dit vampire ?

AVIS:

Dans la série des aventures de Torben Badenov et de sa fine équipe de bras cassés, Dark Heart fait figure d’épisode central, car il permet à Green d’introduire le personnage de Pieter Valburg, qui rejoindra la bande à la fin de la nouvelle. J’ai une affection toute particulière pour Pieter, car il n’aura de cesse de miner l’autorité de Badenov auprès de ses comparses, en faisant éclater au grand jour la stupidité crasse et l’amateurisme décomplexé qui caractérisent le « héros » de la série The Lost and the Damned. S’il n’est encore qu’un personnage de second plan dans Dark Heart, Herr Valburg y fait néanmoins des débuts remarqués, et s’affirme d’ores et déjà comme le membre le plus important de la bande, après Badenov bien sûr.

Dark Heart donne également l’occasion à Jonathan Green de dérouler le grand jeu, en gratifiant ses lecteurs d’une narration à double point de vue (celui des mercenaires de Badenov, et celui du vampire comateux traqué par ces derniers), ainsi que d’un petit twist final, deux extras que l’on prendra soin d’apprécier à leur juste valeur (relative hein, parce que dans l’absolu, on est loin du chef d’œuvre).

Malheureusement, ces éléments positifs sont largement marginalisés par le monceau d’approximations, d’incongruités et de carabistouilles que nous sert un Green résolument hermétique à toute tentative de livrer un récit un tant soit peu cohérent à son public. Des villageois courant aussi vite que des chevaux lancés au galop à la décision d’aller affronter un vampire de nuit dans son antre, en passant par l’incroyable capacité de l’auteur à livrer deux versions totalement différentes du même évènement à quelques pages d’intervalle1, ou encore la brillante idée qu’à Badenov d’aller enquêter dans un village dont lui et ses potes viennent de massacrer tous les hommes valides sur un gros malentendu, c’est à un festival d’inepties auquel lecteur a droit. Et dire que ça aurait presque pu être correct…

1 : Le vampire d’Ostenwald a-t-il été originellement vaincu par 1) une troupe de paysans enragés, ou 2) une bande d’aventuriers menés par un prêtre de Sigmar ? Le mystère est encore entier.

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The Chaos Beneath – M. Brendan:

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INTRIGUE:

À la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS:

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. The Chaos Beneath n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de The Chaos Beneath. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Paradise Lost – A. Jones:

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INTRIGUE:

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS:

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, Paradise Lost est une soumission sensiblement supérieure à Grunsonn’s Maraudeurs, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, Paradise Lost n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Wolf in the Fold – B. Chessell:

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INTRIGUE:

Le sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS:

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans Wolf in the Fold n’est pas aussi aboutie que son Hatred, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre Hatred et Wolf in the Fold, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si Hatred possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, Wolf in the Fold se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Faithful Servant – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Au sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS:

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (Slaves to Darkness). The Faithful Servant, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, The Faithful Servant tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), The Faithful Servant est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

HAMMER & BOLTER [N°14]

Bonjour à tous et bienvenue dans la critique du 14ème numéro de Hammer & Bolter ! Au menu de cette chronique de fin d’année, trois nouvelles peu folichonnes et le deuxième chapitre de Gilead’s Curse, objet littéraire non identifié et pour le moment assez décevant. Ah, ça vend du rêve, je sais.

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Gilead’s Curse – ch.2 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseNous avions laissé Gilead en plein combat avec un « mystérieux » chevalier à la fin du chapitre 1. Le deuxième épisode du roman-feuilleton commence donc logiquement par la conclusion de cet affrontement épique (quelques heures de baston non stop, tout de même) entre l’elfe dépressif et sa némésis vampirique, dont les performances se trouvent réduites par l’arrivée du jour nouveau. Le duel est toutefois interrompu par l’arrivée inopinée d’une foule de paysans en colère, bien décidés à cueillir des champignons se débarrasser du suceur du sang squattant la forêt municipale depuis quelques mois.

Bien évidemment, Vincent n’explique pas comment ces bouseux ont réussi à trouver leur proie (que Gilead a mis deux jours entiers à débusquer), ni pourquoi ils ne se sont décidés à agir que maintenant : ce serait beaucoup trop convenu et rationnel. Toujours est-il que, d’un commun accord, nos deux bretteurs décident de mettre le match en pause et de filer à l’albionnaise avant l’arrivée des hooligans. Oui oui, Gilead laisse tranquillement partir le vampire qu’il avait juré de neutraliser, confiant dans le fait que ce dernier soit trop mal en point pour poursuivre ses déprédations, même s’il reconnaît néanmoins qu’aucun humain normalement constitué n’est capable de lui tenir tête. J’aurais plutôt tendance à penser que les nombreuses blessures subies par le disciple d’Abhorash ne l’incitent au contraire à picoler quelques litres de rouge dans la ville la plus proche afin de se refaire une santé, mais passons.

Après quelques jours passés à récupérer de ce premier rendez-vous galant, pendant lequel il a gagné quelques bleus et bosses, notre héros reprend sa quête, et finit par déboucher dans un village qui semble abandonné. Flairant le mauvais coup, il poursuit son enquête jusque dans les souterrains du bourg, où il tombe très logiquement sur l’inévitable colonie skavens locale, ainsi que sur les survivants hagards de la malheureuse expédition de dératisation montée par les citoyens du cru. Ayant réussi son jet de compassion (5+ sur 1D6), Gilead se met donc en travers du chemin de la horde scrofuleuse et la taille en rondelles, gagnant par la même occasion un side kick humain maniant la bêche avec un talent inné. Et le vampire dans tout ça, me demanderez-vous ? Et bien le vampire apparaît derrière les skavens au moment où Gilou décide de passer en mode shadow-fast (une sorte de bullet time elfique pendant lequel notre héros se transforme en Flash Gordon), et les deux compères ont tôt fait de mettre les hommes rats en déroute. Ce premier ennemi vaincu, Gilead décide-t-il de poursuivre sur sa lancée et d’en finir avec le chevalier mort-vivant pendant qu’il est encore en forme super saiyan ? Non, bien sûr (je suppose qu’il a raté son test de stupidité) : il lui fait coucou avec son épée et les deux se séparent bons amis. Fin du chapitre.

Vous l’aurez compris, je n’ai que très moyennement goûté ce deuxième épisode, qui n’a fait que confirmer mes craintes quant à la qualité de ce roman feuilleton, à tel point qu’il me semble préférable de faire abstraction de la (non) présence de Dan Abnett au casting de ce dernier, et de juger les travaux de sa chère et tendre indépendamment de ses propres écrits. Dans cette optique, peut-être que le style, très distinct de celui que l’on retrouve habituellement dans les productions estampillés Black Library*, sera plus appréciable pour le lecteur déboussolé que je suis. Comme dit dans la critique du numéro précédent, Vincent lorgne du côté des nouvelles fantastiques de la première moitié du XXème siècle (beaucoup de descriptions pour retransmettre au mieux l’ambiance au lecteur, champ lexical très riche, peu de dialogues, rythme lent, scènes violentes assez rares), ce qui, en soit, n’a rien de condamnable. Je ne sais pas si je pourrais un jour lire des phrases telles que « What had happened to the food chain ? », « Gilead separated another rat from its life force » ou « He counted the torches and worked out how long they might burn for and at what temperatures. » dans une nouvelle BL sans avoir envie de jeter mon ordinateur par la fenêtre, mais je ferai de mon mieux.

Plus grave en revanche sont les nombreuses incongruités qui parsèment le récit, et peuvent être séparées en deux catégories. D’un côté, on retrouve les incohérences d’ordre pratique (par exemple, Gilead arrive à poignarder le chevalier vampire en plein cœur, ce qui fait tomber ce dernier à la renverse : au lieu de capitaliser sur cet avantage chèrement acquis et achever son adversaire mal en point, l’elfe préfère ramasser un morceau d’étoffe pour essuyer sa lame, laissant à son ennemi le temps de se ressaisir**) qui empêchent le lecteur de s’immerger totalement dans l’histoire. De l’autre, on a l’impression que Vincent n’a pas pris le temps de s’imprégner du background de Warhammer, ce qui lui fait commettre des bourdes impardonnables. Les skavens deviennent ainsi sous sa plume des adversaires pathétiques, aux attaques aussi faibles et désordonnées que celles d’un enfant de 5 ans. Pire, ses hommes rats sont tout bonnement incapables de se relever tous seuls quand ils tombent par terre, tant ils semblent manquer de coordination. Pour une race dont l’une des factions principales est constituée d’implacables assassins adeptes des arts martiaux, c’est tout bonnement risible.

En conclusion, un deuxième chapitre guère différent du premier, tant sur le fond que sur la forme. Si la seconde est plus déroutante par sa différence avec le style BL que véritablement mauvaise, le premier est en revanche d’un niveau trop faible pour satisfaire le lecteur, quel que soit niveau d’attachement ou de compassion pour la prose de Ms Vincent et le personnage de Gilead. Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?

* : Exemple notable : la rareté des dialogues dans la narration, caractéristique particulièrement présente dans ce deuxième chapitre, où seulement 25 mots seront prononcés par les personnages en 18 pages.
** : Autre exemple marrant, Gilead est décrit comme étant incapable de frapper un adversaire ne lui faisant pas face (honneur elfique oblige), et doit donc se démener pour se placer dans l’arc de vision des skavens qu’il attaque, à plus forte raison car ces derniers font tout leur possible pour fuir ses coups.

The Burning – N. Kyme [40K] :

The BurningAprès Nik, Nick. Il s’agit cette fois de Mr Kyme, auteur de The Fall of Damnos, roman dont un chapitre avait eu le privilège de figurer au sommaire du quatrième numéro de Hammer & Bolter. Foin d’Ultramarrants, Nick nous revient cette année avec une nouvelle consacrée à son chapitre de prédilection*, les Good Guys Greg d’un lointain futur ravagé par la guerre, l’Armée du Salut du 41ème millénaire, les géants verts du Segmentum Ultima, je veux bien sûr parler des Salamanders.

En guise d’introduction, l’auteur nous prévient d’emblée que le texte en question relate des évènements ayant pris place entre Salamander et Firedrake, les deux premiers tomes de la série consacrée par Kyme aux fiers guerriers de Nocturne. Traduction : « si tu n’as pas lu ces deux bouquins, tu risques de ne rien comprendre à ce qui va suivre** ». Même pas peur Nick, même pas peur : j’ai survécu à Curse of the Necrarch et Forged Into Battle ; c’est pas une petite nouvelle de rien du tout qui va me faire peur. Bring it on boy.

De quoi est-il donc question dans cet interlude ? Eh bien, de ce que j’en ai compris, The Burning projette le lecteur dans l’inconscient de Da’kir, alors que ce dernier revit les derniers moments de Jeanne d’Arc/Jean Hus/une allumette au cours du concours de combustion spontanée faisant office chez les Salamanders de test de potentiel psychique. Dans son délire, Da’kir revit/imagine (ce n’est pas très clair) la résistance de son village contre une expédition d’Eldars Noirs en maraude sur Nocturne. Ramené à son statut de simple humain pour l’occasion, ce qui le perturbe fortement (Putain, où est mon armure ? Qui est l’andouille qui m’a chouré mon deuxième cœur ? Et pourquoi est-ce que j’ai la voix de Christophe Willem ?), Da’kir termine sa vision par un affrontement symbolique contre Kadai, feu (haha) le capitaine de la 3ème Compagnie des Salamanders, carbonisé par un tir de fuseur lors d’une campagne contre le Chaos. La nouvelle s’achève par un debriefing entre les deux Archivistes en charge de la supervision de l’épreuve, qui, comme de juste 1) n’ont jamais vu auparavant une recrue potentielle d’un tel niveau 2) se demandent s’il ne vaudrait pas mieux coller un bolt dans la tête, pour éviter les problèmes 3) décident finalement de laisser à Da’kir, qui grésille dans son coin, le bénéfice du doute, car le Tome de Feu contient une vague prophétie de deux lignes qui pourrait désigner ce dernier contre le sauveur du chapitre dans les années à venir.

Si je ne dispose pas du bagage nécessaire pour m’avancer sur la qualité de l’intrigue développée par Kyme dans cette nouvelle, la lecture de cette dernière m’a laissé plutôt froid (un comble). Passe encore le fait que le style de l’auteur soit aseptisé au plus haut point, et que ce dernier n’ait pas fait de grands efforts pour s’assurer que les lecteurs n’ayant aucune connaissance de ses ouvrages consacrés aux descendants de Vulkan puissent comprendre de quoi il en retournait (à la différence des nouvelles écrites par Abnett dans le cadre de ses séries Eisenhorn et Ravenor***) : à mes yeux, les principaux défauts de The Burning sont de deux ordres.

Le premier est son caractère, peut-être pas réel, mais en tout cas ressenti en ce qui me concerne, tout à fait dispensable dans l’arc narratif. C’est triste à dire, mais le récit de l’épreuve de Da’kir m’a immédiatement fait penser aux dispensables aventures de Gileas Ur’Ten, capitaine Silver Skulls favori de Sarah Cawkwell, productions littéraires tenant plus du développement du fluff de l’armée de l’auteur que de nouvelles SF à proprement parler****. On en sait certes un peu plus sur le passé du personnage de Da’kir à la fin de The Burning, mais je doute que ces éléments supplémentaires ne se révèlent particulièrement importants ou même intéressants pour la suite de l’histoire. En tant que lecteur et client, j’en attends plus.

Le deuxième reproche que je ferai à The Burning est le manque d’attention porté par Kyme à la cohérence de son propos. Le diable se cache peut-être dans les détails, mais quand je lis qu’une bande de guerriers humains armés d’arcs et d’arquebuses arrive à faire exploser un Raider et à massacrer son équipage de Cabalites en trente secondes, j’attends que l’auteur m’explique comment les indigènes s’y sont pris pour avoir le dessus sur un adversaire intrinsèquement et technologiquement bien supérieur. Même sans rentrer dans un niveau de détail démentiel, quelques lignes justificatives auraient été les bienvenues, en ce qu’elles auraient prouvé que Kyme était bien conscient du problème causé par ce résultat contre-intuitif. Au lieu de ça, on a plutôt l’impression d’assister à l’adaptation de la bataille d’Endor avec les Nocturniens dans le rôle des Ewoks et les Eldars Noirs dans celui des Storm Troopers.

Au final, The Burning n’est pas la nouvelle qui me réconciliera avec l’œuvre de Nick Kyme, même si son cycle Salamanders me semble de bien meilleure facture que The Fall of Damnos. Oui, le contraire eut été étonnant (et désolant), mais on se console comme on peut.

* : On ne peut qu’admirer la productivité de Nick Kyme, dont la série compte déjà quatre romans (Salamander, Firedrake, Nocturne et Rebirth) et une dizaine de nouvelles.
** : Blague à part, je ne peux qu’encourager ce genre de pratiques de la part des éditeurs de Hammer & Bolter, qui permettrait aux lecteurs de ne pas devoir attendre la moitié de la nouvelle avant de réaliser que cette dernière est connectée à une autre histoire précédemment publiée dans le webzine.
***: Thorn Wishes Talon, Backcloth For A Crown Additional, et mon préféré, Playing Patience.
****: Pour reprendre la définition donnée par Marc Gascoigne, éditeur chef de la Black Library de 1997 à 2008, dans son introduction du recueil Let The Galaxy Burn, les nouvelles BL doivent se concentrer sur la résolution d’un problème (quelqu’un sait-il comment on éteint un monolithe nécron ?) ou explorer des situations de type « et si… », non couvertes dans le reste du background (et si l’Empereur était en fait un corgi ?).

In the Shadow of the Emperor – C. Dows [40K] :

La première publication de Chris Dows dans Hammer & Bolter est assez déconcertante, en ce qu’elle semble s’inscrire dans un cycle narratif, qui, sauf erreur de ma part, n’a pas encore été publié par la Black Library. Plus habitué à évoluer dans l’univers de Star Trek que celui de Warhammer 40.000, Dows livre une nouvelle à l’intrigue et au déroulé assez opaques, et dont le propos peut être résumé comme suit.

Surpris par la matérialisation soudaine hors du Warp de deux Space Hulks infestés d’Orks, le capitaine Barrabas (aucun rapport explicite avec le lauréat du titre de Mister Jérusalem 33 – Jésus finissant, comme chacun sait, premier dauphin) emmène les rescapés du croiseur impérial Merciless Fist (dont il était le capitaine) sur la surface d’une planète voisine. Poursuivis par des peaux vertes désireux d’aller jusqu’au bout de leur démarche d’extermination, notre petit groupe de survivants tente tant bien que mal de distancer ses assaillants, survivre à la faune locale et empêcher le Commissaire Abdiel de vider son pistolet bolter sur le pauvre Barrabas, pour lequel il voue une haine aussi profonde que succinctement expliquée par l’auteur. Apparemment, le grand-père de Barrabas, sous les ordres duquel Abdiel servait, s’est débrouillé pour détruire son cuirassé Emperor au cours d’un affrontement, ce qui a précipité la disgrâce du Commissaire, accusé par sa hiérarchie d’avoir failli à son rôle en n’exécutant pas le faquin avant qu’il commette l’irréparable. Ayant survécu à l’explosion du vaisseau, Abdiel s’est depuis arrangé pour suivre les descendants de papi Barrabas (eux aussi commandants de vaisseau, comme c’est pratique*) comme leur ombre, prêt à se venger des errements de ce dernier sur sa progéniture.

Ces rapports compliqués – Abdiel passant l’essentiel de son temps à menacer Barrabas d’une exécution sommaire, sans qu’on sache trop pourquoi il se ravise à chaque fois – entre les deux personnages principaux de la nouvelle s’appuient donc sur une histoire commune sommairement brossée par Dows, qui oublie se faisant que le lecteur lambda n’a qu’une notion limitée de la rivalité existant entre ces deux personnages. Pour tirer un parallèle avec un autre duo de la BL aux relations ambigües, c’est un peu comme si on nous demandait de comprendre pourquoi le major Rawne décide de ne pas tuer Gaunt sur son lit d’hôpital à la fin de Necropolis, sans avoir rien lu de la série des Gaunt’s Ghosts auparavant.

Les autres personnages qui gravitent autour du duo central sont traités de la même façon, Dows laissant entrevoir au cours de son récit des bribes d’épisodes antérieurs pouvant justifier les comportements, autrement inexpliqués, de chacun. Par exemple, il n’est jamais clairement expliqué pourquoi l’un des survivants (Barat) prend systématiquement le parti d’Abdiel, alors que le reste du groupe est plutôt enclin à suivre Barrabas. Cet attachement est d’ailleurs mutuel, le Commissaire faisant demi-tour sous le feu de l’ennemi pour chercher un Barat blessé par un tir de mortier. Cette absence d’informations, assez frustrante, se retrouve tout au long du récit, obligeant le lecteur à meubler lui-même les vides laissés par l’auteur, ce qui, à la longue, est assez fatigant.

À ce premier manquement, que j’ai trouvé très rédhibitoire, vient se greffer une narration des plus heurtées, dans laquelle les séquences s’enchaînent sans véritables transitions, ce qui m’a plus d’une fois amené à revenir en arrière afin de m’assurer que je n’avais pas raté un élément essentiel à la compréhension du passage présent. La rareté des connecteurs logiques dans le récit est en grande partie responsable de cette pagaille, et le temps semble parfois s’accélérer ou au contraire ralentir au gré de la fantaisie de Dows. Ce dernier fait ainsi surgir des antagonistes avec la brusquerie de diables en boîtes, qu’ils s’agissent de « banshees », sortes de ptérodactyles à ailes laser (comprendre : capables de fracturer la pierre) chassant en meute**, ou de bandes d’Orks vraiment très furtives (à moins que ce soient les éclaireurs humains qui soient particulièrement nuls, ce qui est très possible).

Enfin, à l’instar des textes précédents de ce numéro (et de manière encore plus accentuée), on a vraiment l’impression que In The Shadow of the Emperor a été écrit au fil de l’eau, sans se soucier que les idées couchées par le papier fonctionnent à peu près correctement, ou même ne soient simplement vraisemblables. Dans la première catégorie, on retrouve par exemple un lieu à la topographie très particulière, invoqué par Dows afin de mettre en scène un dernier carré héroïque entre les hordes peaux vertes et la poignée de survivants impériaux. Imaginez une espèce de promontoire rocheux à la surface plane, uniquement relié à la falaise qui lui fait face par un pont naturel dont le milieu est plus fin que les deux extrémités (Khazad-dum like en quelque sorte). Vous y êtes ? Maintenant, imaginez que ce pont soit constitué de sables mouvants, et vous aurez une assez bonne représentation du décor dans lequel se joue la dernière scène de la nouvelle.

Dans la seconde catégorie, outre l’acharnement et les talents de pisteurs peu communs des Orks de Dows, dont une demie Waaaaaagh semble être aux trousses de la quarantaine de survivants de la bataille navale introductive, et arrive à retrouver la trace de ces derniers à travers marécages impénétrables et souterrains effondrés, on ne peut que soupirer devant la désinvolture de Barrabas, qui ne consent à allumer la balise de localisation bricolée par ses hommes qu’au moment où les Orks arrivent en vue du lieu où les impériaux sont retranchés, soit trois bonnes heures après la découverte du fameux promontoire, formant selon ses propres mots une piste d’atterrissage idéale pour un vaisseau de secours. Vaisseau de secours qui arrive évidemment juste après que les Orks aient été repoussés manu militari, soit quelques minutes seulement après l’allumage de la balise. Il n’est donc pas absurde de penser que Barrabas et ses copains auraient pu s’échapper en douce de la planète si seulement ce dernier avait pensé à allumer son cerveau. Evidemment, le dénouement aurait perdu en héroïsme ce qu’il aurait gagné en vraisemblance, mais à tout prendre, j’aurais préféré que la rationalité l’emporte (pour une fois…) sur l’instinct de bourrinisme bas du front qui pousse certains auteurs de la BL à inclure des scènes de baston dès qu’ils le peuvent dans leurs écrits. Certes, il paraît que dans les ténèbres d’un lointain futur, il n’y a que la guerre, mais tout de même.

Bref, ce ne fut pas le grand coup de foudre avec la prose de Dows, dont l’unique autre contribution aux univers franchisés de Games Workshop a été (pour le moment) une deuxième nouvelle, publiée dans le numéro 22 de Hammer & Bolter. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si le bonhomme a progressé.

* : Ils auraient choisi de devenir fleuristes, il aurait eu l’air fin.
** : Autre idée brillante s’il en est. N’y avait-il personne au sein de la Black Library pour suggérer à Dows de choisir un autre nom pour ses bestioles indigènes ? Ce n’est pas comme si le terme « Banshee » n’était pas légèrement connoté dans l’univers de Warhammer 40.000…

The Tilean’s Talisman – D. Guymer [WFB] :

The Tilean's TalismanOn termine avec un petit caméo de deux figures bien connues de tous les fidèles de la Black Library, j’ai nommé les iconiques Gotrek et Felix. Mine de rien, cela faisait plus d’un an (et le A Place of Quiet Assembly de John Brunner) que les compères n’avaient pas été mis à l’honneur dans une nouvelle de Hammer & Bolter, et il est donc revenu au petit nouveau David Guymer de corriger cet état de fait en soumettant un texte de son cru. Même si ce dernier ne m’a pas entièrement convaincu, et reste sensiblement en deçà des productions de King et Long, je pense néanmoins que Guymer a un potentiel certain en tant que contributeur à la BL, et suis tout prêt à lui donner une seconde chance si l’occasion présente.

Commençons par les points positifs. En premier lieu, la décision de l’auteur de choisir pour personnage principal Siskritt, obscur skaven de son état et dernier propriétaire du fameux médaillon donnant son titre à l’histoire, est intéressante, en ce qu’elle contraste agréablement avec l’approche classique adoptée par la plupart de ses prédécesseurs, à savoir utiliser Felix comme narrateur. Ce souci d’originalité est de plus renforcé par la construction du récit, qui se divise en deux parties distinctes. Dans la première, Siskritt essaie désespérément de sortir en un seul morceau de l’auberge dans laquelle il a fait l’acquisition du médaillon tiléen, rutilante babiole donnant à son propriétaire l’équivalent d’une sauvegarde invulnérable à 4+, ce qui est toujours appréciable (mais pas toujours suffisant, comme nous allons le voir tout de suite). Malheureusement pour notre ami poilu, un Gotrek très en verve se tient entre lui et la sortie, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences fâcheuses et définitives pour le pauvre raton, en dépit de la protection accordée par son collier fashion. Dans la deuxième partie, on suit l’infiltration du même Siskritt dans la même auberge, à la recherche du médaillon, juste avant que le reste de l’armée skaven ne passe à l’attaque de Sartosa, théâtre de la nouvelle de Guymer. C’est donc une sorte de Pulp Fiction warhammer-esque que nous offre ce dernier, parti pris audacieux et assez réussi je dois dire.

Autre point fort de Guymer, sa capacité à faire ressortir le mélange d’ambition démesurée et de couardise pathologique qui se trouve au cœur de la psyché skaven. Siskritt passe ainsi la moitié de la nouvelle à s’imaginer siégeant au Conseil des Treize, et l’autre à se cacher sous les meubles au moindre bruit suspect. Le passage où il soutire à son ancien propriétaire le talisman à la pointe de l’épée, tout en étant au moins aussi terrifié que sa victime qu’elle l’est par lui, est ainsi particulièrement bien rendu.

D’un autre côté, on peut regretter que l’auteur n’ait pas pris le temps de donner quelques informations supplémentaires au sujet de la quête de Siskritt, dont on ne saura jamais comment il a appris l’existence et la localisation précise du médaillon. Le récit compte également quelques longueurs, particulièrement dans sa deuxième partie, durant laquelle Guymer décrit avec force détails les atermoiements de son héros à chaque fois qu’il doit passer près d’un humain sans se faire repérer, ou ouvrir une porte sans savoir ce qui l’attend derrière. Même si ces descriptions poussées des hésitations continuelles de Siskritt, mégalomane aussi sadique que poltron, aident à comprendre le personnage, elles ralentissent également l’action à tel point que l’on peut à juste titre considérer qu’il ne se passe pas grand-chose dans The Tilean’s Talisman, les péripéties pouvant se résumer ainsi : Siskritt monte à l’étage, prend le talisman, descend et se fait tuer par Gotrek. Sachant que cette nouvelle est vendue trois euros sur le site de la BL, j’ai du mal à considérer que l’acheteur en aurait pour son argent à ce tarif-là.

En définitive, je pense que David Guymer a l’étoffe pour devenir un auteur (skaven) qui compte au sein de l’écurie de la Black Library. La manière dont ce petit gars a su s’approprier l’exercice de style somme toute peu évident que constitue la narration d’une aventure de Gotrek et Felix augure du meilleur pour la suite. À ce titre, il n’est guère surprenant que le premier roman de notre homme, Headtaker, ait été sélectionné dans la shortlist du David Gemmell Morningstar Award 2014*.

* : Le Morningstar Award récompense le meilleur premier roman de fantasy, et si le trophée 2014 a finalement échappé à Guymer, on peut noter que l’édition 2011 a été remportée par Darius Hinks avec Warrior Priest (comme quoi, on peut écrire de mauvaises nouvelles et signer de bons bouquins). En 2010, ce bon vieux Graham McNeill s’était déjà adjugé la récompense suprême (le Legend Award) pour Empire, et était venu chercher sa hache-trophée en kilt et smoking.

Au final, pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce numéro. Nik et Nick se révèlent égaux à eux-mêmes, et il n’y a pas de quoi de rire (sauf de « What had happened to the food chain ? », là c’est permis). On ne se relèvera pas la nuit pour reprendre une dose de Dows, c’est sûr et certain. Il n’y a que Guymer qui vienne jeter une lueur incertaine sur ce morne tableau, et encore. Encore un numéro comme ça et je vais commencer à regretter Phalanx les gars, alors mettez-y un peu du vôtre !

HAMMER AND BOLTER [N°13]

Bonjour à tous et bienvenue dans un nouvel épisode consacré au passage en revue de Hammer & Bolter, année 2 ! Qui dit nouvelle année dit nouveaux auteurs, nouveaux personnages, nouveaux extraits exclusifs (bon, ça en était à l’époque) et nouveau roman-feuilleton. Nous voilà donc partis pour un nouveau cycle de commentaires composés vindicatifs et sans concessions : attachez vos ceintures, ça va méchamment chroniquer.

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Gilead’s Curse – ch. 1 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAvant d’entrer dans le vif du sujet, je pense qu’il serait utile de toucher deux mots du contexte du nouveau fil rouge de H&B, dont l’écriture a été confiée à une paire bien connue des fidèles de la Black Library : Dan Abnett et Nik Vincent. Commençons par préciser que nos deux co-auteurs sont en couple (et pour ceux qui se posent la question, Nik est un prénom à la fois masculin – exemple: Nik Kershaw* – et féminin dans la langue anglaise : c’est un peu l’équivalent du Claude ou du Camille français), et que, dans leur jeune temps, ils ont déjà écrit plusieurs romans à quatre mains (voire 6, comme l’incunable Hammers Of Ulric, auquel a aussi collaboré James Walllis, l’auteur de la série Marks of Chaos) pour le compte de la BL.

L’un de ces travaux de jeunesse fut justement consacré au personnage de Gilead, haut elfe vadrouilleur et plus ou moins maudit, traînant sa carcasse longiligne, sa bad ass attitude et son side kick décrépit (Fithvael de son prénom) aux quatre coins du Vieux Monde à la recherche de son espèce en déclin. Tout cela respirait donc la joie de vivre et l’optimisme (même la figurine Forge World du personnage semble être sous Valium, c’est dire), et a connu un petit succès à la fin des années 90, mais n’a pas fait le poids face au succès du Commissaire Gaunt auprès des lecteurs (comprendre que le personnage n’a eu le droit qu’à un livre, Gilead’s Blood, avant de passer à la trappe). Cela faisait donc un petit paquet d’années que l’on n’avait plus reçu de nouvelles de la part de Gilead lorsque H&B a décidé de remettre le Buster Keaton de Tor Anrok sur le devant de la scène. Bewarrrrrre, bewarrrrrrrre.

N’ayant pas lu le premier ouvrage consacré à notre fringant héros, j’ai abordé cette séquelle avec un respect et un enthousiasme non dissimulés, certain que le résultat serait certainement supérieur à l’honnête mais pas transcendant Phalanx de l’année 1 de H&B. On parle de Mr Dan Abnett tout de même, les enfants. Quant à sa dulcinée, je partais du principe qu’elle s’alignerait sur le style de son compagnon, et que ce dernier s’arrangerait dans le pire des cas pour que le résultat soit d’un niveau convenable : après tout, Hammers Of Ulric était plutôt sympathique, malgré son intrigue un brin foutraque. Après avoir terminé ce premier chapitre, je ne pus que reconnaître que mes attentes devaient sans doute être revues à la baisse, et que ce nouveau roman feuilleton risquait fort de se retrouver cloué au pilori avec la même fréquence que son prédécesseur. Feth alors.

Pourquoi ce constat amer ? Eh bien, pour commencer, parce que (pour ce premier chapitre au moins), il y a manifestement tromperie sur le produit. Quand on m’annonce un roman co-écrit par Dan Abnett, je m’attends en effet à ce que Dan Abnett participe effectivement à l’écriture dudit roman. Ce qui n’a pas été le cas ici, ou alors de façon tellement marginale qu’elle est virtuellement indétectable. Pour avoir lu à date une quinzaine des bouquins d’Abnett, la majorité d’entre eux en anglais, je pense en toute bonne foi être capable de reconnaître son style d’écriture, et peux donc avancer sans grande crainte de me tromper que sa participation à ce premier chapitre a du se borner à relire (en diagonale) le manuscrit de Nik Vincent, à lui taper dans le dos en lui disant que c’était très bien et qu’il n’aurait pas fait mieux (menteur, menteur, MENTEUR !!!!) et à partager le chèque de la BL.

Si je suis tellement déçu par le manque d’implication d’Abnett sur ce premier chapitre, c’est parce que je n’ai absolument pas été convaincu par le travail de sa chère et tendre. Qu’on me qualifie de FBDM de base, mais je ne suis pas convaincu que la Black Library soit la maison d’édition rêvée pour l’auteur cherchant à utiliser tous les mots savants de son vocabulaire, comme je ne suis pas convaincu que le l’amateur moyen de la Black Library soit particulièrement sensible à ce effort d’érudition. En ma qualité de lecteur non-anglophone de naissance, j’ai pu cependant enrichir mon champ lexical d’une tripotée de nouveaux mots (poultice, tremulous, palfrey, strata, bleat, wobble, corm, culvert…), ce qui est toujours bon à prendre mais n’est pas vraiment ce que j’attends de ce genre de littérature (il y a Lovecraft –entre autres – pour ça).

Le rythme de narration m’a également semblé détonner très fortement du canon de la BL, s’attardant sur la description d’actions mineures et de détails marginaux avec un souci quasi scientifique. Pour donner un exemple, au début du chapitre, Gilead arrive à un carrefour et manque de se faire voir par un couple de paysans impériaux (Gilead est un sociopathe qui n’aime pas les gens et fuit donc la compagnie, à plus forte raison celle des humains). La femme, Brigida de son petit nom, voit cependant l’ombre de l’elfe se projeter sur la route et prend peur parce que, je cite, « l’ombre est trop longue, c’est un mauvais présage** ». Les péquenots finissent cependant par reprendre leur chemin (de toute façon, on voit mal ce qu’ils auraient pu faire d’autre).

Les pages suivantes sont consacrées aux ruminations de Gilead, qui était pourtant certain d’avoir fait bien attention, et finit par déduire que ce n’est pas son ombre que Brigida a vu (puisqu’en vertu de la position du soleil au moment de la rencontre, son ombre donnait dans la forêt et pas sur la route – ne rigolez pas, Vincent l’écrit noir sur blanc -), et décide en conséquence qu’il doit enquêter sur cette sinistre histoire. Ok les gars, on arrête tout, je pense que j’ai compris pourquoi Gilead tire en permanence une tronche de six pieds de long : sa malédiction le force à vérifier toutes les rumeurs répandues par les gens qu’il croise, même (surtout) si elles sont complètement dénués de fondement et d’un ridicule patenté***. Pour le coup, il se trouve que les craintes de Brigida avaient quelques fondements, Gilead finissant le chapitre à maraver la goule d’un (probable) Dragon de Sang. N’empêche que tout ça est bien laborieux ma petite Nik.

Enfin, et même si Nik Vincent a écrit plusieurs romans de genre, la plupart pour la BL, elle ne m’a pas semblé maîtriser à fond son sujet, tant sur le plan des connaissances de l’univers de Warhammer (pourquoi un vampire ferait-il du feu pour se réchauffer ou dormirait-il sous des couvertures ? un vampire peut-il avoir le souffle coupé ?) que sur celui de la cohérence générale de ses écrits. Gilead est ainsi décrit comme étant capable de se soustraire aux regards des curieux sans même avoir besoin de se cacher, ce qui est admirable et assez logique avec la race et le background du personnage. Par contre, Vincent n’explique pas comment Gilead peut maintenir ce subterfuge en voyageant à cheval : à moins que sa monture jouisse du même niveau de discrétion que son propriétaire, il est fort probable qu’une jument sellée et bridée attire l’attention des badauds, surtout si son cavalier est invisible.

Un autre exemple : Gilead se rend dans un village humain pour commencer son enquête, et se fait donc gauler par la populace en furie en raison du point exposé ci-dessus. Une bagarre éclate (qui dure plusieurs minutes, tout comme le duel de la fin du chapitre dure plus d’une heure : on est loin du fight time théorisé par Viktor Hark – et donc par Dan Abnett – ), et après avoir fait tourner en bourrique tous les péons qui voulaient lui bourrer le mou en évitant gracieusement leurs horions maladroits, Gilead décide que ça suffit et s’en va. Comme ça. Tranquillement. Explication sous-entendue par Vincent : la bagarre est devenue tellement générale (une battle royal comme dans les albums d’Astérix en quelque sorte) que plus personne ne fait attention à l’elfe, qui peut donc partir sans se faire remarquer (avec son cheval, évidemment). C’est vrai que ça passe tellement inaperçu, un elfe à cheval dans un village humain.

Bref, ce premier chapitre fut une franche déception pour moi. J’espère vivement que Dan y mettra un peu plus du sien par la suite, le reste de l’année risquant d’être bien long dans le cas contraire.

*: Si tu as eu besoin de te reporter à cet astérisque, ami lecteur, j’espère que c’est parce que tu raffoles des commentaires drolatiques qui sont souvent leur raison d’être (auquel cas je te remercie), et non pas parce que, trop jeune pour savoir qui est Nik Kershaw, tu t’es dit que tu trouverais la réponse ici (auquel cas je te félicite pour ton esprit logique – la réponse ici – et je ne te remercie pas car tu me fais soudainement sentir très vieux).
** : La réaction du mari.
*** : Ce qui explique pourquoi il préfère rester tout seul (et pourquoi il ne retournera plus jamais à Orléans).
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Reparation – A. Smillie [40K] :

ReparationAprès avoir tâté de l’Ogre dans sa première nouvelle publiée par H&B, Andy Smillie nous revient avec une histoire se déroulant dans un futur aussi lointain que violent. La science-fiction gothique siérait-elle mieux à cet auteur que l’heroic-fantasy musclée ? À peine, et c’est malheureux.

La première critique que j’adresserai à cette deuxième publication est qu’elle se situe dans la droite ligne de Mountain Eater sur le plan des transitions narratives brutales, ce qui est toujours aussi désagréable pour le lecteur, en ce que ça l’oblige à revenir fréquemment sur ses pas pour identifier formellement les changements de scènes. Plusieurs fois au cours du récit, on a ainsi l’impression qu’un personnage se matérialise soudainement aux côtés du narrateur, avant de réaliser que cette apparition impromptue s’explique par l’absence de connecteurs logiques entre une scène A (un seul personnage) et une scène B (deux personnages). Résultat : une lecture hachée et pénible, qui ne donne pas vraiment envie de passer l’éponge sur les autres défauts d’écriture de Mr Smillie*.

Le deuxième défaut de Reparation est inhérent à l’intrigue développée par Andy Smillie. Le personnage principal de la nouvelle est un certain Thorolf, Space Wolf fait prisonnier par les Eldars Noirs et contraint de se battre dans les arènes de Damorragh contre ses petits camarades de cellule (toute ressemblance avec Hammer Of Demons, le troisième opus de la série Grey Knights de Ben Counter, est évidemment fortuite). Thorolf fait la connaissance d’Ecanus, un Dark Angel ayant lui aussi oublié de croquer sa capsule de cyanure au moment opportun, et notre paire de surhommes va évidemment faire fi de la défiance millénaire entre lions et loups pour poutrer du mutant, du xenos et de l’hérétique dans la joie et la bonne humeur.

Arrivé au dernier quart de la nouvelle, coup de théâtre : Thorolf se révèle être Ramiel, Chapelain-Investigateur Dark Angel de son état ; et fait la peau à Ecanus, qui n’était lui qu’un sale Déchu perfide. Ce twist final, tout à fait acceptable en soi, est cependant si mal préparé par Smillie que, loin de sauver les meubles, il contribue au contraire à décrédibiliser davantage la nouvelle, qui se termine, comme la majorité de son casting, en eau de boudin.

Cette conclusion laisse en effet trop de questions sans réponses pour satisfaire le lecteur. On ne comprend ainsi pas pourquoi Ramiel choisit de se faire passer pour un Space Wolf auprès d’Ecanus, mensonge qui ne lui rapporte absolument rien (surtout compte tenu de la rivalité entre les fils de Russ et ceux d’El’jonson) et qu’il a toutes les peines du monde à faire avaler à son comparse**. Un millier de chapitres Space Marines, et il choisit le moins adapté à son dessein (enfin, presque : il aurait aussi pu dire qu’il faisait partie des Iron Hands et raconter qu’il s’était fait greffer une main organique à l’insu de son plein gré par un apprenti Tortionnaire qui voulait réviser avant les partiels) ! Mais après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

On ne sait pas non plus comment Thorolf/Ramiel réussit à percer à jour Ecanus, ni pourquoi il choisit de se retourner contre un allié aussi balaise de manière « gratuite » (comprendre qu’il bute Ecanus à la fin du tournoi, alors que les deux auraient pu coopérer pour monter une évasion, et Ramiel attendre d’être tiré d’affaire pour régler ses comptes avec le renégat). Pour la beauté du geste dirons-nous.

Enfin, Reparation est desservi par l’utilisation peu finaude que fait Smillie du fluff de 40K, recraché de manière scolaire et bancale plutôt qu’incorporé de manière fluide au récit. L’auteur a potassé ses fiches d’organes SM, et il tient à nous le faire savoir ! Du cœur auxiliaire à l’hématopigment, de l’oreille de Lyman à la membrane cataleptique, sans oublier bien sûr les incontournables glandes de Betcher (qui seront mises à profit pour un special move ostensiblement piqué à Aaron Dembski-Bowden), Smillie met à profit ses connaissances en matière de physiologie marsouine sans saveur ni génie. Ajoutez à cela quelques faux raccords (qui apparaissent comme mineurs en comparaison des enchaînements sauvages et autres liaisons tronçonnées soulignées plus haut), comme la succube qui prend des douches de sang sans en recevoir une goutte, et vous obtiendrez une bien piètre nouvelle, et un début de réputation à la Sarah Cawkwell pour Andy Smillie. Aïe.

* : On dirait que Smillie a essayé de découper son histoire comme un monteur de cinéma, en se concentrant sur les passages les plus importants de l’intrigue et en évacuant toutes les scènes de transition n’apportant rien à cette dernière. Si cette technique est viable pour un film (car le spectateur reçoit suffisamment d’informations pour pouvoir immédiatement comprendre de quoi il en retourne), elle est en revanche très difficile à transposer pour une production écrite, où le lecteur a besoin d’être guidé en permanence.
** : « Eh dis-donc, ils ne sont pas censés avoir des canines surdimensionnées les loulous ? »
« Euh si, mais les Eldars Noirs me les ont limées pour me faire chier. »
« Ah. »
Ou encore
« Tu ne te bats pas du tout comme un Space Wolf en fait. »
« Haha, oui en fait c’est pour surprendre les Eldars Noirs. Ils s’attendent à ce que je sois féroce et impulsif, alors je préfère être calme et posé. »
« Seems legit. »

Deliverance Lost – G. Thorpe [HH] :

Deliverance LostQuel meilleur moyen de donner envie aux lecteurs de H&B de claquer 15 euros dans un bouquin que de leur donner en pâture un chapitre exclusif anti-climatique au possible ? Il y a du génie chez les commerciaux de la BL, tout de même.

L’extrait de Deliverance Lost proposé dans ce numéro n’a en effet rien du page-turner abnett-ien (Prospero Burns, Salvation’s Reach) ou dembski-bowden-esque (Aurelian). Il réussit même « l’exploit » de faire moins bien que les offrandes de Kyme (The Fall of Damnos) et de Cawkwell (The Gildar Rift), ne provoquant chez le lecteur qu’un ennui et une frustration croissants au fur et à mesure que les non-évènements s’enchaînent. Le Corax dépeint par Thorpe tient en effet plus de Rain Man (il guide son vaisseau furtif en calculant de tête les solutions de tir de l’armada hérétique) que de Superman, et apparaît davantage comme un rôdeur masochiste (« je vais empêcher mon corps de guérir de ses blessures pour bien montrer que j’ai la haine, tiens ») et associal (« je vous laisse vous démerder les ptits gars, j’ai besoin de passer les 10 prochaines heures tout seul dans le noir ») que comme un sur-surhomme charismatique et omnipotent.

Certes, le contexte est difficile pour le roi corbeau, dont la légion s’est faite sévèrement plumer par ses sœurs renégates sur Istvaan, forçant la poignée de survivants du massacre à retourner vers Terra la queue entre les jambes. Isolés derrière les lignes ennemies, Corax et ses derniers soldats approchent doucement mais sûrement de leur point de transfert Warp, en dépit des bordées balancées à l’aveugle par la flotte ennemie*. Ayant mis jusqu’à son iPhone 7 (et oui, c’est le futur coco) en veille pour tromper les systèmes de détection adverses, Corax guide l’Avenger (le nom de sa coquille de noix) jusqu’au point d’extraction, entraînant dans son sillage une frégate Word Bearers malchanceuse**. On sent bien que Gavin s’est fait plaisir à écrire cette traque, et qu’il a pour ce faire mis à profit ses connaissances de co-rédacteur de Battlefleet Gothic pour immerger ses lecteurs dans le quotidien d’un croiseur de guerre impérial. L’absence de véritable confrontation entre loyalistes et hérétiques ne rend toutefois pas ce passage très palpitant. N’empêche : Thorpe y démontre sa capacité à relater de manière prenante un (quasi) affrontement spatial.

En parallèle à cet arc narratif « macro », on apprend également qu’un légionnaire de l’Alpha Legion ayant usurpé l’identité d’un Raven Guard tombé au champ d’honneur (notamment par le biais d’une greffe de visage express…) est présent dans la soute de l’Avenger, prêt à saboter les efforts de Corax pour rebâtir sa légion exsangue. Cette intrigue annexe n’étant que brièvement évoquée au cours du chapitre, nous n’en saurons pas plus pour le moment. Pour ma part, les futures tribulations d’Alpharius Jr en pays corbeau étant le seul élément m’ayant donné la vague envie de continuer la lecture de Deliverance Lost, je suis resté sur ma faim. Bref, une mise en bouche assez mal foutue et pas vraiment appétissante pour ce nouveau volet de l’Hérésie d’Horus, critiqué en détail ici.

* : « AAX – 849 »
« Dans l’eau. »
« AAX – 850 »
« Dans l’eau »
« Je déteste ce job »

**: Par pure malveillance semble-t-il, Corax utilisant son syndrome d’Asperger génie mathématique pour attirer le vaisseau ennemi dans le Warp sans trop l’abimer (et condamne donc l’équipage de ce dernier à accueillir un projet X démoniaque), alors qu’il aurait été beaucoup plus facile de « simplement » le détruire. Le gentil de l’histoire est donc un type prêt à sacrifier ce qu’il reste de sa légion pour assurer la mort la plus horrible qu’il soit à une poignée de goons. Tu sens le gars bien dans son armure énergétique.

Dead Calm – J. Reynolds [WFB] :

Après Marshlight de C.L. Werner, retour à Marienburg pour une nouvelle rythmée et plaisante du deuxième Reynolds de la BL (Josh). Dead Calm (à ne pas confondre avec Dead Clam, la terrifiante histoire d’une palourde mort-vivante) met en scène le retour du Capitaine*, flibustier vampire au service d’une maison noble de la cité-état, venu chercher son dû après quelques siècles de piraterie. Son employeur actuel, le prince Hermann Eyll, souhaite cependant mettre fin au contrat le liant au mercenaire pourrissant et loue les services d’un nécromancien pour assujettir totalement le vampire à sa volonté. Oui, les ressorts de l’intrigue ne sont pas des plus limpides, et c’est le principal reproche que je ferai à Reynolds, qui n’explique jamais de manière satisfaisante pourquoi Eyll tient tant à « renégocier » les termes du contrat, alors qu’il est tout à fait prêt à payer le prix demandé par le Capitaine en échange de ses services.

Le reste de la nouvelle est toutefois un pur bonheur, mêlant action frénétique (dans la veine de ce qu’a réussi à faire Nathan Long dans sa saga Black Hearts), petites touches de fluff (description de l’unterdock et de la milice des égouts de Marienburg, détails donnés sur le culte et les rituels de Manann, petit passage sur le sifflet de Kadon**), ambiance à la croisée de Dread Fleet et de Pirates des Caraïbes***, et personnages attachants. Le héros de l’histoire, un templier de Manann bourru et grande gueule répondant au nom d’Erkhart Dubnitz, est particulièrement savoureux, tout comme sa veule nemesis, le nécromancien Franco Fiducci. La survie des deux compères à la fin de la nouvelle laisse espérer le début d’une série de courts formats dédiés aux aventures de Dubnitz, sur le modèle de la saga Silver Skulls déroulée par Sarah Cawkwell durant la première saison de H&B. Au vu de la qualité de l’épisode-pilote, on ne va pas se plaindre.

* : Qui s’appelle juste le Capitaine, pour bien montrer que c’est le plus capitaine de tous les capitaines. Bien entendu, il parle de lui à la troisième personne. J’aime ce type.
** : Dans la grande tradition des artefacts invocateurs de monstruosités diverses et variées (Ravenor Rogue, Blood Of The Dragon, meute dorée de Gehenna…), Kadon aurait donc façonné quelques goodies en plus de ses fameux parchemins d’asservissement. Le sifflet dont il est question dans Dead Calm attire tous les krakens, léviathans, requins, serpents de mer, murlocks, cabillauds et flétans à des lieus (haha) à la ronde. Contre-indiqué pour les maîtres-nageurs sauveteurs.
*** : Et dans la continuité de The Gods Demand, un nouveau clin d’œil appuyé à Lovecraft : l’apparition soudaine des enfants de Strommfels (sorte d’hommes-bêtes visqueux et squameux) fait fortement penser au Cauchemar d’Innsmouth. J’applaudis des deux nageoires.

Lesser Evils – T. Foster [40K] :

Lesser EvilsVous vous souvenez de The Rat Catcher’s Tail (H&B #2) ? C’était l’équivalent d’un épisode de Dora l’Exploratrice appliqué au monde de Warhammer : une découverte fade et hyper-prévisible du background skaven. Réjouissez-vous bonnes gens ! Grâce à Lesser Evils et au bon Tom Foster, 40K a maintenant son équivalent en terme de nouvelle « didactique ». Rassurez-vous : le résultat est tout aussi convenu et décevant que précédemment.

Le pitch est, comme de juste, d’une simplicité élégante : une équipe de soldats des forces spéciales prend d’assaut un couvent de Sœurs de Bataille pour récupérer une novice identifiée comme psyker latent. Evidemment, la sororité ne l’entend pas de cette oreille et l’extraction tourne rapidement au pugilat. N’ayant pas pensé à recharger son compteur de points de foi après la dernière soirée bingo, l’équipe locale se fait décimer dans les grandes longueurs, et les visiteurs repartent avec le gros lot.

Cette première partie, plutôt orientée action donc, n’est pas franchement mauvaise, Foster ayant convenablement intégré les codes de narration la BL. La valeur ajoutée apportée par l’auteur est en revanche pratiquement nulle, les personnages qu’il met en scène restant tous sans exception soit des stéréotypes sans saveur (l’homme de main tourmenté par sa conscience, la chanoinesse fanatique au dernier degré, l’inquisiteur totalement dépourvu de scrupules…), soit de simples ébauches d’individualités (nom + caractéristique différenciante : vieux/femme/ganger).

La deuxième partie de la nouvelle, qui voit le chef de l’équipe d’intervention faire son rapport à l’inquisiteur qu’il sert, tombe elle complètement à plat. Foster, comme Ford avant lui, nous vend une idée aussi vieille que l’Empereur (l’Inquisition sacrifiera volontiers des innocents pour arriver à ses fins) comme twist final, ce qui, évidemment, consternera l’immense majorité des lecteurs, qui s’attendait sans doute à un final un peu plus audacieux. Ce n’est pas comme si les séries Eisenhorn, Ravenor (et maintenant Bequin) n’avaient pas déjà exploré en détail – et de manière bien plus intéressante – les méthodes les moins honorables de l’Inquisition.

Décevant sur le fond et insipide sur la forme, Lesser Evils est donc une nouvelle tout à fait dispensable, qui ne risque d’intéresser que les inconditionnels de la page herbier de Taran (spiker, vous avez dit spiker ?).

Hunters (Campbell):

Vous vous souvenez de Commander Shadow (H&B #8) ? Pour être honnête, moi non plus. Et pourtant, il faut faire le lien entre cette nouvelle et Hunters afin de tirer le maximum de ce texte. Merci donc à la BL de n’avoir pas jugé bon de faire un petit mémo à l’attention des lecteurs têtes en l’air, les prévenant que Hunters était, non pas la suite (ce serait trop simple), mais le prélude de Commander Shadow. Ça fait toujours plaisir.

Retour donc sur la planète Cytheria, quelques semaines après l’invasion des Tau. La défense acharnée de la garnison Catachan ne semble pas être en mesure d’empêcher le Bien Suprême de rafler un nouveau monde, la supériorité technologique des « Bleus » réduisant à néant les courageuses actions d’arrière-garde des impériaux. Il faut dire que les Catachans de Campbell ressemblent plus à Cameron Mitchell dans Ultime Combat (surtout le passage où le héros jette son fusil à terre, encaisse sans ciller la demi-douzaine de balles qu’un sbire lui tire à bout portant, tranche le bras de ce dernier d’un coup de machette puis le tabasse à mort avec son propre membre*) qu’à Schwarzie dans Predator. Leur comportement comme leur stratégie est ainsi dicté par leurs énormes cojones plutôt que par de quelconques considérations tactiques ; et quand bien même les trois derniers commandants humains (on présume que les autres gradés sont glorieusement tombés au combat en essayant de détruire un cadre de Riptides au lance-pierre) réussissent à monter une opération un brin sensée – infiltrer le QG ennemi pour dégommer l’Ethéré de faction – , ils décident de se charger seuls de l’exécution de cette mission suicide, afin d’être sûrs de ne laisser aucun officier supérieur pour coordonner la résistance au cas où les membres de la fine équipe se feraient tous tuer ou capturer par l’ennemi.

Mais ce n’est pas grave, car les Catachans sont des headless snakes, dixit ce vieil Ezrah Mihalik (la malheureuse némésis du Commandeur Shadow dans la nouvelle éponyme : je ne spoile donc pas grand-chose en vous révélant qu’il finit Hunters en – presque – bonne santé) : même si on leur coupe la tête, ils peuvent continuer à se battre. C’est drôle, cette métaphore m’évoque plus le lombric que le cobra, mais on va dire qu’elle fait référence à un serpent natif de Catachan plutôt qu’à nos bêtes reptiles terrestres, qui eux ne font pas trop les malins une fois décapités. Ou peut-être est-ce un hommage discret de Campbell à la fameuse formule du grand Steven Savile**. Au vu du nombre de conneries dites ou faites par nos super soldats d’élite***, je pense qu’on pourrait plutôt parler de brainless snakes, mais je vous laisse seuls juges.

En dehors de cette mission d’infiltration, sorte de rapport de bataille Commandos scénarisé dont les meilleurs passages donnent à voir ce à quoi ressemble l’occupation Tau d’une ville humaine (et laissez-moi vous dire que ça évoque plus Paris pendant la seconde guerre mondiale que Woodstock pendant le Summer of Love), et les pires révèlent quel était le vrai objectif de nos trois chasseurs, Campbell fait naviguer le lecteur entre flashbacks récents (la mise sur pied de l’opération) et anciens (l’initiation de Mihalik sur Catachan, merveilleuse planète où les pré-adolescents servent d’appâts lors des campagnes de dédiabolisation – même principe que la dératisation, mais avec des diables de Catachan – ). Le hic, comme pour Reparation, est qu’il oublie de signaler de façon claire où commencent et finissent chacun de ces passages, ce qui amène à des quiproquos grotesques. La première partie de la nouvelle relate ainsi la prudente et pénible traversée d’une plaine herbeuse par nos héros, qui mettent plusieurs heures à couvrir les quelques mètres qui les séparent de leur objectif… puis semblent soudainement se matérialiser dans la tente de Mihalik, en plein milieu du camp de base des Catachans.

Le fait que ces changements de temporalités ne soient même pas signalés par un saut de ligne m’incite à penser que la faute repose sur le maquettiste de H&B plutôt que sur l’auteur de la nouvelle, car je ne pense pas que ce dernier aurait pu en son âme et conscience opter délibérément pour une mise en page aussi confuse. Toujours est-il que le lecteur en est quitte pour quelques rétropédalages perplexes, afin de reconstituer le puzzle narratif mis en place par Braden Campbell. Au final, Hunters est une nouvelle à l’image de ses héros : pleine de bonne volonté mais risible (et même attachante) d’inefficacité. Ce n’est pas une conclusion de la trempe de Grail Knight ou de Survivor, mais ça laisse le lecteur de meilleure humeur qu’à la fin de The Rat Catcher’s Tail (kill me…) ou de Mountain Eater (kill me with fire…).

* : Je parle du bras tranché du sbire hein, petits fripons. On n’est pas dans Clodo et les Vicieuses.
** : « He had lived with the notion that an army was like a snake, sever it head and another would grow to take its place. » Il fallait y penser.
*** : « On ne peut rien faire contre les Taus, ils sont capables de tirer des missiles sans avoir de ligne de vue sur leur cible ! Ce n’est pas naturel ! (sic) »
« Un peu comme un barrage d’artillerie quoi. C’est vrai que c’est une technologie tellement avancée que ça fait des millénaires qu’on l’utilise.»

Voilà qui conclut cette revue du numéro treize de Hammer & Bolter. Et il n’y a même pas eu de skavens dedans (tristesse). Je dois bien reconnaître que le début de cette nouvelle année est bien moins intéressant que ce qui avait été proposé douze mois auparavant, même Abnett (à supposer qu’il se soit impliqué dans l’écriture du premier chapitre de Gilead’s Curse, ce qui reste à démontrer) se révélant en deçà de son niveau habituel. Foster fait de très discrets débuts, Smillie confirme ses lacunes, Reynolds son potentiel, Campbell passe de potable à passable et Thorpe torpille pour passer le temps. Rien de bien folichon donc, mais ne perdons pas espoir : le meilleur reste à venir !

HAMMER AND BOLTER [N°12]

Et bien voilà, nous y sommes enfin. Un peu moins de trois années auront été nécessaires au bouclage de la revue critique des douze premiers numéros de Hammer & Bolter, travail de longue haleine plusieurs fois mis en suspens, et que je suis soulagé de terminer une bonne fois pour toutes. Même si le successeur d’Inferno! a rejoint son illustre aîné dans la tombe après à peine plus de deux ans d’existence (pour rappel, Inferno! a été publié de 1997 à 2004), son impact sur la Black Library a été significatif, notamment parce qu’il a permis à une nouvelle génération d’auteurs de faire ses premières armes à une échelle moins intimidante (mais pas moins exigeante) que le pavé de 300 pages qui demeure encore aujourd’hui le produit phare de la maison. Et même si les quelques 34 nouvelles (sans compter les extraits de romans, et le feuilleton du Phalanx) se sont révélées être de qualité inégale, le rapport qualité prix du webzine, les quelques pépites disséminées dans ce dernier, et le plaisir sadique éprouvé lors de la chronique des plus beaux ratages littéraires des plumes de la BL, me font regretter la disparition précoce de Hammer & Bolter. Les grands bouleversements promis dans un futur proche au sein de l’organisation de GW mèneront peut-être à sa résurrection, ou à sa réincarnation sous une nouvelle forme, mais d’ici là, il me reste encore 14 numéros à passer à la moulinette, ce qui, au vu de mon train de tortue sénatrice et cumularde, devrait me tenir occupé au moins jusqu’en 2017. Il y a de la marge.

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Venons en donc à l’objet de cette ultime critique de l’an 1, le douzième numéro de Hammer & Bolter. En haut à droite de l’Archiviste Salamanders en train de danser la Macarena*, trois noms se détachent sur la couverture. Et quels noms : Sarah Cawkwell, Ben Counter et Gavin Thorpe, aussi connus sous les noms de Mme Laborieuse, Mr Bourrin et Mr Too Much. Un casting trois étoiles donc, ce qui, divisé par le nombre de sections du numéro (c’est à dire six), nous donne une bonne idée de la qualité globale de ce dernier : pas folichonne, à première vue tout du moins. Chacun des trois auteurs cités plus haut ayant contribué à Hammer & Bolter au cours de l’année écoulée, j’avais déjà une petite idée de ce que j’allais trouver dans les pages du webzine, et je dois reconnaître que l’idée de lire une nouvelle de Gavin Thorpe traitant du destin d’Aenarion (attendez, je la refais pour vous mettre dans l’ambiance, « traitant du destin d’Aenarion»), une interview et la conclusion (étalée sur deux chapitres) du Phalanx de Ben Counter et quoique ce soit de Sarah Cawkwell ne m’inspirait pas plus que ça. Que voulez-vous, le lot d’un chroniqueur n’est pas toujours enviable. Tout le monde ayant le droit à une deuxième/quatrième/treizième chance, il n’était toutefois pas question de se laisser décourager par le caractère fastidieux et ingrat de la tâche à venir. Comme on le verra plus tard, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.

*: Vous ne me ferez pas croire qu’il s’agit d’une posture martiale digne du guerrier ultime de la galaxie. Je ne vois pas contre quel type d’ennemi le type de garde « bras croisés, pistolet relevé » pourrait se révéler efficace. Même les sbires des films de Michael Bay sont plus crédibles, c’est dire.

Bitter End – S. Cawkwell [40K] :

Bitter EndSarah Cawkwell nous revient avec une histoire qui, pour une fois, fait l’impasse sur ses chers Silver Skulls, ce qui, en soi, est déjà une bonne nouvelle (de l’habitude naît l’ennui). Ayant été chargée par ses éditeurs d’écrire un roman (The Gildar Rift, dont le premier chapitre figure également au sommaire de ce numéro) mettant aux prises les ennuyeux condisciples du bon capitaine Gileas Ur’Ten avec les Red Corsairs de Huron Sombrecoeur, Cawkwell a semble-t-il poussé le zèle jusqu’à rédiger une nouvelle centrée sur le fameux tyran de Badab, afin de pouvoir s’approprier au mieux la personnalité du bonhomme. Le lecteur est donc invité à marcher dans les traces de l’ancien maître de chapitre des Astral Claws lors d’un de ses raids sur l’Imperium, ce qui s’avère être plus plaisant que d’accompagner Ur’Ten dans ses pérégrinations galactiques : le simple fait de suivre une figure bien connue du fluff au lieu d’un capitaine Space Marines lambda aiguise l’attention du lecteur, qui peut enfin se raccrocher à un élément familier au lieu de patauger intégralement dans l’imaginaire tortueux de Sarah Cawkwell. Première satisfaction.

Notre propos débute sur un agrimonde en déréliction (faut dire qu’après un Exterminatus, même le maïs Monsanto a du mal à pousser), sur lequel, comme tous bons méchants de série B, Huron et son « partenaire » , un dénommé Dengesha, meneur d’une cabale de sorciers ayant fait scission de la légion des Word Bearers, se retrouvent pour parler affaire. Le Huron de Cawkwell est en effet décrit comme une sorte de parrain mafieux en armure énergétique, tout prêt à conclure des deals léonins avec quiconque est assez fou pour penser qu’il tiendra sa parole (ce qu’il semble faire rarement). On est assez loin du personnage décrit par Chris Pramas dans la nouvelle Into The Maelstrom (collectée dans le recueil du même nom), sociopathe certes rusé mais visiblement peu intéressé par la négociation, mais pourquoi pas. Huron a besoin des services de Degensha et de ses potes pour une raison très terre à terre : plus il s’éloigne du Maelstrom, plus la protection accordée par son Hamadrya décroît. Il souhaiterait donc raccorder une batterie psychique (une âme quoi) à son petit animal de compagnie afin de pouvoir aller piller hors de sa zone de confort en toute sécurité. Sors couvert, t’as bien raison mon p’tit Huron. Les psykers du tyran n’étant apparemment pas capables de réaliser l’opération tous seuls (qui pourtant me semble être le B-A BA du sorcier du Chaos), ce dernier vient demander l’aide de Degensha*, qui en retour de ses services recevra le contrôle du monde sur lequel Huron a localisé l’âme qui servira de Duracell à son crapaud de compagnie. Tope là mon gaillard, cochon qui s’en dédit.

La deuxième partie de la nouvelle décrit l’attaque des Red Corsairs sur le monde en question, afin de mettre la main sur une certaine sœur Brigitta de l’ordre de la Rose de Fer, parangon de justice et de bonté, mais leader militaire épouvantable. Après avoir laissé toutes les Forces de Défense Planétaire à proximité se faire laminer sans lever le petit doigt (envoyer ses forces au compte-goutte contre des Space Marines du Chaos, c’est vrai que c’est une stratégie tout à fait viable), notre pauvre Chanoinesse décide en effet de faire un dernier carré au cœur du temple de l’ordre, soi-disant pour préserver ce dernier de la profanation des forces du Chaos. D’instinct, j’aurais plutôt tendance à penser qu’un échange nourri de bolts à l’intérieur d’un lieu saint a plus de chances de dévaster l’endroit qu’autre chose, mais peut-être qu’au 41ème millénaire, ça ne fait que rajouter du cachet à la décoration intérieure. Enfin, Brigitta ne semble pas penser un seul instant qu’elle et ses sœurs ont la moindre chance de prévaloir face à leurs assaillants, ce qui témoigne d’une foi en l’Empereur assez vacillante, bien loin du fanatisme que l’on attend de la part de l’Adepta Sororitas. Je ne sais pas pour vous, mais si mon supérieur passait son temps à répéter : « Ah les gars, qu’est-ce qu’on va prendre cher, mais essayons de mourir dignement », j’aurais peut-être tendance à déprimer. On est loin de la Soeur Aescarion de Counter, qui s’enquille des Space Marines comme qui rigole. De là à qualifier la Rose de Fer d’ordre mineur, voire minable, il n’y a qu’un pas que je serais bien tenter de franchir. Toujours est-il que Huron s’empare sans trop de difficulté de son trophée, et l’usage qu’il en fera en surprendra plus d’un**.

Malgré les quelques ratages listés plus haut (et soyez sûrs que j’en ai laissé quelques uns de côté pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur), Bitter End s’impose facilement comme la meilleure production de Sarah Cawkwell à date, ce qui n’est pas grand chose, tenons-nous le pour dit, mais qui prouve amplement que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. On ne peut qu’apprécier cette lente montée en puissance de Miss Cawkwell, qui doit maintenant consolider ce nouveau niveau d’écriture et s’efforcer de ne pas retomber dans ses travers passés. You go girl, you go.

*: Degensha qui ne semble pas être non plus le plus dégourdi des pratiquants des arts occultes : après cinq mille ans d’études du Chaos, n’être pas foutu de déterminer l’origine d’un bouclier psychique, ce n’est pas franchement brillant. Je suppose qu’il a du retaper quatre mille neuf cent quatre-vingt dix-huit fois sa deuxième année de BTS sorcellerie.
** : Et oui, vous ne rêvez pas, Sarah Cawkwell nous a bel et bien concocté un twist final. Grossier certes, mais étant donné le passif de la demoiselle, il s’agit d’une agréable surprise (un peu comme si le collier de nouilles confectionné par votre cher bambin pour votre fête présentait des couleurs assorties : du progrès dans la médiocrité).

Aenarion – G. Thorpe [WFB] :

AenarionLes penchants pour le grandiose du sieur Thorpe en matière de littérature sont aujourd’hui bien connus. Si cette capacité à auréoler de grandeur la moindre action d’un personnage est appréciable lorsque ce dernier est effectivement un être d’exception, elle peut cependant vite prêter à rire dès lors qu’elle n’est plus équilibrée par une salutaire sobriété à un moment ou à un autre. Lorsque le héros de l’histoire s’appelle Aenarion, premier Roi-Phénix et probablement le mortel le plus puissant à avoir jamais foulé le monde de Warhammer, que les side kicks répondent aux noms d’Idraugnir, Caledor ou Eoloran (roi des Anars, elfe liiiiiiiiiibre), et que Gavin Thorpe est aux commandes, on est en droit à s’attendre à un résultat tenant plus de la chanson de geste médiévale que de la nouvelle d’heroic fantasy. Chose promise, chose due : prépare-toi lecteur à une édifiante leçon de vie, qui élèvera ton âme misérable à un niveau insoupçonné.

Tout commence par quelques paragraphes qui n’auraient pas dépareillés dans la section background du dernier Livre d’Armée Hauts-Elfes, Thorpe retraçant rapidement de sa prose emphatique l’origine de la guerre entre les démons et les Zoneilles. Cette introduction se termine sur un avertissement sans frais : ce qui suit n’est rien moins que le moment le plus important de cette guerre, et donc de l’histoire de Warhammer, et donc de l’histoire de Games Workshop, et donc de l’histoire de l’Angleterre, et donc de l’histoire du monde. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour, lecteur impudent.
Nous voilà donc à la gorge de Caethrin, pas loin de la forge de Vaul. Une armée elfique est réunie pour faire ce qu’elle fait depuis une bonne centaine d’années : poutrer du démon. Particularité de l’ost d’Ulthuan, il ne semble n’être composé que de nobles et de princes, chacun stuffé comme un Sud Coréen sur World of Warcraft. La horde démoniaque compense par un écrasant avantage numérique, qui, on s’en doute, ne va pas peser lourd face à l’awesomeness généralisée de ses adversaires. Et en effet, la bataille qui s’ensuit tient plus du massacre de bébés phoques sur la banquise arctique que de l’affrontement équilibré. Caledor invoque des Soleils Violets apocalyptiques sur 2+ relançables, Eoloran brandit une version upgradée de la Bannière du Dragon Monde (tous les démons dans un rayon de 50 pas se prennent 15D6 touches de force 19), Idraugnir carbonise des centaines d’adversaires à chaque attaque de souffle, la moindre flèche elfique se révèle être une grenade vortex et tout le monde a le coup fatal héroïque. Et Aenarion, me demandez-vous ? Et bien, mes amis, Aenarion se fait chier, car il ne trouve pas le plus petit démon majeur à se mettre sous la dent.

D’ailleurs, cette absence lui semble assez suspecte, et il en fait part à ses conseillers lors du traditionnel pot d’après bataille (laquelle se termine sur le score sans appel de 865.942 à 0 pour les locaux*). Caledor en profite pour remettre sur le tapis une discussion qui traîne depuis un petit siècle, la création d’un vortex qui permettrait de se débarrasser une fois pour toutes des démons. Ce à quoi Aenarion répond que, minute papillon, t’es pas un peu fada de vouloir bannir la magie d’Ulthuan, étant donné que sans ça, on se serait fait exploser dans les grandes largeurs depuis belle lurette ? Et Caledor de contrer en disant que c’est le seul moyen de régler le problème définitivement, puisque les démons respawnent avec une régularité de mob dans une zone de didacticiel. Non franchement, sauf ton respect mon roi, tu me donnes le feu vert et je te concocte un enchantement aux petits oignons en deux temps, trois mouvements**. Ces agréables mondanités sont brutalement interrompues par l’arrivée d’un messager, qui vient confirmer le pressentiment d’Aenarion : l’armée écrasée par les Elfes dans la journée n’était qu’une diversion, le véritable objectif des démons était Averlorn, qui a été ravagé par les rejetons du Warp. Plus grave, toute la smala du Roi Phénix est supposée avoir péri dans la catastrophe, ce qui plonge l’auguste souverain dans le désespoir et le lecteur dans l’incompréhension.

De deux choses l’une : puisqu’Ulthuan est saturée de magie et que les démons sont libres de se matérialiser où bon leur semble (et sous-entendu que les Elfes soient au courant de ce point de détail, ce qui devrait être le cas étant donné que Caledor n’est rien de moins que le plus grand mage Elfe de tous les temps), soit Aenarion a commis une erreur stratégique impardonnable en prenant toute son armée avec lui et en laissant le reste du territoire à la merci des démons (auquel cas, bien fait pour sa tronche), soit il existait jusqu’à récemment une règle de fair play implicite entre les belligérants, stipulant qu’on avait pas le droit de s’en prendre aux villes non défendues (ce qui serait chevaleresque de la part des démons). Quoi qu’il en soit, Aenarion pète une durite, fracasse son trône, déchire sa bannière*** , se met une coquille d’œuf de dragon sur la tête et s’en va en hurlant que vraiment, c’est trop injuuuuuste et puisque c’est comme ça, il va aller chercher l’Epée de Khaine sur l’Île Blafarde et devenir Smaug (« I will become Death »). Ses conseillers tentent de lui faire comprendre que c’est peut-être pas la meilleure idée qu’il ait eu, Caledor se fendant même d’un petit poème prophétique en vers de huit pieds pour l’occasion. Las, Aenarion enfourche Idraugnir et part pour le Nord, à la rencontre de son funeste destin !

C’est à partir de ce moment que la nouvelle bascule dans une autre dimension, Thorpe reprenant les codes de l’épopée mythique pour terminer son récit. Exemple gratuit : pendant son voyage, Aenarion est abordé à quatre reprises par des démons lui conseillant de faire demi-tour (c’est sûr que quand les responsables de la mort de toute ta famille viennent te voir pour te supplier de ne pas faire quelque chose, tu te dépêches de leur obéir), ce qui donne lieu au même dialogue répété et légèrement adapté quatre fois de suite. Après avoir essuyé une tempête, frôlé la noyade et rembarré le fantôme de sa femme, Aenarion atteint enfin son objectif et extrait la Faiseuse de Veuves de sa gangue de pierre. Et Gav Thorpe d’achever son œuvre par le genre de petite phrase satisfaite dont il a souvent l’usage : « Le sort des Elfes venait d’être scellé. » Fin.

Bref, une overdose de grandiloquence qui ne réconciliera certainement pas les Elfes avec ceux qui les trouvaient déjà pompeux et vains, et risque au contraire de faire sensiblement progresser la proportion des elfophobes parmi les lecteurs de la BL. À réserver à un public averti, ou avide de voir jusqu’à quel niveau Mr Thorpe peut élever son emphase. Ceux-là ne seront certes pas déçus.

*: Oui, vous avez bien lu, les démons n’ont tué aucun Elfe. Qui a dit que leur Livre d’Armée était fumé ?
** : Je vulgarise le propos, le dialogue original étant autrement plus chiadé que ma misérable prose. N’est pas Gav Thorpe qui veut.
*** : Oui, celle qui dissout les démons à cinq cent mètres à la ronde. Heureusement qu’Aenarion n’était qu’un sale gosse incapable de gérer la contrariété, sinon Warhammer aurait été encore plus déséquilibré qu’il ne l’est aujourd’hui.

The Gildar Rift – S. Cawkwell [40K] :

The Gildar RiftAprès lecture du chapitre présenté en exclusivité dans Hammer & Bolter, le premier roman de Sarah Cawkwell, The Gildar Rift (ou La Faille de Gildar en version française) semble construit sur un équilibre fragile, non rompu à l’issue des quelques pages mises à disposition du lecteur, mais qui pourrait voler en éclat en un battement de cils. Pour clarifier mon propos, le bouquin a (d’après ce que j’ai pu en lire) une grande force et une grande faiblesse, toutes deux laissées au stade de potentialité à la fin de ce fameux chapitre, et dont la répartition finale décidera de la qualité globale du livre.

Pour commencer par ce qui fâche, le principal risque que court The Gildar Rift est que son auteur ne se révèle égale à elle-même. Dans le cas qui nous intéresse, l’auteur en question s’appelle Sarah Cawkwell, et ce nom n’est pour le moment pas gage d’une littérature très relevée, même en se basant sur les standards de la BL. Sur les quatre nouvelles soumises par la demoiselle à Hammer & Bolter jusqu’ici, trois se sont révélées être d’une banalité sans nom, d’un style quelconque et d’un intérêt proche du néant. Si Bitter End relève quelque peu le tableau, la moyenne de l’ensemble tourne tout de même autour de l’à peine passable, ce qui ne donne pas vraiment confiance au moment de sortir la carte bleue. Tout aussi préoccupant, la participation des Silver Skulls au récit fait craindre que ce dernier ne ressemble aux trois nouvelles insipides consacrées par Miss Cawkwell au Chapitre du désormais tristement célèbre Gilteas Ur’Ten (petite consolation, il semble à première vue que le bonhomme n’apparaît pas dans le bouquin, le rôle du leader Space Marines revenant à un certain Arrun, qui pourrait avoir une personnalité un peu plus savoureuse que celle de son comparse). Si cela devait être le cas, je ne pense pas que quiconque ait envie de se pencher plus avant sur la faille de Gildar, à moins d’y être contraint. En face des vertueux défenseurs de l’Imperium, on trouve les affreux Red Corsairs, menés par Huron en personne, et même si les personnages présentés jusqu’ici n’inspirent pas franchement l’enthousiasme (Taemar, qui semble tout droit sorti du moule générique des Space Marines du Chaos, sans aucun autre signe distinctif que son patronyme, et Garreon le Maître des Corps, ersatz d’Urien Rakarth en armure énergétique), c’est tout de même en eux que repose la meilleure chance de Cawkwell de rendre une copie convenable, la demoiselle ayant prouvé par le biais de Bitter End qu’elle était capable d’animer les sbires du maître du Maelstrom avec un certain succès.

Passons maintenant à l’opportunité la plus prometteuse de ce début de roman, dont la réalisation pourrait accoucher d’une œuvre sans pareille mesure avec le reste de la production littéraire de Sarah Cawkwell. Pour en venir directement au fait, je pense que si elle parvient à équilibrer son propos entre les forces en présence, qui ont toutes deux déjà été présentées comme les protagonistes de précédentes nouvelles (Primary Instinct, Action And Consequence, Cause And Effect pour les loyalistes et Bitter End pour les renégats), sans prendre parti pour un des camps, le résultat ne pourra être qu’intéressant, quand bien même le style et l’intrigue resteraient en deçà de ce que fait la concurrence. Ce canevas bipartite est certes difficile à mettre en place, et nécessite en particulier des personnages auquel le lecteur peut s’identifier chez les « gentils » comme chez les « méchants » (quand bien même une telle distinction ne tient plus si l’auteur fait bien son boulot), mais il présente l’intérêt de créer une tension narrative permanente, comme l’ont démontré Les Cavaliers de la Mort de Dan Abnett et Déluge d’Acier de Graham McNeill.

Au final, si ces quelques pages n’ont pas éveillé en moi le besoin pressant de connaître la suite du roman, je suis bien incapable de me prononcer sur la qualité de ce dernier. Et même si les probabilités penchent fortement en faveur d’un résultat médiocre (la côte, à date, reste de 1 nouvelle potable pour 3 mauvaises), je suis tout prêt à laisser à Miss Cawkwell une nouvelle chance de les faire mentir. On n’est plus à ça près.

Phalanx – ch. 13 & 14 – B. Counter [40K] :

PhalanxEt nous y voilà enfin. Après onze numéros et douze chapitres à suivre les tribulations des Soul Drinkers et de leurs geoliers à l’intérieur de Phalanx, voici que se profile à l’horizon la conclusion du dernier roman de la série de Ben Counter. Qu’on aime ou pas cette dernière, ce n’est pas sans un petit pincement au cœur qu’on la laissera derrière soi, une fois la dernière page lue. Mais trêve de pleurnicheries précoces, il reste encore deux chapitres à disséquer.

À propos de chapitre, celui des Soul Drinkers a fondu comme neige au soleil au cours des pages, si bien que des 70 évadés des geôles du Phalanx ne restent plus que Sarpedon, Pallas, Graevus et Luko. S’il est entendu que le premier a personnellement trucidé la vingtaine de Marines qui formaient la garde personnelle d’Iktinos, Counter ne donne aucune explication quant à la disparition de la petite cinquantaine de Soul Drinkers encore loyaux à leur commandant. Mettons-la sur le compte des démons d’Abraxes et tenons-nous en là, mais tout de même mon petit Ben, tu aurais pu tenir tes comptes un peu plus sérieusement.
Si je n’ai pas compté le Chapelain renégat parmi les Soul Drinkers survivants, c’est parce que le pauvre Iktinos tombait désormais sous la coupe de la loi Leonetti : brûlé au douzième degré et psychiquement lobotomisé par les bons soins de Sarpedon, le bras droit de Daenyathos n’était plus qu’une coquille vide et fumante de Space Marines, que son adversaire éjecte du Phalanx par un sas de décompression. Ainsi disparaît Iktinos, fils d’on ne sait pas trop qui.

Un peu plus loin, le reste du chapitre, accompagné par une escouade d’Imperial Fists, l’Archiviste Varnica et cette bonne vieille Aescarion s’engage avec prudence sur le Chemin des Égarés, sorte de boyau dérobé au sol jonché de vieux appareils de torture (ça doit être l’équivalent des mouchoirs que l’on retrouve sous le matelas des ados pour ces grands malades de Fists). L’endroit ayant un passé assez chargé en matière de sévices en tous genres, l’arrivée d’Abraxes et de ses larbins a provoqué l’apparition de spectres pas très jouasses, en particulier un certain « Vizir » serpentin, qui ne trouve rien de plus marrant que de posséder le premier Marine qui lui tombe sous la griffe, jusqu’à Varnica ne le boute hors de son nouvel hôte (opa Gandalf style). Cette péripétie mineure ne ralentit pas notre fine équipe, qui avance laborieusement dans les entrailles du Phalanx comme Rogal Dorn lui-même put le faire dix mille ans plus tôt à bord du Vengeful Spirit à la fin du siège de Terra ! Cette analogie ne réussit cependant pas des masses aux Imperial Fists, qui, en tant que PNN (personnages non nommés) sont les premiers à se faire boulotter par les créatures farceuses qui peuplent l’endroit. Le point d’orgue de cette odyssée en sous-sol est atteint lorsque tout ce petit monde atteint le Panpsychicon, l’équivalent futuriste et hautement perfectionné de la méthode Ludovico d’Orange Mécanique, conçu pour faire se mettre à table les psykers récalcitrants. Lorsque la machine se met en marche et commence à brainwasher le capitaine Luko, Counter peut se livrer à un exercice dans lequel il excelle, mais auquel il ne s’adonne malheureusement que trop rarement : le délire onirico-apocalyptique. Ceux qui ont eu l’occasion de lire le dernier volet de la trilogie Grey Knights, Hammer of Daemons, peuvent témoigner de la maestria avec laquelle Ben est capable de dépeindre les visions enfiévrées induites par le Warp, et regretteront avec moi la parcimonie avec laquelle il use de ce talent remarquable.

Toujours est-il qu’après avoir rebooté la machine infernale à coups de hache énergétique, la poignée de survivants finit par arriver devant son objectif final : le portail par lequel les démons ont débarqué sur le Phalanx. Pas de bol, Abraxes en personne les attend pour une partie de ping pong, au cours de laquelle il fend en deux le pauvre Apothicaire Pallas d’un revers slicé mal ajusté. Ainsi disparaît Pallas, fils de on ne sait pas trop qui. La mêlée confuse qui s’engage donne l’occasion à Reinez de refaire son apparition, juste au bon moment car Varnica réalise – un peu tard – qu’il ne pourra pas fermer le portail sans utiliser du sang de Rogal Dorn, ou à défaut, celui d’un de ses descendants. L’escouade d’Imperial Fists accompagnant l’expédition ayant depuis longtemps rejointe la droite de l’Empereur, c’est Reinez qui donne de sa personne pour tarir le flux démoniaque, s’offrant du même coup une sortie de scène digne du héros altruiste qu’il n’a jamais été dans les bouquins*. À la suite de péripéties martiales rigolotes dont je vous passe le détail, Abraxes finit coupé en deux par son propre portail, ce qui permet à Vladimir, Lysander et au reste des Space Marines du Phalanx de concasser l’ost démoniaque sans trop de problèmes. Au moment des retrouvailles, Luko et Graevus préfèrent s’exiler dans le Warp plutôt que de regagner les cellules du Phalanx, et passent donc le portail clopin-clopant sous le regard bienveillant de Lysander**. Ainsi disparaissent Luko et Graevus, fils d’on ne sait pas trop qui.

Et Sarpedon dans tout ça, me demanderez-vous ? Et bien notre Spiderman en armure énergétique reparaît peu de temps après, considérablement amoché par le combat qu’il a livré à Daenyathos, mais victorieux et traînant derrière lui le corps atrophié de son ennemi (qui semble pouvoir survivre hors de son caisson sans trop de problèmes). Comme lui non plus n’a pas franchement envie de retourner en tôle, il ré-ouvre le portail d’Abraxes*** par la seule force de son esprit et le franchit en criant quelque chose comme « Hasta la vista baby », au nez et à la barbe de Vladimir et de ses larbins. Ainsi disparaissent Sarpedon et Daenyathos, fils d’on ne sait pas trop qui, et avec eux le chapitre des Soul Drinkers. Émotion.

Voilà donc qui conclut le roman Phalanx ainsi que la saga Soul Drinkers. En dépit de toutes les piques que j’ai pu décocher à Ben Counter au cours des chroniques précédentes, je dois avouer que le gaillard a su s’y prendre pour dérouler son histoire, et que cette dernière était d’assez bonne facture (en particulier le dernier chapitre, à forte tendance lacrymale, si tant est qu’on ait suivi l’épopée de Sarpedon et de ses potes depuis le début), malgré les nombreuses incohérences ou bizarreries égayant ses pages. L’avenir dira si le duo Abnett-Vincent réussira à livrer un feuilleton d’un niveau au moins égal à celui proposé par Counter au cours de la première année de Hammer & Bolter. Rendez-vous au prochain numéro pour avoir des nouvelles de ce vieux Gilead.

*: Je vous entends vous demander si Varnica n’aurait pas pu fermer le portail avec une petite quantité de sang et laisser Reinez en vie pour l’aider à poutrer Abraxes. La réponse est non : quand un Astartes donne son sang, c’est forcément au minimum trente litres.
**: Pour des Space Marines se déclarant fidèles à l’Empereur, c’est quand même vachement culotté d’aller prendre sa retraite sur un monde démon. Enfin, ce que j’en dit…
***: Nécessité faisant loi, Counter déclare par la bouche de son héros que le sang de Rogal Dorn coule dans les veines de ceux qui se battent pour les mêmes causes que lui, ce qui lui permet d’ouvrir le portail d’Abraxes sans problème. Moui. Philosophiquement, c’est défendable, scientifiquement, c’est abominable, mais c’était ça ou dépasser le maximum de pages imparti par la BL, alors…

Au final, ce douzième numéro de Hammer & Bolter est certainement le plus dispensable du lot. La prose de Sarah Cawkwell a beau montrer des signes d’amélioration, ses deux soumissions demeurent largement en dessous de ce qui ce fait de mieux au sein de la Black Library, et ne devraient donc intéresser que les fans de la demoiselle (s’il y en a) et/ou les aficionados des Red Corsairs (je reste fermement convaincu que la seule personne passionnée par le background des Silver Skulls à l’échelle de l’univers est Sarah Cawkwell). La nouvelle de Gav Thorpe n’est guère plus attrayante, même si le fluffiste de l’extrême pourra y grappiller quelques détails sur Aenarion et ses suivants. Quant à la conclusion du Phalanx, elle ne fera sens que pour les lecteurs ayant suivi le roman depuis le début. En clair, si vous voulez tester Hammer & Bolter, optez plutôt pour un autre numéro, celui-ci ayant toutes les chances de vous décevoir.

HAMMER AND BOLTER [N°3]

All right guys,on passe au n°3 de la série (à ce rythme là, j’aurais peut-être rattrapé mon retard avant la sortie du livre d’armées Fimirs). L’illustration badass et sans-aucun-rapport-avec-le-contenu de rigueur (car Kurt a autre chose à faire que raconter sa vie aux grouillots de la BL, non mais):

Je profite de ce message pour vous informer que la BL va très prochainement sortir une anthologie des meilleurs nouvelles publiées dans les 10 premiers numéros de Hammer and Bolter. En fait, les gars sont en retard sur leur planning, puisque la date de sortie annoncée était Juillet 2011 (mais tout le monde à le droit à des vacances). Je n’en sais pas plus, mis à part que le prix de ce « best of » devrait frôler les 16 euros (donc autant que 4 numéros). Étant donné que je ne les vois pas inclure le roman de Counter (Phalanx, pour les nouveaux et ceux qui ne veulent même plus suivre) et tous les autres extraits de bouquins mis exprès pour appâter le chaland dans ce qui se veut être un recueil de nouvelles, j’ai des gros doutes sur la qualité de l’ouvrage. Sur les 3 numéros lus pour le moment par votre très humble et très inconsistant serviteur, il doit en effet y avoir 4 textes valant leur poids en papier, pas plus. Ma bon, nous verrons (comptez pas sur moi pour acheter le truc et faire une revue though).

Deuxième point de ce propos préliminaire, l’interview du mois est (était…) consacrée à ‘ti jeune prometteur au nom impossible à correctement orthographier sans faire un tour sur le site de la BI (ce qui en soit, est déjà une raison suffisante à embaucher à mec à écrire des romans pour vous): Aaron Dembski-Bowden (ouais, un perfect!).

Je n’ai rien lu de lui pour le moment, mais rien qu’à la manière qu’il a de répondre aux interviews de la BL (qui sont tellement formatées qu’il est suggéré de les archiver dans le dossier « tentative de lavage de cerveau de l’interviewé et des éventuels lecteurs de ce truc infâme » que dans celui, pourtant assez vaste et inégal en qualité, du journalisme), je sais que le gars a du talent. Je conseille d’ailleurs à tous les anglophones qui liront ceci de faire un détour par l’entretien en 2 parties entre ADB et Dan Abnett, sans conteste la meilleure publication de la BL de l’année 2010.

Pour résumer, ABD est (était…) en train de bosser sur sa trilogie Night Lords, avant d’en commencer une autre, qui traitera des Chevaliers Gris. Reprendra-t-il le bon vieux Alaric là où Counter l’a laissé, c’est à dire dans un état de stase confortable (en terme de narration hein), ou bien préféra-t-il commencer une saga rien qu’à lui? Mystère et bâton de négation. À noter également qu’il aimerait bien s’occuper d’un des 4 gros (selon ses propres termes) que sont les Ultramarines, Space Wolves, Blood Angels et Dark Angels à un moment ou à un autre. Pas sûr qu’il y arrive tout de suite, chacun de ces chapitres étant la chasse gardée d’un auteur senior de la BL (McNeill, King, Swallow et Thorpe), mais je suis confiant sur le fait que Dembski-Bowden devienne à terme le nouveau Abnett de la maison, avec les libertés qui vont avec, donc ça reste une possibilité tout à fait envisageable amha.

The Long Games at Carcharias – R. Sanders [40K] :

The Long Games at CarchariasDéjà, j’aime bien le titre de la nouvelle, qui change agréablement des poncifs tellement évidents et med-fan approved qu’ils semblent automatiquement générés par un logiciel (du style « sélectionnez trois mots clés dans la liste suivante et obtenez un titre vaguement évocateur pour votre nouvelle vaguement lisible »). Comme j’ai décidé de décerner un prix au meilleur texte de chaque numéro dans mes deux précédentes revues, je vais continuer dans celle-ci en octroyant le précieux sésame à la nouvelle du petit Rob Sanders (que je confonds toujours avec Sandy Mitchell, va savoir pourquoi). Pourquoi me demanderez-vous? Eh bien tout d’abord que la concurrence n’est pas féroce féroce dans le dit numéro, mais aussi parce que Sanders réussit à faire d’une histoire de marounes quelque chose d’assez intéressant à lire. Et je précise qu’il s’agit d’une histoire de marounes engagés dans une lutte impitoyable sans merci contre un ennemi très méchant. Bref, pour les néophytes, je précise qu’il s’agit du niveau zéro d’une intrigue de la BL, tenant plus du SCS à bout de souffle tant il a été utilisé au fil des ans que du schéma narratif un (tout petit) peu original, ce qui ne fait que rendre la performance de Sanders plus admirable. Comment s’y prend-t-il donc

Premièrement, pour classique qu’elle soit, sa trame présente tout de même les héroïques marines sous un angle qui n’a pas été souvent exploré par les auteurs de la BL. Tiens, à ma connaissance, il n’y a qu’Abnett qui s’y est essayé, et encore, de manière détournée. On va dire que je suis pas objectif du tout, et c’est sans doute vrai, mais Dan a toujours eu le chic pour aborder les sujets les plus rabâchés de manière originale et intéressante pour le lecteur, aussi faire comme lui ne peut pas faire trop de mal à première vue.

Deuxièmement, Sanders réussit à garder le lecteur sous pression pendant la majeure partie de la nouvelle, ce dernier sachant pertinemment que quelque chose de pas jojo est en train de se dérouler, mais sans trop savoir quoi, ni à cause de qui.

Troisièmement, Rob va jusqu’au bout de son concept avec une froide efficacité et une absence de remords déplacés qui le mettent sur ce point au dessus d’Abnett (et oui encore lui). Ce que je veux dire, c’est que la chose que je trouve particulièrement horripilante chez papa Gaunt, c’est sa tendance à vouloir conserver ses héros envers et contre tout, les faisant souvent revenir d’entre les morts par le biais de justifications pas toujours fameuses. C’est particulièrement vrai pour les séries Gaunt, Eisenhorn et Ravenor, où les personnages principaux passent de plus en plus de temps à « mourir », pour revenir en force deux chapitres plus tard, ce qui à la longue, a exactement l’effet inverse de celui souhaité par l’auteur (c’est à dire renforcer la tension narrative et montrer au lecteur qu’il est prêt à sacrifier d’un coup des personnages qu’il a développé pendant des centaines de pages). Mais je digresse.

Pour en revenir au point que je voulais développer, Sanders ne fait pas de prisonnier, jamais. Avec lui, on ne meurt qu’une fois, n’en déplaise à Jambon, et la save-invu-à-2+-relançable-parce-que-je-suis-le-héros, tu peux te la carrer où je pense ma pauvre Lucette. Évidemment, on me dira que c’est bien plus facile d’être aussi intransigeant dans une nouvelle « one-shot » de cinquante pages qu’au douzième tome d’une série qui en compte des milliers, mais je suis persuadé que si c’était Abnett qui avait écrit la nouvelle, les divergences sur ce point auraient été importantes.

Quatrièmement, parce que Rob Sanders profite de sa nouvelle pour tacler sévèrement l’aura d’invincibilité des Space Marines, que la plupart des auteurs de la BL présentent des surhommes avec des surarmes et des surarmures, dotés d’une vision stratégique et tactique infiniment supérieure à celle des pauvres grouillots de la Garde Impériale, incapables de finir en dix ans et avec 95% de pertes une guerre qu’une seule escouade de marounes pourrait remporter entre le café et l’addition. Et pourquoi une telle supériorité? Entre toutes autres choses (ouais, il y a de Palmas à la radio), parce que les marsouins ont lu et compris le Codex Astartes, eux, et que comme Roboute était inspiré pendant la rédaction, il suffit de consulter le sommaire, trouver la bonne entrées et appliquer les conseils pour mettre une branlée à ceux d’en face. Simple en fait.

Ici, Sanders se fait un malin plaisir de remettre le saint bouquin à sa place, c’est à dire dans la bibliothèque personnelle des officiers Space Marines, bien en évidence histoire de faire intellectuel quand un inquisiteur se pointe, et c’est à peu près tout (quoique, je suis sûr que le truc doit être assez volumineux pour pouvoir caler un Dreadnought bancal). Dans la nouvelle en effet, le maître de Chapitre des Crimson Consuls (un certain Artegall) n’est semble-t-il pas foutu de prendre une seule décision stratégique sans se plonger dans son Codex, ce qui tranche assez nettement avec l’image d’autorité et d’expérience que Games Workshop a acollé à ce type de personnage. Là où ça se gâte, c’est que chaque choix d’Artegall mène à une nouvelle catastrophe… Alors soit Artie est une tanche (ce qui est possible), soit le Codex Astartes n’est pas la solution miracle à toutes les énigmes stratégiques (ce qui est encore plus possible, après tout, il ne suffit pas d’avoir lu Sun Tzu et von Clausewitz pour devenir un maître de guerre, ou d’avoir lu Jeff Leong pour gagner l’ETC).

Que les joueurs marounes rengainent leurs épées tronçonneuses (si tant est qu’une arme aussi subtile puisse être rengainée), Sanders tape également sur les ennemis de l’Imperium, en particulier les Red Corsairs (même si la critique est plus subtile cette fois-ci).

Bon, tout n’est pas rose non plus dans la prose de Mr Sanders. La principale chose que je lui reproche est l’aplomb tranquille et la facilité déconcertante avec lesquels le grand méchant déroule ses plans machiavéliques. Je ne veux pas spolier, mais dans le genre génie du mal, il se pose là le pépère. Passe qu’il soit suprêmement retors et intelligent, faire ce qu’il a réussi à faire tout seul dans son coin (en tout cas, c’est comme ça que Sanders présente la chose), ce n’est tout simplement pas possible, même dans un futur trotrodark.

Ce petit excès « too much » mis à part, Rob Sanders signe par The Long Games at Carcharias un travail de bonne qualité, qui donne envie de se pencher sur ses autres publications (Redemption Corps et Atlas Infernal, qui traitent respectivement de la Garde Impériale et de l’Inquisition).

Virtue’s Reward – D. Hinks [WFB] :

Pour faire simple, j’ai trouvé cette histoire affligeante, à égalité avec The Rat Catcher’s Tail (numéro 2). Darius Hinks est une nouvelle recrue de la BL, à la production déjà assez étoffée (Island of Blood, Warrior Priest, Razumov’s Tomb et Sigvald). Deux des bouquins cités ci-dessus étant toutefois de purs produits publicitaires (Island et Razumov’s, publiés pour accompagner respectivement la sortie de la boîte d’initiation du même nom et Tempête de Magie), je soupçonne que le bon Darius a été recruté plus en tant que yes man, capable de pondre une série Z en un temps record, plutôt que pour son talent d’écrivain.

Le lecteur suit donc les aventures de Virtue von Stahl, sans doute appelée de la sorte pour que Darius puisse se fendre du jeu de mots qui sert de titre à la nouvelle (hohoho), une novice de l’ordre des Sœurs de Sigmar. Comme on peut s’en douter, c’est donc Mordheim qui sert de décor à cette histoire, Virtue et ses deux acolytes étant chargées de ramener chacune un morceau de malepierre au couvent afin de devenir des membres à part entière de cette secte apocalyptique (et dire que la noblesse impériale se battait pour y envoyer ses filles…).

À ce stade, on se dit que même si Darius n’a pas une once d’originalité dans sa manière de narrer les péripéties de ses héroïnes, la cité des damnés suffira à elle seule à relever le goût insipide de la soupe qu’il nous sert, en ajoutant un peu de sa folie latente au bouillon de clichés que le chef Hinks nous a concocté. C’est vrai quoi, même sans jouer une partie pour se mettre dans l’ambiance, il suffit de survoler les illustrations magnifiquement dérangeantes de John Blanche émaillant le livre de règles pour que les idées jaillissent. Malheureusement, la seule chose que Darius semble avoir retenu du background de Mordheim, et encore de manière inconsciente, est qu’il est vain d’espérer que les choses s’améliorent dans cette ville maudite. Pour le lecteur, cela signifie que le niveau restera d’une stabilité remarquablement basse de la première à la dernière ligne, et donc qu’il s’ennuiera ferme en suivant Virtue et ses copines dans leur soirée d’enterrement de vie de jeunes filles (ou ce qui s’en rapproche le plus, étant donné le contexte). J’attends encore l’auteur qui me décrira la Mordheim baroque, glauque et flamboyante que je m’imagine, et je peux d’ores et déjà dire que cet auteur, ce ne sera pas Darius Hinks.
Voilà pour la touche Warhammer.

Si on se concentre à présent sur le schéma narratif et les relations entre personnages, les choses se corsent un peu plus: le premier est d’un simplisme primaire qui me fait suggérer que Darius Hinks n’avait en tout et pour tout qu’une idée à développer lors de sa nouvelle (elle servira de switch final pathétique), et qu’il a bien pataugé pour meubler les 30 pages entre le titre et cette apothéose douteuse. Les relations entre personnages (la nouvelle en compte trois principaux) sont tout aussi basiques, Darius ne trouvant rien de mieux que de nous resservir le triangle « héroïne trop bonne trop conne- amie option meatshield – rivale pouffiasse et fourbe ». Les personnages secondaires restent dans la même veine ultra conformiste, puisqu’on pourra également croiser un duo de ruffians convenablement couards, un chevalier bretonnien arrogant et son dévoué serviteur contrefait, ainsi qu’une mère supérieure à qui on ne la fait pas (Dumbledore like dans la relation avec l’héroïne).

Bref, une nouvelle fade et creuse, ce qui, compte tenu du background choisi (ou peut-être imposé de force, ça expliquerait des choses) par l’auteur, tient de la contreperformance la plus grandiose.

Phalanx – Ch.4 – B. Counter [40K] :

PhalanxAyant sans doute réalisé qu’il fallait mieux pour lui qu’il limite au maximum les passages « tribunal » de son roman, Counter consacre tout le chapitre à une longue digression se terminant comme il se doit par le cliffhanger de rigueur (pour relier à l’intrigue principale). On suit donc l’Archiviste Varnica et son escorte dans la cité de Berenika Altis, qui d’après les descriptions, était une cité ruche pour classes supérieures (tout est beau, propre et bien rangé). Était, car les 8 millions d’habitants de la ville se sont un jour réveillés avec des pulsions homicidaires apparemment extrêmement fortes, puisqu’ils ont réussi à tous s’entretuer en l’espace de quelques heures. Évidemment, ça fait pas très bien dans les rapports planétaires, et du coup les Doom Eagles sont dépêchés sur place pour mener l’enquête. Pourquoi des marines et pas un bon vieil inquisiteur me demanderez-vous? Eh bien parce que les Doom Eagles sont, dixit Counter « attirés par les catastrophes ». On comprend aussi qu’ils aiment se confronter à des mystères et résoudre des énigmes. C’est leur droit, cependant, vu la manière dont ils s’y prennent pour mener l’enquête, on se dit que le suspect a plutôt intérêt à porter une armure Terminator s’il veut ne serait-ce qu’espérer sortir vivant de son interpellation, puisque les Eagles ont une forte tendance à tirer d’abord et à poser les questions ensuite (un peu comme si l’Inspecteur Gadget avait des digilasers).

Autant le dire clairement, l’investigation selon Counter ressemble plus à Resident Evil qu’à L.A. Noire. D’abord parce qu’il n’y a aucun témoin à interroger (ils se sont vraiment tous entretués) -tant mieux ça ralentit pas l’action- , ensuite parce que les marines n’ont pas vraiment à chercher pour trouver où le grand méchant se cache -tant mieux ça ralentit pas l’action- , enfin parce que ce dernier n’est pas vraiment du genre à appeler son avocat (remarque, il aurait du mal à en trouver un de vivant dans le périmètre) et à plaider les circonstances atténuantes en espérant qu’un vice de forme lui permette d’obtenir un non-lieu. Pas que ça soit une brute épaisse le gars, d’ailleurs son truc à lui c’est plutôt l’écriture, mais on sent bien que Counter avait besoin de se calmer les nerfs après un chapitre entier à essayer de convertir des tueurs psychopathes de 2m50 en cour d’assises, et donc que de toute manière, il fallait que les bolts volent à un moment ou à un autre. Même si le style se fait plus fluide grâce à ce retour au fondamental, on n’échappe cependant pas à quelques détails saugrenus de ci de là (pas de spolier pour ceux qui voudraient lire le chapitre, mais que ces derniers se demandent après coup si autant d’encre était nécessaire).

Tout ça se termine, un peu abruptement il faut le reconnaître, par la réalisation de Varnica que les Soul Drinkers ont été manipulé par un puissant démon, qui s’est arrangé pour leur faire faire ses quatre volontés, alors que les braves Drinkers croyaient qu’ils accomplissaient la volonté de Pépé. C’est con hein? Pas sûr que l’excuse soit jugée acceptable par la bande de rigolos chargée du dossier, mais ça conforte un peu plus l’image de héros maudits des marines accusés.

Au final, un chapitre pas extraordinaire mais qui permet de remettre le roman sur les rails. J’avoue être assez curieux de lire la suite, même si je redoute que Counter alterne directement avec un nouveau passage « tribunal » (ou plutôt un passage « Ça se discute », vu la forte tendance des intervenants à vouloir s’étriper)… Mais bon, il faut bien rire de temps en temps.

Charandis – B. McCallum [WFB] :

On termine avec un concept que je trouve personnellement intéressant, et dont j’espère qu’il sera repris par la suite par d’autres auteurs de la BL, à savoir utiliser le format de la nouvelle pour apporter des éclaircissements sur certains passages du fluff survolés dans les Livres d’Armée, et qui pourtant mériteraient d’être narrés avec un peu plus de précision. Ici, comme les joueurs Hauts-Elfes l’auront compris, Ben McCallum a choisi de nous faire revivre les dernières heures de Charandis, qui n’est autre (pour les non-joueurs Hauts Elfes) que le gigantesque Lion Blanc de Chrace tué par Korhil (et dont la fourrure est toujours portée par ce dernier).

Je trouve l’idée générale assez fantastique, puisqu’elle permet aux auteurs de faire ce qu’ils rêvent tous de faire, c’est à dire laisser leur patte sur l’historique de Warhammer et de 40K, en rajoutant deux trois éléments à l’histoire officielle; et qu’elle permet aux lecteurs d’évoluer en territoire connu et de « côtoyer » les pointures de ces deux univers. L’aspect volontairement court de la nouvelle permet en outre de se concentrer sur des points de détail historiques, qui n’auraient pas tenu la longueur dans le cadre d’un roman: pour reprendre l’exemple de Charandis et de Korhil, je suis convaincu que les 50 pages sur lesquelles s’étendent le récit suffisent largement à vider le sujet de sa substance. En faire plus aurait nécessité de diluer les informations données dans l’historique, ou de rajouter des péripéties non couvertes par ce dernier, ce qui n’aurait à mon sens pas apporté grand chose.

L’histoire en elle-même me laisse plus partagé. Je ne connaissais pas Ben McCallum auparavant, et il s’agit a priori de sa première publication pour la BL. Comparé aux autres « hot new talents », comme le premier numéro présentait les nouveaux poulains de l’écurie, je le place en tête de classe, devant Cawkwell, Ford et Hinks. Même s’il sombre à deux reprises dans la facilité et l’archiconformisme (Charandis met en pièces un groupe de nobliaux elfiques bien évidemment totalement convaincus de leur supériorité sur ce qu’ils considèrent comme un simple animal… et pourtant les « péquenots » du coin les avaient bien prévenus… j’ai envie de barrer tout le passage et d’écrire en gros « CLICHÉÉÉÉ! » à côté*), McCallum ose le schéma narratif binaire (on suit la moitié de l’histoire avec les yeux de Charandis et l’autre avec ceux de Korhil), bien qu’il se prenne les pieds dans le tapis à un endroit, ce qui a pour effet de « créer » une sorte de personnage fantomatique aux côtés de Korhil (à moins que ce dernier ne trouve malin de parler de lui à la troisième personne… c’est un Haut Elfe après tout).

Tous les passages « léonins » se révèlent ainsi très agréables à lire, l’auteur parvenant bien à retranscrire l’agonie vécue par son personnage alors que le Chaos le contamine de plus en plus profondément. Autre point fort: la personnalité de Korhil, qui, loin d’être dépeint comme un modèle de vertu et de bravoure désintéressée, est plutôt décrit comme dévoré par l’ambition et pas vraiment altruiste. S’il veut tuer Charandis, ce n’est pas tant pour mettre fin à ses souffrances ou pour venger la mort des elfes tués par ce dernier, mais avant tout pour rejoindre les Lions Blancs et montrer à ces derniers que c’est lui qui a la plus grosse queue… de lion. Bref, le Korhil de McCallum n’est pas un héros immaculé, et c’est plutôt une bonne surprise.

À côté de ça, Ben a encore à apprendre comment réduire au minimum syndical toutes les formalités narratives (c’est à dire les passages que l’auteur se doit de détailler un minimum pour ne pas perdre le lecteur, mais dans lesquels il ne se passe absolument rien d’intéressant), la traque de Korhil jusqu’au repère de Charandis étant symptomatique de ce travers. Ah, et la manière dont le chasseur arrive à se débarrasser de sa proie est également assez singulière et pas franchement réaliste (ou alors le gars Korhil a 27 de CT, auquel cas il a raté sa vocation). Ces points litigieux mis de côté, Ben fait convenablement son job en remplissant le blanc de la carte avec sérieux et précision, les petites touches de fluff personnelles qu’il distille apportant en outre un peu plus de profondeur au personnage jusque là assez plat de Korhil. Vous l’aurez compris, j’ai globalement aimé cette nouvelle, à la fois à cause de son concept et du style de Ben McCallum, qui sans casser trois pattes à un canard (du Chaos), se laisse tout à fait lire.

*: je vous laisse trouver quel est le deuxième passage incriminé (un indice, il met en scène une forêt trop trop sombre et mystérieuse et effrayante, une gourdasse d’elfe citadine partie en balade sans son GPS, son fils « très-très-mature-pour-son âge-c’est-tout-à-fait-le-portrait-de-son-père », et un lion affamé)

En conclusion, on a donc là un numéro nettement meilleur que le précédent, porté par le bon travail de Sanders et, dans une moindre mesure, de McCallum. Counter réussit à réhausser son niveau (pas très dur au vu du chapitre 3) mais reste en mode écriture automatique, on verra bien ce que ça donne par la suite. Reste Hinks, dont la nouvelle insipide vient quelque peu gâcher la bonne impression globale. Dommage.

HAMMER AND BOLTER [N°2]

C’est parti pour une petite revue du numéro 2 de Hammer and Bolter(l’avantage avec ce genre de lecture, c’est que ça ne prend pas des plombes à finir).
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Première chose à relever (et pas en bien): la réduction drastique du contenu. Je veux bien que le numéro ouno soit un peu à part par rapport à la suite pour allécher le chaland, mais là c’est vraiment brutal. On passe ainsi de 7 nouvelles/extraits (6 si on comptabilise ensemble les deux chapitres de Phalanx) à… 4. Évidemment, le prix est resté le même. Au final, on ne peut s’empêcher de penser à tous les magazines proposant d’apprendre le macramé, de collectionner les véhicules de combat de 12ème guerre mondiale ou de construire une maquette de plateau à fromage à l’échelle 1/72ème, même si au lieu de multiplier le prix par deux entre le premier et le second numéro, les éditeurs de la BL aient préféré diviser le contenu par deux. Pas franchement top.

Tant qu’on est dans la partie « remarque annexe », autant mentionner tout de suite la nouvelle nano interview (enfin nouvelle…) de cette édition. Cette fois, c’est James Swallow qui s’y colle (c’est vraiment un numéro pourri!). La(es) mauvaise(s) nouvelle(s), c’est qu’il est officiellement devenu le Mr Blood Angels de la BL (comprendre que c’est lui qui écrira les romans BA de l’Hérésie d’Horus… tout d’un coup, on comprend mieux pourquoi ils ont tendance à devenir psychotiques) et qu’il est également sur le point de devenir le Mr Soeurs de Bataille (il bosse sur Hammer and Anvil, qui sortira en décembre). La bonne nouvelle, c’est qu’il a des projets en cours pour d’autres maisons d’édition (et donc qu’il ne pourrira pas le background de 40K à temps plein). On se console comme on peut.

The Dark Path – G. Thorpe [WFB] :

C’est officiel, Gavin est maintenant devenu un elfidolâtre (ce qui constitue une déchéance totale pour lui, qui ne jurait que par les nains quand il était encore « le mec contre qui sont testées les nouvelles armées pour prouver à quel point elles retournent ta grand-mère » du White Dwarf). C’est bizarre d’ailleurs, puisque lors de sa période Dawi, il était glabre, mince et avec des cheveux longs (nom de code à Karaz A Karak : Thorgav Tarlouzesson) et que maintenant qu’il préfère jouer de la harpe dans la forêt que se dialyser à la bière, il s’est coupé les cheveux, fortement empâté et porte la barbe (nom de code à Lothern : Gahorvin Ami des Sangliers)… Mais bref, passons à l’histoire proprement dite.

Pour faire court (on restera dans l’esprit du numéro) sans spolier outre que nécessaire, des fois que certain(e)s aient envie de lire la nouvelle, cette dernière suit les relations difficiles qu’entretiennent un grand-père et son petit fils, sur fond de guerre civile avec les Elfes Noirs (ça se passe sous le règne de Caledor Zefeurst).

Présenté sous cet angle, ça en devient presque intéressant non? On en vient à espérer une exploration subtile de la psyché elfique, une réflexion un brin articulée sur le paradoxe d’être quasi immortel mais de voir la nouvelle génération pousser derrière pour prendre la place, une tentative de décrire autre chose que les « actions-tellement-importantes-qu’elles-changeront-la-face-du-monde-pour-les-millénaires-à-venir » d’êtres « tellement-nobles-mais-tellement-torturés-par-le-poids-de-leurs-responsabilités-que-choisir-entre des-pâtes-ou-du-riz-à-midi-risque-de-provoquer-la-fin-de-la-civilisation-elfique »… Oui mais non, parce que c’est Gawin qui raconte, et que les histoires où la survie de l’univers n’est pas en jeu, ça l’intéresse pas Gawin (en même temps, quand on écrit des romans sur Aenarion et Malekith, alias Roxortarace & Fils, c’est dur de rester simple).

Bref, la nouvelle suit les relations difficiles qu’entretiennent un grand-père et son petit fils, sur fond de guerre civile avec les Elfes Noirs, sauf que le grand-père en question est le plus puissant mage de Saphery (donc d’Ulthuan, donc du monde) et que le petit-fils est son élève le plus prometteur. À partir de là, il suffit de dire que le petit-fils en question a tendance à flirter avec le côté obscur de la magie plutôt qu’à demander un pégase pour ses 80 ans (comme les jeunes de son âge quoi), et tout s’enchaîne avec une sérénité pachydermique, que Gav essaie tant bien que mal de nous refourguer sous l’étiquette du TGCDE (« ta gueule, c’est des elfes », sous entendu : c’est normal qu’ils en fassent des caisses). Voilà pour le fond.

La forme, par contre, est agréable. On peut penser ce qu’on veut des talents de scénariste de Thorpe, mais le bonhomme n’en est pas à sa première histoire et il connaît bien son sujet (il a été « Maître du Background » après tout… ouais, je sais, il faut bien trouver des raisons de continuer à payer des types qu’on ne veut pas voir débarquer aux Prud’hommes). De plus, les hauts elfes avec leur lourd passif de « grandeur, noblesse et fatalité », correspondent bien au style rococo de Gawin, ce qui aide à faire passer la pilule. On continue donc à lire jusqu’au bout sans céder totalement à l’ennui, en attendant patiemment la conclusion inévitable de la nouvelle. Il est à noter que même le (minuscule) switch final est annoncé à grands coups de clairons par Mr Thorpe au cours du récit (pour être plus explicite que ça, il aurait fallu qu’il souligne), ce qui enlève la moindre petite surprise, non seulement au dénouement de « l’intrigue » (on sait qui va gagner) mais également à l’ultime péripétie (on sait comment le gagnant va gagner).

Au final, une nouvelle fast food : c’est bon au goût mais dépêche toi de manger avant que ça refroidisse et ne pose pas de questions sur la composition.

Exhumed – S. Parker [40K] :

ExhumedParker, c’est le gars qui a écrit Rynn’s World (Le Monde de Rynn en VF), qui a été critiqué ici. Je n’ai pas lu le roman en question, mais je fais confiance au gars Fiasco, qui avait bien aimé (et il n’avait pas été le seul). Je dois dire que ma première expérience avec Mr Parker va dans le sens du courant, car il s’agit (pour moi) de la meilleure nouvelle du numéro.

De quoi ça parle? Au début, on ne sait pas trop, puisque Parker, en plus de copier le look Abnett (crâne rasé, moustache et bouc… d’ailleurs il n’est pas le seul : Mike Lee et Aaron Dembski-Bowden font également partie de la secte -le pire c’est qu’ils sont loin d’être les pires auteurs de la BL-), copie aussi sa manière de raconter des histoires. À savoir, usage éhonté de mini Mac Guffins narratifs pour installer l’ambiance et présenter l’intrigue avant de passer aux choses sérieuses. Pour le coup, on se coltine les états d’âme d’un docker de spatioport, qui voit débarquer un Thunderhawk de la Deathwatch dans sa routine quotidienne. Une fois les marins débarqués (hoho), on apprend que la fine équipe a été appelée pour superviser l’exhumation d’un mystérieux artefact (comment ça, pléonasme?), enterré des millénaires plus tôt par une colonie d’Exodites…

Bon, marounes + artefact mystérieux = baston, tout le monde sait ça (en même temps, marounes + balai à chiottes = baston aussi, à tel point que l’équation peut se simplifier en marounes = baston), donc pas de surprise là-dessus. Comme il s’agit de la meilleure nouvelle du lot, je ne dirais pas contre qui la Deathwatch se bat, ça vous fera la surprise.

L’habileté de Parker, et ce qui permet à son travail de susciter l’attention du lecteur (qui après s’être coltiné la barbapapa de Gawin, aimerait bien quelque chose de moins sucré et de plus consistant), est de donner au public ce qu’il cherche, c’est à dire des infos sur ce qui distingue la Deathwatch des autres Astartes. Car si on s’attarde un quart de micro-seconde sur le fluff de la chambre militante de l’Ordo Xenos, on s’aperçoit qu’il s’agit du « chapitre » ayant le plus gros potentiel au niveau du story-telling. En effet, qui n’a jamais rêvé de voir un Loulou débraillé, un BA narcissique, un Ultra formaté par son Codex, un BT complètement fanatique et un DA jovial comme une porte de prison combattre côte à côte les ennemis de l’Imperium (ailleurs que lors d’évènements cataclysmiquement grotesques, du style les Guerres d’Armaggedon ou la campagne de Medusa V)? Là c’est possible, et même mieux que ça, c’est plausible, donc c’est glop.

Évidemment, ce qu’on attend de ce genre d’alliance pas vraiment contractée de plein gré, c’est de voir les héros utiliser les techniques particulières à leur chapitre pour foutre la pâtée aux nonos, et ça Parker l’a bien compris : le combat qui occupe un bon tiers de la nouvelle est en conséquence très peu « Codex Approved » (ce qui fait bien ch*** l’Ultramarine de la bande, c’est drôle), tout le monde fonçant dans le tas avec son arme favorite pour montrer aux extraterrestres qui c’est qui a la plus grosse. En d’autres terme, Parker répond à la question « comment des Marines venant de chapitres différents font-ils pour combattre comme une escouade cohérente? » par un net et brutal « qui a dit qu’ils le devraient? ». D’ailleurs, même le terme d’escouade ne convient pas tout à fait, au vu de l’équipement d’un des membres de la Deathwatch. On aime ou pas, mais ça permet de réfléchir au problème, et c’est déjà pas mal.

L’auteur répond ainsi à quelques questions que l’on ne se pose jamais au sujet de la Deathwatch (en même temps, c’est pas le chapitre le plus populaire de la galaxie), mais qui sont assez intéressantes pour que le fluffiste qui veille en chacun de nous se rende que le gars Parker, il a pas mal de bonnes idées.

Forcément, tout n’est pas à garder non plus dans Exhumed (c’est une histoire de marounes après tout). Principaux points d’achoppement: une grosse « fausse surprise » tout à fait dispensable, qui aurait plus sa place dans Rox et Rouky que dans l’univers trotrodark de 40K; Parker n’a pas le style d’Abnett quand il s’agit de tourner de manière intéressante des passages sans aucune surprise pour le lecteur, mais qui doivent quand même être incorporés au récit; et la sorte d’épilogue final est tellement honteux dans le style « comment terminer une série B » que même Tarantino hésiterait à l’adapter sur grand écran. Et surtout, surtout, le petit Steve commet une erreur chronologique tout à fait monumentale (à côté de ça, Napoléon qui écrase Ramsès II à Azincourt, c’est une légère approximation)… ou alors ouvre toute grande une nouvelle porte fluffique, ce qui, compte tenu de son peu d’ancienneté et du format de publication, me paraît peu probable. C’est vrai quoi, on ne bat pas en brèche des années de background dans une nouvelle de 80 pages (non?).

Phalanx – Ch. 3 – B. Counter [40K] :

PhalanxDans la revue du premier numéro de Hammer and Bolter, j’avais dit qu’il était intéressant de voir des Marines faire autre chose que génocider leur prochain. J’avais horriblement tort. Je suis maintenant convaincu qu’un Marine, c’est une arme, une arme hyper efficace certes, mais rien d’autre qu’une arme, et que quiconque essaie de les faire interagir de manière autrement que superficielle dans n’importe quel autre domaine que celui du massacre de masse (ou l’organisation de massacres de masse, pour les Marines les plus intellos), est un dangereux malade. Merci Ben pour cette révélation.

Autant les deux premiers chapitres de Phalanx laissaient envisager un petit roman sympa, avec certes du fracassage à tous les étages, mais quelques bribes de fluff autour pour rehausser un peu le goût, autant le troisième donne envie que le vaisseau des Fists se fasse aborder par des World Eaters en goguette, histoire que le niveau remonte un peu. Car si Counter sait mettre en scène des combats de Marines, il ne sait mais alors absolument pas mettre en scène des Marines faisant autre chose. Le problème est que les Marines en question sont censés se constituer en tribunal, afin de juger les survivants d’un chapitre plus que borderline. Et là, c’est le festival de conneries, sans un moment de répit. En vrac:

– Les geôliers Imperial Fists, qui ne trouvent rien de plus malin pour faire revenir le calme parmi leurs prisonniers que de tirer des rafales de bolter dans le plafond de leur inestimable relique

– Counter nous informe que 300 (!) Marines sont réunis pour assister au jugement des Souls Drinkers… Sérieux, ils ont rien d’autre à f***** que de participer à un procès dont ils connaissent déjà tous le verdict? Et Ben d’enfoncer le clou en ajoutant à la phrase d’après que « la plupart des zones de guerre de l’Imperium n’avaient jamais accueilli un rassemblement si important de Space Marines, mais ces Astartes n’étaient pas là pour se battre. Ils étaient là pour que justice soit rendue »… Comme justification bidon, ça se pose là. J’espère que la XIVème Croisade Noire ne tombera au même moment que le procès en appel des Relictors, sinon Pépé est cuit.

– Les descriptions de certains des marines présents à bord du Phalanx tournent au grotesque tellement Counter souhaite mettre en exergue les spécificités de chaque chapitre par rapport aux autres. La médaille d’or va au capitaine Angels Sanguine, qui emporte partout avec lui sa collection de masques mortuaires, chacun arborant une expression différente pour qu’il puisse choisir le bon en fonction des évènements… Il aurait mieux fait d’imprimer des smileys en grand format, de mettre une ficelle derrière et de découper des trous pour les yeux (c’est comme ça que je me le représente maintenant en tout cas). Donc pour l’occasion, il doit ressembler à peu près à ça : 😦

– Et pour finir, le début du procès en lui-même est ridicule, mais pouvait-il en être autrement? Demander à des surhommes totalement endoctrinés à haïr le Chaos de faire preuve de compréhension envers un marine à moitié arachnoïde, il n’y a que les Fists et leur penchant avéré pour le masochisme qui pouvaient faire ça. Pas besoin de dire que ça part en sucette dès l’ouverture, la moitié des intervenants terminant leur réquisitoire par « je vais me le faire tout de suite cet enfoiré », obligeant Lysander (le service d’ordre à lui tout seul) à courir dans tous les sens pour calmer les plus excités. Il faut dire que Pugh (le maître de chapitre des Fists, et donc le juge du procès) a trouvé intelligent de confier le rôle de procureur à un Crimson Fists clodo complètement berserk…

Au final, on en vient à souhaiter que l’évasion des Souls Drinkers (car évasion il y aura, même Lion El Jonson pourrait s’en douter) arrive au plus tôt, afin que Counter puisse se consacrer à ce qu’il sait faire de mieux : les récits de combat. Mais bon, il faut bien rigoler de temps en temps.

The Rat Catcher’s Tail – R. Ford [WFB] :

Dernière nouvelle du lot, l’histoire que nous propose Richard Ford (un illustre inconnu… ou un pseudonyme) est tout simplement pénible.

Pénible car absolument creuse et écrite dans un style « Black Library Author » médiocre.
Pénible car sans aucune idée intéressante ou novatrice.
Pénible car respectant peu ou pas le fluff existant (et pas l’archéo fluff ni même celui développé dans d’autres bouquins de la BL, le fluff basique que l’on trouve dans les livres d’armées).
Pénible car Richard Ford à un humour de merde, au sens littéral.
Pénible car on a l’impression que l’auteur ne fait que meubler, même quand il s’agit de scènes d’action.
Pénible parce qu’affligée d’un schéma narratif si simpliste qu’on a l’impression de regarder un épisode de Scoubidou, avec des décors dessinés à la va vite qui ne font que défiler, défiler, défiler, sans rien apporter à l’histoire.
Pénible parce qu’on a l’impression que Ford nous prend pour les derniers des newbies, tous frais débarqués dans le hobby et ne se doutant absolument de rien (pas vraiment le public cible de ce genre de publication).
Pénible parce qu’on se rend compte après avoir fini la nouvelle que lire seulement le titre et faire quelques déductions de niveau grande section de maternelle aurait suffi à plier l’affaire, et qu’on a gaspillé un peu de notre précieux temps à espérer (en vain) que Ford fasse preuve d’un minimum de talent.

Bref, c’est nul-euh.

Pour les Imperial Fists parmi vous, voici quand même une petite introduction : Hugo-Kressler-est-un-marchand-de-Talabheim-qui-n’arrive-pas-à-dormir-à-cause-des-rats-qu’il-entend-courir-la-nuit-dans-sa-maison. S’en suit une aventure à la Looney Toons, le pôvre Hugo essayant de se débarrasser de son problème en utilisant des méthodes de plus en plus radicales, jusqu’à ce que, ô, retournement de situation aussi téléphoné qu’une boutique France Télécom, le véritable ennemi pointe le bout de ses moustaches (nan, à ce niveau là, c’est plus du spoiler). Le genre de lecture à conseiller à tous les écrivains de la section, afin qu’ils se rassurent sur leur propre niveau (si Richard Ford s’est fait publier, il est permis de rêver).

Terminons ici pour ce numéro, qui se révèle être de bien plus mauvaise facture que son prédecesseur, seule la nouvelle de Steve Parker venant quelque peu relever le niveau. Pour 4 euros, il y a beaucoup mieux à faire.